Fruit du hasard d’un premier texte portant sur des chaises, la série Compléments d’objets (2010b) prend forme en 2010 sur le site d’écriture de Cécile Portier, au même moment que sa résidence d’auteure au lycée Henri-Wallon d’Aubervilliers et son projet Traque traces (Portier 2010j). Après deux premiers textes consacrés à des objets, l’idée de traiter du monde extérieur à partir d’éléments matériels se concrétise, comme l’auteure l’exprime dans une entrée intitulée « Enfiler les perles » : « De deux, sommes passés à trois : trois objets, pris là pour leur force d’objet à expliciter une fonction, une manière d’agir sur le monde. Trois objets pris pour leur mystère d’objet, qui ne tient pas à leur beauté mais à l’indéchiffrable écart entre ce pour quoi ils ont été fabriqués et ce qu’au final on attend d’eux » (Portier 2010c). Dès lors, l’auteure publie une photographie, représentant un objet ou un lieu singulier, suivie d’un texte, qui occupe la place de la légende de l’image, mais dépasse largement ce rôle. Le titre de l’entrée ne se retrouve qu’au bas de la page avec une série de mots-clés, presque comme une conclusion du couple image et texte. Sans être officiellement clos, le projet n’a plus connu de nouveaux textes depuis 2014, après une période plus active en 2010 et en 2011.
En étudiant le monde par l’entremise des objets, l’auteure revendique un regard autre, à la fois curieux et décalé, qui prend possession de ce qui l’entoure, du plus banal au plus hétéroclite. Elle l’explique d’ailleurs dans une autre entrée intitulée « Regarder beau » : « La seule chose qu’on puisse tenter, c’est la multiplication du même, sa diffraction, son agencement. […] Jouer du mystère de la pleine lumière, expliciter dans le sombre. Et puis découper, recomposer. Petits rayons dardés, trompés, qui font que le monde usé, par nous-mêmes salivé, nous redevienne méconnaissable » (Portier 2010h). Or il semble que ce « monde » qu’elle évoque, sans jamais le définir véritablement, est en fait un lieu de vie qu’elle invite à observer autrement, dans une attention portée à ce qui transgresse les normes et ce qui semble invisible à force d’être utilisé machinalement. Sur son site Petite Racine, Cécile Portier éditorialise des objets de son quotidien : elle relie ainsi son espace numérique à son milieu de vie. Plus qu’un point d’entrée sur l’intimité de l’auteure, la série Compléments d’objets met en lumière un espace du quotidien, englobant la vie domestique, urbaine et ouvrière, qu’elle extirpe du domaine privé pour en faire un lieu de questionnement sur des pratiques sociales et matérielles. Grâce à cette exposition et à ce questionnement du quotidien, j’avance que le travail littéraire de Cécile Portier devient une façon non seulement d’écrire sur le réel, mais de produire une réalité tout aussi concrète que les objets qu’elle photographie. Cette intrication de la vie matérielle et numérique permettrait de dépasser les distinctions entre réel, imaginaire et numérique, comme le suggèrent Servanne Monjour, Marcello Vitali-Rosati et Gérard Wormser dans leur article « Le fait littéraire au temps du numérique » (Monjour, Vitali-Rosati, et Wormser 2016). Par la mise en relation avec la théorie de Carl Schmitt sur le nomos et celle de Henri Lefebvre sur la production de l’espace, je souhaite montrer comment la série Compléments d’objets constitue une instance productrice d’espace, qui permet le décloisonnement de façons littéraires et matérielles d’agir sur réel. Après avoir comparé le geste de Cécile Portier aux projets numériques de certains de ses contemporains, j’explore le rapport à l’espace qui transparaît dans Compléments d’objets, puis les lis à la lumière de la notion de nomos de Carl Schmitt et de production de l’espace de Henri Lefebvre. En somme, le projet de Cécile Portier, par son pouvoir de mise en forme du monde, finit par rejoindre l’idée de structure anamorphique du réel, avancée par Servanne Monjour, Marcello Vitali-Rosati et Gérard Wormser, où les points de vue, tout aussi déformants et décalés qu’ils soient, s’agencent pour composer le réel (2016, 33).
Comme mentionné précédemment, le concept de nomos du philosophe et juriste allemand Carl Schmitt permet d’analyser la relation à l’espace qui se dessine au fil des textes et des photographies de la série Compléments d’objets. Cette notion, plus largement véhiculée à partir de l’ouvrage de 1950 Le nomos de la Terre dans le droit des gens du Jus Publicum Europaeum (1950), se retrouve dans un premier temps dans Terre et mer : un point de vue sur l’histoire mondiale (1942), écrit en 1942, mais uniquement publié en 1954. Malgré les nombreuses critiques philosophiques et politiques de cette notion, les uns l’accusant entre autres de reposer sur une vision mythique du monde1 et les autres de fonctionner par antagonismes2, elle a pour mérite de situer la question spatiale au cœur de la réalité humaine et d’envisager l’humain comme façonné et façonnant son milieu. Dans Terre et mer, Carl Schmitt avance que la perception de l’espace varie au fil de l’histoire, mais également selon l’usage qu’en font les individus : « À la multiplicité des formes d’existence correspondent des espaces également pluriels. Même à une époque donnée, la pluralité des professions induit, dans les actes de la vie quotidienne de chacun, un environnement différent » (Schmitt 1942, 51). En supposant que l’espace est changeant, le juriste place son partage au centre des relations humaines et mondiales, d’où l’importance de la notion de nomos, qui désigne à la fois la « prise » (1942, 63), de l’environnement physique, puis le « partage et [l’]allocation de la chose prise » (1942, 63) et finalement, son « faire paître » (1942, 63), soit son exploitation. Chaque prise de l’espace peut, en théorie, donner lieu à un nomos nouveau.
Néanmoins, comme le rappelle Enrico Agostini-Marchese dans son article intitulé « Les structures spatiales de l’éditorialisation » (2017), les réflexions actuelles sur l’espace ne peuvent se faire sans un détour par le philosophe et sociologue Henri Lefebvre, devenu une « référence incontournable dans les urban studies » (Revol 2012, 105) à partir des années 1990, bien que son œuvre principale sur l’espace, La production de l’espace (Lefebvre 1974), ait été publiée en 1974. Davantage lu aujourd’hui dans le monde anglophone que francophone (Paquot 2009, 237), Henri Lefebvre a été l’un des premiers à penser un « espace social » et à émettre l’hypothèse que « l’espace social est une production qui provient de la division du travail » (Paquot 2009, 251). De plus, la production de l’espace se fait à partir de trois instances :
a) La pratique spatiale, qui englobe production et reproduction, lieux spécifies et ensembles spatiaux propres à chaque formation sociale, qui assure la continuité dans une relative cohésion […].
b) Les représentations de l’espace, liées aux rapports de production, à l’“ordre” qu’ils imposent et par là, à des connaissances, à des signes, à des codes, à des relations “frontales”.
c) Les espaces de représentation, présentant (avec ou sans codage) des symbolismes complexes, liés au côté clandestin et souterrain de la vie sociale, mais aussi à l’art, qui pourrait éventuellement se définir non pas comme code de l’espace, mais comme code des espaces de représentation (Lefebvre 1974, 42‑43).
Ces trois instances, qui témoignent de la complexité des façons de vivre et de comprendre l’espace, s’articulent dans un rapport hiérarchique chez Lefebvre, où la pratique spatiale, « produit lentement et sûrement [l’espace] en le dominant et en se l’appropriant » (Lefebvre 1974, 48), bien que les représentations de l’espace composent l’espace « dominant » (1974, 48) et que les espaces de représentation constituent un espace « dominé, donc subi, que tente de modifier et d’approprier l’imagination » (1974, 49). Le travail de Cécile Portier devrait permettre d’actualiser, voire de dépasser cette hiérarchie en montrant l’importance de l’art sur la compréhension du réel.
À ces références sur l’espace s’ajoute la notion d’éditorialisation, qui décrit la façon de donner une existence et de produire du contenu à l’ère du numérique. Dans son article « Qu’est-ce que l’éditorialisation ? » (2016), Marcello Vitali-Rosati donne une définition qui allie des gestes posés dans l’espace numérique à une compréhension globale du monde : « L’éditorialisation désigne l’ensemble des dynamiques qui produisent et structurent l’espace numérique. Ces dynamiques sont les interactions des actions individuelles et collectives avec un environnement numérique particulier » . Cette définition se fonde une compréhension du « numérique » qui dépasse, sans pour autant nier, des considérations simplement technologiques et qui considère que le « numérique » prend un sens culturel, où des environnements comme le web s’hybrident et forment un tout avec la réalité quotidienne. En envisageant cette circulation entre des milieux numériques et matériels, il est possible de dire qu’un individu éditorialise des objets, c’est-à-dire leur donne une existence, en écrivant sur eux sur son blogue ou en y publiant leurs photographies.
I. Les objets, une approche singulière du monde
La démarche de Cécile Portier n’est pas étrangère à celle de ses contemporains, partageant avec eux un désir de traiter du monde à partir d’objets et de l’éditorialiser à partir d’images et de textes littéraires. L’une des œuvres les plus proches de Compléments d’objets est Autobiographie des objets de François Bon (2012), commencée sur son site le Tiers Livre en (2011), puis publiée aux éditions du Seuil en 2012. Cette œuvre raconte sa jeunesse, mais aussi une histoire de la France des petites villes dans les années 1950 et 1960, par l’entremise d’objets qu’il a conservés physiquement ou en mémoire. Alors que François Bon entretient un rapport plus intime et mnémonique avec les objets, Cécile Portier détache les objets de sa vie personnelle pour les confronter à leur fonction ou encore pour les mettre en récit. Chez François Bon, la volonté de s’interroger sur ce qui l’entoure, incarnée par le microscope et sa « sensation de monde qui s’ouvre » (Bon 2012, 63), finit par céder la place à la construction du « moi » du narrateur et de son passé, comme le suggère Alice Blackhurst dans son article consacré à Autobiographie des objets :
Both vignettes [« Au microscope» and « Jouets »] seem clearly to suggest that an attention to the ordinary forges new relations, opens worlds. The worry, nonetheless, which furrows the entirety of the work’s unprecedented efforts to unite autobiography with the inanimate object, is that such worlds, by nature of the genre, but also via Bon’s text’s seeming reappropriation of the object as familial possession, will invariably orbit around the self-narrating subject, as opposed to being motored by the small, discrete, molecular vibrations and collective affects of the ordinary and the everyday (Blackhurst 2015, 431).
Dans l’œuvre de François Bon, l’attention portée aux objets permet de tourner le regard vers soi-même, tandis que dans Compléments d’objets de Cécile Portier, elle produit des réflexions sur le présent et sur le monde environnant. Ainsi, il importe peu qu’il s’agisse des lunettes ou du maillet de Cécile Portier, tandis que les souvenirs de François Bon se rattachent à une règle à calculs particulière ou à des modèles précis de voiture. Ni autobiographie ni histoire sociale, la série de Cécile Portier relève davantage d’un questionnement des pratiques courantes, dont son environnement constituerait le sujet d’étude principal et les objets, une façon transitive de connaître le monde.
Par ailleurs, des comparaisons avec d’autres projets numériques, tels Le tour du jour en 80 mondes de Pierre Ménard (2011) et Traque traces (2010j), également de Cécile Portier, permettent d’illustrer le caractère singulier du geste opéré par l’auteure. Dans Le tour du jour en 80 mondes, le collectif, qui partage l’intérêt de Cécile Portier pour l’anecdotique et le quotidien, récupère des images anonymes de Google Street View pour en faire des récits, dans un mouvement allant de l’anonyme vers le particulier. Dans la série de Cécile Portier, les objets sont parfois anonymes, mais les images émanent de la narratrice, qui individualise des objets en les dépouillant de leur caractère intime. Dans le projet Traque traces, mené au même moment que Compléments d’objets, l’écriture commence à partir du hasard de coordonnées géographiques choisies par les étudiants du lycée Henri-Wallon (Portier 2010j). De ces points anonymes, les participants ont cherché à créer une histoire : leurs récits ont donné une existence à des points. Ainsi, le projet Traque Traces part du hasard pour créer une fiction géolocalisée dans le réel, tandis que les textes de Compléments d’objets opèrent du privé au public pour produire du réel, plutôt que le détourner ou l’hybrider de fiction.
II. Une possession de l’espace grâce aux objets
Dès les premiers textes de Compléments d’objets, un rapport au monde, à l’espace et au réel s’instaure, tous trois abordés sous l’angle de la disposition d’objets et de la possibilité d’une prise sur le réel par l’écriture. Les entrées inaugurales mettent en lumière la relation entre réalité matérielle et questionnements existentiels, insistant sur le lien entre le « je » écrivant et son milieu. Dans son premier texte, « Bouger les meubles », Portier exprime son rapport à l’espace comme une disposition des « choses » :
Mon personnage pratique la politique de la chaise vide. Bien obligée, alors, d’asseoir autre chose ici. Autrement ça rouille. Ça rouille non seulement sur la chaise du haut, mais aussi sur la chaise du bas. Chaise du haut : siège de la fiction empilé par dessus l’ego de celui (celle) qui écrit, pour protéger la chaise du bas : une sorte de housse protectrice. Sauf que la housse est trouée. La protection, comme toujours, est un leurre, mais quelle idée aussi de vouloir s’asseoir à l’extérieur.
Une chaise sur une autre : c’était un faible moyen aussi de prendre un peu de hauteur.
Et puis l’empilement : la panacée pour ne pas encombrer l’espace. Mais deux chaises même l’une sur l’autre quand aucune ne sert c’est encore beaucoup de place perdue. Seule solution : changer d’espace.
Changer d’espace ce n’est pas forcément voyager. Suffit parfois, pour s’inventer un exotisme, de bouger les meubles. Reprendre les mêmes choses, les disposer autrement.
Or, disposer autrement, c’est également jouir d’un pouvoir de production et d’action sur l’espace ; en somme, rendre possible la constitution d’un milieu, l’imposition de règles d’ordonnancement de son environnement physique et de son site. Ces réarrangements font écho à la subversion qu’elle inscrit fréquemment en mot-clé, traduisant une perception de l’espace et de l’écriture sous l’angle de la reprise et de la transformation. Dès son deuxième texte, l’auteure développe une réflexion sur le temps, pensé grâce à l’horloge :
Alors, pour continuer la course sur un terrain moins meuble, nous installons un fond à l’arrière de nos horloges. Quelques chiffres pour une course récurrente, tourner en rond pour ne pas tomber plus bas.
Nous comptons sur le temps et c’est lui qui nous compte.
Au moins maintenant c’est mesurable, on a entre le temps et nous un bel écran imprimé de chiffres : un décor.
Au moins maintenant c’est du solide, on a quelque chose de stable sur quoi s’appuyer. Nos fondations ont des allures de pierres tombales. (Portier 2010e)
La question de l’espace, souvent éclipsée par celle du temps, est réintroduite grâce à l’idée d’une disposition du temps sur un « décor », celui des chiffres de l’horloge. Les fondations évoquées, même si l’auteure les compare à des pierres tombales, témoignent d’un ancrage, bien que mortifère, dans un lieu, dans une manière d’être. Il semble même qu’avec ces deux textes, l’auteure commence à avoir « quelque chose de stable sur quoi s’appuyer », une série qu’elle n’avait pas prévue sur les objets et sur le monde.
Selon Cécile Portier, les objets permettent d’« expliciter une fonction, une manière d’agir sur le monde » (2010c). Ils sont une forme d’action, mais également un moyen d’appropriation du monde, puisque leur utilisation suppose un « écart » (2010c) entre ce qu’on fait d’eux et ce pour quoi ils ont été conçus. Le terme « monde », qui paraît englober à la fois l’environnement physique de l’auteure et la société dans laquelle elle évolue, se joint souvent à celui de « réel », compris tous les deux pour leur possibilité d’être reconfigurés et transformés par elle, comme en témoigne le texte « Opus incertum » :
Prendre un bloc de réel : toujours beaucoup trop épais. Il faut dégrossir. Mettre un coin dans la tranche, taper. Le réel est friable, il cède assez volontiers. Hélas, jamais selon le chemin de faille prévu. On se retrouve avec des pièces aux formes fantasques, certaines encore trop massives, certaines ridiculement petites, anecdotiques, à jeter.
Celles qui restent, on se doit d’en émousser les bords, trop tranchants. Faisant cela, on se demande si on a raison, si à arrondir ainsi les angles on ne ment pas un peu. Mais enfin, on poursuit, et voilà nos meilleures intentions transformées en pavés. Le réel est une ardoise qu’on écrit avec ses pieds.
Ensuite, il faut assembler, trouver les pièces dont les formes s’épousent et se répondent, inventer entre elles la possibilité d’un cheminement. Et surtout, surtout, ménager les interstices, laisser la place propice aux poussées d’herbes folles. Composer pour assurer la stabilité des pas, ne pas tout occulter. (Portier 2010d)
Dans cette image du carrelage irrégulier, le réel est présenté comme appropriable par l’écriture, mais également par le travail manuel, évoqué au sens figuré pour son pouvoir de transformation et de production. En se demandant si elle « ne ment pas un peu », l’auteure remet en question les rapports entre réel et fiction et semble inviter à dépasser leur distinction. L’image du carrelage révèle une conception matérielle du réel et un besoin de l’inscrire en un lieu. C’est « avec ses pieds » qu’on écrit le réel, soit avec l’espace que l’on foule, arpente et habite. Ces idées de disposition et d’action se rapprochent de ce qu’avançait Michel de Certeau en distinguant « lieu » et « espace », où le lieu serait « l’ordre […] selon lequel des éléments sont distribués dans des rapports de coexistence » (1990, 172‑73) et où l’espace serait compris par « des vecteurs de direction, des quantités de vitesse et la variable du temps » (1990, 173). En somme pour Michel de Certeau, « l’espace est un lieu pratiqué » (1990, 173), c’est-à-dire habité, traversé, mis en récit. Si ces définitions semblent arbitraires, elles ont pour intérêt de mettre l’accent sur le récit comme habitation de l’espace et de valoriser l’art pour sa force de production de la réalité. Avec Cécile Portier, les réflexions sur la création s’imbriquent à celles sur le monde. Un texte tel « Opus incertum » peut apparaître comme une mise en abyme de son projet d’écriture, avec un plaidoyer pour le composite et l’hétéroclite afin de traiter du réel.
III. D’un regard oblique à la constitution d’un nomos
Les objets hétéroclites, les situations grotesques et les formes étranges captent fréquemment l’attention de l’œil photographique de Cécile Portier et puis font germer ses réflexions sur les normes du quotidien. Son intérêt pour l’hétéroclite, exprimé par « l’indéchiffrable écart » mentionné précédemment, se retrouve dans le texte « plots, complots », où le plot brisé est saisi pour la brèche qu’il ouvre dans la normalité :
Un certain nombre de plots ont été installés au-devant de nous. Ils sont là, ils cantonnent nos cheminements. Nous restons en deçà, toujours, car nous savons qu’ils sont là pour notre sécurité. Ceci est fort bien, mais il se trouve que plus le temps passe plus il y a lieu de s’interroger sur la finalité exacte de ces voies préservées. Nous n’avons pas forcément beaucoup de force, sauf peut-être celle de refuser la peur. Nous pouvons, parfois, sans vandalisme mais avec détermination, desceller de temps en temps quelques plots et aller voir là où on ne nous attend pas : dans l’espace public. (Portier 2010g)
La subversion, que mentionne Cécile Portier en mot-clé, consiste à détourner les voies déjà tracées et à ouvrir un espace qui serait véritablement « public », c’est-à-dire dont les règles pourraient être négociées collectivement, non pas par volonté de vandalisme ou de chaos, mais pour s’interroger sur leurs raisons d’être. L’hétéroclite témoigne d’un regard curieux et critique sur l’espace que l’auteure habite ; cette curiosité est archivée sur son site et partagée avec ses lecteurs. En ce sens, l’espace du quotidien n’a pas à être géolocalisé ni cartographié, car Cécile Portier n’éditorialise pas une ville ou un quartier précis, mais produit un point de vue oblique sur l’espace du quotidien.
C’est dans ce rapport décalé avec son environnement matériel que Cécile Portier semble produire un nomos de l’espace du quotidien, s’articulant autour des trois définitions du terme données par le philosophe Carl Schmitt, soit la prise de l’environnement physique, son partage et son « faire paître » (Schmitt 1942, 63). L’auteure établit d’abord une « prise » de l’espace, intérieur et extérieur, qu’elle est appelée à fréquenter, en se saisissant des objets qui l’entourent et en les mettant en scène autrement que dans leur fonction initiale. Cette forme d’appropriation passe également par « un partage et une allocation de la chose prise » avec une communauté de lecteurs, car la série Compléments d’objets fonctionne avec un ordre facile à reconnaître et une visée énoncée au début du projet. Une fois les règles du jeu établies, Cécile Portier s’adonne au « faire paître » que nomme Carl Schmitt, c’est-à-dire à une mise en valeur de l’espace choisi par sa transformation en matière poétique et littéraire. Or comme le rappelle Enrico Agostini-Marchese dans son article sur les structures spatiales de l’éditorialisation, un nomos est nécessairement régi par des instances d’autorité (2017, 10). Si Cécile Portier s’interroge sur le « pouvoir » dans ses textes, elle demeure tout de même la seule à décider des objets et des images qui peuvent joindre son site. Détentrice des règles de la série, elle fait des choix esthétiques qui vont à contre-courant des instances politiques et se questionne sur les possibilités de subvertir à petite échelle, en promouvant ce qui est marginal ou négligé.
IV. Une écriture des outils, une écriture du réel
Dans les faits, une partie importante de la série porte sur des outils de la vie domestique ou ouvrière, telle l’enclume présentée dans l’entrée « Vissés à l’établi », qui introduit un rapport étroit entre la matérialité de l’objet, soit sa lourdeur et sa dureté, et le lieu où l’on s’en sert, sur l’établi, à l’usine. Ce texte ouvre le projet Compléments d’objets à un nouvel espace, celui de l’usine des Produits Céramiques de Touraine, pour laquelle l’auteure s’est mobilisée avant sa fermeture, avec le photographe Xavier Schwebel. L’usine ne sera présente qu’une seconde fois, dans le texte « Retour à la poussière », mais elle témoigne déjà d’une relation importante entre des outils de production et l’espace de création de Cécile Portier sur le web. Ainsi, le morceau « place nette » établit un lien étroit entre l’écriture et l’éponge à récurer, pensées toutes deux dans leur possibilité de « faire disparaître la crasse du monde » :
Il y aurait bien, parfois, dans l’idée d’écrire, une tentation de ménagère : faire disparaître la crasse du monde. Le texte fait éponge : frotté au réel, il s’imprègne, absorbe tout ce qui est dégueulasse. Le jus qui sort quand on essore, ce n’est pas très ragoûtant, mais au moins on a la satisfaction du travail bien fait. Les épanchements, les bavures, les impuretés, tout ça retiré, écoulé dans un récipient prévu à cet effet.
La ménagère sait bien, de plus, que son travail n’est jamais définitif, et que demain encore, il faudra accepter de passer l’éponge. (Portier 2010f)
La fonction utilitaire de l’objet est alors pensée pour son apport poétique, sa capacité à produire du « réel », du « beau », du « propre ». Comparer le texte à une éponge, c’est à la fois revoir la place de l’écriture, en la désacralisant, et revaloriser le rôle d’objets modestes et supposés limités. Dans la même foulée, Cécile Portier consacre le texte « Varlope » à un rabot, dont elle poétise la fonction, insistant sur les gestes « voluptueux » et la « lourde caresse » de cet outil :
Raboter, raboter. Maintenir suspicion, circonspection pour la matière à travailler : elle est toujours trop épaisse, inégale. Donc : raboter, raboter.
On sent, en dessous, que ça s’abandonne à la lourde caresse, puis au biseau de la lame. Le geste est voluptueux, on continue.
À la fin ne reste plus grand chose, ou plutôt si, tous ces copeaux, échappés définitivement de la rectitude. S’enroulent ici. (Portier 2010i)
Chez Cécile Portier, le regard ne s’arrête pas en premier lieu à la forme ou à l’esthétique de l’outil. Ainsi, malgré la forme allongée et le bois utilisé pour le rabot, elle ne cherche pas à imaginer qu’il pourrait s’agir d’une table ou d’un banc. L’exercice ne consiste pas à inventer une nouvelle utilité ou une existence différente à l’objet, mais à nourrir ses réflexions de sa fonction propre. L’essence du rabot n’est pas transformée, mais plutôt sortie de son contexte premier pour être transposée aux domaines de l’écriture et de la production du réel. Toujours oblique, le regard de Cécile Portier s’intéresse aux « reste[s] », aux « copeaux, échappés définitivement de la rectitude. », qu’elle situe « ici », dans son espace numérique, liant ces résidus aux morceaux qu’elle y écrit. En somme, l’auteure donne une existence polysémique aux outils, où éponger et raboter deviennent à la fois des façons de nettoyer, de mettre de l’ordre, mais également de considérer le monde autrement et surtout, d’écrire.
L’un de ses derniers textes consacrés aux outils s’intitule « Retour à la poussière » et contient l’un des rares moments autobiographiques de la série, alors que l’auteure revient sur les odeurs et les textures de l’usine des Produits Céramiques de Touraine, où son père travaillait lorsqu’elle était enfant. Ce texte, bien que motivé par l’annonce de la fermeture définitive de l’usine, réfléchit surtout au processus de production des objets, avec les formes que la poussière peut prendre, le coulage des moules, l’alchimie du feu et la casse comme apprentissage du réel, de l’avenir. Plutôt que de s’intéresser à des objets, elle se penche sur leur création, intimement liée à un lieu précis, assez banal et quotidien pour les gens qui y travaillaient. Une fois de plus, Cécile Portier observe cet univers plutôt prosaïque à travers un regard poétique, parlant de la « beauté des séries et des variations » et qualifiant la matière utilisée de « sophistiquée, brillante, hautaine, noble ».
Cette juxtaposition d’un langage et d’une pensée littéraires à des éléments de la vie ouvrière semble remettre en question la hiérarchie établie par le philosophe Henri Lefebvre entre la « pratique spatiale » et les « espaces de représentation ». Pour ce penseur, la pratique sociale « englobe production et reproduction, lieux spécifiés et ensembles spatiaux propres à chaque formation sociale, qui assure la continuité dans une relative cohésion. » (Lefebvre 1974, 42). Il s’agit de la réalité quotidienne et urbaine, de ce qui relève de la « perception du monde extérieur ». En photographiant des objets de sa demeure et de l’usine où travaillait son père, Cécile Portier donne accès à la « pratique spatiale » de la vie quotidienne d’une auteure et d’un ouvrier. Or, elle ne fait pas que documenter ce qui est visible de ces univers, elle les met en récit et les problématise, faisant d’eux des « espaces de représentation », qui présentent selon Henri Lefebvre « des symbolismes complexes, liés au côté clandestin et souterrain de la vie sociale, mais aussi à l’art » (Lefebvre 1974, 43). Sans les textes et les images de Portier, il semble que de nombreux objets de la « pratique spatiale » passeraient inaperçus, complètement « dominé[s] » (Lefebvre 1974, 49) par la vie quotidienne qui les néglige. Contrairement à ce qu’avance Henri Lefebvre, il semble que ce soit la pratique spatiale qui est subie et que ce sont les espaces de représentation, ce que fait Cécile Portier en tant qu’auteure, qui lui redonnent une valeur individuelle, une existence différente de ce à quoi elle était destinée. Chez Cécile Portier, les pratiques et le travail littéraire vont de pair, puisqu’ils permettent de penser conjointement le réel et le monde, les objets inspirant ses textes et son écriture étant pensée à partir des fonctions polysémiques qu’elle donne aux outils. Cécile Portier n’établit pas une primauté des espaces de représentation sur les pratiques spatiales, mais hybride ces instances de façon à rompre avec la hiérarchisation et le « cloisonnement » (2017, 4) que souligne Enrico Agostini-Marchese dans sa critique de Lefebvre.
V. Un regard anamorphique sur le monde
Penser conjointement le travail manuel et la pratique littéraire, refuser de cloisonner les pratiques spatiales et les espaces de reproduction, adopter un regard oblique sur le monde : le projet de Portier s’inscrit de lui-même dans l’idée de structure anamorphique du réel que proposent Servanne Monjour, Marcello Vitali-Rosati et Gérard Wormser. Pour ces auteurs, le réel doit être perçu dans la simultanéité des points de vue qui le composent, qu’ils soient littéraires, numériques ou encore historiques :
L’idée d’anamorphose est donc fondée sur une conception multiple du réel et sur une critique du paradigme représentatif d’autant plus inopérant à l’ère du numérique, où la pensée dualiste qui oppose le réel à l’imaginaire n’est plus fonctionnelle. […] Elle permet de s’extraire de la logique oppositionnelle qui caractérise la réflexion sur le statut ontologique de la littérature, pour lui substituer une logique multiple et cumulative. Éditorialiser signifie alors produire des anamorphoses en contribuant à l’agencement d’une réalité multiple. (Monjour, Vitali-Rosati, et Wormser 2016, 25‑26)
Ainsi, la série Compléments d’objets produit un espace du quotidien, aussi bien banal qu’hétéroclite, qui participe aux lieux photographiés en leur conférant une profondeur littéraire et une place au cœur de réflexions plus générales. Aux premiers abords du projet de Portier, la littérature paraît compléter ultérieurement les pratiques spatiales, car les textes sont écrits après la prise photographique et se retrouvent en dessous des images, dans une mise en page qui peut donner à croire qu’il s’agit de simples légendes explicatives. Or, l’écriture de Portier produit une nouvelle manière d’appréhender le monde, invitant les lecteurs du projet à porter d’emblée un regard autre sur ce qui les entoure et à assimiler leur quotidien non plus à la lumière de leurs habitudes, mais par une remise en question des objets et de leurs fonctions. Dans Compléments d’objets, l’antériorité des objets, photographiés d’abord, commentés ensuite, finit par être supplantée par une vision qui s’exerce à percevoir simultanément une chose et son rapport au monde. L’utilisation même des outils de la vie domestique ou ouvrière s’agrémente de gestes polysémiques, qui invitent à repenser notre rapport au nettoyage, à l’élagage ou au rabotage. Pour autant, le réel produit par Cécile Portier n’évince pas celui des objets, car la relation de complémentarité entre les textes et les images incitent à un aller-retour entre le littéraire et le matériel, puisque ni l’un ni l’autre ne suffisent à exprimer les choses photographiées ou les questions qu’elles soulèvent. Comme dans Laisse venir de Pierre Ménard et Anne Savelli (2015), qui sert d’exemple à Servanne Monjour, Marcello Vitali-Rosati et Gérard Wormser, l’anamorphose doit être comprise comme un point de vue déformant et décalé sur le monde, plutôt que comme un phénomène géométrique, architectural ou pictural :
L’anamorphose, dès lors, n’est plus cette construction géométrique s’appuyant sur les règles perspectives (dont elle contournait déjà l’aspect prescriptif), mais bien la célébration d’une expérience déformante qui s’inscrit dans une poétique de l’informe, du désordre. (Monjour, Vitali-Rosati, et Wormser 2016, 33)
Chez Cécile Portier, l’« expérience déformante », commencée par des objets, s’ouvre sur une perception plus générale du monde, où la déformation initiale imposée par le regard permet de reconstituer un monde, où les questions du pouvoir, de l’ordre, de l’écriture, de l’attachement au matériel auront pu être posées. Si dans Compléments d’objets, l’anamorphose n’est pas tout à fait une « forme qui revient », dont la déformation serait réversible, elle n’est pas non plus une distorsion « sans retour » (Monjour, Vitali-Rosati, et Wormser 2016, 25), car elle revisite les objets et les transpose à d’autres domaines, sans les déposséder de leurs fonctions.
À la lumière de ce dialogue avec la théorie de Carl Schmitt, puis celle de Henri Lefebvre, la série Compléments d’objets témoigne d’une manière singulière de constituer un nomos, délimitant un espace du quotidien à partir d’objets photographiés par l’auteure, exerçant une prise sur son environnement physique et une autorité sur son site Internet, grâce à des contraintes d’écriture et des principes connus par une communauté de lecteurs. Dans le même geste de prise du réel, Cécile Portier se penche sur des outils de la vie domestique et ouvrière, mettant en parallèle la production issue du travail manuel et celle faite par l’écriture. Ainsi, c’est également la hiérarchie d’Henri Lefebvre sur les pratiques spatiales et les espaces de représentation qui est revisitée, car chez Cécile Portier, l’écriture ajoute une fonction poétique à des objets utilitaires et les outils servent de point de départ à des réflexions littéraires et existentielles. Le jeu de mots de Compléments d’objets semble devoir être observé lui aussi avec un regard oblique, au même titre que toutes ces images prises du quotidien. À la vue des photographies surplombant les textes, la littérature paraît incarner le complément d’objet grammatical d’un verbe qui serait les images ou plutôt, les objets eux-mêmes. Or l’écriture de Cécile Portier ne peut être réduite à un simple « complément », car elle ouvre de nouvelles perspectives plutôt qu’elle ne complète des objets, devenant elle-même un lieu d’action sur le monde. L’intérêt du lecteur réside alors dans cette forme littéraire, qui surprend par les liens qu’elle crée avec les objets et invite à transposer dans le réel la curiosité des images et des mots, à faire du plaisir du texte un plaisir du monde.
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Voir à ce sujet le numéro de South Atlantic Quarterly intitulé « World Orders : Confronting Carl Schmitt’s The Nomos of the Earth », plus particulièrement les articles de Felipe Martínez Marzoa « Space and Nomos » (2005) et Carlos A. Otero « From the Nomos to the Meridian » (2005).↩
Voir à ce sujet l’article de Christian Moraru « “Neutrality” as Nomos ? : Paradigm, Nuance, and the Politics of Coterritoriality in Late Barthes » (2016).↩