En matière de droit, la concomitance est rarement le fruit de coïncidences. L’adoption, à quelques mois d’intervalle, de législations linguistiques sensiblement concordantes dans différents pays d’Amérique latine relève ainsi d’un synchronisme qui doit peu au hasard.
Plusieurs États latino-américains ont en effet multiplié, ces toutes dernières années, les mesures visant à préserver les langues des populations amérindiennes vivant sur leur territoire – qu’il s’agisse d’accorder un statut officiel aux langues autochtones, de reconnaître des droits linguistiques à certaines communautés, de favoriser l’accès au droit en établissant une traduction officielle des textes juridiques fondamentaux, ou encore d’autoriser la diffusion des premiers médias radiophoniques, télévisuels et/ou électroniques en langues amérindiennes 1 . Si ces évolutions juridiques récentes n’ont pas miraculeusement levé la menace de disparition qui pèse sur les langues vernaculaires des communautés concernées, elles traduisent néanmoins un changement d’attitude des autorités publiques en faveur de la préservation, voire de la revalorisation des cultures autochtones. Suite à leur adoption, il paraît donc nécessaire de déterminer la portée réelle de ces différentes mesures, et de s’interroger sur les raisons probables de leur étonnante concordance.
À vrai dire, au regard de la situation des langues autochtones dans le monde, il était urgent d’agir. Dans son Atlas des langues du monde menacées de disparition 2 , l’UNESCO recense en effet près de 2 500 langues en péril à des degrés divers, dont 576 sont en situation critique (car comptant moins de 50 locuteurs), la quasi-totalité d’entre elles étant des langues autochtones 3 . De nombreuses langues amérindiennes ont disparu ou sont en voie de disparition, conséquence de la Conquête à partir du XVe siècle tout autant que des politiques d’assimilation qui se sont révélées dévastatrices pour les cultures autochtones 4 .
En soi, la disparition d’une langue est une catastrophe culturelle – mais la disparition des langues autochtones est d’autant plus funeste qu’elles représentent beaucoup plus qu’un moyen de communication. Ces langues sont centrales dans la détermination de l’identité de leurs locuteurs ; elles énoncent la conception spécifique qu’ont les peuples autochtones des rapports sociaux, de leur relation à l’environnement, à leur terre et au sacré 5 . Ces langues sont une clé d’accès à la mémoire et aux connaissances traditionnelles des peuples autochtones ; elles servent à la transmission intergénérationnelle de connaissances irremplaçables – notamment en matière d’environnement ou de maintien de la diversité biologique 6 . Par ailleurs, les normes coutumières des communautés autochtones sont souvent établies dans leur langue propre : en perdant leur idiome, les communautés concernées perdent également la compréhension des lois et du système de gouvernance qui garantissent leur survie collective. Dès lors, le lien entre la protection des droits linguistiques, la garantie du droit à la terre et la reconnaissance du droit des peuples autochtones à l’autodétermination paraît insécable 7 .
L’Amérique latine recense, pour sa part, plusieurs centaines de langues amérindiennes, regroupées en grandes familles : le nahuatl et les langues mayas en Amérique centrale, le quechua, l’aymara, le guarani en Amérique latine et, plus au sud, le mapuche 8 . Le nombre de locuteurs et le statut juridique de ces langues varient fortement selon l’idiome et l’État considérés. Les spécialistes recensent néanmoins quelques millions de locuteurs pour chacune de ces grandes familles linguistiques 9 .
En dépit du nombre important de locuteurs, ces langues sont légitimement considérées comme menacées, essentiellement pour deux raisons. En premier lieu, chacune de ces familles de langues est polydialectale, donc constituée de multiples variantes qui, souvent, ne permettent pas l’intercompréhension 10 . Ce n’est donc pas la famille linguistique dans son ensemble, mais bien chacun de ces dialectes qui doit être préservé dans un contexte local et national spécifique. En second lieu, chaque langue amérindienne se trouve, pour des motifs historiques et politiques qui lui sont propres, dans une situation de di- ou de multiglossie, c’est-à-dire dominée par une ou plusieurs autres langues (généralement l’espagnol). Dans ce contexte, les langues autochtones sont dépréciées et tenues pour inférieures – donc cantonnées au cadre privé, à l’oral, au folklore – tandis que l’espagnol est considéré comme la seule langue acceptable en contexte formel, à l’écrit ou pour certains usages culturels et littéraires 11 . Le taux de diglossie est variable selon les États mais les linguistiques n’hésitent pas à parler d’« apartheid linguistique » dans certains États, comme au Pérou, où la discrimination linguistique est encore largement perceptible et a miné la capacité des peuples autochtones de préserver et de renouveler leur culture 12 .
Pour autant, les politiques linguistiques latino-américaines ont sensiblement évolué ces dernières décennies 13 et les efforts se multiplient, à des degrés divers, pour désormais protéger, promouvoir, voire revivifier le patrimoine linguistique amérindien. Pour rendre compte de ce phénomène, les spécialistes utilisent le concept de « revitalisation linguistique » ; ce processus implique que l’usage d’une langue menacée soit restauré ou renforcé, de sorte que cette langue redevienne un véritable instrument de communication 14 . Cette évolution récente des politiques linguistiques n’est pas sans lien avec les revendications autochtones d’autodétermination et de récupération des terres ancestrales qui se sont radicalisées, ces dernières années, dans plusieurs pays latino-américains 15 ; de fait, la lutte des Amérindiens pour leur intégrité culturelle, politique et territoriale doit être envisagée comme un combat global. Plusieurs auteurs rattachent même ces réformes linguistiques aux expérimentations progressistes qui ont marqué le « laboratoire latino-américain » ces dernières années, impliquant de nombreux acteurs en résistance (indigènes, chômeurs, syndicalistes, féministes, etc.) et offrant de nouveaux espaces politiques pour l’expression et la participation des citoyens 16 .
Quelles que soient les raisons qui ont présidé à ce changement de paradigme socio-linguistique, ces réformes sont révélatrices de l’attention désormais portée par les États latino-américains à la préservation des langues parlées par une part minoritaire mais significative de leur population 17 . Elles marquent à l’évidence la volonté d’inscrire l’identité (les identités) de la société dans le droit, y compris au niveau constitutionnel. En ce sens, ces mesures sont révélatrices d’une redéfinition du pactum societatis fondé sur une meilleure reconnaissance des différences culturelles, identitaires, voire ethniques, qui traversent les populations nationales. Dans ce contexte, il semble intéressant de déterminer la portée effective des mécanismes de revitalisation des langues amérindiennes qui ont été adoptés ces toutes dernières années en Amérique latine, et de s’interroger sur la pertinence de ces mécanismes dans la redéfinition du lien entre les autorités publiques et les communautés amérindiennes. Si la situation particulière de chaque peuple autochtone et l’attitude spécifique de chaque État concerné impose de se garder de tout amalgame inapproprié, la concomitance et la similarité des mesures adoptées forcent néanmoins la comparaison : on ne peut que remarquer le mouvement concordant de ces États vers l’adoption de législations démotiques, favorables aux langues amérindiennes. Pour autant, l’observation de la pratique vient nuancer l’optimisme que l’on pourrait avoir face à ces évolutions récentes, dans la mesure où la mise en œuvre des droits linguistiques des Amérindiens demeure hésitante.
L’adoption récente de législations démotiques en Amérique du Sud
Le terme « démotique » qui manifeste, par sa racine grecque dêmos, le lien au peuple, relève à l’origine du domaine de la linguistique. Dans son sens premier, il s’applique en effet à la langue égyptienne, pour désigner la langue parlée et l’écriture simplifiée utilisées par le peuple, par opposition à l’écriture hiéroglyphique sacrée. Au début des années 2000, une partie de la doctrine juridique francophone s’est emparée de cet adjectif, créant ainsi les notions de « droit démotique » ou de « Constitution démotique 18 ». Si l’expression est encore trop peu utilisée pour que sa signification précise soit l’objet d’un consensus, elle semble désigner un corpus juridique prenant en compte la réalité identitaire de la population à laquelle il s’applique. Un droit démotique est donc un droit qui reflète l’identité – ou, le cas échéant, les identités – de la population nationale, en reconnaissant notamment sa diversité linguistique, religieuse, culturelle ou ethnique 19 . Concrètement, il s’agit d’inscrire dans l’ordre juridique national le statut des minorités, des peuples autochtones, des communautés linguistiques et religieuses, en somme de déterminer le statut des identités collectives et d’adapter le droit de l’État (et/ou son organisation institutionnelle) à la diversité revendiquée de sa population 20 . En ce sens, la démotique constituerait une voie d’adaptation et de renouvellement du droit national dans les États pluriculturels, à l’exemple des États latino-américains.
Les évolutions juridiques dont il est ici question relèvent manifestement d’une approche démotique, dans la mesure où elles accordent un véritable statut aux langues amérindiennes et de véritables droits à leurs locuteurs. Le fait que cette problématique démotique ait traversé l’ensemble du continent sud-américain – voire la plupart des États abritant des populations autochtones – pourrait s’expliquer par l’influence du droit international sur l’évolution de ces législations linguistiques.
A. La multiplication des législations favorables aux langues amérindiennes
La comparaison des différentes législations linguistiques adoptées par les États latino-américains ces dernières années conduit à observer que les mécanismes de revitalisation développés en faveur des langues amérindiennes sont sensiblement similaires.
Les premiers relèvent de l’aménagement linguistique 21 et visent soit à déterminer le statut de ces langues dans l’État en les reconnaissant comme langues officielles, nationales ou régionales, soit à réglementer leur pratique par la création d’académies dédiées. Ainsi, plusieurs Constitutions latino-américaines accordent aux langues amérindiennes le statut de langues officielles, au même titre que l’espagnol ou le castillan 22 . Parmi ces textes fondamentaux, la Constitution bolivienne de 2009 qui instaure un « État de droit unitaire plurinational communautaire » est sans conteste la plus novatrice en la matière : elle officialise en effet, aux côtés du castillan, les trente-cinq « langues des nations et des peuples indigènes d’origine paysanne » parlées en Bolivie 23 . Plusieurs États ont également créé des organismes officiels chargés de normaliser les langues amérindiennes, dans le but de les préserver 24 . Ces réformes assurent aux langues autochtones une reconnaissance juridique et constituent, en tant que telles, une avancée réelle. Pour autant, elles ont en pratique des effets limités : l’officialisation d’une langue ne garantit pas nécessairement que des droits corrélatifs soient reconnus à ses locuteurs. Elle ne les prémunit pas non plus contre d’éventuels projets d’harmonisation, voire d’uniformisation de la langue politique ou administrative de l’État. À cet égard, la normalisation des langues amérindiennes par le truchement d’académies officielles pourrait même s’avérer dommageable pour les langues concernées, dans la mesure où elle suppose un certain contrôle du devenir de ces langues par les autorités publiques.
Pour dépasser les limites inhérentes à l’aménagement linguistique, la plupart des États latino-américains ont accompagné ces premières mesures d’une politique de reconnaissance ou de renforcement des droits linguistiques : il ne s’agit plus ici d’accorder un statut à une langue, mais de garantir des droits à des individus. Ainsi, la plupart des législations nationales proclame un ensemble de droits linguistiques au bénéfice des Amérindiens, notamment le droit de pratiquer librement leur langue maternelle, d’être protégé contre toute discrimination fondée sur la langue, ou de recevoir un enseignement à différents niveaux dans leur langue maternelle 25 . Ces droits semblent ainsi être devenus des standards en matière de droits linguistiques – avec la réserve que l’enseignement en langue autochtone n’est pas toujours reconnu comme obligatoire. Si le Chili, l’Équateur et le Brésil restent à la traîne de ce processus de reconnaissance des droits linguistiques autochtones, la Bolivie, la Colombie, le Paraguay et le Pérou ont en revanche fait preuve d’initiatives en la matière, en adoptant ces dernières années des législations visant clairement – tout au moins dans les textes – à la revitalisation des langues amérindiennes 26 . La Bolivie peut, ici encore, être citée à titre d’exemple : la loi n° 269 du 2 août 2012 sur les droits et les politiques linguistiques affirme un ensemble de droits
« destinés à corriger les déséquilibres linguistiques de manière à assurer le développement des langues officielles de l’État plurinational de Bolivie, dans l’objectif d’arriver à une paix linguistique, juste et équitable » (art.4).
Les droits reconnus sont particulièrement étendus, incluant le libre usage des langues amérindiennes dans les lieux privés comme publics, l’accès au droit, à la justice et aux services publics dans chacune des 36 langues officielles, la participation des peuples autochtones à l’élaboration des politiques linguistiques ou encore le droit de créer et d’avoir accès à des médias en langues autochtones.
Ce tout dernier point semble faire l’objet d’efforts particuliers de la part des autorités latino-américaines. Plusieurs initiatives tendant à développer des moyens de communication en langues autochtones ont en effet vu le jour ces dernières années : les premières radios autochtones ont ainsi été autorisées en Argentine en mars 2012 et au Paraguay en avril 2012, tandis que la première chaîne de télévision autochtone a été lancée en Argentine le 8 décembre 2012 27 . En Bolivie, le navigateur Firefox a été lancé le 25 avril 2012 sous sa version guarani et en Argentine, les responsables de Wikipedia ont multiplié les articles en guaraní 28 , en aymara, en quechua et en mapuche 29 . Si la question de l’autonomie politique et de la liberté d’expression de ces nouveaux médias reste encore en suspens, leur multiplication présente de nombreux avantages, les premiers étant assurément l’accès à l’information et la diffusion des cultures amérindiennes. Au-delà, ces médias créent également une incitation à apprendre et à préserver les langues autochtones, et suscitent un intérêt essentiel à la revitalisation effective des langues concernées.
L’amélioration de l’accès à l’information s’est doublée, dans certains États, d’un renforcement de l’accès au droit. Plusieurs études d’anthropologie et de sociologie juridique ont en effet révélé que la plupart des Autochtones du monde n’exercent pas les droits qui leur sont pourtant reconnus, en raison de leur méconnaissance de ces droits. C’est précisément ce qu’admet le préambule du décret-loi péruvien de 1975 établissant le quechua comme langue officielle du Pérou :
« N’ayant pas eu un accès direct à la connaissance des lois […] pour des raisons linguistiques, de vastes secteurs de la population ignorent leurs obligations et sont limités dans l’exercice de leurs droits, au mépris du principe d’égalité devant la loi » 30 .
Pour pallier cette difficulté, certaines législations posent l’obligation, pour les autorités publiques, de traduire et diffuser les textes juridiques dans les langues amérindiennes officielles 31 . Plusieurs organismes nationaux ont ainsi entrepris un travail de longue haleine, conduisant notamment à l’adoption, en octobre 2012, des versions officielles de la Constitution nicaraguayenne de 1987 en langues misquita et mayangna. Ce travail se trouve facilité par la collaboration de différentes organisations internationales ou non-gouvernementales, qui contribuent à la traduction de textes internationaux relatifs aux droits fondamentaux et notamment aux droits des peuples autochtones 32 . Ces traductions favorisent l’accès à l’information juridique et la connaissance des droits, première étape vers leur application et leur respect effectifs 33 . L’objectif affiché est de promouvoir l’usage juridique des langues autochtones, afin qu’elles jouent un rôle de premier ordre dans la production et la diffusion du droit applicable aux communautés autochtones. En pratique cependant, ces efforts se heurtent à deux écueils majeurs : le premier réside dans l’absence de véritables politiques nationales de traduction, faute de volonté et/ou faute de moyens 34 . Le second, plus technique, résulte de la difficulté de traduire en langues autochtones des concepts juridiques qui leur sont étrangers 35 – notamment les concepts de propriété, de patrimoine ou de propriété intellectuelle qui sont au cœur des revendications foncières et des débats relatifs à la protection des savoirs traditionnels 36 . De ces difficultés linguistiques découlent alors des problèmes d’intelligibilité et, par suite, d’appropriation des droits par les communautés amérindiennes – révélant les enjeux manifestes de l’exercice de traduction dans les luttes de pouvoir.
Cette toute dernière difficulté pourrait sans doute être atténuée par le mécanisme, encore très peu usité, consistant à incorporer dans les législations nationales des concepts autochtones, qui acquièrent ainsi valeur de droit positif. Deux exemples, pour l’heure singuliers – mais particulièrement prometteurs – illustrent ce processus d’emprunt juridique. Le premier concerne l’introduction du concept quechua de « Sumak Kawsay » dans la Constitution équatorienne de 2008, traduit par « Buen vivir » (bien vivre). Le concept évoque l’harmonie avec la nature et entre les hommes, et renvoie à la nécessité de garantir le libre accès à un ensemble de biens communs 37 . Le chapitre II de la Constitution équatorienne décline ainsi les droits liés au « Sumak Kawsay », notamment le droit à l’eau, bien commun inaliénable, le droit à la souveraineté alimentaire et énergétique, et la préservation des écosystèmes et de la biodiversité 38 . Le deuxième exemple concerne, pour sa part, la reconnaissance des droits de la Nature par l’Équateur et la Bolivie. L’article 71 de la Constitution équatorienne emprunte en effet à la cosmogonie aymara et quechua la figure de la Terre-Mère (Pacha Mama) pour affirmer que
« La Nature ou Pacha Mama, où se reproduit et se réalise la vie, a droit au respect de son existence, du maintien et de la régénération de ses cycles vitaux, de sa structure, de ses fonctions et de ses processus évolutifs. Toute personne, communauté, peuple ou nation peut exiger de l’autorité publique l’accomplissement des droits de la nature […] 39 ».
Dans le même esprit, le Président bolivien Evo Morales a promulgué en décembre 2010 une loi sur les droits de la Terre Mère 40 qui instaure un ensemble de droits au bénéfice de la Nature 41 et, de manière corrélative, un certain nombre d’obligations pesant sur les individus et les autorités publiques, nationales comme locales. Ces législations s’inspirent ainsi directement des croyances populaires andines, pour ériger la nature en véritable sujet de droits, dont la portée juridique doit désormais être déterminée par les juridictions nationales 42 . Ces exemples précurseurs d’emprunts juridiques sont particulièrement intéressants, en ce qu’ils révèlent l’émergence d’un dialogue juridique interculturel, dans lequel chaque culture juridique est désormais susceptible de contribuer à l’évolution de l’ordre juridique national. Par là-même, ils témoignent d’un changement de perception des cultures juridiques amérindiennes, qui doivent être préservées pour le bien commun de la population nationale 43 . La difficulté de ce type d’initiative est toutefois de parvenir à traduire correctement la signification et les implications juridiques des concepts empruntés 44 ; il revient alors au législateur mais surtout au juge d’établir la correspondance entre le concept de « Sumak Kawsay » et celui de « Buen vivir ».
Ainsi, les différents instruments auxquels les États sud-américains ont eu recours récemment tendent à renforcer l’usage des langues amérindiennes et, par ce biais, à protéger les cultures autochtones concernées. Cette approche est révélatrice de la volonté de construire une citoyenneté multiculturelle nouvelle, par le biais de la langue minoritaire et non plus par le biais d’une langue nationale dominante et intégratrice. L’expression identitaire n’est donc plus perçue comme contradictoire avec l’appartenance citoyenne – l’affirmation constitutionnelle de l’État plurinational en Bolivie en est un exemple significatif. Plus largement, ces évolutions juridico-linguistiques font apparaître le continent latino-américain comme un laboratoire d’alternatives juridiques prometteuses pour la reconnaissance effective des droits des peuples autochtones. En la matière, le droit international pourrait sans doute avoir joué une influence notable.
B. L’influence du droit international sur l’évolution des législations linguistiques sud-américaines
Le droit international conventionnel compte plusieurs instruments susceptibles de participer à la protection des langues amérindiennes et/ou de leurs locuteurs. Certains textes concernent spécifiquement les peuples autochtones, à l’instar de la Convention 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, adoptée en 1989 et désormais en vigueur dans vingt-deux États dont quatorze latino-américains 45 , et la Déclaration des Nations-Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée par l’Assemblée générale en septembre 2007 46 . La première est un véritable traité ayant force obligatoire pour les États l’ayant ratifiée ; la seconde relève de la soft law mais ses dispositions sont généralement considérées comme des standards en matière de protection des droits des peuples autochtones.
Plusieurs dispositions de ces deux instruments ont trait aux droits linguistiques des Autochtones et, corrélativement, aux obligations incombant aux États parties ou signataires. Ainsi, l’article 28 de la Convention 169 de l’OIT pose les fondements de la revitalisation des langues autochtones :
« Article 28 :
· Lorsque cela est réalisable, un enseignement doit être donné aux enfants des peuples intéressés pour leur apprendre à lire et à écrire dans leur propre langue indigène ou dans la langue qui est le plus communément utilisée par le groupe auquel ils appartiennent. Lorsque cela n’est pas réalisable, les autorités compétentes doivent entreprendre des consultations avec ces peuples en vue de l’adoption de mesures permettant d’atteindre cet objectif. […]
· Des dispositions doivent être prises pour sauvegarder les langues indigènes des peuples intéressés et en promouvoir le développement et la pratique ».
L’article 30, pour sa part, est relatif à l’accès au droit et à l’information juridique :
« Article 30 :
· Les gouvernements doivent prendre des mesures adaptées aux traditions et aux cultures des peuples intéressés, en vue de leur faire connaître leurs droits et obligations, notamment en ce qui concerne le travail, les possibilités économiques, les questions d’éducation et de santé, les services sociaux et les droits résultant de la présente convention.
· À cette fin, on aura recours, si nécessaire, à des traductions écrites et à l’utilisation des moyens de communication de masse dans les langues desdits peuples ».
Si ces dispositions confortent visiblement les droits linguistiques autochtones 47 , elles laissent néanmoins aux États une marge d’appréciation sensible (« lorsque cela est réalisable », « si nécessaire ») qui n’apparaît plus dans la Déclaration des Nations-Unies de 2007. En ce sens, cette résolution représente une avancée juridique manifeste pour la reconnaissance des cultures et des langues autochtones. Elle énumère en effet une série de droits, notamment linguistiques, dont la portée va bien au-delà des standards jusqu’alors acceptés en la matière. Ainsi, les articles 13, 14 et 16 de la Déclaration établissent une protection étendue des langues autochtones, qu’il s’agisse de leur usage et de leur promotion 48 , de leur enseignement 49 et de leur diffusion 50 . Force est de constater qu’en dépit de son caractère non contraignant, les législations récemment adoptées en Bolivie, au Pérou, au Paraguay et en Colombie 51 font écho à ces dispositions de la Déclaration 52 – signe de l’incidence que le droit international a pu avoir sur les autorités étatiques, mais aussi sur les communautés autochtones dont les revendications ont été étayées par les instances internationales 53 .
L’influence juridique de la Déclaration onusienne en Amérique latine pourrait encore se renforcer à l’avenir, si une Déclaration interaméricaine sur les droits des peuples autochtones, en projet depuis plusieurs années, était finalement adoptée dans le cadre de l’Organisation des États américains. Dans sa version préliminaire 54 , le texte de l’OEA présente de fortes similitudes avec la Déclaration de 2007 ; il défend en effet l’idée générale que les peuples autochtones doivent être autorisés, voire aidés pour l’usage et à la préservation de leur langue. Les États parties seraient donc assujettis à des obligations positives, notamment en matière d’éducation ou de traduction en langues autochtones, qui se traduisent par une assistance financière et institutionnelle pour la promotion de ces langues.
Outre les textes relatifs aux peuples autochtones, certains instruments internationaux auxquels plusieurs États latino-américains sont parties contiennent des dispositions susceptibles de protéger les langues menacées ou les droits de leurs locuteurs : le Pacte international de 1966 sur les droits civils et politiques (PIDCP) 55 , la Convention interaméricaine des droits de l’homme 56 , la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement 57 , la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel 58 , ou encore la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles 59 . Au-delà de la nécessité pour les États de mettre leur législation en conformité avec les traités auxquels ils sont parties, l’intérêt de la ratification de ces traités est de permettre au juge national, voire international, de sanctionner une éventuelle violation de leurs dispositions par les États. De fait, la ratification de ces instruments internationaux s’est accompagnée d’une judiciarisation des droits des peuples autochtones. Ainsi, au Chili, la ratification de la Convention 169 de l’OIT en 2008 a entraîné une multiplication des recours juridictionnels introduits par les justiciables autochtones 60 ; les lacunes de la législation chilienne en matière de reconnaissance des droits des peuples autochtones se trouvent ainsi palliées – tout au moins en partie – par l’application prétorienne des normes internationales.
Ces normes trouvent également application au niveau international, où l’on observe ces dernières années le développement – encore hésitant – d’une jurisprudence en faveur du respect des droits linguistiques des Autochtones. Cette jurisprudence se fonde essentiellement sur les standards en matière de droits de l’homme, plus que sur les conventions visant à préserver la diversité linguistique ; en d’autres termes, les juridictions et quasi-juridictions internationales privilégient pour l’heure les droits des locuteurs à la sauvegarde des langues 61 . En la matière, le Comité des droits de l’Homme des Nations-Unies s’est montré particulièrement actif, affirmant le droit de tout individu d’utiliser la langue de son choix dans les activités privées, au nom de la liberté d’expression 62 , le droit de tout individu appartenant à une minorité ou à un peuple autochtone d’utiliser sa langue avec les autres membres de sa communauté, au titre de l’article 27 du PIDCP 63 , le droit de tout individu de conserver son nom et son prénom dans sa langue maternelle, au nom du droit à la vie privée 64 ou encore le droit des communautés autochtones de bénéficier de services publics (éducation, santé et autres services sociaux) pratiquant leur langue, lorsque cela est raisonnable et justifié, au nom de la prohibition des discriminations 65 .
Au-delà des recommandations qu’il peut faire à un État dans le cadre d’un litige qui lui est soumis par un plaignant, le Comité des droits de l’Homme – tout comme le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale – est également attentif au respect des droits culturels autochtones dans le cadre de l’examen périodique annuel des politiques des États parties 66 . Le respect de la Convention 169 de l’OIT fait également l’objet d’une surveillance annuelle qui peut conduire à la dénonciation de violations commises par les États parties 67 . Bien que ces dénonciations ne soient pas accompagnées de sanctions, elles donnent lieu à une médiatisation embarrassante pour les États concernés, qui peut les inciter à faire évoluer leur législation comme leurs pratiques.
Au final, l’ensemble de ces évolutions juridiques nationales et internationales est significatif du changement d’approche qui a marqué le droit des langues et des locuteurs autochtones ces dernières années en Amérique latine 68 . Pour autant, les langues amérindiennes restent considérées comme des langues menacées, signe que les mesures adoptées n’ont pas encore porté pleinement leurs fruits, ou ont été mal appliquées, ou demeurent insuffisantes. De fait, la mise en œuvre des droits linguistiques des peuples autochtones en Amérique du Sud s’avère encore hésitante.
La mise en œuvre hésitante des droits linguistiques en Amérique latine
Pour atteindre effectivement l’objectif de revitalisation des langues amérindiennes, la seule adoption de textes normatifs en ce sens ne suffit évidemment pas : il est nécessaire de multiplier les efforts à tous les niveaux et d’impliquer l’ensemble des acteurs concernés (communautés autochtones, collectivités infra-étatiques, associations…). L’implication demandée, le coût de ces efforts nécessaires et parfois la mauvaise volonté des autorités publiques expliquent que les textes soient insuffisamment appliqués. Pour autant, certains États parviennent à contourner ces écueils, en adoptant une stratégie juridique intéressante : faute de donner suffisamment d’effectivité aux droits linguistiques substantiels, ces États semblent adopter une approche procédurale des droits linguistiques autochtones.
A. L’effectivité insuffisante des droits linguistiques substantiels
Si les législations linguistiques récemment adoptées par les États latino-américains constituent une réelle avancée, force est toutefois de constater, en pratique, un écart très sensible entre le statut juridique accordé aux langues autochtones, et les droits linguistiques réels des locuteurs. Plusieurs recherches étayées par des études de terrain ont en effet révélé que la pratique des autorités publiques ne correspondait pas souvent aux principes et objectifs définis dans les législations nationales 69 . Cet écart est particulièrement visible dans les États où les langues amérindiennes sont reconnues comme officielles : de manière assez surprenante, la proclamation du statut de langue officielle n’est souvent accompagnée d’aucun droit à utiliser la langue amérindienne concernée dans la sphère publique, au-delà de droits limités à la traduction des textes juridiques importants 70 . L’adoption des derniers textes relatifs aux langues amérindienne au Pérou, au Paraguay, en Bolivie et en Équateur est encore trop récente pour voir si leur orientation nouvelle s’accompagne d’une mise en œuvre effective.
Jusqu’à présent, l’application des législations linguistiques a pu rencontrer différents obstacles, variables à l’évidence d’un État à l’autre 71 . Le premier, dirimant, est la mauvaise volonté des autorités publiques, que l’on peut notamment observer dans certains services publics sociaux et de santé, où le manque d’informations en langues autochtones peut avoir des conséquences dramatiques. Dans un rapport présenté aux Nations-Unies, le Professeur Fernand de Varennes rapporte ainsi le cas d’un enfant quechua atteint de leucémie, qui n’avait aucun moyen de communiquer dans sa propre langue à l’hôpital public de Lima – bien que le quechua soit l’une des langues officielles du Pérou 72 . Au-delà de ce cas spécifique,
« studies confirm that language issues are a significant barrier for minorities (and indigenous peoples) to the use of health services – where they are available – and that as a result those not fluent in the national language tend not to receive timely health case and be sicker 73 ».
Le manque de volonté politique s’observe également parfois dans l’enseignement public, les législations imposant un enseignement bilingue obligatoire n’étant pas systématiquement respectées 74 , alors même qu’il est établi par des études sociolinguistiques concordantes que les enfants autochtones connaissent, de manière quasiment universelle, les résultats scolaires les plus faibles et les taux d’abandon scolaire les plus élevés, s’ils ne reçoivent pas un enseignement dans leur langue maternelle 75 . L’accès à la justice est également entravé par le manque d’interprètes bilingues dans la plupart des États concernés et les lacunes des systèmes d’information en langues autochtones sur les possibilités d’utiliser des mécanismes facilitant l’accès au juge 76 . Une étude réalisée en 2012 au Guatemala a permis de constater que, dans plusieurs prisons de l’État, la majorité des détenus autochtones n’avaient pas eu accès à des services judiciaires tenant compte de leur langue ni à des informations en langue autochtone concernant leur placement en détention 77 .
Cette mauvaise volonté perceptible dans certains États se trouve parfois légitimée par l’absence d’obligations de moyens pesant sur les autorités publiques. Ainsi, au Mexique, la loi du 13 mars 2003 sur les droits linguistiques des peuples autochtones délègue l’initiative de l’aménagement linguistique à une forme de volontariat communautaire, en dédouanant l’État de toute obligation d’investissement et de résultat. La mise en œuvre de la loi est ainsi confiée à la société civile et au secteur associatif, sans que les moyens correspondants ne leur soient alloués. Il est vrai, dans certains cas, que les collectivités publiques concernées, étatiques ou locales, manquent de moyens financiers et/ou institutionnels pour mettre en œuvre les législations linguistiques. La persistance des difficultés économiques dans la plupart des pays latino-américains n’est pas, à cet égard, du meilleur augure.
La dernière raison pouvant expliquer l’effectivité insuffisante des droits linguistiques en Amérique latine est d’ordre psychosociologique et réside dans le manque d’incitation des populations autochtones à préserver et à revitaliser leur propre langue. De nombreux Autochtones considèrent en effet que la pratique de leur langue présente peu d’avantages hors de leur communauté, alors que la langue dominante est perçue comme la langue du progrès et de l’insertion professionnelle 78 . Cette dépréciation, par les principaux concernés, de l’intérêt de préserver leur langue est précisément la cause du maintien actuel des langues autochtones dans une situation de diglossie.
Dans ce contexte, plusieurs initiatives ont été lancées, dans différents États, pour combler l’abîme entre les dispositions légales existantes et les conditions de mise en œuvre d’une politique linguistique soucieuse d’assurer aux langues amérindiennes une véritable viabilité. Au Pérou, le gouvernement a entrepris de former près de 200 000 enseignants dans le cadre du Programme national de promotion des enseignants bilingues de l’Amazonie péruvienne 79 . Au Mexique et au Guatemala, les programmes nationaux d’enseignement bilingue ont été relancés par la création de logiciels d’apprentissage des langues amérindiennes, élaborés notamment en nahuatl, en maya et en quiché 80 . La plupart des États font également intervenir davantage les ONG dans les systèmes d’enseignement public. Ainsi, l’ONG guatémaltèque Enlace Quiché compte vingt-huit centres pédagogiques, accessibles à 6 000 élèves dans zones montagnardes de l’est du pays ; son aide est essentielle au gouvernement guatémaltèque qui dispose d’un budget limité pour mettre en œuvre le Programme d’enseignement bilingue interculturel adopté en 1997 81 . De manière complémentaire, le réseau international Linguapax, créé en 2006 sous l’égide de l’UNESCO, soutient des projets de revitalisation des langues en voie de disparition, de recherche sur l’éducation interculturelle et multilingue, de formation des enseignants et d’élaboration de matériels pédagogiques sur les langues et les cultures non-dominantes 82 .
Les moyens d’éviter la disparition des langues amérindiennes ne manquent donc pas et les États latino-américains semblent désormais ouverts à ces nouvelles politiques linguistiques qui permettraient de renforcer l’effectivité des droits culturels des peuples autochtones. En attendant d’obtenir des résultats tangibles sur ce point, qui ne seront sans doute pas quantifiables avant quelques années, une stratégie juridique alternative destinée à pallier les difficultés de mise en œuvre des droits linguistiques substantiels est envisageable. Le développement d’une approche procédurale de ces droits pourrait en effet présenter, pour les peuples autochtones d’Amérique latine, un intérêt dépassant le seul cadre de la revitalisation de leurs langues.
B. L’émergence d’une approche procédurale des droits linguistiques
Les revendications linguistiques des peuples autochtones sont difficilement dissociables de leurs revendications foncières et politiques : dans la mesure où la culture d’un peuple autochtone se définit en lien avec sa terre ancestrale, ses droits culturels sont étroitement liés à son droit à l’autodétermination. Il est révélateur, à cet égard, de constater que certaines collectivités autochtones se fondent sur l’usage de leur langue sur un territoire donné pour asseoir leurs revendications d’autonomie, voire de souveraineté, sur ce territoire 83 . Le Mécanisme d’experts de l’ONU sur les droits des peuples autochtones confirme du reste pleinement ce lien :
« 22. […] Les langues sont un élément important de l’expression du droit des peuples autochtones à l’autodétermination et peuvent faciliter cette autodétermination. Elles ont en elles les outils nécessaires aux peuples autochtones pour exprimer leurs méthodes et modalités d’organisation juridique et politique collective. Dans de nombreux cas, les peuples autochtones ont maintenu leurs traditions oralement, grâce à leurs langues. Comme l’indiquent des contributions reçues par le Mécanisme d’experts, le contrôle qu’exercent les peuples autochtones sur leurs langues peut être un instrument de leur décolonisation.
23. Ainsi que l’a reconnu le Rapporteur spécial dans son rapport sur les peuples autochtones et leur relation à la terre 84 , il est nécessaire, pour garantir le respect du droit à l’autodétermination des peuples autochtones, de reconnaître le lien étroit existant entre les droits culturels et linguistiques de ces peuples et leur droit à leurs terres, territoires et ressources 85 . »
Dès lors, l’usage par les peuples autochtones de leur langue ancestrale devient un vecteur d’exercice d’autres droits, en particulier de leur droit à l’autodétermination. En d’autres termes, le bénéfice de droits linguistiques et la revitalisation des langues autochtones ne sont pas des fins en soi, mais des leviers pour l’affirmation de l’ensemble des droits des peuples autochtones.
Cette lecture semble être confirmée par le débat, particulièrement âpre en Amérique latine ces toutes dernières années, concernant le droit des peuples autochtones d’être informés et consultés pour tout projet les concernant. Ce droit innerve en effet l’ensemble du droit international des peuples autochtones 86 . Il fait peser sur les États une obligation procédurale d’information et de consultation, et suppose que les peuples autochtones soient en mesure de s’engager par une participation libre, préalable et informée dans les processus politiques et de développement les affectant. Si la portée de ce droit est encore discutée 87 , il a été reconnu récemment dans quelques législations latino-américaines ; ainsi, au Pérou, la loi n° 29785 du 23 août 2011 relative à la consultation préalable des peuples indigènes établit un mécanisme destiné à faciliter le dialogue et la coordination entre l’État et les peuples autochtones 88 . Plusieurs autres États envisagent d’adopter des lois similaires, notamment en Bolivie, au Mexique, au Chili, en Équateur et au Guatemala – pressés en ce sens par les instances internationales 89 comme par la multiplication des recours à leur encontre, portés par les mouvements autochtones dans le cadre de grands projets d’infrastructures ou d’exploitation des ressources naturelles locales 90 .
À l’évidence, ce droit à l’information et à la consultation ne peut être pleinement mis en œuvre que dans les langues des communautés autochtones concernées. De ce fait, la concomitance entre l’adoption des législations linguistiques les plus récentes et les discussions relatives aux procédures de consultation n’est peut-être pas un hasard. Il est du reste significatif qu’au Chili, la proposition du gouvernement de renforcer le mécanisme de consultation et de participation soit discutée dans trois langues amérindiennes : le mapuche, l’aymara et le rapa nui 91 . Dès lors, les initiatives en faveur des langues autochtones peuvent apparaître comme autant de moyens de réaliser les obligations procédurales de consultation et d’information des peuples autochtones.
Au demeurant, une telle approche n’est pas inédite en matière de droits de l’homme, où certaines évolutions juridiques substantielles prennent la forme d’aménagements techniques ou procéduraux. Il en est ainsi, par exemple, du droit à l’eau 92 , qui se traduit par un ensemble d’obligations à la charge des États en matière d’accès à l’eau, de non-discrimination dans son approvisionnement, d’adoption de mesures sanitaires, etc 93 . Dans le même esprit, la reconnaissance de droits linguistiques au profit des Autochtones constituerait un aménagement nécessaire à la mise en œuvre effective d’autres droits, tels que le droit à la consultation préalable, libre et informée – ou encore, à un autre niveau, le droit d’accès à la justice 94 .
Au final, force est de constater que la marginalisation juridique et linguistique des peuples autochtones en Amérique latine a fait son œuvre : l’issue des processus de revitalisation et de pérennisation des cultures amérindiennes demeure incertaine, en dépit des mesures adoptées récemment par les États de la région. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer la résilience des cultures et des langues autochtones, qui ont survécu jusqu’ici sans l’État, voire malgré lui. À cet égard, la mise en œuvre effective des droits linguistiques désormais reconnus aux Amérindiens dans la plupart des États latino-américains ne pourra que contribuer à la préservation des langues autochtones – préservation d’autant plus nécessaire que chacune de ces langues représente une somme de connaissances culturelles, historiques, scientifiques et écologiques qui se perdraient irrémédiablement avec sa disparition.
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L’auteure tient à saluer, à cet égard, le travail de veille effectué par les chercheurs du programme de recherche SOGIP, « Échelles de gouvernances et peuples autochtones » Voir en ligne. ↩
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Moseley Christopher (ed.), Atlas of the World’s Languages in Danger, Paris, UNESCO Publishing, 3rd ed, 2010. Voir en ligne. ↩
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Voir également Indigenous Peoples and Minority Unit, Human Rights Legal Framework and Indigenous Languages, International Expert Group Meeting on Indigenous Languages, January 2008, New York, Office of the High Commissioner for Human Rights, Doc. PFII/2008/EGM1/15 ; Austin Peter, Sallabank Julia (eds.), The Cambridge Handbook of Endangered Languages, Cambridge, Cambridge University Press, 2011. ↩
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La construction d’États centralisés s’est manifestée par l’adoption de législations qui ont affaibli le statut et l’usage des langues minoritaires et autochtones, rendant leur pratique inutile dans des États où une langue officielle (l’espagnol, le castillan ou le portugais) était établie comme la langue exclusive à l’école et dans les services publics. Ainsi, au Guatemala, un décret de 1824 interdisait l’usage des langues indigènes. Au Paraguay, la pratique du guarani fut interdite dans les écoles à partir de 1812. Il en fut de même pour les langues autochtones dans les écoles mexicaines entre 1910 et 1935. À cet égard, voir le très intéressant article de Varennes Ferdinand de, “Language, Rights and Opportunities: The Role of Language’ in the Inclusion and Exclusion of Indigenous Peoples, Submission to the UN Expert Mechanism on the Rights of Indigenous Peoples (Draft paper), 17 February 2012, p. 40. ↩
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À cet égard, voir Conseil des droits de l’homme, Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, Étude sur le rôle des langues et de la culture dans la promotion et la protection des droits et de l’identité des peuples autochtones, 30 avril 2012, Doc. UN A/HRC/EMRIP/2012/3. ↩
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Si cette transmission se fait souvent à l’oral, la plupart des langues amérindiennes ont néanmoins développé leur propre écriture, comme les langues mayas ou le nahuatl. ↩
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En ce sens, voir Conseil des droits de l’homme, op. cit. supra note 8, §§ 20-28. ↩
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Cf. carte 1. Il est à souligner que ces six familles linguistiques ne réunissent pas l’ensemble des langues amérindiennes qui, pour la plupart, sont parlées par quelques milliers, voire quelques centaines de locuteurs. Pour ne donner qu’un exemple, les linguistes recensent près de 180 langues autochtones au Brésil. ↩
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Plus d’un million et demi pour le nahuatl, qui reste notamment la langue autochtone la plus parlée au Mexique ; cinq millions pour les différentes langues mayas ; dix millions pour le quechua, qui est l’une des langues amérindiennes les plus parlées ; deux millions pour l’aymara, essentiellement en Bolivie ; six millions pour le guarani, principalement au Paraguay ; un demi-million de locuteurs pour le mapuche. Sur la situation des langues amérindiennes, voir les travaux de la linguiste Colette Grinevald, notamment « Les langues amérindiennes : état des lieux », in Gros Christian, Strigler Marie-Claude (dir.), Être Indien dans les Amériques, Bayeux, Institut des Amériques, 2006, p. 175-196. ↩
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Ainsi, au Guatemala, pas moins de vingt-deux langues mayas sont recensées. ↩
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Cette dépréciation n’est pas uniquement le fait des autorités publiques ; elle résulte également de la manière dont les Autochtones perçoivent l’usage de leur propre langue ancestrale. ↩
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En ce sens, voir Yataco Myriam, « Políticas de estado y la exclusión de las lenguas indígenas en el Perú », Droit et cultures, Vol. 63, 2012, p. 110-142. ↩
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Le premier État ayant entrepris de modifier sa législation en la matière est le Mexique qui, au milieu des années 1960, a adopté le principe d’alphabétisation des enfants dans leur langue maternelle. En mars 1975, le gouvernement péruvien reconnaît le Quechua comme langue officielle de la République et rend son enseignement obligatoire à tous les niveaux d’éducation (décret n° 21). Cependant, le véritable revirement des politiques linguistiques latino-américaines a lieu dans les années 1990. En Bolivie, le décret n° 23036 du 28 janvier 1992 met en place le Programme d’Éducation interculturelle bilingue dans les communautés guarani, aymara et quechua. Au Paraguay, la loi n° 28 du 10 septembre 1992 rend obligatoire l’enseignement des deux langues nationales (l’espagnol et le guarani) aux niveaux élémentaire, secondaire et universitaire. Pour plus de détails, voir Varennes Ferdinand de, op. cit., supra note 7. ↩
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Fishman Joshua, Reversing Language Shift: Theoretical and Empirical Foundations of Assistance to Threatened Languages, Clevedon, Multilingual Matters, 1991. Sur le concept de revitalisation linguistique, voir aussi les travaux de la quatrième école d’été du Consortium 3L sur les langues en danger, qui s’est tenue à Lyon en juillet 2012. Voir en ligne. ↩
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Les mouvements autochtones sont très actifs dans les pays andins, ainsi qu’au Chili où les Mapuches luttent pour leur survie et la récupération de leurs terres. ↩
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En ce sens, voir Lacroix Laurent, « État plurinational et redéfinition du multiculturalisme en Bolivie », in Gros Christian, Dumoulin Kervran David (dir.), Le multiculturalisme au concret. Un modèle latino-américain ?, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2011, p. 135-146 ; Do Alto Hervé, « Indianisme et ethnicisation en Bolivie : vers une démocratie post-coloniale ? », in Gaudichaud Franck (dir.), Amériques latines. Émancipations en construction, Paris, Syllepse, Coll. « Les cahiers de l’émancipation », 2013 ; Martí y Puig Salvador, « L’apparition politique et juridique de l’indianité en Amérique latine », in Couffignal Georges (dir.), Amérique latine. 2012, année charnière, Paris, La Documentation française, Coll. « Mondes émergents », 2013. On pourrait également poser l’hypothèse d’un lien entre l’adoption de ces nouvelles législations linguistiques et les crises politiques qu’ont connues les gouvernements sud-américains à la fin des années 1990 : les réformes linguistiques seraient le fruit des contraintes politiques que rencontrent les gouvernements en temps de crise, et de la nécessité pour eux de s’allier à d’autres groupes linguistiques. Cette hypothèse a été vérifiée pour trois pays d’Asie du Sud-Est (Singapour, la Malaisie et la Thaïlande) par Liu Amy, Ricks Jacob, « Coalitions and Language Politics: Policy Shifts in Southeast Asia », World Politics, n° 64, 2012, p. 476-506. ↩
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Coronel-Molina Serafín, « Revitalization of Endangered Languages: Quechua in the Andes », Droit et cultures, n° 62, 2011, p. 105-118. ↩
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Voir notamment Borella François, « Réflexions sur la question constitutionnelle aujourd’hui », Civitas Europa, n° 5, 2000, p. 7-20 ; Pierré-Caps Stéphane, « Les mutations de la notion de Constitution et le droit constitutionnel », Questiones constitucionales, n° 10, 2004, p. 169-180 ; Vervin Marianne, « La question du droit constitutionnel démotique », Civitas Europa, n° 9, sept. 2002, p. 141-164. ↩
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En ce sens, le droit constitutionnel démotique s’opposerait au droit constitutionnel libéral classique, qui privilégie le partage de valeurs civiques pour fonder un lien national durable, au détriment des référents identitaires de la société, considérés comme désagrégatifs. Or, pour les tenants de la problématique démotique, le partage de valeurs civiques n’est pas suffisant pour développer un sentiment d’appartenance durable à une nation ; il lui manque une dimension culturelle, seule susceptible d’apporter une réponse à la question de l’identité de la société politique. En ce sens, voir Dieckhoff Alain, La nation dans tous ses États. Les identités nationales en mouvement, Paris, Flammarion, 2000, p. 152-162. Contra, voir Habermas Jürgen, « Citizenship and National Identity: Some Reflections on the Future of Europe », in Beiner Ronald (dir.), Theorizing Citizenship, Albany, University of New York Press, 1995, p. 255-281. ↩
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L’objet du droit constitutionnel démotique n’est pas de rejeter la conception rénanienne de la nation fondée sur la volonté de vivre ensemble, mais de réhabiliter une forme de conception ethnoculturelle de la nation. Ce faisant, il s’agit de permettre la reconnaissance juridique de nations qui ne sont pas culturellement homogènes. ↩
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L’aménagement linguistique est le domaine qui étudie la réglementation des langues par les États et les organismes officiels (académies…). ↩
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Art. 5 de la Constitution bolivienne de 2009 ; art. 10 de la Constitution colombienne de 1991 ; art. 2 de la Constitution équatorienne de 2008 ; art. 140 de la Constitution paraguayenne de 1992 ; art. 48 de la Constitution péruvienne de 1993 ; loi guatémaltèque n° 19-2003 du 7 mai 2003. Par ailleurs, la législation brésilienne ouvre aux communes la possibilité d’officialiser une ou plusieurs langues amérindiennes sur leur territoire (voir pour exemple l’arrêté municipal n° 145 du 11 décembre 2002 prévoyant la co-officialité des langues nheengatu, tukano et baniwa ainsi que du portugais dans la commune de Saint-Gabriel de Cachoeira). ↩
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Sur la place accordée aux peuples autochtones dans la Constitution bolivienne de 2009, voir notamment Lacroix Laurent, « État plurinational et redéfinition du multiculturalisme en Bolivie », op. cit., supra note 19. ↩
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L’académie de guarani, dénommée « Ava Ñe’e Rerekuá Pave », a été officiellement inaugurée le 5 novembre 2012 par le gouvernement du Paraguay ; elle se compose de 15 membres dont la tâche principale consiste à unifier tous les critères d’usage de la langue guaraní usitée au Paraguay afin de normaliser celle-ci. Le Guatemala s’est également doté d’une Académie des langues mayas et le Mexique d’un Institut national des langues autochtones. Un processus similaire est en cours en Bolivie pour chacune des trente-cinq langues autochtones officiellement reconnues par la Constitution ; la création d’un Institut Plurinational des langues et des cultures et d’un institut linguistique pour chaque peuple autochtone est notamment prévue. ↩
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En Bolivie, loi n° 269 du 2 août 2012 sur les droits et les politiques linguistiques ; en Colombie, loi n° 1381 du 25 janvier 2010 pour la protection des langues indigènes ; au Guatemala, loi n° 19-2003 du 7 mai 2003 sur les langues nationales ; au Mexique, loi du 13 mars 2003 sur les droits linguistiques des peuples autochtones ; au Paraguay, loi n° 4251 sur les langues du 29 décembre 2010 ; au Pérou, loi du 6 août 2001 rendant obligatoire l’enseignement des langues quechua et aymara et loi n° 29735 du 5 juillet 2011 sur la reconnaissance, la préservation, la promotion et la diffusion des langues originaires du Pérou. ↩
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Sur l’exemple du quechua, voir Coronel-Molina Serafín, « Revitalization of Endangered Languages: Quechua in the Andes », Droit et cultures, n° 62, 2011, p. 105-118. ↩
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Wall Kintun TV a été créée dans le cadre de la loi 26 522 sur les services de communication audiovisuelle adoptée en octobre 2009. Cette loi a remplacé la loi n° 22 285 sur la radiodiffusion, adoptée par la dictature militaire en 1980 et est présentée par l’État comme le signe d’une démocratisation des moyens de communication en Argentine. ↩
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Décret-loi n° 21156 du 27 mai 1975. ↩
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Cf. art. 20 de la loi bolivienne n° 269 du 2 août 2012 sur les droits et les politiques linguistiques. ↩
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Ainsi, la Déclaration universelle des droits de l’homme a été traduite en différentes langues amérindiennes (Voir en ligne), tout comme la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et Convention n° 169 de l’OIT, traduites en aymara, guaraní et quechua par le Fonds pour le Développement des Peuples Autochtones d’Amérique latine et des Caraïbes (Voir en ligne., consulté le 1er juillet 2014). Un travail est actuellement mené par plusieurs ONG pour traduire la Convention des NU pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, dont l’application présente de forts enjeux pour la préservation des cultures et des savoirs autochtones. ↩
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La traduction est en effet un instrument de garantie des droits des minorités linguistiques, comme l’affirment plusieurs conventions internationales en la matière, notamment la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, adoptée par le Conseil de l’Europe le 5 novembre 1992. ↩
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En ce sens, voir González Núñez Gabriel, “Translating to Communicate with Linguistic Minorities: State Obligations under International Law’, International Journal on Minority and Group Rights, 2013, Vol. 20, Issue 3, p. 405-441. Ces défaillances des politiques publiques ne sont pas propres, loin s’en faut, aux États latino-américains. Sur la situation en Belgique, voir notamment Meylaerts Reine, « “Et pour les Flamands, la même chose’ : quelle politique de traduction pour quelles minorités linguistiques ? », Meta : journal des traducteurs, Vol. 54-1, 2009, p. 7-21. ↩
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Voir Glanert Simone, De la traductabilité du droit, Dalloz, 2011, p. 374. ↩
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Dès lors, il semble nécessaire de revoir les méthodes de traduction classiquement utilisées. Au Brésil par exemple, le « Plan pour la sauvegarde des expressions orales et graphiques des Wayampi du Amapa » a ouvert la voie à des exercices de traduction culturelle et à la traduction non pas de termes importés, mais de logiques de sens. À cet égard, voir Gutjahr Eva, « Du droit international relatif aux peuples autochtones à la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel : vers des dispositifs de traduction culturelle », Intervention lors du séminaire Tekuremaï, sur les droits linguistiques, Univ. Paris 3, 9 mai 2012. ↩
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Sur le concept de « Sumak Kawsay », voir Le Quang Matthieu, « Équateur : écosocialisme et “bien vivre’ », in Gaudichaud Franck (dir.), Amériques latines. Émancipations en construction, Paris, Syllepse, Coll. « Les cahiers de l’émancipation », 2013. ↩
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La Constitution bolivienne proclame également, en son article 8, le respect des principes autochtones suma qamaña (bien vivre), ñandereko (vie harmonieuse) et teko kavi (bonne vie), qu’elle ne traduit cependant pas en droit substantiel. ↩
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« La naturaleza o Pacha Mama, donde se reproduce y realiza la vida, tiene derecho a que se respete integralmente su existencia y el mantenimiento y regeneración de sus ciclos vitales, estructura, funciones y procesos evolutivos. Toda persona, comunidad, pueblo o nacionalidad podrá exigir a la autoridad pública el cumplimiento de los derechos de la naturaleza. […] ». ↩
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Loi n° 71 du 21 décembre 2010, dite Ley de Derechos de la Madre Tierra. Voir en ligne. ↩
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Parmi lesquels le droit à la vie, le droit de perpétuer les processus naturels indépendamment de toute intervention humaine, le droit à l’eau et à l’air purs, le droit à la diversité biologique, le droit de ne pas être polluéeou génétiquement modifiée, ou encore le droit de la nature de ne pas être affectée par des projets d’infrastructure ou de développement qui pourraient perturber l’équilibre des écosystèmes ou des populations locales. ↩
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Ainsi, le 30 mars 2011, la Chambre pénale de la Cour Provinciale de Loja, en Équateur, a statué sur un recours de protection de la Nature (et notamment du fleuve Vilcabamba), intenté à l’encontre du gouvernement provincial de Loja, pour avoir autorisé l’élargissement d’une route sans avoir au préalable réalisé d’étude d’impact environnemental. Au regard des dommages causés au fleuve par les travaux, les juges ont estimé que les droits constitutionnels de la Nature avaient été violés et ont enjoint le gouvernement provincial à respecter les prescriptions de l’autorité environnementale nationale, sous peine de suspension des travaux. Voir Corte Provincial de Loja,Acción de Protección, No 11121-2011-0010. Voir en ligne. ↩
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L’Équateur et la Bolivie ont été suivis, en ce sens, par les autorités fidjiennes, qui ont entrepris d’établir un glossaire en langue iTaukei (langue autochtone de l’archipel), finalisé en 2012. L’objectif de ce glossaire est double : il s’agit d’une part de préserver le savoir environnemental des communautés autochtones locales, notamment dans le but de lutter efficacement contre les changements climatiques. D’autre part, ce glossaire permettra de sensibiliser les populations locales aux menaces et leur faire comprendre et accepter les initiatives étatiques adoptées pour y faire face. Voir en ligne. ↩
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Ce qui peut parfois conduire à de fortes controverses juridico-linguistiques, à l’instar de celle qui perdure en Nouvelle-Zélande autour des termes « sovereignty » et « rangatiratanga » utilisés dans les versions anglaise et maori du traité de Waitangi. À cet égard, voir Orange Claudia, The Treaty of Waitangi, Wellington, Allen & Unwin, 1987, p. 40-41. ↩
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Au 1er juillet 2014, en Amérique latine, la Convention avait été ratifiée par l’Argentine (3 juillet 2000), la Bolivie (11 décembre 1991), le Brésil (25 juillet 2002), le Chili (15 sept. 2008), la Colombie (7 août 1991), le Costa Rica (2 avril 1993), l’Équateur (15 mai 1998), le Guatemala (5 juin 1996), le Honduras (28 mars 1995), le Mexique (5 sept. 1990), le Nicaragua (25 août 2010), le Paraguay (10 août 1993), le Pérou (2 février 1994) et le Venezuela (22 mai 2002). ↩
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AG-NU, Rés. 61/295 du 13 septembre 2007. La résolution a été adoptée par 143 États, dont tous les États d’Amérique latine, à l’exception de la Colombie qui s’est abstenue. Art. 13, 14 et 16 de la Déclaration des Nations-Unies sur les droits des peuples autochtones ; art. 28 et 30 de la Convention 169 de l’OIT. ↩
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Par comparaison notamment avec la Convention 107 de l’IUT, adoptée en 1957, qui prônait une conception assimilationniste des populations autochtones et ne défendait l’usage des langues autochtones qu’à titre provisoire, dans la perspective que les individus concernés adoptent, à terme, la langue et la culture dominantes. ↩
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Article 13. 1. Les peuples autochtones ont le droit de revivifier, d’utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur histoire, leur langue, leurs traditions orales, leur philosophie, leur système d’écriture et leur littérature, ainsi que de choisir et de conserver leurs propres noms pour les communautés, les lieux et les personnes. 2. Les États prennent des mesures efficaces pour protéger ce droit et faire en sorte que les peuples autochtones puissent comprendre et être compris dans les procédures politiques, juridiques et administratives, en fournissant, si nécessaire, des services d’interprétation ou d’autres moyens appropriés. ↩
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Article 14. 1. Les peuples autochtones ont le droit d’établir et de contrôler leurs propres systèmes et établissements scolaires où l’enseignement est dispensé dans leur propre langue, d’une manière adaptée à leurs méthodes culturelles d’enseignement et d’apprentissage. 2. Les autochtones, en particulier les enfants, ont le droit d’accéder à tous les niveaux et à toutes les formes d’enseignement public, sans discrimination aucune. 3. Les États, en concertation avec les peuples autochtones, prennent des mesures efficaces pour que les autochtones, en particulier les enfants, vivant à l’extérieur de leur communauté, puissent accéder, lorsque cela est possible, à un enseignement dispensé selon leur propre culture et dans leur propre langue. ↩
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Article 16. 1. Les peuples autochtones ont le droit d’établir leurs propres médias dans leur propre langue et d’accéder à toutes les formes de médias non autochtones sans discrimination aucune. 2. Les États prennent des mesures efficaces pour faire en sorte que les médias publics reflètent dûment la diversité culturelle autochtone. Les États, sans préjudice de l’obligation d’assurer pleinement la liberté d’expression, encouragent les médias privés à refléter de manière adéquate la diversité culturelle autochtone. ↩
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Alors même que la Colombie s’est abstenue lors du vote de la résolution 61/295 par l’Assemblée générale des Nations-Unies. ↩
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Voir supra, note 2. ↩
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Le Bot Yvon, « Le renversement historique de la question indienne en Amérique Latine », Amérique Latine Histoire et Mémoire. Les Cahiers ALHIM, Vol. 10, 2004. Voir en ligne. ↩
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Projet de déclaration interaméricaine relative aux droits des peuples autochtones, AG/RES.1022 (XIX-O/89). Voir en ligne. ↩
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L’article 27 du Pacte prévoit que « Dans les États où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d’employer leur propre langue ». ↩
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La Convention interaméricaine ne reconnaît pas de droits linguistiques en tant que tels mais prescrit l’application des standards fondamentaux en matière de droits de l’homme, tels que la liberté d’expression, le droit à la vie privée et l’absence de toute discrimination fondée sur la langue, dont peuvent se prévaloir les locuteurs autochtones. ↩
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Notamment son article 5 qui reconnaît « aux membres des minorités nationales le droit d’exercer des activités éducatives qui leur soient propres, y compris la gestion d’écoles et, selon la politique de chaque État en matière d’éducation, l’emploi ou l’enseignement de leur propre langue ». ↩
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La Convention vise au développement de mesures de sauvegarde des différentes formes du patrimoine culturel immatériel, parmi lesquelles « les traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel immatériel » (art. 2). ↩
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Cette convention couvre la protection de la diversité linguistique, dont elle impose la protection et la promotion aux États parties. En pratique, toutefois, ce texte a peu d’effet sur le devenir des langues menacées, dans la mesure où il n’impose aucune obligation concrète aux États. ↩
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Cloud Leslie, « Bilan de la judiciarisation des droits des peuples autochtones au Chili depuis la ratification de la Convention 169 de l’OIT sur les droits des peuples autochtones et tribaux », Intervention dans le séminaire « L’instanciation du droit comme distinction et habilitation des Autochtones », EHESS Paris, 14 mars 2013. ↩
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En ce sens, voir Varennes Ferdinand de, Language, Rights and Opportunities: The Role of Language in the Inclusion and Exclusion of Indigenous Peoples, supra note 7. ↩
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CDH, Ballantyne, Davidson, McIntyre v. Canada, 1993, UN Doc. CCPR/C/47/D/359/1989 et 385/1989/Rev.1. ↩
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CDH, Lovelace v. Canada, 1981, UN Doc. CCPR/C/13/D/24/1977. ↩
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Molière, Le malade imaginaire, acte II, scène V, p. 802. ↩
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CDH, Diergaardt v. Namibia, 2000, UN Doc. CCPR/C/69/D/760/1997. ↩
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Pour une analyse plus détaillée de la pratique des Comités onusiens de protection des droits de l’homme au cours de l’examen des rapports des États en matière de droits culturels des peuples autochtones, voir Stamatopoulou Elsa, « Taking Cultural Rights Seriously: The Vision of the UN Declaration on the Rights of Indigenous Peoples », in Allen Steve, Xanthaki Alexandra (eds.), Reflections on the UN Declaration on the Rights of Indigenous Peoples, Oxford, Hart Publishing, 2011, p. 400-402. ↩
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Sur l’application de la Convention 169, voir Bureau international du travail, Rapport de la commission d’experts sur l’application des conventions et recommandations, Rapport général et observations concernant certains pays (1A), Genève, OIT, 2013, p. 895-920. ↩
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En ce sens, voir Varennes Fernand de, « Le rôle du droit international en matière d’aménagement linguistique : la fin de l’époque de la souveraineté nationale ? », Télescope, vol. 16, n° 3, 2010, p. 39-54. ↩
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À cet égard, voir notamment Varennes Fernand de, Language, Rights and Opportunities: The Role of Language in the Inclusion and Exclusion of Indigenous Peoples, Submission to the UN Expert Mechanism on the Rights of Indigenous Peoples (Draft paper), 17 February 2012. ↩
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Ce constat se vérifiait jusqu’à récemment au Pérou, où le décret de 1975 officialisant la langue quechua n’a été suivi d’aucune mise en œuvre au niveau du service public de la justice ou de l’enseignement. ↩
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À cet égard, voir Saarikivi Janne, Marten Heiko, « Political and Economic Obstacles of Minority Language Maintenance », Journal on Ethnopolitics and Minority Issues in Europe, Vol. 11-1, 2012, p. 1-16. ↩
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Varennes Fernand de, op. cit., supra note 69. ↩
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Ibid. ↩
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« In many countries, schools with a concentration of indigenous children lack basic or appropriate educational materials respectful of indigenous peoples’ diverse cultures, or even quality teachers able to communicate in the language of the children » (Ibid.). Le rapport 2013 de l’OIT sur l’application de la Convention 169 par le Pérou indique ainsi qu’« en août 2012, 20 % des enfants indigènes âgés de 6 à 11 ans n’ont pas accès à un centre éducatif » (Bureau international du travail, op. cit., supra note 67, p. 919). ↩
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Telle était la conclusion du Groupe de travail des Nations-Unies sur les populations autochtones, qui s’est réuni de 1982 à 2006 et a entrepris une série d’études en vue de l’élaboration de la Déclaration de 2007 sur les droits des peuples autochtones. Voir Report of the Working Group on Indigenous Populations on Education and Language, 1998, Section 2b. Voir en ligne., (consulté le 1er juillet 2014). ↩
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En ce sens, voir Conseil des droits de l’homme, Rapport de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats. Mission au Mexique, 18 avril 2011, §§ 80-81, UN Doc. A/HRC/17/30/Add.3. ↩
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Mentionnée in Conseil des droits de l’homme, L’accès à la justice dans la promotion et la protection des droits des peuples autochtones, Étude du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, 29 avril 2013, § 29, UN Doc. A/HRC/EMRIP/2013/2. ↩
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Varennes Fernand de, op. cit., supra note 69. ↩
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Voir Coronel-Molina Serafín, « Revitalization of Endangered Languages: Quechua in the Andes », Droit et cultures, n° 62, 2011, p. 105-118. ↩
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Guénette Louise, Beamish Rowena, « Technologie et langue : apprendre à dire souris en kiché », article publié sur le site du Centre de recherche pour le développement international. Voir en ligne. ↩
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Ibid. ↩
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À cet égard, voir Pivot Bénédicte, « Langue et territoire, quand l’un légitime l’autre. Le cas du rama du Nicaragua », Intervention au colloque international « Langue et territoire », Université Laurentienne, Sudbury, Ontario, sept. 2010. ↩
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Par exemple, lorsque les peuples autochtones organisent des cérémonies ou interprètent des chants qui expriment des principes normatifs, ces cérémonies et chants protègent leurs terres, territoires et ressources traditionnels. ↩
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E/CN.4/Sub.2/2001/21. ↩
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En ce sens, voir l’article 6 de la Convention 169 de l’OIT, et les articles 18, 30 et 32 de la Déclaration des Nations-Unies sur les droits des peuples autochtones. La Commission et de la Cour interaméricaines des Droits de l’Homme ont également développé une jurisprudence fournie en la matière : voir Com.IADH, 12 Octobre 2004, Maya Indigenous Communities of the Toledo District (Belize), Report 40/04, Case n° 12.053, § 143 ; Com.IADH, 1er avril 2011, Indigenous Communities of the Xingu River Basin, Pará, Brazil, Case PM 382/10 ; CIADH, 27 juin 2012, Kichwa Peoples of the Sarayaku Community and its members v. Ecuador, Ser. C, n° 245. Le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU affirme également que le respect de l’article 27 du PIDCP inclut des « mesures garantissant la participation effective des membres des communautés minoritaires à la prise des décisions les concernant » (Commentaire général n° 23 (art. 27), 6 avril 1994, UN Doc. CCPR/C/21/Rev.1/Add.5, § 3). ↩
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Les États daignent, souvent sous la pression des mouvements autochtones et des organisations internationales, mettre en place des processus de consultation préalable, tout en ayant conscience du caractère non contraignant des résultats de celle-ci, critère sur lequel ces États insistent de manière systématique. Les communautés autochtones, pour leur part, revendiquent non pas le droit à la consultation mais le droit au consentement préalable, libre et informé qui implique d’une part, un processus automatique et initial de consultation et d’autre part un caractère nécessairement contraignant de la consultation. ↩
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Le décret d’application de la loi (décret 001-2012-MC) a été publié le 3 avril 2012. Ce règlement laisse à l’État la décision finale d’entreprendre ou non un projet ; les résultats du processus de consultation ne lient pas les autorités publiques. Toutefois, il est obligatoire de procéder à la consultation, conformément aux obligations établies par la Convention 169 de l’OIT. ↩
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À cet égard, voir les nombreuses remarques faites aux États d’Amérique latine par la commission d’experts sur l’application des conventions et recommandations de l’OIT, concernant la mise en œuvre du droit au consentement libre, informé et préalable : Bureau international du travail, op. cit., supra note 67, p. 895 ss. ↩
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Comme la construction du barrage de Belo Monte au Brésil qui s’accompagne de l’expulsion de 16 000 Indiens de la forêt amazonienne, ou le projet autoroutier devant traverser le Territoire Indigène et Parc National Isiboro Securé (TIPNIS) en Bolivie. Ce dernier projet a été suspendu par l’Assemblée plurinationale de Bolivie jusqu’en 2015, suite à la présentation d’un rapport conjoint de la Fédération internationale des Droits de l’Homme (FIDH) sur les violations du droit à la consultation préalable des communautés indigènes affectées par la construction de ce projet. Les recours se multiplient dans la plupart des États latino-américains, à l’instar de la pétition déposée le 3 septembre 2013 par des organisations mayas du Guatemala auprès de la Commission interaméricaine des droits de l’Homme, demandant l’abrogation de la législation minière de 1997, adoptée sans le consentement préalable des populations autochtones – mais jugée pourtant conforme à la Constitution par la Cour constitutionnelle du Guatemala en mars 2013. ↩
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Le gouvernement chilien vise ainsi à remplacer le mécanisme lacunaire de consultation instauré par le décret suprême n° 124 de septembre 2009, par un nouvel ensemble de règles en accord avec les institutions représentatives des peuples indigènes du Chili comme avec les standards internationaux applicables en la matière. Voir Bureau international du travail, op. cit., supra note 67, p. 902-903. ↩
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Reconnu indirectement à l’article 11 du PIDESC. En ce sens, voir CoDESC, Observation générale n° 15 sur le droit à l’eau (art. 11 et 12 du PIDESC), 20 janvier 2003, UN Doc. E/C.12/2002/11, §3. ↩
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D’après le CoDESC, le droit à l’eau suppose en effet « le droit d’accès ininterrompu à l’approvisionnement en eau nécessaire pour exercer le droit à l’eau, et le droit de ne pas subir d’entraves, notamment une interruption arbitraire de l’approvisionnement et d’avoir accès à une eau non contaminée » (CoDESC, précit., § 10). ↩
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Voir CDH, L’accès à la justice dans la promotion et la protection des droits des peuples autochtones. Étude du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, 30 juillet 2013, UN Doc. A/HRC/24/50C. ↩