— C’est un rêve, cela, je crois, murmura Lord Ewald.
— Milord, il n’y a plus de rêve! répondit à voix basse le grand ingénieur.
Villiers de L’Isle-Adam, L’Ève future
Dans L’Ève future, le narrateur s’étend sur les pouvoirs de Thomas Edison au point de tenir sur celui-ci un véritable discours hagiographique (bien qu’il faille tenir compte de l’ironie insistante qui traverse l’ouvrage). Il va jusqu’à affirmer que « ses inventions de tout genre, dont on ne connaît que les moins étranges, donnent en général des impressions d’un positivisme énigmatique (Villiers de L’Isle-Adam 1992, 118). » Posons l’hypothèse que cet oxymore, « positivisme énigmatique », constitue une formule clé de l’imaginaire fin-de-siècle en France. Villiers de L’Isle-Adam, à l’instar de la plupart des membres des mouvements d’avant-gardes, avait une forte répugnance à l’égard du progrès qu’instaurait la société industrielle en plein développement. Je me contenterai à ce sujet de citer un exemple célèbre. Il s’agit d’un extrait d’un texte de Baudelaire publié dans Le Pays à propos de l’exposition de 1855 :
Il est […] une erreur fort à la mode, de laquelle je veux me garder comme de l’enfer. – Je veux parler de l’idée de progrès. Ce fanal obscur, invention du philosophe actuel, breveté sans garantie de la nature ou de la Divinité, cette lanterne moderne jette des ténèbres sur tous les objets de la connaissance. […] Demandez à tout bon Français qui lit tous les jours son journal dans son estaminet, ce qu’il entend par progrès, il répondra que c’est la vapeur, l’électricité et l’éclairage au gaz, miracles inconnus aux Romains, et que ces découvertes témoignent pleinement de notre supériorité sur les anciens; tant il s’est fait de ténèbres dans ce malheureux cerveau et tant les choses de l’ordre matériel et de l’ordre spirituel se sont bizarrement confondues ! Le pauvre homme est tellement américanisé par ses philosophes zoocrates et industriels, qu’il a perdu la notion des différences qui caractérisent les phénomènes du monde physique et moral, du naturel et du surnaturel. (Baudelaire 1976, II:580‑81)
On notera l’adjectif « américanisé » qui oriente la situation vers un coupable : le « système industriel » et à travers lui l’idéal du progrès déjà bien implanté dans le nord des États-Unis depuis la fin des années 1830 et que Baudelaire condamne. Il y a un monde entre cette déclaration critique et intempestive, et la suivante que l’on doit à Louis Figuier qui loue le progrès :
La mythologie grecque […] avait fait du dieu de la poésie et des arts le représentant céleste de la lumière ; par une admirable prescience, elle avait réservé la foudre à Jupiter.
La science et l’industrie se sont emparées, depuis longtemps, des forces que l’air et les eaux mettent à la disposition de l’homme. La vapeur, animée par le feu, lui permet de franchir tous les obstacles et de dominer les mers. La lumière n’a plus de secrets pour la science, et les arts multiplient chaque jour ses plus surprenantes applications. Restait un dernier effort à accomplir : il fallait saisir, entre les mains du maître des dieux, la foudre elle-même et la plier aux besoins de l’humanité […] Cet effort restera comme une date mémorable dans l’histoire ; au milieu du mouvement de la politique et des agitations de l’esprit humain, il deviendra l’expression caractéristique de notre époque. Le dix-neuvième siècle sera le siècle de l’électricité (Figuier 1885, 596) !
Figuier, grand vulgarisateur scientifique, avait écrit comme Baudelaire sur l’exposition de 1855, la première grande exposition universelle qui eut lieu en France, mais d’une manière, on s’en doute, bien différente de celle du poète. La citation qui précède est issue d’un livre qui fait plutôt suite à l’exposition sur l’électricité de 1881 à Paris. Les deux citations sont intéressantes en ce qu’elles forment, à un quart de siècle d’écart, un chiasme et évoquent très bien les tensions qui traversent de nombreuses fictions où on se réfère à la technologie, à l’industrie et aux médias au tournant du siècle. Baudelaire utilise deux fois le substantif « ténèbres » pour évoquer négativement le progrès, laissant percer son aspect sinistre et obscur. Figuier exalte au contraire la lumière du progrès. Si le poète laisse entendre la naïveté de ceux qui s’enfièvrent à son propos, confondant embourgeoisement (l’amélioration de la vie matérielle) avec spiritualité, le vulgarisateur électrise son lecteur (on me permettra cette métaphore de circonstance) en associant les développements de la science et de l’industrie à une véritable volonté divine, dans un mouvement qui, des dieux grecs, conduit à l’époque contemporaine1.
Mort en 1867, Baudelaire n’a connu ni le téléphone ni le gramophone. Dans quelle mesure aurait-il été hanté par de telles inventions qui pousseront certains à associer technologie et spiritisme2 ? Comment les écrivains usaient-ils à l’époque de ces machines nouvelles, encore très expérimentales, qui ouvraient la voie à d’autres, encore plus étonnantes ?
Cet article propose un survol de quelques textes d’anticipation français au tournant du siècle dont les motifs paraissent clairement inspirés de ces voix technologiques, qui forment un réseau. Si on peut admettre que « la société occidentale contemporaine, technologiquement médiatisée, est désormais soumise à ‘‘la folie du voir’’ selon Buci-Glucksmann (Watthee-Delmotte 2016, 42) », c’est d’abord la « folie de l’entendre » que rencontrent les personnages des romans et nouvelles à travers les voix mécaniques qu’offrent les nouvelles machines à la fin du XIXe siècle. Les auteurs s’en servent à la fois pour révéler la science, mais aussi pour la déporter du côté du fantastique, insister sur ses potentialités qui en constituaient toute la richesse imaginaire selon ce qu’affirmait un poète comme Percy Shelley, déjà, à l’époque romantique. Se produit souvent un étrange effet d’identification à celles-ci, ce qui accroît leur étrangeté. Un réseau se développe qui, selon les points de vue, va peu à peu enfermer l’individu dans ses rets ou au contraire lui ouvrir des possibilités inouïes. Avant d’en venir aux textes, c’est à la constitution de ce réseau que je voudrais rapidement m’arrêter pour les ancrer dans un cadre historique.
L’organisme-réseau
Dans les deux premières décennies du XIXe siècle, lorsque le comte de Saint-Simon réfléchit à la société industrielle (on sait que l’expression est de son cru), il l’imagine sous la forme d’un organisme-réseau. On a même pu voir dans sa pensée une « philosophie des réseaux (Musso 1998) ».
Il envisage alors l’univers des communications comme créateur d’un nouveau lien universel. S’il a su faire preuve de prospective, il n’aura guère le temps de voir ses idées prendre forme dans la pratique, puisqu’il meurt en 1825 et n’assiste qu’au début (encore bien théorique) des réseaux de chemin de fer.
Nul doute qu’il aurait été époustouflé devant l’accroissement rapide des médias qui se développent grâce aux nouvelles technologies, publicisées notamment par les grandes expositions universelles. La deuxième moitié du XIXe siècle constitue en effet un moment clé dans leur expansion, non seulement sur le plan social, mais également sur le plan psychologique. Si le télégraphe déjà, dans les années 1830, permet pour la première fois le transport d’informations sans nécessiter la présence d’un individu en chair et en os pour les transmettre, le téléphone jouera une quarantaine d’années plus tard un rôle encore plus spectaculaire. Il ne s’agit pas d’une invention comme les autres : l’appareil transforme à la fois les concepts psychologiques de temps et d’espace, ainsi que la manière de percevoir l’être humain. Soudain, la voix se sépare du corps. Dès lors, où se situe la personne à qui l’on parle? Une voix est-elle une personne ? En ce sens, il s’agit d’une invention médiatique qui produit un effet ontologique. Son succès sera impressionnant : utilisé pour la première fois à Boston en 1876, il existe déjà, en 1900, un poste téléphonique pour 60 personnes aux États-Unis et dès les années 1920 les laboratoires Bell, qui dépendent d’American Telegraph & Telephone, emploient plusieurs milliers de professionnels (Bonneuill et Pestre 2015, 466). Par contre en France, toujours en 1900, il n’existe qu’un appareil pour 1216 habitants (Mattelart 1992, 21).
Cette statistique permet de comprendre qu’au tournant du siècle l’appareil participe beaucoup moins aux mœurs et à la vie quotidienne en France – qui se trouve aussi à la queue des principaux pays européens, alors que seules l’Italie et la Russie sont moins bien pourvues de ce côté. Conséquemment, le statut de l’appareil diffère de celui qu’il possède aux États-Unis3 : il frappe davantage l’imagination, possède encore une dimension magique, fantastique, qui aura des effets sur le corpus littéraire. Le gramophone, développé en même temps, produit un effet également mystérieux, alors que surgit une voix qui donne l’impression de sortir des limbes.
Comme l’écrivent Philippe Breton et Serge Proulx : « L’usage est un phénomène complexe qui se traduit par l’action d’une série de médiations enchevêtrées entre les acteurs humains et les dispositifs techniques […]. L’observation des usages des objets techniques, c’est-à-dire de ce que les gens font effectivement avec ces objets et ces dispositifs, peut donc constituer une entrée méthodologique pertinente pour saisir l’action de la technique dans la société (Breton et Proulx 2002, 254). » On pourrait ajouter que la démocratisation communicative se greffe spontanément sur l’évolution des supports. À partir de la fin du XIXe siècle – et le téléphone en est l’illustration exemplaire, le gramophone également dans une moindre mesure –, la machine a peu à peu perdu de sa substance physique. De lourde, elle devient légère tout en étant de moins en moins visible, enfouissant ses mécanismes. « De ce point de vue, la miniaturisation mobilise un imaginaire subtil de mystère et de puissance (Wuenberger 2016, 19). » Au fil des décennies, le réseau se dissimulant devient du même coup de plus en plus opaque : qui le dirige, le contrôle ? Il engendre un pouvoir d’autant plus angoissant que l’usager se sent maintenant maîtrisé et maîtrisable. Si les enthousiastes sont nombreux, les critiques ont aussi fusé au cours des dernières décennies4. Dès le milieu du XXe siècle cependant, il existait des jugements acerbes concernant l’évolution des réseaux et des industries culturelles :
Pour le moment, la technologie de l’industrie culturelle n’a abouti qu’à la standardisation et à la production en série, sacrifiant tout ce qui faisait la différence entre la logique de l’œuvre et celle du système social. Ceci est le résultat non pas d’une loi de l’évolution de la technologie en tant que telle, mais de sa fonction dans l’économie actuelle. Le besoin qui par exemple pourrait échapper au contrôle central est déjà réprimé par le contrôle de la conscience individuelle. Le passage du téléphone à la radio a établi une nette distinction entre les rôles : libéral, le téléphone permettait encore à l’abonné de jouer le rôle d’un sujet. Démocratique, la radio transforme tous les participants en auditeurs et les soumet autoritairement aux programmes des différentes stations, qui se ressemblent tous (Adorno et Horkheimer 2012, 10)5.
L’hypothèse d’une pareille coercition relève-t-elle de l’exagération à l’époque ? Il est vrai que le texte date de 1947 et que les auteurs sortent à peine d’une période d’intense propagande où la radio – sous le nazisme en particulier – a joué un rôle d’endoctrinement et de désinformation particulièrement virulent.
Ces données à valeur sociologique ne peuvent évidemment suffire à expliquer la manière dont la fiction en rend compte. Cependant, les tensions sociales et psychologiques, les angoisses aussi bien que la stupéfaction provoquée par les nouveaux appareils et sur lesquelles je viens de m’arrêter, se retrouvent dans la fiction à travers un travail textuel singulier qui s’opère sur les signes, les langages et les représentations. Le texte littéraire déplace, interprète, condense (au sens psychanalytique) à travers diverses stratégies narratives l’espace social où circulent ces « appareils à voix mécaniques » et la manière farfelue ou inquiétante par laquelle elles s’inventent.
Dans les fictions, l’objet technologique devient souvent un objet auratique pour reprendre la formule de Didi-Huberman, à savoir un objet qui « déploie, au-delà de sa propre visibilité, ce que nous devons nommer ses images, […] en constellations ou en nuages, qui s’imposent à nous comme autant de figures associées, surgissant, s’approchant et s’éloignant pour en poétiser, en ouvrager, en ouvrir l’aspect autant que la signification (1992, 105). » Ainsi, les repères les plus logiques et les plus rassurants qui permettent de comprendre les développements technologiques sont peu pris en compte et les écrivains font déborder leurs inventions vers un imaginaire de la technologie, un écart par rapport au réel. Ils surinterprètent et fantasment, jusqu’aux limites du fantastique, mais à partir d’hypothèses plausibles en regard de ce que le nouveau monde technologique nous révèle.
S’identifier et se retrouver à travers la parole mécanique
Dans un ouvrage récent, l’anthropologue Denis Vidal rappelait les travaux de deux chercheurs de l’université de Stanford, Byron Reeves et Clifford Nass, spécialisés dans les questions de communication, notamment les relations entre êtres humains et machines. Ils ont développé des recherches qui ont conduit à
‘‘l’équation des médias’’ (media equation). Cette expression vaguement ésotérique recouvre en réalité une proposition fort simple : nous aurions tous tendance à traiter inconsciemment les médias (télévision, ordinateurs, etc.) comme s’il s’agissait de personnes véritables. […] De nombreux experts semblent penser qu’il s’agirait d’une clé conceptuelle décisive pour comprendre nos attitudes face aux nouvelles technologies ; d’autant que Reeves et Nass ont multiplié les tests empiriques qui semblent confirmer leur hypothèse (Vidal 2016, 29).
On peut se demander s’il s’agit d’une information neuve et si les romanciers déjà, au tournant des XIXe et XXe siècles, ne laissaient pas entendre que le phénomène allait de soi, en particulier avec les inventions qui permettaient d’entendre des voix. Ces machines permettent de voir les voix ou alors révèlent le passé, le montre ou permettent de l’incarner. Selon Jean-Claude Beaune, « on ne peut isoler les inventions ni les techniques. Toute invention ne prend son sens que si elle s’insère dans une logique, un système technique, si elle est cohérente avec les techniques qui se situent en amont et en aval (1998, 314). » Dans cette perspective, on peut considérer que le téléphone naît d’un culte pour le réseau né dans les années 18206. Certains ouvrages vont faire culminer les médias à travers une forme, un modèle, anthropomorphique ou non, auxquels les personnages – et parfois les lecteurs – pourront s’identifier. C’est ainsi que les fictions plongent souvent le lecteur dans un univers mystérieux et fantastique.
Aucun texte n’en rend mieux compte, à cette époque, que L’Ève future de Villiers de L’Isle-Adam. On sait le rôle que joue l’électricité, les voix et le gramophone dans ce roman. La figure centrale d’Edison, calquée sur celle du véritable inventeur et industriel américain, se rapproche ici largement de la figure canonique du savant fou7 quand il fantasme le rôle pédagogique qu’auraient pu jouer la caméra et le gramophone pour montrer, par l’image et par la voix, certaines scènes du passé :
Et les martyres ! et les supplices ! Depuis celui des sept Maccabées et de leur mère jusqu’à ceux de Jean de Leyde et de Damiens, sans omettre les principaux sacrifices des chrétiens livrés aux bêtes dans les cirques de Rome, de Lyon et d’ailleurs ! Et les scènes de torture […] qui ont été subies dans les cachots de l’Allemagne, de l’Italie, de la France, en Orient et dans l’Univers ? – L’Objectif, aidé du Phonographe (qui sont connexes), en reproduisant à la fois la vue et les différents cris des patients, en eussent donné une idée complète, exacte. Quel enseignement salubre c’eût été dans les lycées […](Villiers de L’Isle-Adam 1992, 127).
Mais la « folie » d’Edison vise d’abord à créer, pour son ami Lord Ewald qui se trouve au bord du suicide, Hadaly, cette Ève future dont la poitrine est alimentée par deux phonographes d’or qui déroulent des feuilles où sont gravées les paroles que la machine sera en mesure de prononcer. Les deux phonographes représentent l’organe vital de la machine, le signe de la supériorité de la science par rapport aux automates qui ont précédé. Pour en revenir aux théories de Reeves et Nass, on peut dire qu’ici la voix, créée par les nouvelles technologies médiatiques, est clairement identifiée à une personne qu’il est possible de voir. Pourtant, la technologie renvoie le lecteur à la fantasmagorie et au mythe : Hadaly n’est pas une personne, mais une machine qui aura besoin d’un esprit, celui de Sowana, pour pouvoir fonctionner.
La conjugaison du phonographe (un produit de la science, mais insuffisant pour aller au-delà d’un réel fort prosaïque) et de l’esprit de Sowana se superpose de manière incompréhensible (et pour cause !) à la machine Hadaly8, permettant de mettre en branle une invention qui dépasse l’entendement. Rappelons aussi qu’au début du roman, Edison correspond avec l’esprit de Sowana par téléphone. L’appareil de Bell apparaît ainsi comme l’étrange modèle d’une communication télépathique, ce qui ne s’éloigne pas tellement de ce que concevaient encore bien des gens à l’époque9.
On retrouve un phénomène relativement semblable dans le roman de Jules Verne, Le château des Carpathes (1976), publié en 1892 et sur lequel je m’arrête également rapidement, car l’œuvre de l’écrivain nantais a été largement commentée. Le parallèle avec L’Ève future, publié à peine six ans auparavant, mérite cependant qu’on s’y arrête. Moins étonnant que celui de Villiers – plus près, si l’on veut, des possibilités de la technologie à l’époque –, le roman de Verne exploite une narration proche de l’esprit du roman gothique, mais avec une finale qui explique la crainte des fantômes que vivent les personnages. Là encore, il s’agit, comme chez Villiers, de redonner vie à une femme adorée. En l’occurrence, la cantatrice italienne la Stilla, dont deux hommes sont épris. Elle meurt un jour sur scène, au moment où elle doit se marier. Engagé par le baron Rodolphe de Gortz, fou de douleur, un homme du nom d’Orfanik, autre figure du savant fou, est parvenu à projeter sur un miroir un portrait en pied de la cantatrice tout en diffusant sa voix, enregistrée sur des rouleaux au cours des dernières représentations qu’elle a données. On a pu dire que Verne annonçait le cinéma, et même l’hologramme. Il reste qu’il s’agit d’une cantatrice et c’est bien sa voix qui est mise à l’honneur et permet le mieux de garder son souvenir. Mais à travers cette reproduction de la disparue, s’impose aussi une vision mécanique et technologique de l’amour qui est mise en scène; un amour idéalisé qui apparaît à travers une icône : un signe qui vient médiatiser un amour impossible.
Grand admirateur de la science et de sa vulgarisation (et donc, peut-on croire, de quelqu’un comme Figuier), Verne produit un roman plus réaliste que celui de Villiers de L’Isle-Adam, grand admirateur de Baudelaire. Les deux écrivains répondent chacun à leur manière à deux conceptions du progrès à leur époque, l’un plus près des possibilités réelles de la technologie par intérêt pour celles-ci, l’autre de ses possibilités imaginaires pour échapper justement à leurs effets prosaïques dans un monde bourgeois10. Il reste que l’un et l’autre se servent des technologies de la voix pour fantasmagoriser le temps, la mémoire, et l’identification à un amour perdu.
Un spectre large de textes oubliés
Si L’Ève future et Le château des Carpathes se prêtent au type de lecture que je propose ici, ce sont bien sûr des œuvres d’une grande fortune critique. Cependant, il m’importe davantage de démontrer que ce phénomène ne se limite pas à quelques œuvres isolées d’écrivains majeurs. D’autres textes, au purgatoire depuis longtemps, méritent dans les circonstances d’être sortis de l’oubli. J’en donne quelques exemples qui m’apparaissent significatifs.
Le cas de Locus Solus (1974) de Raymond Roussel apparaît dans ce contexte un peu singulier. Certes, il ne s’agit pas d’un inconnu et on peut parler à son propos d’un auteur culte dont le statut doit beaucoup au livre de Michel Foucault qui remonte maintenant à plus d’un demi-siècle (1963). Avant lui, Marcel Duchamp avait souligné son admiration, après lui Georges Perec – et bien d’autres. Il reste que l’austérité particulière du roman dont je veux ici traiter, la complexité des machines, difficiles à visualiser (et, sans doute, plus facile à entendre) ont souvent tenu les lecteurs à distance.
L’argument du roman est simple : le savant Martial Canterel promène des amis dans son domaine où se trouvent ses inventions dont il veut faire la démonstration. Canterel n’apparaît qu’à travers la voix d’un de ses invités, le narrateur. Rapidement, ce dernier s’efface, se contentant pour l’essentiel de décrire les machines et l’histoire qui leur est associée. Les travaux du savant tiennent autant de l’électricité que de travaux personnels, explique-t-il, à partir du magnétisme animal dont Franz Anton Mesmer avait fait la promotion. L’aimantation, très présente dans les théories de Mesmer, revient souvent dans le roman de Roussel, comme les occurrences de réseaux et de fils, deux termes qui vont très tôt marquer l’univers de l’électrification, à travers le télégraphe puis le téléphone. C’est la conjugaison de l’électricité (une science, mais qui ne paraît pas suffisante pour aller au-delà d’un réel prosaïque) et du magnétisme animal (ouvert à tous les possibles) qui permet des inventions qui dépassent l’entendement. On peut établir un parallèle avec L’Ève future de Villiers, où l’esprit de Sowana vient appuyer les possibilités offertes par la science électrique.
Ses travaux le poussent à faire « parler une tête ». Ici, la voix technologique est d’autant plus identifiable à une personne véritable pour les invités de Canterel que ceux-ci apprennent, avec stupéfaction, que cette tête électrisée est celle de Georges Danton lui-même, que la famille du savant se lègue de génération en génération depuis la Révolution. Canterel tente, par divers procédés électriques, d’obtenir de cette tête, de ces nerfs, quelques mouvements réflexes qui permettraient de lui redonner la parole, réveillant ainsi, comme s’il s’agissait d’un disque tournant sur un gramophone, la voix du célèbre tribun.
Publié en 1914, le roman de Roussel fait signe à la fois en amont et en aval à la recherche sur les voix et les êtres artificiels. En amont, car il rappelle les travaux d’Albert Le Grand (Albertus Magnus) qui déjà au XIIIe siècle serait parvenu à créer une tête artificielle qui répondait, dit-on, à certains problèmes – de manière assez limitée, on s’en doute. On pourrait aussi croire que Canterel annonce une sorte de créature cyborg, mi-organique, mi-mécanique. Ainsi, Roussel donne l’impression d’être tendu entre le passé et le futur. Pourtant, on voit bien en quoi il s’inspire aussi du présent par le hors-texte, téléphone et gramophone pouvant apparaître comme modèles de voix d’outre-tombe qui ressuscitent d’entre les morts un des guillotinés les plus célèbres de la Révolution. De « Tu montreras ma tête au peuple », nous passons à « Tu utiliseras ma tête pour la science ».
L’uthopie contemporaine : notes de voyage (1888) publié en 1888 par Neulif (un pseudonyme) rappelle lui aussi, grâce à la voix, le souvenir des morts. Le roman se déroule à Uthopie, où se rend le narrateur pour y rejoindre un de ses amis, Pedro Gill (aussi nommé don Pèdre). Dans ce pays où les gens sont honnêtes et ne songent qu’au bonheur de la collectivité – ce qui n’empêche pas de stériliser les femmes au besoin si les naissances apparaissent trop nombreuses; nous sommes au début du développement des théories eugénistes –, où la lumière électrique illumine les pistes cyclables qui existent partout, on se vante beaucoup d’un système social harmonieux. Pourtant, le savant Élisée Liber, dont le nom évoque la culture livresque, a été obligé de partir, ne parvenant à convertir personne à son rêve chimérique de justice et d’égalité pour tous. En « Uthopie », il ne reste pas de place pour ceux qui prônent des utopies supérieures. Et la culture livresque, de toute manière, est dépassée. Dans la bibliothèque de don Pèdre, le narrateur constate que les livres ont maintenant des versions vocales, c’est-à-dire des « éditions phonographiques ». Le livre est parlé. Le phonographe, qui fait office d’enregistreur, joue plusieurs rôles. Il faut signaler en particulier une pièce de la maison qui sert de sanctuaire et reçoit les cendres des parents. Elle contient un appareil reproduisant les dernières paroles du père mort. La voix se greffe à la machine qui devient un support aux souvenirs. À la machine humaine se substitue une sorte de prothèse qui maintient en vie le souvenir de l’individu (son essence ?) à travers sa voix. Comme chez Villiers, Verne et Roussel, il s’agit de permettre une identification à une voix, une reconnaissance qui passe par un corps prothétique, technologique, qui se dresse contre la mort. L’uthopie contemporaine est, pourrait-on dire, plus radical dans sa démarche que les romans précédents puisqu’il exhibe la voix nue, sans autre support permettant l’identification.
La longue nouvelle « L’Historioscope » (1872), d’Eugène Mouton, publiée en 1883, investit à la fois l’image et la voix, mais de deux manières différentes. Un jeune historien, à la suite de la parution d’un article, spécialisé jusqu’à l’absurde (il porte sur « Les relations commerciales des Assyriens avec les Étrusques, particulièrement au point de vue du commerce des murènes vivantes, sous le règne des rois Évilmérodac et Nériglissor (1872, 223) »), reçoit une lettre d’un érudit qui l’invite chez lui. Cet homme, Joseph Durand, dont la description le situe quelque part entre le professeur étourdi à la manière Tournesol et le savant fou11 (il se déclare lui-même fou) affirme avoir inventé une machine qui permet de voir des images du passé. Il l’a baptisée « Historioscope » et l’objet se présente comme une sorte de télescope permettant de découvrir non pas les astres, mais le passé, comme en cinémascope. Évitons de paraphraser les longues explications scientifiques ici proposées, dont la vraisemblance paraît pour le moins ténue. Rappelons par exemple que si l’on se fie à Durand, l’électricité serait finalement un gaz qui, suffisamment comprimé sous l’influence de l’ozone, se solidifierait de manière durable.
Il a beau être fort dubitatif dans un premier temps, l’historien doit se rendre à l’évidence devant la démonstration : l’appareil fonctionne et en y regardant, il croise de grandes figures de l’histoire politique et artistique. L’échange entre les deux hommes rappelle parfois le monologue délirant d’Edison cité plus haut :
— Quoi ! C’est Jean Ziska ?
— Lui-même. Hein ! Quelle figure de bête féroce ! Est-il beau ainsi ! Et ces Bohémiens ! À la bonne heure ! Voilà ce qui s’appelle des hommes ; ça n’a pas de figure humaine, parlez-moi de ça ! Voyez donc celui-là qui croque à belles dents une tête de petit enfant cueilli avant terme dans le ventre de la mère ! Ceci est plus beau qu’un combat de taureau, oui !
— C’est passionnant ! Dis-je en collant mon œil à l’instrument (Mouton 1872, 249‑50).
Fasciné par ces images qui lui permettent de voir aussi bien Dagobert que Bellini, l’historien regrette que ce paysage du passé se limite à des scènes muettes. Joseph Durand a plus d’un tour (d’une découverte) dans son sac et propose à son invité d’utiliser un autre appareil, le photophone, en appliquant le récepteur sur son oreille. Il entend alors un murmure qui, « prenant par degrés plus d’ampleur, devint un bourdonnement sourd et ronflant comme celui d’une ruche d’abeilles (Mouton 1872, 262). » Et l’historien affirme : « Plus j’écoutais, plus à travers ce bruit, j’entendais percer des sons d’une acuité infinie. » La comparaison avec la ruche s’explique rapidement. Car « c’est la rumeur des peuples qui ont passé sur la terre, c’est l’écho lointain de leurs paroles, de leurs sanglots, de leurs soupirs, de leurs baisers (1872, 262‑63). » Le peuple se venge et peut enfin se faire entendre (littéralement), alors que les grandes figures du passé sont limitées à des scènes muettes. L’Histoire officielle se résume à un tableau ; la vraie histoire vécue par tout le monde devient un vaste bourdonnement audible. C’est une conception de l’histoire commune au XIXe siècle, qu’on peut faire remonter à Condorcet chez qui existe déjà une spatialisation de l’histoire en marche. Mais à l’ère du téléphone, c’est le peuple qui fait entendre le discours de l’histoire.
La rumeur du monde surgit également dans L’eupantophone (1909), roman d’Henri Austruy paru en revue en 1904 puis publié en 1909. Virginie, maîtresse du journaliste Alcée Baillargal, découvre à la lecture du journal l’étrange proposition de Victor Blancadet, aveugle suite à un accident qui s’est produit dans un laboratoire. Il désire épouser une jeune fille aveugle de naissance, à laquelle il garantirait une rente annuelle de 50 000 francs si elle devient veuve. Virginie lui écrit, espérant pouvoir faire croire à sa cécité, sans succès. Curieux, Alcée prend rendez-vous avec Victor qui s’avère être un inventeur révolutionnaire. Il a inventé, d’une part, l’eupantophone, une version singulière du gramophone qui lit les textes ; d’autre part, il voit grâce à des lunettes au métal singulier. Voilà pourquoi il veut épouser une jeune aveugle : pour lui rendre la vue, puisqu’il évoque, grâce à son invention, la « non-nécessité des yeux en matière de perception visuelle (1909, 181). » Avec l’aide d’Alcée, devenu son ami, Victor rencontre une jeune fille en province, dont les parents sont des aristocrates ruinés. Le jour du mariage, il lui rend la vue grâce aux lunettes, laissant croire à un miracle divin. Hélas, la jeune fille meurt lors d’un accident lié à une mauvaise utilisation de l’eupantophone.
Cet appareil lit les journaux, les livres, les lettres. Il est difficile, a priori du moins, par rapport aux exemples précédents, de l’associer à une personne réelle. Toutefois, son effet de fascination tient notamment à ce qu’il peut moduler sa voix selon le type de textes, d’auteurs, de narrateurs (et de narration) qu’on lui donne à lire. Bien que mécanique, l’eupantophone donne ainsi l’impression de pouvoir s’adapter aux circonstances et de donner voix, littéralement, à ceux qui parlent à travers lui. De plus, l’employé de Victor dira au journaliste que l’eupantophone est pour l’homme de science un « collaborateur ». « Ah ! on peut dire qu’il lui est fidèle (Austruy 1909, 209) ! » ajoutera-t-il, comme s’il s’agissait d’un ami ou d’un animal de compagnie.
Le plus étonnant tient à ce que l’eupantophone donne son titre au roman, alors qu’au fond la seconde invention paraît beaucoup plus spectaculaire et de loin celle sur laquelle on dissertera le plus au fil de la narration : ce mécanisme, à travers des lunettes spéciales, qui permet aux aveugles de voir. On peut l’expliquer en posant l’hypothèse suivante : Victor Blancadet explique que l’eupantophone est un gramophone amélioré, mais c’est son utilisation révolutionnaire de l’électricité qui change tout et qui lui permet de créer cette invention inconcevable. À la fin du XIXe siècle, l’électricité est davantage qu’une merveille presque magique, elle tient aussi de l’instrument de mort. Le roman paraît moins de quinze ans après la première utilisation de la chaise électrique, à un moment où l’électricité entretient un rapport ambigu entre vie et mort. En tuant la jeune épouse de Blancadet, l’eupantophone, à travers l’électricité, a fixé la forme moderne d’un des lieux communs les plus vieux du lyrisme : la mort aveugle, rapide et tragique.
Car la machine peut répliquer, décider de se venger. Elle peut conduire à une issue tragique comme chez Austruy ou permettre une chute comique. J’en donnerai comme exemple, et ce sera mon dernier, celui de la brève nouvelle intitulée « La faillite de la science12 » de Gaston de Pawlowski publié en 1899. Un inventeur nommé Edison (décidément très ancré dans l’imaginaire fin-de-siècle) crée un traducteur mécanique. Lors d’une démonstration publique, alors qu’il fait solennellement fonctionner la machine, celle-ci commence à énoncer à voix haute la traduction, avant de déclarer qu’elle en a assez de ce travail contre nature et qu’elle arrête.
Ce survol, bien que rapide, donne néanmoins une idée de la variété des textes sur le sujet et de l’étrangeté qu’on accorde alors aux machines parlantes. Il y a des machines plus ou moins agressives qui se révoltent contre l’espèce humaine. On pense aux exemples idoines des robots dans la pièce R.U.R. de Karel Capek ou encore à HAL 9000 dans 2001 l’Odyssée de l’espace. L’individu est-il symboliquement puni pour avoir donné de la voix à des machines, leur avoir donné un attribut propre à la singularité humaine, soudainement machinisée ? Barthes, qui a tant parlé du grain de la voix, écrivait que « la voix humaine est en effet le lieu privilégié (eidétique) de la différence : un lieu qui échappe à toute science, car il n’est aucune science (physiologie, histoire, esthétique, psychanalyse) qui épuise la voix (1982, 247). » Cette différence peut-elle être attribuée à une machine? On pourrait avancer que c’est une question épistémologique très actuelle qui résonne sur le plan imaginaire dans la fiction.
En tout cas, on sait bien que la voix humaine ne nécessite pas l’enchâssement dans un corps, depuis l’invention du téléphone. Un téléphone n’a pas l’esprit du HAL 9000 qu’on retrouve dans le roman de Arthur C. Clarke ; on parle pourtant aujourd’hui de « téléphone intelligent » à propos d’appareils pour lesquels la voix ne constitue qu’un élément parmi d’autres. Pour nos consciences blasées à l’ère du numérique et de la virtualité, il n’y a rien de surnaturel dans une voix téléphonique. Après tout, certaines personnes entretiennent de véritables conversations avec Siri, la voix automatique du iPhone. La peur du fantôme paraît bien lointaine. Il y a cependant lieu de méditer sur certains phénomènes sociaux. Dans le dernier numéro de la revue Liberté, on apprenait que 5,1 milliards de personnes possèdent un téléphone contre 4,2 milliards qui possèdent une brosse à dents (Liberté 2017, 30). La fascination pour la technologie pousse peut-être l’espèce humaine à inverser certaines priorités.
Bibliographie
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Cette relation ambiguë entre science et religion, à l’ère positiviste, se comprend mieux si on songe à la manière dont Saint-Simon, qui aura une influence énorme sur tout le XIXe siècle, critique la religion tout en l’adaptant au modèle industriel : « Saint-Simon a fondé la religion du monde industriel que l’on peut qualifier aussi de religion industrielle. […] [I]l critique les religions au nom de la morale chrétienne, il les laïcise et moralise les religions. Sacralisation de la science et ‘‘scientifisation’’ de la religion, politisation de l’industrie et industrialisation du politique, et sacralisation de la morale et moralisation des religions. » (Musso 2006, 283‑84.)↩︎
Le phénomène se reproduira plus tard avec la radio. Beaucoup de gens estimaient qu’entre deux fréquences on pouvait entendre des voix qui venaient de l’au-delà. La radio a ainsi provoqué des séances de spiritisme. Voir Sconce (2000). Je remercie Marie-Ève Fortin qui m’a fait connaître cet ouvrage.↩︎
Sur la place du téléphone dans la littérature américaine au tournant des XIXe et XXe siècle, je me permets de renvoyer à mon article : Chassay (1996).↩︎
Pour ne prendre que trois exemples dans le monde francophone, déjà relativement anciens : Sfez (1990) ; Breton (1992) ; Musso (2003).↩︎
Merci à David Bélanger pour cette référence.↩︎
Je développe ce sujet dans « Quand la voix tient à un fil », Chassay (2003). Le numéro est consacré aux « Imaginaires de la voix ».↩︎
Sur les principales caractéristiques du savant fou, voir le livre d’Elaine Després, Pourquoi les savants fous veulent-ils détruire le monde? Évolution d’une figure littéraire, Després (2016), p. 18-22.↩︎
Hadaly est une « condensation » de machines, et en ce sens correspond tout à fait aux propos cités plus haut de Jean-Claude Beaune. Jacques Noiray a bien développé ces questions dans un livre fondamental en deux volumes, Le romancier et la machine qui porte sur Villiers De l’Isle-Adam, Verne et Zola (Noiray (1981)).↩︎
Là encore, on pourra se référer au livre de J. Sconce, Haunted Media, Sconce (2000).↩︎
Il faudrait nuancer cette affirmation. On sait par exemple que Villiers, très malade, s’était pourtant rendu à l’exposition universelle de 1889 où était présenté le phonographe d’Edison et qu’il avait cherché à rencontrer l’inventeur. Cela dit, sa critique (fort ironique dans le roman) du positivisme est assez nette.↩︎
Il a manifestement des traits du vieux débris décati sur les idées duquel il est préférable de ne pas se fier : « Le tranchant de ces gencives pinçait de temps en temps la doublure des joues et produisait à leur surface extérieure des effondrements, des excavations, lamentable caricature des fossettes que le rire, à des temps meilleurs, creusait jadis dans ces joues alors moins flasques. », Mouton (1872), p. 228.↩︎
Le texte tient en un peu plus d’une colonne de journal. De Pawlowski (1889)↩︎