Si l’éducation québécoise a dû faire face à de nombreux changements au cours de son histoire, la Réforme Parent des années 1960 a contribué à mettre en place les bases du système éducatif que nous connaissons actuellement (Tondreau, Robert, et Broudehoux 2011). Cependant, au cours des décennies suivantes, ce système n’a cessé d’être remis en question et modifié par le gouvernement. Par exemple, à l’aube des années 2000, le gouvernement introduit la gestion axée sur les résultats, visant l’efficacité, l’efficience et l’économie. En grande partie inspirée de la culture des entreprises privées, cette réforme vient bouleverser les modes de gestion traditionnels (Tondreau, Robert, et Broudehoux 2011). De surcroît, depuis les quinze dernières années, le gouvernement force les commissions scolaires à diminuer leurs budgets (Handfield et Chouinard 2014) alors que les dépenses ne cessent d’augmenter (Gouvernement du Québec 2015). Ces coupures budgétaires affectent les gestionnaires, qui n’ont pas d’autre choix que de trouver des solutions, parfois tirées des principes de l’amélioration continue, afin de faire mieux avec moins de ressources financières (Forget et al. 2014) (Forget et al. 2015). Ces solutions, quelle qu’en soit la nature, se mettent en place et reposent principalement par et sur des changements organisationnels.
Gather Thurler (2000) mentionne que le changement fait partie intégrante de notre société, que ce dernier est présent et constant dans le domaine de l’éducation. Toutefois, tout changement, qu’il soit curriculaire ou organisationnel, entraînerait de la résistance de la part des différents acteurs de l’éducation (Levasseur 2006). En effet, selon le modèle du changement de Lewin (1975), toute organisation chemine par trois grandes phases durant un changement organisationnel : la décristallisation, la transition et la recristallisation. La résistance apparaîtrait lors de la phase de décristallisation et serait dès lors inhérente au changement. Plusieurs auteurs se sont récemment engagés dans une vision où la résistance comporte des effets positifs (Bareil 2008). En effet, elle serait alors perçue comme une force voire comme un engagement (Ford et Ford 2009, @Kotter2008). Selon Arcand (2011), cette résistance agirait comme un système d’autodéfense de la part de l’individu confronté à la transformation de son environnement. De même, elle pourrait être un levier afin de comprendre les préoccupations des subordonnés lors d’un changement (Bareil 2013). Toutefois, elle entraîne aussi - et surtout - des effets négatifs, tels que l’échec du changement, la peur, la diminution de la satisfaction et/ou de la productivité au travail ainsi que l’augmentation du stress et de certains comportements agressifs (Bareil 2008). Elle peut donc être un frein lors de la mise en place d’un changement et doit être prise en compte pour être gérée adéquatement par les membres de l’organisation.
Au cours des prochaines lignes, le rôle du directeur d’école en tant que pivot dans la mise en place d’un changement sera explicité. Ceci mènera à la présentation du problème de recherche, à l’objectif général de la thèse ainsi qu’à la présentation des perspectives scientifique et sociale. Puis, des éléments théoriques seront présentés afin de définir et comprendre les mécanismes de la résistance au changement et ses liens théoriques avec les trois caractéristiques qui font l’objet de cette étude (leadership, sentiment d’autoefficacité et solitude professionnelle). Par la suite, le volet méthodologique (population, instruments de mesure, etc.) sera présenté. Enfin, les limites et les perspectives futures de cette recherche seront abordées en guise de conclusion.
I. Le directeur d’école : un agent de changement face à sa résistance
La réussite de l’application d’un changement est déterminée, entre autres, par l’individu ou le groupe d’individus qui le prend en charge, à savoir l’agent de changement qui va susciter, promouvoir et soutenir les modifications apportées à l’organisation (Schermerhorn et al. 2014). De fait, que le changement soit considéré comme acceptable ou non du point de vue de cet agent, son application est une obligation émanant de son supérieur hiérarchique : le rôle de l’agent de changement est donc crucial. Dans le contexte scolaire israélien, Oreg et Berson (2011) mentionnent que c’est souvent le directeur d’école qui tient ce rôle. À cet égard, il adopterait une position de médiateur entre les réformes et les enseignants (Thornburg et Mungai 2011). Bien qu’au Québec, son rôle soit différent du milieu étudié par Oreg et Berson (2011) et que ses pouvoirs soient limités, il reste que le directeur d’école tient un rôle de facilitateur (au sens de Hall et al. 1991 et Hall et Hord, 1987) entre les instances gouvernementales, la commission scolaire et le personnel de son établissement (Cloutier 2007). Il est d’ailleurs chargé par le gouvernement et la direction générale de la commission scolaire d’implanter le changement (Gravelle 2012) et de le piloter lorsqu’il a lieu (Corriveau, 2004). Cette mission est spécifiée par la Loi sur l’instruction publique, qui stipule que le directeur d’école doit « assurer la direction pédagogique et administrative de l’école et s’assurer de l’application des décisions du conseil d’établissement et des autres dispositions qui régissent l’école » (art. 96.12). Il a donc un rôle de pivot puisqu’il doit à la fois répondre aux demandes des instances supérieures et s’occuper de la gestion de son école. Dès lors, avant de s’attarder à la résistance de ses subordonnés, ce dernier doit faire face à la sienne, comme tout acteur de changement (Bareil 2008) et quel que soit son avis sur les mesures à appliquer (Cloutier 2007). Ces résistances des directeurs d’école seraient donc à adresser en premier lieu, puisqu’Oreg et Berson Oreg et Berson (2011) ont démontré qu’elles auraient une influence sur celle de leurs subordonnés.
Les caractéristiques personnelles du directeur
Selon Oreg, Vaklova et Armenakis (Oreg et al. 2008), il existerait deux catégories de causes majeures à cette résistance au changement. D’une part, elles seraient liées au contexte interne à l’organisation (Internal Context) et dépendraient donc de chaque organisation et de son engagement, sa culture ou son environnement. D’autre part, elle résulterait des caractéristiques de l’individu devant faire face au changement (Change Recipient Context), qui dépendent de chaque individu – citons par exemple le pessimisme, l’affectivité, l’estime de soi propres à chacun. Les individus résisteraient alors de manière différente selon les caractéristiques personnelles de chacun. Dès lors, il convient de s’attarder sur certaines de ces caractéristiques personnelles du directeur d’école qui pourraient avoir une influence sur la résistance au changement de ce dernier. D’autant plus qu’elle pourrait, par la suite, avoir une incidence sur celle de ses employés (Oreg et Berson 2011). À ce sujet, Armenakis et Bedeian (1999) recensent dans leurs travaux antérieurs plusieurs facteurs individuels notables tels que le stress, les styles d’adaptation, l’anxiété et le cynisme. Plusieurs recherches suggèrent également que le leadership (Inandi, Tunc, et Gilic 2013), le sentiment d’autoefficacité (McCullers et Bozeman 2010) et la solitude professionnelle (Martin et McGrevin 1990, @Smith1990) sont des caractéristiques susceptibles d’influencer la résistance au changement du directeur d’école. Cependant, ces dernières ne semblent pas avoir été testées empiriquement auprès des directeurs d’école québécois.
Problème et objectif général de recherche
Somme tout, dans un monde en constant changement, le directeur d’école doit se confronter à sa propre résistance avant de contribuer à la gestion de celle de ses subordonnés. Des écrits suggèrent que certaines caractéristiques personnelles comme le leadership, le sentiment d’autoefficacité et la solitude professionnelle pourraient avoir une influence sur cette résistance au changement. Cependant, il semblerait qu’aucune étude ne se soit attardée à la relation entre les caractéristiques personnelles des directeurs d’école québécois et leur résistance au changement, objet d’étude de cet article. Cette recherche a pour but de contribuer à l’avancement des connaissances sur la résistance au changement, domaine peu étudié en administration scolaire au Québec, mais également sur les facteurs susceptibles d’influencer cette dernière (leadership, sentiment d’autoefficacité et solitude professionnelle). Elle permettra également une avancée des connaissances en administration scolaire et en psychologie comportementale. De plus, elle soulèvera l’importance du concept de résistance, en tant que mouvement intrinsèque dans l’approche du métier de directeur d’école puisqu’une partie de la mission de ce dernier réside précisément dans l’application de mesures et la gestion de changement, et donc de la gestion de la résistance. À terme, cette recherche pourrait aider à une éventuelle modification du programme de formation des directeurs d’école afin de mieux les préparer à cette gestion du changement et de la résistance. La prochaine partie de l’article aura pour but de présenter la résistance au changement et la relation entre cette dernière et chacune des caractéristiques personnelles présentées ci-dessus.
II. Résistance au changement : état des lieux théoriques et objectifs
Principalement issue de la psychologie comportementale, la théorie de la résistance au changement d’ Oreg (2003) est l’une des plus citées au cours des dernières années en recherche en gestion organisationnelle - par ex. Arciniega et Maldonado (2011), Chung, Su, et Su (2012) - mais aussi auprès des directions d’écoles (Inandi, Tunc, et Gilic 2013, @Oreg2011). Cette théorie, qui aborde la disposition à résister au changement en tant que trait de personnalité (Oreg et Berson 2011, @Oreg2003a), s’intéresse plus particulièrement aux préoccupations vécues par les destinataires du changement. Oreg (2006) définit la résistance comme une attitude tridimensionnelle (négative) à l’égard du changement, incluant des composantes à la fois affectives, comportementales et cognitives. La dimension affective recouvre la manière dont l’individu exprime ses sentiments quant au changement (l’anxiété, la colère). La dimension cognitive implique ce qu’il va penser du changement (est-ce que le changement est nécessaire ? est-ce qu’il est bénéfique ?). Enfin, la dimension comportementale comprend les actions qu’il va entreprendre en réponse à ce changement (se plaindre du changement, essayer de convaincre les autres que le changement est négatif). Ces trois composantes sont interdépendantes. En effet, Oreg (2006) précise par exemple que ce qu’un individu peut penser du changement va se refléter dans ses sentiments et ses actions vis-à-vis de ce dernier. Toutefois, si chacune de ces dimensions offre un éclairage théorique différent sur le phénomène de la résistance, il convient de s’attarder aux liens entre le mécanisme de la résistance au changement et les antécédents de cette dernière. Selon Oreg, ces antécédents seraient nombreux, dont le leadership et le sentiment d’autoefficacité (Oreg et Berson 2011) (Oreg 2003) (Oreg 2006). En outre, certains auteurs avancent que la solitude professionnelle pourrait être un antécédent de la résistance au changement (Martin et McGrevin 1990) (Smith et Scott 1990). En ce sens, il convient de présenter les liens théoriques entre la résistance au changement et les trois caractéristiques déjà évoquées que sont le leadership, le sentiment d’autoefficacité et la solitude professionnelle.
Leadership
Dans le cadre de cette étude, la théorie du leadership transformatif de Bass (1990) semble être la plus adéquate pour étudier le leadership. Bien qu’il existe d’autres formes de leadership tel que le leadership pédagogique qui est souvent utilisé en éducation, ce dernier s’intéresse à l’influence des professionnels de l’éducation sur l’éducation et l’apprentissage (Langlois et Lapointe 2002), ce qui n’est pas l’objet de cette recherche. Par ailleurs, l’approche du leadership pédagogique est utilisée majoritairement en Grande-Bretagne alors que le contexte nord-américain favorise celle du leadership transformatif (Bush 2003). La théorie du leadership transformatif est une suite des travaux initiés par Burns. Fullan (2010) indique que cette approche aide à administrer le changement de manière positive. Elle est issue de l’approche néocharismatique, qui semble être l’approche la plus globale puisqu’elle prend en compte plusieurs spécificités présentées dans d’autres approches (approches axée sur les traits, axée sur le comportement, axée sur la situation) et considère le leader et ses subordonnés au travers de la mise en place d’un processus interpersonnel. De plus, elle a été validée par de nombreuses études et a été utilisée dans de nombreux domaines, dont l’éducation (Thibodeau 2006). Bass (1990) définit le leadership comme étant l’interaction durant laquelle un individu va augmenter la motivation ou les compétences des membres de son groupe afin de les mener à un dépassement de soi. Selon Leithwood, Jantz, et Steinbach (1999), le leadership transformatif permettrait de susciter des niveaux d’engagements supérieurs de la part des employés. Sa théorie propose trois dimensions ; 1) le leadership transformationnel qui fait référence à la reconnaissance des besoins des collaborateurs tout en les aidant à obtenir de meilleurs résultats et à prendre conscience de leurs compétences, 2) le leadership transactionnel qui est construit sur la base d’une relation d’échange entre le leader et ses subordonnés, dont les transactions en sont le cœur, 3) le leadership laisser-faire correspond au niveau minimal d’action d’un leader, ce qui équivaut à ne rien faire (Bass 1990). Les deux premières dimensions sont des constituantes du leadership alors que la dimension laissez-faire ne peut être comprise comme telle puisqu’elle réfère à l’inaction du leader. Certains auteurs soulignent que le leadership a un impact direct sur les capacités de changement des organisations et dans certains cas, pourrait aider à l’implantation du changement (Bateh, Castameda, et Farah 2013).
Des recherches ont été effectuées pour mesurer la relation entre le leadership et la résistance. Par exemple, celle de Oreg et Berson (2011) indiquent une relation négative entre les leaderships transformationnels et transactionnels des directeurs d’école israéliens et leur résistance au changement, alors qu’ Inandi, Tunc, et Gilic (2013) mentionnent avoir pu vérifier une relation positive entre la dimension laissez-faire du leadership et la résistance au changement des directeurs d’école turcs. En somme, s’il semble exister une relation entre le leadership transformatif du directeur d’école et sa résistance au changement, ce phénomène ne semble jamais avoir été étudié au Québec.
À cet égard, le premier objectif de cette étude est :
Objectif 1 : Mesurer la relation entre les dimensions du leadership transformatif des directeurs d’école québécois et leur résistance au changement.
Sentiment d’autoefficacité
Très utilisée dans le milieu de l’éducation (Lecomte 2004), la théorie sociocognitive de Bandura (2007) met en avant que le sentiment d’autoefficacité « concerne la croyance de l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités » (p. 12). En fait, il peut être perçu comme un jugement émis par un individu sur son aptitude à réaliser une tâche dans un contexte spécifique. Ce sentiment se construit sur la base des réalisations personnelles, des expériences vicariantes, de la persuasion verbale, et des états physiologiques et émotionnels et permet de réguler le fonctionnement humain. De surcroît, Bandura (2007) mentionne quatre effets du sentiment d’autoefficacité sur l’individu, à savoir qu’il peut affecter ses modes de pensée, sa motivation, ses émotions et ses choix. Selon cette théorie, l’individu ressentant un fort sentiment d’autoefficacité sera plus en mesure d’atteindre les objectifs escomptés. Cependant, si l’individu entretient des doutes importants quant à ses aptitudes à accomplir ses actions, il n’adopte pas les comportements qui sont susceptibles d’engendrer ce résultat.
Le sentiment d’autoefficacité aurait donc un impact certain sur l’individu dans la gestion de son emploi. Dans le cas des directeurs d’école, certains résultats indiquent que le sentiment d’autoefficacité leur permettrait notamment d’atteindre les objectifs déterminés par le gouvernement (McCullers et Bozeman 2010, @Virga2012). En outre, d’autres études ont pu relever que le sentiment d’autoefficacité serait relié positivement à l’ouverture au changement (Armenakis et al. 2007, @Hyland2007) et à la disposition au changement (Wanberg et Banas 2000). Ce dernier pourrait diminuer les effets négatifs de la résistance au changement (Hyland 2007, @Judge1999, @VanDam2008). Ainsi, les individus ayant un haut sentiment d’autoefficacité seraient moins enclins à résister. Ces éléments permettent de proposer le second objectif suivant :
Objectif 2 : Mesurer la relation entre le sentiment d’autoefficacité des directeurs d’école québécois et leur résistance au changement.
Solitude professionnelle
Bien qu’il existe différentes théories de la solitude (les approches psychodynamique, sociologique, phénoménologique pour ne citer qu’elles), la théorie cognitiviste telle que Peplau et Perlman (1982) ont pu la développer semble être la plus pertinente pour traiter de la solitude professionnelle en éducation. En effet, elle a déjà été utilisée auprès d’enseignants (Dussault, Deaudelin, & Thibodeau, 2003) et de directeurs d’école (Thibodeau 1995). Selon cette théorie, la solitude est une expérience déplaisante qui survient lorsque le réseau relationnel d’un individu est déficient de manière relativement importante, que ce soit quantitativement ou qualitativement (Peplau 1985, @Perlman1981, @Perlman1984). Situant la solitude dans un contexte professionnel, Thibodeau (2006) mentionne qu’il s’agit d’un « sentiment négatif qui résulte, chez la personne, d’un écart perçu entre la quantité et la qualité des relations interpersonnelles effectives et celles qu’elle souhaite connaître au travail » (p. 42). De nombreux effets de la solitude professionnelle ont été mis en avant par la littérature. Rosenholtz (1985), par exemple envisage que la solitude peut perturber la capacité à détecter et résoudre des problèmes, et de ce fait, engendrer une certaine insatisfaction. Pour Peplau (1985), la solitude mène à différentes stratégies de gestion. De même, Harvey et Broyles (2010) mentionnent que le sentiment de solitude lors d’un changement peut mener l’individu à se sentir dépasser par les évènements et recourir à différents outils sécurisants qui l’encouragent à résister.
Actuellement, il ne semble pas exister d’études analysant la relation entre la solitude professionnelle et la résistance au changement. Cependant, des recherches ont pu établir une relation entre la solitude et l’engagement organisationnel (Yilmaz 2008) et la performance au travail (Thibodeau 1995, @Wright2005). Enfin, les résultats de Izgar (2009) montrent que la solitude serait un prédicteur de la dépression. Or, cette dernière est connue pour être un antécédent de la résistance au changement (Oreg et Berson 2011). Ces informations mènent à penser que la solitude professionnelle pourrait avoir une influence sur la résistance au changement et permettent de proposer l’objectif suivant :
Objectif 3 : Mesurer la relation entre la solitude professionnelle des directeurs d’école québécois et leur résistance au changement.
III. Méthodologie envisagée
Les objectifs de cette étude présentés par cet article sont donc de mesurer les relations entre le leadership, le sentiment d’autoefficacité, la solitude professionnelle des directeurs d’école québécois et leur résistance au changement. La démarche de recherche envisagée est quantitative corrélationnelle prédictive, car elle permet d’établir s’il existe une relation entre les concepts et de déterminer le sens de cette relation (Beaugrand 1988, @Gall2007, @Pelletier2000, @Vallerand2000). Dans le cadre de ce projet, c’est donc le devis corrélationnel prédictif qui sera préféré puisque la problématique et le cadre de référence (théories et études antérieures) suggèrent des liens entre les différentes variables (devis corrélationnel descriptif), mais qu’il n’existe pas de recherches antérieures proposant un modèle hypothétique (devis corrélationnel confirmatif) prenant en compte l’ensemble des variables.
Population visée par l’étude
La population visée par cette étude est constituée de l’ensemble des directeurs d’établissements préscolaire, primaire et secondaire des écoles publiques de la province du Québec. Des statistiques de 2012-2013 indiquent que 3550 directeurs (2266 femmes et 1284 hommes) d’école publique œuvraient au Québec à ce moment-là (Gouvernement du Québec 2015). Les directeurs d’établissement scolaire privé sont exclus de cette étude, car ils ne sont pas assujettis aux mêmes lois que leurs confrères des écoles publiques. Ils ne sont notamment pas sous la gouvernance d’une commission scolaire qui viendrait modifier leurs rôles et leurs pouvoirs. L’échantillonnage de cette population sera établi sur la base d’une participation volontaire et non-probabiliste. Ce type d’échantillonnage permettra de représenter l’ensemble de la population choisie sans pour autant se limiter à un nombre de répondants et sans connaître l’ensemble de leurs caractéristiques (Cochran 1963, @Huot2003, @Robert1988). En sélectionnant l’ensemble des directeurs d’école publique sans limites de caractéristique particulière, l’échantillon sera suffisamment grand et permettra de représenter au mieux la population sélectionnée (Boudreault et Cadieux 2011, @Colin1995, @Myers2008, @Voyer2000).
Outils de collecte de données
Les données de cette recherche seront récoltées à l’aide d’un questionnaire composé d’une section démographique et de quatre instruments de mesure qui ont été choisis en raison de leurs bonnes qualités psychométriques. La première section aura donc pour objectif de collecter les données sociodémographiques permettant d’obtenir des renseignements généraux sur les participants (âge, sexe, formation, nombre d’années de pratique…). En ce qui concerne les quatre instruments sélectionnés, ces derniers seront administrés dans le but de mesurer chaque variable. Le premier instrument de mesure choisi est l’Échelle de Leadership autorapporté développé par Dussault, Frenette, et Fernet (2013). Celui-ci, bien qu’il ne soit pas spécifique à la direction d’école, s’intéresse aux rôles de leader dans les organisations et a été validé auprès de directions d’écoles québécoises. Le second instrument est l’Échelle de perception d’efficacité personnelle (Fernet, Austin, et Dussault 2009) qui permettra de mesurer la variable autoefficacité. Destiné aux directeurs d’école, cet instrument a été construit au Québec et s’intéresse de fait directement à la population sélectionnée pour cette étude. Le troisième instrument est la traduction franco-canadienne du UCLA Loneliness Scale 3 (Lussier 1992). Il sera proposé aux répondants afin de mesurer leur sentiment de solitude professionnelle. Enfin, le quatrième instrument est le Resistance to Change Scale (Angel et Steiner 2013, @Oreg2003a, @Oreg2008) qui permettra de mesurer la résistance au changement des directions d’école, après son adaptation en français. En effet, il conviendra de réaliser une validation transculturelle de cet instrument anglophone avant d’être en mesure de l’appliquer à notre contexte de recherche – validation transculturelle inspirée de la démarche éprouvée par les travaux de DeVellis (2017), Hambleton (2005) et Vallerand (1989). Au cours des prochaines lignes, des explications seront données sur la façon dont les données seront analysées.
IV. Prochaines étapes
Les prochaines étapes de cette recherche seront de traduire l’instrument de résistance au changement et de le tester auprès d’une population tierce afin de vérifier sa validité et sa fidélité. Dans cette optique, les auteurs suivront les étapes proposées par de DeVellis (2017), Hambleton (2005) et Vallerand (1989). Par la suite, le questionnaire composé de la section sociodémographique et des quatre instruments sera envoyé aux directeurs d’école québécois. À l’issue de la récolte des données, les données seront analysées par le biais de statistiques.
Plan d’analyse des données
Les analyses présentées ici sont celles qui permettraient de réaliser les trois objectifs de recherche. Il s’agit d’analyses exploratoires, descriptives et confirmatoires qui seront réalisées avec la version la plus récente du logiciel SPSS.
Dans un premier temps, il est important que les données récoltées soient transformées selon la clé de correction des questionnaires. Ensuite, des analyses exploratoires seront menées afin de détecter les données manquantes et les données aberrantes (Osborne et Overbay 2008). Ce repérage effectué, on peut alors décider d’éliminer ces données ou de leur attribuer un nouveau résultat (Osborne et Overbay 2008).
Dans un second temps, les données sociodémographiques seront travaillées par le biais d’analyses descriptives. Cette étape permettra entre autres de dresser le portrait des participants, tel que cela a été fait dans les recherches antérieures (Fortin 2010). Ce type d’analyse se traduit notamment par des moyennes et écarts-types (Laflamme et Zhou 2014).
Enfin, les analyses confirmatoires devraient permettre d’atteindre les objectifs de recherche. Les objectifs présentés dans ce projet visent à étudier les relations entre certaines caractéristiques personnelles (leadership, sentiment d’autoefficacité personnelle et solitude professionnelle) et la résistance au changement des directeurs d’école québécois. Dès lors qu’il s’agit d’une étude corrélationnelle, il est nécessaire d’effectuer des calculs du coefficient de corrélation de Pearson entre les scores moyens des divers instruments (Laflamme et Zhou 2014) afin d’être en mesure d’expliquer les relations entre les variables. De plus, comme plusieurs variables pourraient être mises en relation, des analyses de régression seraient nécessaires afin de compléter la recherche.
V. En guise de conclusion…
Certains auteurs ont soulevé que les directeurs d’école pouvaient d’une part, être résistants au changement (Inandi, Tunc, et Gilic 2013, @Oreg2011) et, d’autre part, seraient susceptibles d’influencer leurs subordonnés et la réalisation du changement (Oreg et Berson 2011). Par conséquent, dans ce projet de recherche, il est attendu que les directeurs d’école puissent être résistants au changement. L’étude envisagée permettra de mesurer la relation entre trois caractéristiques personnelles importantes(leadership, sentiment d’autoefficacité et solitude professionnelle) et la résistance au changement des directeurs d’école. Puisqu’il s’agit d’un projet de recherche en cours, les retombées ne sont que présumées. Néanmoins, la recension des écrits théorique suggère que certains types de leadership et un haut sentiment d’autoefficacité seraient liés à une résistance au changement moins importante, alors que la solitude serait corrélée avec une présence accrue de résistance au changement.
Ce projet comporte cependant certaines limites. En effet, il s’agit d’une étude corrélationnelle et elle ne permettra donc pas de mettre en avant des liens de causalité. Ainsi, il ne sera pas possible d’établir avec certitude que les caractéristiques personnelles ont une influence sur la résistance au changement. Toutefois, les analyses corrélationnelles peuvent aider à l’établissement d’un modèle hypothétique qui permet de tendre à des liens de causalité. Par ailleurs, cette étude s’intéresse à la disposition de l’individu à résister et non pas à la résistance dans le cadre d’un changement en particulier. Dès lors, il serait intéressant de prolonger cette recherche lors de l’implantation d’un changement donné, afin de déterminer la disposition à résister des individus dans un contexte de changement précis. En outre, cette recherche vise à interroger les directeurs d’école publique et écarte les directeurs d’école privée. Un autre volet de la recherche permettrait de comparer ces deux profils différents et déterminer si l’influence des commissions scolaires a un impact sur la résistance au changement des directeurs. Dans le même ordre d’idée, une recherche subséquente, avec une nouvelle problématisation, pourrait également s’adresser à la population enseignante afin de mieux comprendre leur réaction à l’égard du changement. Enfin, seules certaines caractéristiques ont été sélectionnées pour cette recherche, alors que d’autres auraient pu être abordées telles que le stress, l’estime de soi, le genre et l’âge (Oreg et al. 2008). Il serait tout à fait envisageable de reproduire cette étude afin de s’intéresser à d’autres caractéristiques et de vérifier leur relation avec la résistance au changement. Ce type de recherche permettra de dresser un portrait plus global des caractéristiques en lien avec la résistance au changement des directeurs d’école.
Somme toute, malgré ses limites, ce projet propose une recherche permettant d’avoir des perspectives scientifiques et sociales importantes dans un monde en constant changement, où l’éducation n’est pas laissée de côté.
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