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La mise à nu des mécanismes guerriers ou la stratocratie

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Texte

Une bonne partie des travaux de Castoriadis est consacrée à l’étude du régime social de la Russie, une étude qui mêle d’ailleurs une appréciation historique, sociologique et philosophique. La société russe a à nous dire quelque chose sur la souffrance sociale que fait endurer l’institution bureaucratique de la société, qui est une exploitation systématique et rationnelle de l’existence sociale des individus.

Révolutionnaire et critique astucieux du marxisme, Castoriadis a fondé à la fin des années 1940 un groupe et une revue portant le nom de Socialisme ou Barbarie et défendant les thèses originales du développement d’un capitalisme bureaucratique à l’échelle planétaire. C’est dans ce cadre de pensée qu’il faut replacer son hypothèse émise en 1980 sur l’évolution du régime russe et qui a permis de définir un concept opératoire pour la compréhension des mécanismes guerriers, celui de stratocratie.

Comme son origine grecque l’atteste (stratos = armée, kratos = puissance de domination), la stratocratie signifie que l’armée a acquis une puissance telle qu’elle constitue une sous-société. La Russie soviétique des années 1980 a subi une mutation sociologique majeure qui fait de l’Armée un véritable corps social chargé d’assumer l’orientation politique et économique du pays. Avec une certaine prudence méthodologique, Castoriadis écrit dans son livre consacré à cette question :

« tout fait penser qu’il faudra considérer de plus en plus, la société russe comme une société stratocratique, où le corps social de l’Armée est l’instance ultime de la domination effective (et non pas seulement la garant ultime de l’ordre établi, intérieurement et extérieurement) – laquelle, pour d’innombrables raisons, historiques et naturelles, doit et devra conserver à l’existence, comme masque et comme instrument (à la fois indispensable et déplorable) le Parti. » 1

En contredisant les thèses d’un immobilisme de la société russe, Castoriadis montre qu’il y a eu un déplacement effectif de la domination vers l’armée et que cette armée prépare une guerre à vocation impérialiste. Nous sommes « devant la guerre », non pas avant la guerre, mais face au développement d’une rationalité guerrière de plus en plus visible.

J’aimerais dans mon propos éclairer la notion de stratocratie et montrer en quoi elle définit un véritable complexe guerrier en Russie, ensuite relier la dénudation des mécanismes guerriers à la perspective d’une destruction possible et enfin tirer les enseignements d’une telle analyse à un niveau global. Le cas russe n’est pas un cas généralisable, il n’empêche qu’il permet d’évaluer concrètement la structuration de la société par ces mécanismes guerriers.

Bien peu d’économistes, de géographes ou de stratèges se sont penchés sur la question de l’armement soviétique à la fin des années 1970. Il existe un contraste qualitatif entre la sphère militaire et le reste de la société. Certes, une déficience de l’information masquée par des rapports officiels quasi-mensongers peut expliquer l’absence de recherches et de travaux concernant la puissance militaire russe, mais l’illusion de l’équilibre de la terreur a rendu également impossible la compréhension de ce phénomène. Grâce à des données rassemblées à l’Institut international d’études stratégiques de Londres et à des analyses de ce que pourraient être les dépenses militaires de la société russe, Castoriadis a calculé que la force militaire russe était 1,6 fois supérieure à celle des États-Unis. Il ne s’agit pas ici de discuter la précision du chiffre, mais de comprendre pourquoi le régime russe connaît à cette époque une séparation entre deux sociétés, la société militaire et la société civile. Pour les questions d’ordre de grandeur et de justification des chiffres choisi, je vous renvoie à l’annexe V de l’ouvrage Devant la guerre qui reconstitue le calcul des dépenses militaires et montre comment Castoriadis a pu décoder certaines informations officielles grâce à un croisement de statistiques diverses 2 . Toujours est-il que l’accroissement de la puissance militaire russe au cours de ces années est un fait indéniable. Un rapport d’un expert en géostratégie, Arthur Macy Cox, ancien fonctionnaire de la C.I.A. souligne que cet accroissement militaire inquiétait les États-Unis, mais que les autorités officielles préféraient ne pas rendre publics les résultats des commissions d’enquêtes menées par la C.I.A. 3 . Ce M. Cox faisait lui-même partie d’une équipe B de la C.I.A. chargée d’évaluer cette puissance. Les conclusions de cette équipe montraient que la puissance soviétique était bien supérieure à celle des États-Unis et que l’URSS violait un certain nombre d’accords de détente. Le débat reste bien sûr toujours ouvert, concernant l’exagération de l’armement soviétique ou les erreurs d’appréciation que l’on peut y faire. En fin de compte, si on ajoute les forces mortes (les ressources) aux forces vives (les armées) et la capacité de mobilisation (que Clausewitz appellerait force morale), alors, à cette époque, la puissance militaire est en mesure de gagner la guerre face aux États-Unis.

La stratocratie désigne le moment où le secteur militaire, en se séparant du secteur civil, s’auto-institue comme société. Cette sous-société détient l’orientation et le sens de la politique russe, elle asservit le secteur civil à ses fins qui sont devenues les fins de la société tout entière. Le Parti-État n’a plus ce pouvoir de contrôle, la bureaucratie russe a mué véritablement en une stratocratie, c’est-à-dire un régime conçu uniquement sur des buts guerriers. Même l’idéologie communiste est devenue exsangue et incapable d’avoir un fonctionnement symbolique efficace dans la société russe, notamment avec l’identification à ce Parti qui détenait les clés du développement historique. Comme l’écrit Castoriadis, la société russe est devenue une « société cynique », sans projet social, repliée sur ses mécanismes guerriers, à savoir une pure logique de forces. La stratocratie n’est pas un synonyme direct de mécanisme guerrier, elle fait plutôt ressortir le moment où ces mécanismes sont mis à nu.

Les ressorts guerriers destinés à défendre et à justifier un imaginaire social apparaissent alors de manière trop évidente. Le régime russe n’est pas en train d’assurer la sécurité de son territoire mais prépare, en temps de paix, une guerre et une expansion territoriale. En l’occurrence, le secteur civil dont l’agriculture et l’industrie ont des niveaux de productivité dramatiques, dépend de ce secteur militaire. L’auto-institution de la société militaire repose sur une domination et une inégalité entre les deux sociétés : la société militaire a besoin d’un secteur civil défavorisé, parce qu’elle s’en nourrit. C’est cette inégalité qui motive la dynamique du pôle militaire : plus le secteur civil s’enfonce dans un sous-développement et plus le secteur militaire exploite et attire les forces de la société civile. La sphère militaire « est constituée par l’écrémage systématique des ressources les meilleures de tous ordres -et, en premier lieu évidemment, les ressources humaines- de tous les domaines d’intérêt pour l’Appareil militaire » 4 . Plus qu’un accroissement quantitatif, l’Armée est devenue une véritable société fermée, recomposant et assimilant la caste bureaucratique dominante. Les individus contribuent à son épanouissement, le potentiel russe de recherche est exclusivement concentré sur la puissance militaire, les cadres de l’Armée bénéficiant de promotions internes et entrant dans une compétition pour pouvoir occuper des postes de plus en plus importants. En outre, la carrière militaire offre des perspectives plus alléchantes que les carrières civiles. « La carrière n’est pas évoquée ici du point de vue de l’argent gagné, mais des possibilités de « faire des choses plus intéressantes », les « faire à sa propre façon », diriger un laboratoire plutôt que d’y travailler en subordonné » 5 .

L’hypothèse stratocratique renouvelle considérablement le point de vue que les experts occidentaux avaient sur le régime russe : il ne s’agit pas de commenter uniquement l’affaissement de la société civile, mais de voir que cet affaissement est corrélatif aux succès de la productivité militaire. Il serait cependant hasardeux d’identifier complètement le régime russe à une stratocratie. Une vision trop unilatérale de ce concept peut nous faire perdre le sens des réalités : Mihàly Vajda, dans un article paru dans la revue Esprit 6 , avait relevé deux négligences importantes dans le diagnostic de Castoriadis : d’une part, l’Union soviétique connaît des problèmes de nationalités qui entachent ses relations avec ses pays satellites et d’autre part, certaines réformes minent progressivement la bureaucratie politique et empêchent sa reconversion en stratocratie.

Or, Castoriadis a répondu à ces objections en partie, en prenant soin de distinguer le cas russe des bureaucraties d’appoint installées dans les régimes voisins. Si la société russe évolue vers une stratocratie, il n’en est pas de même pour les régimes d’Europe de l’Est. Dans l’article « Cinq ans après » paru dans le deuxième volume des Carrefours du labyrinthe pour remercier les amis polonais qui ont traduit en polonais Devant la guerre, Castoriadis ne considère pas le coup d’État de Jaruzelski comme une évolution vers un état stratocratique.

« Le lecteur sérieux des pages qui suivent s’apercevra sans difficulté qu’il s’agit là d’une incompréhension totale de mes idées. L’évolution du régime communiste vers un régime stratocratique est spécifique à la Russie et liée à des conditions particulières, sociales, historiques et autres, de ce pays. La Pologne d’aujourd’hui n’est pas, et pourrait très difficilement être, une société stratocratique. » 7

En fait, dans le cas russe, la stratocratie a désigné la tentative de fusion entre l’Armée et le Parti-État extérieur pour constituer un nouveau pôle de domination. Ce n’est pas un concept synonyme de bureaucratie militaire, mais le moment ultime de sa recomposition.Le repli de la société russe sur une rationalité guerrière est en fin de compte le signe d’une désinstitution globale du sens de la société. La dichotomie guerre/paix n’est plus opérante, car les mécanismes guerriers sont déjà mobilisés en temps de paix. La préparation à la guerre fait déjà partie de la guerre : la paix désigne alors le laps de temps qui précède la confrontation ultime visant l’anéantissement total de l’un des deux belligérants. J’aimerais, dans le deuxième moment de mon exposé saisir les contours de ce processus de destruction.

L’analyse de la stratocratie a provoqué un débat intéressant entre Castoriadis et l’historien Alain Besançon 8 , soviétologue de renommée, qui analysait l’évolution du régime russe suivant une idéocratie. Cette dernière hypothèse à laquelle d’autres se rallient (comme le sociologue Edgar Morin dans son livre De la nature de l’URSS 9 ) vise à prouver que l’idéologie du Parti-État s’impose dans les années 1980 toujours comme un référent dominant. Pour les tenants de l’idéocratie, l’idéologie du Parti est restée un vecteur super-puissant, instrumentalisant une Terreur toujours aussi vive à l’ère post-stalinienne. Dans sa préface au Court traité de soviétologie d’Alain Besançon, Raymond Aron pense que cette puissance militaire est encore asservie à une secte prétendant construire le socialisme.

« Idéocratique ou logocratique, le régime russe partage avec les despotismes du passé une caractéristique : l’apparente immutabilité ; le temps ne s’y écoule pas à la même allure que dans les sociétés démocratiques dont l’agitation permanente donne l’impression, pas toujours vraie, de changements rapides. » 10

Castoriadis refuse de se ranger à cette analyse, dans la mesure où la symbolique du discours idéologique a disparu. Certes, l’expérience soviétique a débuté par une idéocratie justifiant les actions d’une caste bureaucratique bien délimitée, mais à partir des années 1970, cette idéocratie n’est plus opérante. L’idéocratie manifeste plutôt la prégnance d’un imaginaire étatique présent dès les premiers bouleversements de 1917 :

« L’imaginaire étatique, masqué dans la Révolution française, devient explicite avec le parti bolchevique, qui est un État-armée en germe déjà avant la "prise du pouvoir". » 11

Le Parti bolchevique, « cette machine à s’emparer du pouvoir d’État » 12 a détruit définitivement les acquis du mouvement autonome de février 1917. Castoriadis est vigilant avec les termes qu’il emploie :

« Il y a une révolution de février 1917, il n’y a pas de "révolution d’Octobre" : en octobre 1917 il y a un putsch, un coup d’État militaire. » 13

Février 1917 a manifesté le coup de grâce du régime tsariste, tandis qu’Octobre 1917 a vu le succès d’un parti minoritaire mais efficacement organisé en caste bureaucratique. Alain Besançon entendait qualifier d’idéocratique le régime russe de l’ère post-stalinienne, mais ce concept ne permet pas selon Castoriadis de penser véritablement l’évolution du régime.

En effet, dans les années 1970, à la construction fictive d’une réalité sociale homogène a succédé une considération réaliste des rapports de force et une recherche accrue de l’efficacité militaire (efficacité qui était méprisée dans le secteur civil et donc ignorée). La référence au leader charismatique incarnant le socialisme réel n’y est plus valable.

« Il est difficile, par exemple, de discerner le charisme de M. Brejnev. Ce type d’autorité est nouveau, il faut lui trouver un nom, appelons-la autorité inertiale. » 14

Le pouvoir a été désacralisé dans les faits et non pas dans les discours.

La stratocratie signe donc la fin du totalitarisme puisque la domination de l’idéologie n’y est plus effective. Edgar Morin, pour sa part, considère avec intérêt l’hypothèse stratocratique, mais ne l’inclut pas dans ses analyses : pour lui, le communisme d’appareil mise de plus en plus sur la force militaire pour accroître son idéologie, alors que « les maîtres mots » 15 idéologiques n’ont plus la même emprise, parce qu’ils ne veulent plus rien dire.

Le régime russe ne se replie pas pour autant sur des mécanismes de défense pour se protéger d’une attaque éventuelle (de ce point de vue, la théorie de l’équilibre de la terreur est invalidée par l’hypothèse stratocratique), mais prolonge son échec en préparant une guerre totale. La mort idéologique du système peut s’accompagner d’une opération de destruction.

La mise à nu des mécanismes guerriers permet d’envisager la façon dont une société désinstitue ses significations imaginaires (à savoir ses valeurs, ses symboles) qui la faisaient exister. La nouvelle bureaucratie russe tente de justifier l’accroissement du potentiel militaire par un retour à une forme appauvrie de l’imaginaire nationaliste et impérial de la Russie d’antan. La société russe poursuit un processus d’autodestruction programmé : le langage, représentant pourtant l’institution seconde de toute société ne signifie plus rien. Rappelons cette distinction que Castoriadis effectue entre institution première de la société et institutions secondes, pour montrer que la destruction de la signification, au-delà de l’effondrement langagier, touche les principes mêmes de la socialisation russe.

« L’institution première de la société est le fait que la société se crée elle-même comme société et se crée chaque fois en se donnant des institutions animées par des significations imaginaires sociales spécifiques à la société considérée […]. Et cette institution première s’articule et s’instrumente dans des institutions secondes. » 16

Le langage constitue une de ces institutions secondes. Castoriadis a une vision holiste de la société qui s’institue comme un tout de significations, valeurs et symboles. La distinction opérée entre institution première et institutions secondes est une distinction logique et non ontologique. Le langage comme institution seconde apparaît au moment de la création de la société comme société.

Or, dans la société russe de la fin des années 1970, les mots ont tellement été manipulés qu’ils se sont vidés de toute signification. Les idées, nécessaires à un renouvellement imaginaire des valeurs de la société ne peuvent pas surgir de ce nihil langagier. « La relation du « mot » avec son « signifié »- la signification ne peut être ni absolument déterminée et rigide, ni, dans la société considérée, totalement arbitraire, c’est-à-dire manipulable à souhait. » 17 Castoriadis illustre ce propos à l’aide d’un exemple probant :

« que l’on pense à ce que signifient, dans nos sociétés, les mots « juste » et « justice ». Impossible de soutenir qu’ils ont une signification ferme, définitive, bien déterminée- puisque les discussions là-dessus sont interminables et nous nous opposons les uns aux autres à leurs propos ; mais impossible aussi de soutenir qu’ils signifient rien et n’importe quoi- puisque, par exemple, si deux tribunaux, pour le même délit, commis par des individus de même âge, condition etc., dans des circonstances quasi-identiques, arrêtent des jugements différents, personne ne soutiendra que les deux jugements puissent être aussi justes l’un que l’autre. » 18

Le langage n’est pas construit sur un relativisme de la signification ; quand on détruit le rapport des hommes à la signification, le langage n’est plus le véhicule d’une vérité possible, donc il n’est plus capable de mouvoir une société dans la quête de cette vérité.

« L’affirmation paradoxale : words mean what I want them to mean ne peut se réaliser qu’en détruisant le langage. » 19

Anéantir l’institution seconde de la société qu’est le langage revient à détruire complètement toute possibilité d’avenir. La mort de la société russe ne se caractérise pas par une disparition subite, mais par une longue agonie, la direction de la société étant assumée par une bureaucratie incapable de poursuivre une réforme quelconque. La guerre devient le seule issue possible.

Comment un régime qui institue le mensonge peut-il survivre ? Cette question a été posée dans le séminaire du 6 mai 1987 de Castoriadis à l’EHESS 20  :

« Quelqu’un ne doit-il pas connaître "vraiment" ce qu’il faut cacher ? Ou encore celui de la société russe contemporaine (pour éviter les arguties, avant Gorbatchev) telle qu’elle est décrite, notamment, dans le chapitre IV de Devant la guerre : société du mensonge intégral, avec la question, soulevée effectivement dans ce même chapitre : comment la bureaucratie peut-elle fonctionner si elle est organisation du mensonge ? Jusqu’à quel point peut-elle être organisation du mensonge, jusqu’à quel point le mensonge peut-il être conforme à la vérité des intentions de ceux qui l’emploient, si son expansion est telle que cette notion même de "conformité à" devient vide ? » 21

Autrement dit, une société cynique (chacun sait que tout est mensonge et tente de s’adapter à ce principe coûte que coûte) est-elle capable de se maintenir comme société ? Castoriadis va jusqu’au bout du raisonnement en montrant que le mensonge intégral n’est pas possible :

« l’intérêt de chaque bureaucrate est de falsifier les résultats de son action à son avantage ; il les falsifiera donc autant qu’il pourra. Mais la bureaucratie – aussi bien les "instances centrales" que le "corps social" et l’"esprit du système" – sait que les bureaucrates falsifient les résultats. Et l’on sait ce qu’elle fait pour combattre cette falsification : elle institue des commissions bureaucratiques qui contrôlent les bureaucrates (cela commence déjà avec Lénine). » 22

Il faut supposer qu’il y ait au moins quelques personnes qui savent ce qu’il en est en réalité, pour que la bureaucratie puisse se maintenir, sinon il n’y a même plus de communication possible et on sombre dans la paranoïa la plus terrible.

Contrairement à ce qui était annoncé, le deuxième tome de Devant la guerre n’a malheureusement jamais paru.

« Des raisons pratiques et l’urgence du problème m’ont conduit à publier ce livre en deux volumes, dont le deuxième paraîtra l’automne prochain. Il sera essentiellement consacré à la discussion des questions théoriques et politiques soulevées par les analyses ici présentées. » 23

Certaines de ses analyses ont été reprises de manière fragmentée dans ses séminaires à l’EHESS, mais nous possédons plusieurs indices précieux de ce qu’aurait été le contenu de ce deuxième tome, grâce à un entretien paru dans le journal Le Monde, le 12 juillet 1986 et à certaines allusions parues dans d’autres articles. Dans l’entretien consacré au journal Le Monde, Castoriadis y livre la question théorique principale de ce deuxième volume :

« Question énorme, un des noyaux du deuxième volume de Devant la guerre : pourquoi et comment une culture meurt-elle ? Tout aussi difficile que l’autre : pourquoi et comment une culture se crée. Une culture se crée en créant de nouvelles significations imaginaires et en les incarnant dans des institutions. » 24

Ce deuxième tome aurait pu permettre de clore l’ensemble des réflexions de Castoriadis sur le régime social de la Russie, réflexions inaugurées dès la création du groupe et de la revue Socialisme ou Barbarie.

La plupart de ses travaux ont mis en évidence l’histoire de la désinstitution de la société soviétique. L’URSS a toujours eu une attitude fondamentalement belliqueuse et s’est appuyée sur des mécanismes guerriers, qui au-delà de sa survie nécessaire, servaient ses velléités impérialistes. Ces mécanismes finement analysés par les soviétologues se lisaient dans les premières formulations d’un communisme de guerre, les restructurations de la police politique ainsi que les dénonciations successives d’un ennemi intérieur. La guerre doit être la justification du maintien de la classe bureaucratique comme l’atteste cette citation caractéristique de Lénine :

« si nous savons user de tous les moyens de lutte, nous triomphons à coup sûr, puisque nous traduisons les intérêts de la classe réellement avancée, réellement révolutionnaire, même si les circonstances ne nous permettent pas de faire usage de l’arme la plus dangereuse pour l’ennemi, de celle qui porte le plus vite des coups mortels. » 25

L’originalité de l’expérience soviétique réside dans le fait que la société s’est repliée sur ses mécanismes guerriers en vidant de tout contenu l’imaginaire qui la portait. Ces mécanismes destinés à protéger la bureaucratie russe ne sont pas dirigés vers la défense, mais sont prêts à être mobilisés pour une guerre totale, devenue possible. Ils se chargent d’une vis destructiva : la stratocratie réalise le développement de la Force brute pour la Force brute.

« Avec la décrépitude de son idéologie et le dévoilement mondial de sa réalité monstrueuse, le moyen qui en est devenu le moyen central, c’est la Force brute. D’où la subordination complète de la production, de l’économie, de la vie sociale russes à l’accumulation de force militaire et à la politique extérieure. » 26

Cette logique n’est même plus masquée, elle a infiltré toutes les strates de la société au point de devenir le seul sens du développement russe.

« La Force brute comme fin en soi, la Force brute pour la Force brute, est devenue la "valeur" centrale de cette société, sa signification imaginaire dominante. » 27

La justification imaginaire d’un régime stratocratique est extrêmement pauvre, elle produit des individus préoccupés par la poursuite du pouvoir pour le pouvoir.

« Et c’est ainsi, évidemment, que ce régime tend à produire le type anthropologique d’individu qui lui correspond, individu défini par le cynisme, l’absence de tout scrupule, la soif du pouvoir (secrétaire général du Parti ou chef d’équipe dans une usine, cela ne fait aucune différence à cet égard). » 28

Les ambitions internes gangrènent de plus en plus la caste bureaucratique au pouvoir.

Castoriadis utilise le vocable de la force dans des termes qui rappellent les interprétations heideggeriennes de la Volonté de puissance de Nietzsche. En effet, Heidegger écrit la chose suivante, dans Nietzsche II :

« au lieu de "Volonté de puissance", Nietzsche parfois dit également "force" ("énergie"). La force (parfois aussi les forces de la nature), il l’entend toujours en tant que volonté de puissance. "Quelque chose d’instable en tant que force, quelque chose d’ondulatoire nous est absolument inconcevable" (XII, 57). » 29

Dans le cas de la société russe, nous avons un pur jeu de forces, dépourvu de tout but caractérisant un certain nihilisme, car la Force brute n’est pas tendue vers un renouvellement des significations imaginaires existantes. Cette Force brute (et Castoriadis emploie à cette occasion le substantif) a remplacé tout vouloir social. La domination n’est pas au service d’un but, elle est centrée sur sa propre destruction (puisque son maintien est illusoire, vu la déstabilisation qu’elle crée). Le seul sens est intrinsèque au développement illimité de cette force destinée à nier toute résistance. Cela ne signifie pas que le régime stratocratique n’a plus d’imaginaire, il reste malgré tout un principe d’institution sociale :

« la plus puissante armée du monde ne vous protégera pas si elle ne vous est pas fidèle – et le fondement ultime de sa fidélité est sa croyance imaginaire en votre légitimité imaginaire. » 30

Cet argument nous fait penser à une série d’analyses que l’on trouve dans Le Prince de Machiavel : en effet, pour disposer de ses armées, il faut inspirer le respect et la crainte afin que les hommes soient capables de se mobiliser. Les hommes doivent accepter tacitement le pouvoir du Prince ou du gouvernant en place et se reconnaître en lui pour être capable de se battre pour lui.

« Les armes propres sont celles qui sont composées de tes sujets ou de tes citoyens ou de tes créatures : toutes les autres sont soit mercenaires soit auxiliaires. » 31

L’État stratocratique ne peut pas survivre sans une justification imaginaire qui institue les significations minimales de cette société. En l’occurrence, le régime russe devient une Armée-État et non plus un État-Armée (c’est ce qui fait que la stratocratie n’est pas simplement une bureaucratie militaire), tandis que les castes bureaucratiques des pays satellites n’ont qu’une fonction sécuritaire (ils restent donc des bureaucraties militaires asservies à la sécurité intérieure des régimes en place, ce sont des États gendarmes). En cas d’affrontement entre les deux superpuissances, ce ne seront pas ces armées diffuses qui se mobiliseront, mais la stratocratie russe tout entière.

Il est cependant incroyable de constater que cette société stratocratique arrive à fabriquer des individus intériorisant ses normes sociales. Ce phénomène nous laisse perplexe, mais la société pour survivre a besoin d’une justification imaginaire, aussi monstrueuse soit-elle. Dans un entretien de 1975, Castoriadis déclare avec justesse qu’« il n’y a pas de société ratée, il n’y en jamais eu. Il y a des monstres biologiques, il y a des ratages psychiques, il n’y a pas de sociétés ratées. Les Chinois, les Athéniens, les Français, d’innombrables collectivités dans l’histoire ont toujours été capables d’instituer, sans le savoir, une vie sociale cohérente. » 32 L’état stratocratique est à la limite du non-sens, cette cohérence est fragilisée du fait de l’institution imaginaire de la violence, c’est-à-dire du culte de la force pour elle-même. L’institutionnalisation de le force comme principe-clé de la société est le préambule à une destruction majeure.

Pour la société soviétique, la poursuite de la Force brute vise la destruction totale, que ce soit celle de l’Autre superpuissance ou la sienne propre. À la suite de Clausewitz, comme le rappelle à juste titre Castoriadis, la cause de la guerre n’est plus l’agression, mais la défense. La politique soviétique n’est pas déterminée par un souci de sécurité ou de défense, mais elle se prépare bel et bien à une série d’opérations offensives au nom de la défense de son territoire (la défense est alors la justification imaginaire de l’attaque, cas superbement illustré par ce qu’on appelle la légitime défense). L’Union soviétique a une supériorité militaire sur les États-Unis et un avantage compte tenu de sa position géopolitique. On n’a d’ailleurs pas besoin d’être convaincu de la validité de cette thèse pour pouvoir cerner le futur contingent qu’est la guerre. Vincent Descombes écrit que la guerre est un futur contingent « qui exclut l’attente d’un futur prétendument nécessaire (comme dans le progressisme classique) aussi bien que le ressassement morose d’un passé dont on ne parvient pas à se délivrer. » 33 Il est nécessaire que la guerre ait lieu ou n’ait pas lieu, la nécessité portant sur l’alternative. On est bien devant cette guerre qui peut-être n’aura pas lieu, mais qui est un possible qu’on ne peut pas ne pas envisager. On est face à cette catastrophe, on sait qu’elle est possible, mais on ne veut pas la voir 34 . Cet esprit rappelle exactement la situation munichoise de 1938. Merleau-Ponty, dans un chapitre paru dans Sens et non-sens, décrit à propos de la deuxième guerre mondiale cette peur d’envisager le pire due à « cette philosophie optimiste, qui réduisait la société humaine à une somme de consciences toujours prêtes pour la paix et le bonheur, [qui] était en fait la philosophie d’une nation difficilement victorieuse, une compensation dans l’imaginaire des souvenirs de 1914. » 35

La stratocratie offre une visibilité des mécanismes guerriers qui traversent toute société. Au-delà d’un concept utilisé dans un contexte de course à l’armement entre l’URSS et les États-Unis, Castoriadis nous livre des arguments intéressants quant à la caractérisation de ces mécanismes. La guerre est une réalité parce qu’elle est contenue comme une possibilité dans cette logique de forces. Nous devons en fait rattacher la mobilisation de ces mécanismes guerriers à l’édification d’une caste bureaucratique qui tente de renouveler et d’accroître sa puissance de domination. La stratocratie doit être pensée à partir des analyses antérieures de Castoriadis sur la bureaucratisation de la société. Comme il l’écrivait déjà en 1952, « la guerre elle-même apportera donc une démystification complète quant aux organisations bureaucratiques, leurs buts et leurs moyens. » 36 Nous le disions auparavant, la stratocratie n’est pas exactement identifiable à une bureaucratie militaire, elle désigne plutôt le type ultime de bureaucratisation par l’Armée. Quant à la bureaucratie militaire, elle s’institue à partir de la fiction de l’État.

« Je propose pour ma part, écrit Castoriadis, que l’on réserve le terme d’État aux cas où celui-ci est institué comme Appareil d’État, ce qui implique une "bureaucratie" séparée, civile, cléricale ou militaire, fût-elle rudimentaire, à savoir une organisation hiérarchique avec délimitation des régions de compétence. » 37

La séparation entre une direction et une exécution est à la source de la signification de la bureaucratie. Or, cette finalité bureaucratique est absurde, parce que le pouvoir ne pourra jamais être séparé : on ne peut pas diriger sans savoir comment les ordres ont été exécutés. On ne peut pas non plus nier la marge de manœuvre des exécutants qui ont besoin d’un minimum d’autonomie pour réaliser ce qui leur est demandé. Le capitalisme bureaucratique est construit sur ce non-sens ; il nie une autonomie qu’il présuppose du côté des exécutants et c’est pour cela qu’il a besoin d’un système répressif de plus en plus fort. Les mécanismes de domination visent à accentuer une séparation entre direction et exécution et à isoler ce pouvoir.

Dans tous les cas, la caste bureaucratique mobilise une machine de guerre qu’elle masque plus ou moins bien. Cette machine de guerre est nécessaire à la fois à sa survie et à l’extension de sa domination. Castoriadis a toujours considéré les régimes de l’Est comme représentant l’extrême possibilité de ce qui pouvait se passer à l’Ouest. Nous savons également que le deuxième tome de Devant la guerre devait être consacré à la décomposition des sociétés occidentales, devenues hétéronomes et asservies aux intérêts non pas d’une bureaucratie militaire mais d’« oligarchies dominantes » 38  : cette dernière s’appuie sur des mécanismes militaires mobilisables au nom d’une prétendue légitime défense. L’allusion à la suite des analyses de Castoriadis sur la guerre est explicite dans l’article « Cinq ans après », publié dans Domaines de l’homme, Les Carrefours du labyrinthe II où il écrit : « mais je ne m’étendrai pas ici sur les aspects économiques et politiques de la décomposition des sociétés occidentales (j’en parlerai longuement dans le deuxième volume de Devant la guerre). » 39 La réflexion doit être étendue du cas russe aux sociétés occidentales, concernant l’instrumentalisation des mécanismes guerriers.

L’histoire de la Russie soviétique montre que la bureaucratie russe a acquis un pouvoir total en créant une séparation de deux couches sociales, une couche de dirigeants et une couche d’exécutants. Elle dérange par le fait qu’elle constitue la possibilité prochaine des bureaucraties fragmentées de l’Ouest, cantonnées aux intérêts des oligarchies dominantes. La bureaucratie ne se constitue pas comme une classe (contrairement aux positions marxistes) mais comme une caste de privilégiés.

« Et ce n’est pas seulement la bureaucratie "en face", comme couche dominante ; c’est aussi la bureaucratie "chez nous", l’énorme et angoissante question que pose la bureaucratisation perpétuelle et perpétuellement renaissante de toutes les organisations, syndicales, politiques ou autres. » 40

Le phénomène bureaucratique traverse tous les régimes politiques existants et se décline sous plusieurs formes. Tout au long d’une série d’articles de Socialisme ou Barbarie regroupés dans deux volumes intitulés Capitalisme moderne et révolution, Castoriadis a analysé la manière dont ces mécanismes de domination se mettaient en place en régime capitaliste. La domination est assise dans toutes les sphères sociales, surtout dans celle du travail.

« Les mécanismes qui seront utilisés pour l’intégration de la production auront, sous les différences de forme, le même contenu que ceux utilisés par la bureaucratie russe, à savoir d’assurer la soumission totale du travail vivant aux besoins de l’appareil productif. » 41

L’économie elle-même est tendue vers un besoin d’efficacité et de mécanisation de la vie. Autrement dit, les bureaucraties, dans leur compétition planétaire pour accroître leur domination, développent une économie de guerre : la guerre n’est pas enclenchée, mais leur raison d’être réside dans cette préparation permanente à l’affrontement.

Si la guerre devait se déclencher, les États-Unis auraient besoin d’une cohésion idéologique et politique et réprimeraient toute grève et toute opposition interne à la guerre. Castoriadis n’hésite pas, dès 1952, à se prononcer sur l’issue de la lutte : « les États-Unis sortiront de la guerre comme une puissance totalitaire. » 42 Chaque puissance conduit une guerre mondiale qui recouvre en fait une guerre civile planétaire, brisant toute organisation résistante à l’intérêt de ces castes. Cette caste s’organise comme une véritable machine de guerre, reliée à la puissance de l’État qui n’est que l’un de ses avatars : « la bureaucratie se transformera en agent direct de l’État. Ne pouvant plus s’appuyer sur les ouvriers, elle s’appuiera sur la force de l’État. » 43 Certes, la mentalité de ces pays n’est pas du tout la même que celle des régimes de l’Est, car le dispositif de forces y est moins concentré et beaucoup plus masqué. Les Occidentaux n’ont par ailleurs jamais pris la mesure du danger russe, restant prisonniers d’un schéma de pensée utilitariste et économiste : ils pensaient que le régime russe s’effondrerait du fait de son économie civile sous-développée sans percevoir qu’elle était phagocytée par la sphère militaire. Le régime russe menait une guerre totale qui aboutirait soit à sa domination mondiale soit à son suicide, et Castoriadis avait mis en évidence cette visée dans tous ses articles de Socialisme ou Barbarie, en analysant précisément les ressorts de cette domination, qu’ils soient politiques, économiques ou militaires.

Castoriadis a certainement versé dans ce que nous pourrions appeler l’histoire virtuelle, intégrant le possible comme réel et imaginant les deux issues probables de cet affrontement entre les deux puissances, puisqu’il s’agit d’une compétition planétaire entre deux castes bureaucratiques différemment organisées. Mais les analyses de Castoriadis ont permis, grâce à la définition de ce concept de stratocratie, de remettre en cause les théories de l’équilibre de la terreur et de la dissuasion nucléaire. Si nous supposons un équilibre dans la course aux armements, cela signifie que nous sommes en présence d’individus raisonnables voulant les mêmes fins pacifiques. Cet équilibre est bel et bien une illusion qui masque à la fois une militarisation croissante de la société et un état stratocratique. Aujourd’hui, nous pourrions très bien comprendre ce que les choses auraient été, si l’Union soviétique avait gagné cette guerre. Nous avons frôlé un affrontement terrible, mais ce n’est pas pour autant que le danger a disparu. Il faut faire preuve d’une certaine lucidité confinant au « catastrophisme éclairé » que préconise Jean-Pierre Dupuy, pour comprendre ce qui est en train de se passer dans le monde.

« Le catastrophisme éclairé, écrit Jean-Pierre Dupuy, consiste à penser la continuation de l’expérience humaine comme résultat de la négation d’une autodestruction – une autodestruction qui serait comme inscrite dans son avenir figé en destin. » 44

Or, si la stratocratie caractérise l’évolution possible et ultime d’une caste bureaucratique, c’est que cette dernière n’est même plus consciente du processus d’autodestruction spectaculaire qui l’anime.

Castoriadis avait aussi prévu l’autre possibilité, la victoire des États-Unis et la survie de son oligarchie dominante, grâce à l’orchestration d’une violence plus diffuse. La puissance qui s’impose au sortir de cette guerre n’a plus d’ennemi extérieur, elle devient une puissance sécuritaire, rivée à la défense de ses intérêts et à l’extension de son hégémonie toujours plus forte. La thèse de la guerre civile planétaire nous semble d’ailleurs toujours très pertinente et d’actualité, puisqu’elle met en évidence la répression de plus en plus violente de toute forme de résistance (l’ennemi intérieur des régimes dictatoriaux devient le « terroriste » dans les régimes occidentaux, celui qui peut frapper n’importe où et n’importe quand).

Nous pouvons conclure que les mécanismes guerriers existent non seulement pour justifier la force de la caste bureaucratique, mais pour l’accroître. Cette dernière doit sans cesse s’assurer d’obtenir une justification imaginaire de sa domination, sous peine de se cristalliser en stratocratie. Ces mécanismes participent de la bureaucratisation de la vie qui, outre une institution politique, est une institution métaphysique de toutes les sphères sociales de l’existence humaine au service d’une force qui réprime et comprime de plus en plus fort l’autonomie des individus. La mobilisation de ces mécanismes guerriers se fait finalement en faveur d’une institution hétéronome de la société humaine.

Bibliographie

Ouvrages et articles de Castoriadis concernant l’étude du régime russe

La Société bureaucratique I, Les rapports de production en Russie, Éditions 10/18, Paris, 1973.

La Société bureaucratique II, La Révolution contre la bureaucratie, Éditions 10/18, Paris, 1973.

L’Expérience du mouvement ouvrier I, Comment lutter, Éditions 10/18, paris, 1974.

L’Expérience du mouvement ouvrier II, Prolétariat et organisation, Éditions 10/18, Paris, 1974.

Capitalisme moderne et Révolution I, L’Impérialisme et la guerre, Éditions 10/18, Paris, 1979.

Capitalisme moderne et Révolution II, Le Mouvement révolutionnaire sous le capitalisme moderne, Éditions 10/18, Paris, 1979.

Devant la guerre, I Les Réalités, Éditions Fayard, Paris, 1981.

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Entretien avec Le Monde du 12 juillet 1986, « Castoriadis, un déçu du gauche-droite », propos recueillis par Michel Contat.

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Œuvres et articles concernant le problème de la stratocratie

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MORIN Edgar, De la Nature de l’URSS, Complexe totalitaire et nouvel Empire, Éditions Fayard, Paris, 1983.

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VAJDA Mihàly, « La stratocratie soviétique vue par un européen du centre-est », in Esprit, février 1983, pp. 60-72.

VICHNEVSKI Anatoli, La faucille et le rouble, La modernisation conservatrice en URSS, Trad. Franç. Racina VICHNOVSKAÏA, Éditions Gallimard, Paris, 2000.

Autres ouvrages utilisés

BESANÇON Alain, Présent soviétique et passé russe, nouvelle édition augmentée, Éditions Hachette, coll. « Pluriel », librairie générale française, 1980.

DUPUY Jean-Pierre, Pour un catastrophisme éclairé, Éditions du Seuil, Paris, mars 2002.

MERLEAU-PONTY Maurice, « La guerre a eu lieu », in Sens et non-sens, Éditions Nagel, Genève, 1965.

MORIN Edgar, Pour sortir du vingtième siècle, Éditions Nathan, Paris, 1981.

De la Nature de l’URSS, Complexe totalitaire et nouvel Empire, Éditions Fayard, Paris, 1983.


  1.  Castoriadis, « Devant la guerre », in Libre, n°8, Paris, Éditions Payot, 1980. La première partie de l’ouvrage Devant la guerre a paru dans ce numéro. Pour les autres citations, nous nous référerons à l’ouvrage paru aux Éditions Fayard en 1981.

  2.  Signalons que la polémique engagée sur les calculs de Castoriadis a déjà eu lieu au début des années 1980. Nous renvoyons le lecteur aux articles de Gérard Challiand (« Le poids de l’armée. L’U.R.S.S vue par Cornelius Castoriadis » (critique de Devant la guerre), in Le Monde, 5 novembre 1981 et de Gérard Duchêne, (« Sur l’Union soviétique », in Le Débat, n°24, mars 1983). D’autres critiques portant sur le point de vue adopté par Castoriadis ont été émises par Caroline OST et Gilles LOURMEL, (« La stratocratie : une interprétation hâtive », in Critique, août-septembre 1981, Éditions de Minuit, Paris), ainsi que par François Ewald, (« Stratégie à l’heure polonaise » (critique de Devant la guerre), in Magazine littéraire, février 1982, pp. 52-53).

  3.  Voir l’article d’Arthur M. COX, « La C.I.A. et la mesure du potentiel militaire soviétique », in Le Débat, n °12, mai 1981.

  4.  Castoriadis, Devant la guerre, Les réalités, Éditions Fayard, Paris, 1981, p. 21.

  5.  Castoriadis, « Voie sans issue ? », in Les scientifiques parlent, Ouvrage collectif publié sous la direction d’Albert Jacquard, Éditions Hachette, coll. « La force des idées », Paris, 1987, p. 272. L’intervention de Castoriadis a été reproduite dans le tome III des Carrefours du labyrinthe, Éditions du Seuil, Paris, 1990.

  6.  Vajda Mihàly, « La stratocratie soviétique vue par un européen du centre-est », in Esprit, février 1983.

  7.  Castoriadis, « Cinq ans après », in Domaines de l’homme, Les Carrefours du labyrinthe II, Éditions du Seuil, Paris, 1986, p. 118.

  8.  Besançon Alain, Présent soviétique et passé russe, Éditions Hachette, coll. « Pluriel », Paris, 1980.

  9.  Morin Edgar, De la Nature de l’URSS, Complexe totalitaire et nouvel Empire, Éditions Fayard, Paris, 1983.

  10.  Aron Raymond, préface au « Court traité de soviétologie », in Présent soviétique et passé russe, Éditions Hachette, Paris, 1987, p. 187.

  11.  Castoriadis, « L’idée de Révolution », in Le Monde morcelé, Les Carrefours du labyrinthe III, Éditions du Seuil, Paris, 1990, p. 162.

  12.  I bid., p. 162.

  13.  Ibid., p. 162.

  14.  Castoriadis, « La crise des sociétés occidentales », in La montée de l’insignifiance, Les Carrefours du labyrinthe IV, Éditions du Seuil, Paris, 1996, p. 15.

  15.  Morin Edgar, Pour sortir du vingtième siècle, Éditions Nathan, Paris, 1981, p. 54.

  16.  Castoriadis, « Institution première de la société et institutions secondes », in Carrefours du labyrinthe VI, Figures du pensable, p. 124.

  17.  Castoriadis, Devant la guerre, Éditions Fayard, Paris, 1981, p. 235.

  18.  Ibid., note 1 p. 235.

  19.  Ibid., p. 236.

  20.  Castoriadis, Sujet et vérité dans le monde social-historique, La création humaine I, Éditions du Seuil, Paris, mai 2002. Le séminaire du 6 mai 1987 se trouve retranscrit de la page 279 à la page 298.

  21.  Castoriadis, Sujet et vérité dans le monde social-historique, La création humaine I, Éditions du Seuil, Paris, mai 2002, p. 286.

  22.  Castoriadis, Sujet et vérité dans le monde social-historique, La création humaine I, Éditions du Seuil, Paris, mai 2002, p. 286.

  23.  Castoriadis, Avertissement écrit le 9 avril 1981 dans Devant la guerre, Éditions Fayard, Paris, 1981, 10.

  24.  Entretien avec le journal Le Monde, 12 juillet 1986, « Castoriadis, un déçu du gauche-droite », propos recueillis par Michel Contat.

  25.  Lénine, La maladie infantile du communisme, « le gauchisme », Éditions sociales, Paris, 1968, p. 93.

  26.  Castoriadis, « Cinq ans après », in Domaines de l’homme, Carrefours du labyrinthe II, Éditions du Seuil, Paris, 1986, p. 121.

  27. Ibid., p. 121.

  28.  Castoriadis, « Cinq ans après », in Domaines de l’homme, Carrefours du labyrinthe II, Éditions du Seuil, Paris, 1986, p. 121.

  29.  Heidegger Martin, Nietzsche, tome II, trad. de l’allemand par Pierre Klossowski, Éditions Gallimard, coll. « NRF », p. 229.

  30.  Castoriadis, « Pouvoir, politique, autonomie », in Le monde morcelé, Les Carrefours du labyrinthe III, Éditions du Seuil, Paris, 1990, p. 123.

  31.  Machiavel, Le Prince, chap. XIV, trad. de l’italien par Jean-Louis FOURNEL et Jean-Claude ZANCARINI, Éditions PUF, Paris, 2000, p. 131.

  32.  Castoriadis, « entretien réalisé le 26 janvier 1974 par l’équipe de l’Agence de Presse Libération de Basse Normandie », librairie des deux Mondes, Paris, 1975, p. 30.

  33.  Descombes Vincent, « La guerre prochaine », in Critique, tome XXXVI, n°411-412, Paris, Éditions de Minuit, août-septembre 1981, p. 733.

  34.  Jean-Pierre Dupuy a effectué les mêmes réflexions concernant le paradoxe principal de nos sociétés contemporaines. Cf. son livre Pour un catastrophisme éclairé, Éditions du Seuil, Paris, mars 2002.

  35.  Merleau-Ponty Maurice, « La guerre a eu lieu », in Sens et non-sens, Éditions Nagel, Genève, 1965, p. 246.

  36.  Castoriadis, « La guerre et la perspective révolutionnaire », in Capitalisme moderne et révolution, tome II, Union générale d’Éditions, 1979, p. 362.

  37.  Castoriadis, « Pouvoir, politique, autonomie », in Le monde morcelé, Les Carrefours du labyrinthe III, Éditions du Seuil, Paris, 1990, p. 124.

  38.  Castoriadis, « L’idée de Révolution », in Le monde morcelé, Les Carrefours du labyrinthe III, Éditions du Seuil, Paris, 1990, p. 165. Ce terme d’oligarchie dominante est sans cesse utilisé par Castoriadis pour caractériser les régimes pseudo-représentatifs occidentaux.

  39.  Castoriadis, « Cinq ans après », in Domaines de l’homme, Carrefours du labyrinthe II, Éditions du Seuil, Paris, 1986, p. 122.

  40.  Castoriadis, « Marx aujourd’hui », in Domaines de l’homme, Carrefours du labyrinthe II, Éditions du Seuil, Paris, 1986, pp. 84-85.

  41.  Castoriadis, « La guerre et la perspective révolutionnaire », in Capitalisme moderne et révolution, tome II, Union générale d’Éditions, 1979, p. 356.

  42.  Ibid., p. 348.

  43.  Ibid., p. 347.

  44.  Dupuy Jean-Pierre, Pour un catastrophisme éclairé, Éditions du Seuil, Paris, mars 2002, p. 216.

Premat Christophe
Wormser Gérard masculin
La mise à nu des mécanismes guerriers ou la stratocratie
Premat Christophe
Département des littératures de langue française
2104-3272
Sens public 2005-02-25

Une bonne partie des travaux de Castoriadis est consacrée à l'étude du régime social de la Russie, une étude qui mêle d'ailleurs une appréciation historique, sociologique et philosophique. La société russe a à nous dire quelque chose sur la souffrance sociale que fait endurer l'institution bureaucratique de la société, qui est une exploitation systématique et rationnelle de l'existence sociale des individus.

Clausewitz, Carl von (1780-1831)
Guerre et conflit
Socialisme et Communisme
Capitalisme
Castoriadis, Cornelius (1922-1997)