Ces dernières années, l’expression « culture numérique » s’est progressivement inscrite dans la pensée pédagogique et sociologique, mais aussi, plus généralement, en sciences humaines, obtenant une reconnaissance institutionnelle qui se manifeste par la création de cours ou de programmes dédiés dans les universités et dans les écoles de technologie et SIC. Une compréhension strictement technique des innovations apportées par la diffusion de l’informatique dans les usages communicationnels et informationnels les plus communs se révèle en effet insuffisante, car les mutations engagées par le numérique ont acquis une dimension que l’on définit, justement, de culturelle. En 2008, dans Digital Cultures, Milad Doueihi décrivait le numérique comme étant un processus civilisateur faisant émerger de nouvelles normes sociales marquées d’un côté par la contradiction entre un accès fluide à l’information et à la liberté d’expression, et de l’autre par des effets de surveillance et de contrôle. L’aspect fondamental du processus civilisateur à l’œuvre est ainsi, d’après Milad Doueihi, l’universalisme. Cet universalisme, « qui conduit à valoriser l’uniformité, à établir un code où la similitude devient la règle », est comparable à celui de la religion, car, tout comme elle, il suggère et outille une vision du monde et une façon de l’habiter valide pour des communautés par ailleurs très lointaines et différentes.
La dimension religieuse de la culture numérique a pour effet de niveler les différences et de réduire les facteurs locaux à des simples variations superficielles d’une culture technologique universelle et homogène et de son environnement numérique. […] La culture numérique et son environnement toujours changeant sont donc à examiner comme un ensemble de pratiques discursives, qui ont leur propres normes et conventions, qui tendent à fragiliser, à perturber des catégories établies1.
Quelques années plus tard, Doueihi élaborait la notion d’humanisme numérique basée sur la dimension culturelle de la technologie dominante :
L’humanisme numérique est l’affirmation que la technique actuelle, dans sa dimension globale, est une culture, dans le sens où elle met en place un nouveau contexte, à l’échelle mondiale, et parce que le numérique, malgré une forte composante technique qu’il faut toujours interroger et sans cesse surveiller (car elle est l’agent d’une volonté économique), est devenu une civilisation qui se distingue pour la manière dont elle modifie nos regards sur les objets, les relations et les valeurs, et qui se caractérise par les nouvelles perspectives qu’elle introduit dans le champ de l’activité humaine. (Doueihi 2011b, 9‑10)
L’humanisme numérique apparaissait en somme comme la « convergence entre notre héritage culturel complexe et une technique devenue un lieu de sociabilité ».
Le terme « convergence » avait déjà été mobilisé en 2006 par Henry Jenkins, qui qualifiait de « culture de la convergence » (convergence culture) la culture à l’ère du numérique, car axée sur les dynamiques de la culture participative et sur les formes de l’intelligence collective (Lévy 1994). D’autres auteurs, malgré leurs perspectives théoriques très différentes, s’accordent à reconnaître la dimension culturelle du numérique : un théoricien de la performance et du direct comme Philip Auslander l’identifie ainsi comme culture de la médiation (mediatized culture (1999)), tandis que le philosophe Maurizio Ferraris le considère comme culture de l’enregistrement et d’une nouvelle forme de documentalité2. Les acceptions d’un terme aussi polysémique que « culture » sont multiples et versatiles, leurs significations changent selon le cadre conceptuel de référence. Selon plusieurs acceptions, notamment celle qui se réfère à l’agriculture et celle qui évoque le culte, le concept de culture sous-tend l’idée d’un savoir qui empiète sur un savoir faire. La culture ne repose pas seulement sur des notions théoriques car, dans le travail des terres comme dans la liturgie religieuse, elle est faite de gestes, de pratiques, d’actions qui se doivent d’être efficaces et traditionnelles. En effet, d’après les auteurs que nous venons de mentionner, la « culture » est un ensemble varié et cohérent, on pourrait dire un système, de pratiques et de visions du monde, de valeurs et de savoirs, de méthodes et de comportements, de façons de penser et de communiquer, de protocoles et de normes, d’instruments de la connaissance et les connaissances mêmes qui en découlent. Si ce système, dont la dimension constitutive est sociale, est articulé, agencé et régi par une technologie aussi diffusée et omniprésente que la technologie numérique, alors la culture numérique peut être conçue comme la culture à l’époque du numérique. C’est-à-dire la culture propre à notre société contemporaine, car – renversant le concept avec une apparente lapalissade – à l’époque du numérique, la culture ne peut pas ne pas être numérique, parce que la sociabilité qui l’anime et la constitue en tant que produit collectif, elle, est créée et façonnée par « le » numérique.
« Culture de la visibilité et de la recommandation », « culture expressive et relationnelle », « culture de l’information en temps réel », « culture participative et citoyenne », sont les caractéristiques de la culture numérique selon Rémy Rieffel qui constatait, en 2014, l’ampleur de la « révolution numérique », sa capacité à questionner le rapport entre l’homme et la technique et, par conséquent, ses contributions à la production d’un nouveau contexte technologique et, par-là, social et culturel. Convoquons enfin un autre auteur qui a réfléchit aux innovations majeures apportées par la démocratisation de la technologie numérique à la production et à la circulation du savoir : Daniel Caron. Dans l’ouvrage L’homme imbibé, Caron nous donne une définition du terme « culture » que nous validons car elle nous semble opérationnelle pour avancer dans notre réflexion : la culture, écrit-il, est « la manière dont nous envisageons le monde autour de nous et la manière dont nous sommes perçus ». Elle constitue  « l’ensemble de ce qui affecte le développement de notre esprit et finalement de nos collectivités dans nos manières de nous comporter, de comprendre notre environnement, de l’influencer, de dire et de définir le vrai et le faux, le bon et le mauvais ou l’acceptable et l’inacceptable »3. Nos perceptions, nos pratiques, nos convictions, nos valeurs, ces quatre domaines fondamentaux de toute culture sont aujourd’hui infiltrés par les usages propres à la technologie numérique. Il en découle que nous ne pouvons que parler de culture numérique si nous voulons saisir et décrire ce qui caractérise la culture à l’époque et dans le milieu socio-technologique dans laquelle nous vivons.
Le dernier ouvrage de Dominique Cardon assume l’évidence de ce constat en l’érigeant comme titre : ici, culture numérique est « la somme des conséquences qu’exerce sur nos sociétés la généralisation des techniques de l’informatique », car derrière « le numérique » il y a l’informatique (Cardon 2019, 18), mais surtout la culture qu’il faut se forger et dont il faut s’équiper pour pouvoir habiter le monde à l’époque du numérique. La culture numérique, chez le sociologue, identifie et circonscrit un certain savoir, voire l’assortiment des notions et des compétences pratiques que nous nous devons de maitriser pour être à la hauteur du défi implicite posé par ce tournant historique que nous sommes en train de vivre.
Nous entrons dans un monde nouveau que le numérique enrichit, transforme et surveille, écrit-il dans son Introduction. Il est important de disposer de connaissances variées et interdisciplinaires pour y vivre avec agilité et prudence, car si nous fabriquons le numérique, le numérique nous fabrique aussi. (Cardon 2019, 9)
Cette circularité liant l’homme aux artefacts, ainsi que la nécessité de développer et d’institutionnaliser des stratégies pédagogiques capable de nous apprendre, ne serait-ce que les grandes lignes, du fonctionnement de la machine, avaient déjà été théorisées dans A quoi rêvent les algorithmes ?, où Cardon revendiquait le droit à une instruction de base incluant les logiques et les paramètres des algorithmes qui orientent nos gestes, nos déplacements et nos décisions (Cardon 2015). Quatre ans après cet ouvrage déjà devenu un classique de la sociologie francophone du numérique, Cardon semble vouloir prendre en charge cette responsabilité pédagogique, de plus en plus urgente, d’organiser, de stabiliser et de divulguer un savoir indispensable à l’époque actuelle. Le sociologue nous donne un cadre conceptuel dense et cohérent et un apparat de connaissances qui font aussi la narration, synthétique et exhaustive, de la généalogie et de la socialisation des outils et des pratiques liées à l’écriture et à la communication, à la socialisation et à la recherche scientifique, au partage du savoir et au marché. Le généreux corpus bibliographique anglo-francophone qui accompagne chaque chapitre nous signale des livres, des articles, des entretiens, des conférences, des documentaires : en somme tout ce qui est « à lire, à voir, à écouter ». Les suggestions de Cardon ouvrent et structurent un contexte théorique assez hétéroclite : informatique et social, cognitif et politique, commercial et artistique, économique et philosophique.
Dans cet ouvrage, qui est la version rédigée du cours que le sociologue assure depuis plusieurs années, Cardon – se dissociant en cela de la vision pour laquelle la révolution numérique s’inscrit dans le sillage des révolutions industrielles4 – défend que l’impact de la technologie numérique doit être comparé à celui de l’invention de l’écriture puis de celle de l’imprimerie, car en créant un nouveau milieu informationnel et communicationnel, elle engage l’émergence d’un système cognitif et symbolique dans lequel les autorités culturelles et institutionnelles traditionnelles sont mises profondément en question, voire bouleversées. Ce point de vue est à rapprocher, sous un angle épistémologique, des travaux pionniers de Pierre Lévy qui, dans les années 1990, considérait l’informatique comme une technologie de l’intelligence5 ; mais aussi, sous un angle socio-sémiotique cette fois, des supports l’analyse des interfaces de Lév Manovich (2001)  ; et enfin, dans une perspective davantage historique (du moins, de l’histoire de l’écriture et de la lecture), des propos de Christian Vandendorpe, pour lequel les innovations numériques caractéristiques de notre époque proviennent fondamentalement des changements du texte et de la textualité (1999).
Dans le présent article, nous nous livrons ainsi à une synthèse du travail de Cardon, dans laquelle, sans aucune prétention d’exhaustivité, nous chercherons à marquer les passages qui nous semblent être les plus cruciaux dans un ouvrage qui, tout au long de ses 421 pages, touche à un grand nombre des questions que la technologie numérique et les pratiques qui la constituent ne cessent de nous poser.
Internet et Web : la généalogie d’un nouvel espace public (Chapitres 1-3)
La démarche de Cardon est historique. L’auteur commence ainsi par revenir sur les origines de l’Internet et du Web. Cette histoire implique une leçon sociologique que l’auteur anticipe dans sa déclaration programmatique :
L’histoire des sciences et des techniques enseigne qu’une invention ne s’explique pas uniquement par la technique. Elle contient aussi la société, la culture et la politique de son époque. Le choix des technologies, les alliances entre acteurs, la manière de définir les usages sont étroitement liés au contexte social, culturel et politique. Dans le cas d’internet, cet éclairage sociologique est particulièrement important. On ne peut vraiment comprendre la grande transition numérique, cette dynamique qui semble toujours orientée vers le futur, qu’en interrogeant ses origines. (p. 17)
Les deux premiers chapitres organisent de façon claire et linéaire plusieurs notions que l’on peut d’habitude trouver éparpillées dans de nombreux ouvrages et pages Web. Ces données retracent l’histoire de la naissance du réseau Internet et de l’invention de l’hypertexte et forment aussi l’imaginaire très hybride, parce qu’informatique, militaire, industriel, universitaire et hippy, que nous associons à l’époque des pionniers du numérique6. Cardon propose une synthèse historique toujours très bien référencée, fluide, et raconte les stratégies et les finalités politiques à la base des recherches qui ont conduit à la création d’Internet, parmi lesquelles le concept de réseau distribué de Paul Baran dont s’inspire la transmission de paquets sur Internet (p. 31-35) et la notion de « communauté virtuelle », forgée par Howard Rheingold en 1987. Ce concept marque les premiers échanges à distance possibles grâce à The Well, forum et communauté virtuelle qui introduit la distinction entre monde réel et virtuel7. L’utopie de cette époque est l’indifférenciation égalitaire entre les individus : « s’il faut séparer le réel et le virtuel, soutiennent les pionniers des mondes numériques, c’est justement pour abolir les différences entre les individus…ils rêvent d’une communauté atopique, déterritorialisée et ouverte ». Ce n’était que de la « cécité idéologique », remarque Cardon, celle qui caractérisait la toute jeune société de l’information et de la communication en temps réel : « en réalité, il apparaitra très vite que la frontière entre monde réel et virtuel n’est pas si étanche et que les inégalités de ressources sociales et culturelles entre internautes s’exercent aussi dans les espaces en ligne » (p.62). Si l’opposition entre réel et virtuel, qui a marqué cette première période, apparait finalement dépassée grâce à des éclairages philosophiques8 et à la banalisation des pratiques dites numériques, Cardon conserve cependant ce mot, « internaute », qui à notre avis demanderait d’être utilement mise en question. Ouvrons une parenthèse : « internaute » semble impliquer une conception extra-ordinaire de l’expérience numérique, la même conception qui faisait parler aussi de cyberespace. À l’époque de la connexion permanente, qui ne serait pas internaute ? Nous croyons que ce mot pourrait être heuristiquement propice seulement dans une acception anthropologique et culturelle, pour laquelle, à l’époque du numérique, les êtres humains entreraient dans une nouvelle phase de civilisation dans laquelle ils devraient être qualifiés d’internautes. Mais ce n’est pas en ce sens que Cardon utilise ce terme : le sociologue l’emploie comme on fait usage des mots « spectateurs », « voyageurs » ou « clients », c’est-à-dire des mots faisant référence à une expérience (la vision d’un film, d’un déplacement en train, d’un achat) limitée dans le temps et dans l’espace, tandis que les moments d’entrée et de sortie de la connexion au réseau sont de plus en plus souples, fusionnels et immersifs avec tout ce qui se passe en dehors du réseau, en admettant qu’on puisse encore identifier des choses complètement étrangères aux effets et aux ressources propres à la connexion. Dans l’ouvrage cité plus tôt, Milad Doueihi cite un billet de blog de Tim Bray, lequel affirme que nous ne sommes pas des usagers mais tout juste des humains. Nous ne sommes pas des individus qui seraient internautes de façon transitoire, car les êtres humains d’aujourd’hui sont constitués par la connexion. Cependant, on constate que le Baromètre du numérique 2018 (que Cardon insère dans sa bibliographie) continue d’employer ce mot pour identifier les Français connectés au réseau et révéler ainsi que le pourcentage (89%) s’approche d’une couverture totale de la population, en confirmant la dimension banale, et par là culturelle, de la connexion. Quoi qu’il en soit, en tant qu’héritage des premiers discours sociologiques sur les communautés en ligne, le mot « internaute » fonctionne aujourd’hui encore, à notre avis, comme un révélateur terminologique résiduel toujours intéressant.
Ce qui émerge clairement dans la toute première partie de Culture numérique, c’est la nouvelle fonction sociale de la technologie :
La technologie est investie du pouvoir thaumaturgique de révolutionner la société. L’innovation numérique doit permettre de faire tomber les hiérarchies, de court-circuiter les institutions et de bousculer les ordres sociaux traditionnels. La technologie est véritablement pensée comme un instrument d’action politique. (p.68)
Cardon note la date du 30 avril 1993, le jour où le CERN a renoncé à ses droits d’auteur sur le logiciel World Wide Web, offert la technologie de l’HTML au monde et publié le code source : ainsi, « les liens hypertexte appartiennent désormais à tous, ils constituent un bien de l’humanité9 » (p. 88).
Et puis il en souligne une autre, le 30 avril 1995 : à cette date, les connexions au réseau, qui jusque-là étaient gérées par le gouvernement USA, sur la base d’une décision prise par la National Science Foundation, passent dans la disponibilité des opérateurs privés, ceux qu’on appellera par la suite les fournisseurs d’accès. C’est le début de la nouvelle économie, qui se révèlera vite une bulle : « Internet est né comme une utopie politique, écrit Cardon, le Web naît comme la promesse marchande de révolutionner la vieille économie et les marchés traditionnels, mais rien n’a fonctionné comme prévu » (p. 91)10. Après avoir raconté les vicissitudes des premières innovations du Web, les innovations « ascendantes »11, dont le hashtag sur Twitter, inventé en 2006 par un simple inscrit au réseau, Chris Messina, et le « miracle sociologique auquel personne ne croyait » de Wikipedia12, fondée en 2000 par Jimmy Wales, petit entrepreneur dans le secteur de l’e-commerce, Cardon introduit la question du commun (deuxième chapitre) qui ensuite se poursuit par une réflexion sur l’espace public.
« Le commun n’est ni un bien privé, c’est-à-dire la propriété exclusive d’un ou plusieurs détenteurs, précise Cardon, ni un bien public gouverné par la puissance publique au nom de l’intérêt général. Le Web compte beaucoup de caractéristiques d’un bien public, comme celle d’être accessible et partagé par tous, mais il a ceci de spécifique que la communauté qui veille sur lui a, non pas des droits, mais une autorité particulière de gouvernance » (p. 111). Pour décrire l’historicité de cette dialectique entre logiciels propriétaires et logiciels libres, Cardon fait référence à deux figures principales : Bill Gates, qui en 1976, dans une lettre envoyée aux membres du Homebrew Computer Club de Menlo Park, déclare de ne pas vouloir permettre l’emploi gratuit du logiciel conçu pour l’Altair 8800, et Richard Stallman, développeur et fondateur, en 1985, de la Free Software Foundation. C’est Stallman qui, en 1983, lance GNU, le logiciel libre devenu Linux en 1991 grâce à Linus Torvalds. Ces pages sont denses de références que l’auteur sait détailler sans pour autant alourdir sa synthèse, avant de réfléchir à la culture de l’open source qui marque les pratiques numériques :
[Dans les communautés des logiciels libres] Le travail est régi par une fine division des tâches et une distribution des responsabilités, alors même que ces communautés fonctionnent sans commandement centrale. C’est un travail dans lequel les personnes s’auto-motivent, avec pour conséquence que personne ne donne explicitement d’ordre à d’autres. La valeur des individus est établie selon des critères essentiellement méritocratiques : c’est l’apport de chacun à la fabrication d’un bien collectif qui fait l’objet d’une reconnaissance par les pairs et qui confère un statut au sein de la communauté. Cette reconnaissance a beau être symbolique, lorsqu’un codeur réputé au sein d’une communauté du logiciel libre se fait embaucher par une société informatique, il obtient un meilleur salaire que la moyenne (p. 116).
À partir du troisième chapitre, l’auteur aborde la question de l’espace public, question à laquelle il avait consacré, il y a 8 ans, La Démocratie Internet, dont les pages dédiées à « l’élargissement de l’espace publique » sont ici reprises et retravaillées (Cardon 2010). L’espace public, qui est espace de visibilité et d’accessibilité à l’instar de la sociologie urbaine, et espace d’initiatives et de propositions d’intérêt public selon la théorie politique, est profondément réarrangé par les réseaux sociaux, surtout à travers une reconfiguration et une redistribution de l’acte que Cardon considère comme fondateur de cet espace, c’est-à-dire la prise de parole et, par-là, la production d’une identité. Prise de parole et identité numérique sont les deux concepts sur lesquels Cardon axe sa typologie des réseaux sociaux. La plus importante nouveauté sociologique dans ce domaine est celle pour laquelle des amateurs parlent à d’autres amateurs, rendant publics les propos de n’importe qui. Ce à quoi on assiste et à quoi on participe est un processus d’« individualisation de la vie privée », affirme Cardon (p. 185), qui consiste dans la production d’une identité numérique13. Lorsqu’ il parle de « vraie vie » pour la comparer à la « vie dite virtuelle, ou en ligne » et quand il mobilise la notion de « projection de soi » pour définir l’identité numérique, l’auteur a recours de façon quelque peu ambigüe à des définitions qui pourraient faire croire à une vision ontologiquement et psychologiquement dichotomique de deux plans d’action, de deux vécus, alors même que, pour lui, les pratiques sur les réseaux sociaux ne créent pas de vie parallèle et illusoire mais bien une amplification de la vie.
Espace public, démocratie et médias (Chapitre 4)
Notre « vie réelle » acquiert d’autres dimensions, par le biais d’une exposition qui est avant toute chose exposition à soi-même et, par là, réflexion. Une analyse contre-intuitive de la « gymnastique du bras tendu » propre au geste du selfie, amène Cardon à souligner que « le montreur est son premier regardeur ». La visibilité numérique est donc réflexive : la longueur du bras incarne la « distance à soi » qui préside tout comportement d’exhibition (p. 183). Les pratiques de mise en présence, d’exhibition et de relation contribuent à structurer un espace de parole ouvert à la conversation publique. L’essor des réseaux sociaux et leurs fonctions de producteurs et de diffuseurs d’informations, d’initiatives et de consensus, ne risque pas de menacer l’existence des institutions et des principes de la démocratie représentative. Le Web ne remplace pas l’environnement politico-médiatique traditionnel car au contraire, « les Etats, les médias et les partis politiques restent au cœur de son fonctionnement. Ils ont, eux aussi, progressivement trouvé leur place dans les mondes numériques dont ils sont devenus les acteurs majeurs » (p. 217).
Au couple « démocratie représentative »/« démocratie participative », Cardon ajoute la démocratie internet, caractérisée par des logiques de décentralisation, d’horizontalité et d’auto-organisation de plus en plus hybridées par des dynamiques de centralisation, de contrôle, de surveillance14. Au milieu de cette contradiction, l’espace public refaçonné par les réseaux sociaux engendre une nouvelle culture politique, « marquée par une sorte d’affinité de structure, d’une part, les formes collectives qui s’organisent (les communautés comme le logiciel libre ou Wikipedia, les structures de gouvernance comme l’IETF, les activistes du Web comme les Anonymus ou le Parti Pirate) et, d’autre part, les nouvelles formes de mouvement social qui apparaissent au début des années 2000 » (p. 228). Les mobilisations sur les réseau sociaux délégitiment les phases susceptibles de créer la figure du leader : pas de leader, pas de porte-parole ; la singularité de leurs membres est une valeur cruciale, personne ne participe au nom d’une autre association ou groupe organisé. Chacun ne représente que soi-même. L’attachement aux procédures démocratiques internes discipline l’absence d’un projet ou d’un programme qui ne sont jamais établis avant que ne se manifeste l’engagement des participants.
C’est pourquoi, comme sur Wikipedia ou dans le monde du logiciel libre, ces collectifs prennent leurs décisions par consensus plutôt que par un vote majoritaire. Consensus ne veut pas dire unanimité, mais une longue série de discussions pour trouver des compromis satisfaisants. Les technologies numériques deviennent alors l’objet dans lequel les militants de ces mouvements investissent une énergie considérable pour débattre des formes et des procédures de prise de décision au sein de leur collectif. Les groupes d’Occupy et de Nuit debout en France ont ainsi créé des wikies réunissant le travail d’une centaine de commissions, elles-mêmes divisées en sous-commissions. S’y manifeste de façon exacerbée un phénomène, souvent observé dans les mondes numériques, consistant à faire du débat sur les procédures la forme même de l’expérience démocratique des participants15. (p. 232)
Regardant de plus près les revirements de l’actualité politique en Italie, en Estonie, aux États-Unis, en Turquie, en Espagne et même en Allemagne, Cardon rappelle que les médias les plus importants pour une campagne électorale sont encore la télévision et la presse. Le moment où le Web joue un rôle déterminant est lors de l’entrée en politique d’un acteur capable de former et de mobiliser rapidement des communautés en ligne. Dans les régimes autoritaires, c’est aussi en ligne qu’on peut contourner les stratégies des canaux d’information institutionnels. Le numérique accentue l’écart entre un journalisme de qualité, qui s’engage dans des enquêtes, dans la création de nouveaux formats et dans la production de contenus originaux, et un journalisme qui ne serait qu’un prétexte pour faire du marketing et faire cliquer le lecteur sur des informations de tous genres, y compris des fake news. Cardon réduit l’impact réel des fake news à l’échelle de visibilité des différents acteurs numériques pour conclure que « lorsque les acteurs du haut de l’échelle de visibilité d’internet ne se préoccupent pas des informations qui viennent du bas, ou veillent à ne pas les relayer, les fake news ont une circulation limitée, et leur audience reste faible » (p. 272)16.
Économie du partage, publicité, digital labor (Chapitre 5)
En 2006, parmi les dix premières capitalisations boursières, une seule entreprise informatique : Microsoft. En 2016, les trois premières entreprises du top 10 sont reliées à l’univers numérique (Apple, Alphabet, Microsoft) tandis qu’Amazon et Facebook accèdent à la sixième et la septième position. C’est à partir de ce constat que Cardon se livre à une analyse du contexte économique contemporain, qui apparait comme étant dominé tout à la fois par les GAFA et par une économie du partage17. Ainsi, la possession de données sur les utilisateurs joue un rôle déterminant dans la compétition économique. Cardon adopte des notions de théorie économique telles que la loi des rendements croissants et la loi des effets de réseau, lois auxquelles le numérique ajoute la réduction des coûts de transaction. Dans leur ensemble, ces trois facteurs comportent une tendance monopolististique, propre à tout domaine de l’économie numérique. Dans les pages dédiées aux différents modèles économiques de l’économie numérique, Cardon mentionne Uber et Airbnb, financés par les commissions sur les échanges entre vendeurs et offreurs, Netflix, qui fonctionne par abonnement, Apple et Microsoft qui vendent leur produits, Google et Facebook dont les revenus sont, respectivement au 90% et au 97%, dues à la publicité. Google capture 50% du marché de la publicité en ligne, Facebook les trois quarts de celle affichée sur les réseaux sociaux. Le marketing digital se caractérise par une extraordinaire capacité de profilage des clients, stratégie rendue possible grâce aux cookies, de petits fichiers informatiques inventés en 1994 par Lou Montulli, ingénieur chez Netscape, qui permettent au site de reconnaitre l’identité de celui qui le visite. Son identité n’est que l’ensemble des informations récoltées pendant ses navigations passées. Sur la base de ces données, les espaces d’affichage sont mis aux enchères lors d’opérations qui durent moins de 100 millisecondes.
Le marché de la donnée publicitaire est un monde opaque qui entretient une discrétion délibérée afin de ne pas susciter l’opprobre. Les entreprises prospères qui dominent cet univers, inconnues du grand public, s’appellent Axciom, Bluekai, Rapleaf ou Weborama. Ces courtiers de données (data brokers) ont établi des places de marché électronique pour échanger entre eux les données des utilisateurs et compilent les informations aux franges de la légalité, profitant de la mansuétude des régulateurs. C’est un des domaines que le régulateur européen regarde de très près malgré la résistance des lobbies des publicitaires, qui estiment ces échanges de données indispensables à la personnalisation de la publicité. (p. 316)
Après avoir décrit minutieusement le fonctionnement du service Google Ads, qui est sans doute le plus efficace modèle publicitaire sur le Web (p. 316-318), Cardon se penche sur le modèle de notation qui - à partir de l’idée d’Ebay de demander aux acheteurs de noter les vendeurs - s’est imposé comme étant la source et le régime de la réputation dans tout contexte marchand et tout espace transactionnel : Tripadvisor, La Fourchette, Allociné, Amazon, etc. Le risque de voir émerger de faux commentaires discrédite certes le système mais ce n’est pas pour autant que les clients n’arrivent pas à reconnaitre les commentaires authentiques, estime Cardon sur la base de diverses enquêtes18.
Le cinquième chapitre se termine par une réflexion très documentée sur le digital labor, sujet auquel Cardon a déjà dédié sa discussion avec Antonio Casilli19. Nos actions les plus quotidiennes qui se passent dans des plateformes et dans des applications numériques produisent de la valeur et rendemt la plateforme plus performante et plus pertinente dans ses services, quels qu’ils soient. A la lumière de ce constat, Cardon cite les deux théories qui sont autant de façons de considérer le rapport entre individus et environnement numérique. L’opéraïsme de Toni Negri, pour qui le travail de la « multitude » échappe à l’emprise du marché, en engendrant ainsi des éléments d’extériorité qui ne se traduisent pas en valeur marchande. Les nouveaux théoriciens du digital labor, poursuit Cardon, soutiennent la thèse pour laquelle toute activité numérique revient à être la phase du processus de mise au travail généralisée. « Selon cette thèse, synthétise l’auteur, être sur internet c’est participer à ce mécanisme, et c’est donc subir une forme d’exploitation » (p. 341). Deux autres formes d’exploitation sont celles des tâches parcellisées qui, en attendant les robots (ainsi que nous l’annonce le titre du dernier ouvrage d’Antonio Casilli (2019), à laquelle Cardon renvoie), sont exécutées par des travailleurs souvent désocialisés qui travaillent depuis leur domicile en échange d’une rémunération infime, et celle des employés déguisés en auto-entrepreneurs dans le secteur de l’intermédiation de service (chauffeurs, livreurs, etc.). Cardon cite l’exemple de Deliveroo qui revendique une neutralité, celle de la médiation entre les restaurateurs et les particuliers. Cette neutralité selon Cardon ne peut pas être reconnue et par ailleurs, l’Inspection du travail la qualifie de travail dissimulé car les travailleurs partagent une évidente dépendance économique et technique par rapport à la plateforme. L’avis de Cardon à ce sujet ne laisse pas de place aux équivoques :
Les plateformes aiment à se présenter comme une sorte d’intermédiaire neutre et agnostique entre les différentes faces du marché qu’elles permettent de coordonner. Cette rétention à la neutralité paraît de plus en pus contestable. Les plateformes gouvernes les marchés qu’elles fabriquent non seulement pour assurer la concurrence entre vendeurs, mais aussi pour délimiter les usages et les formes d’interaction entre les segments d’utilisateurs. (p. 347-348)
Par ailleurs, les plateformes surveillent la qualité des produits vendus et décrochent l’information sur la fiabilité des vendeurs et des usagers, jusqu’à gérer un arbitrage entre vendeurs et acheteurs lors des situations conflictuelles. « Il semble donc difficile, en conclut Cardon, de soutenir que les plateformes soient des marchés neutres[…] Il est plus que temps d’inventer une régulation qui protège les droits de ceux qui vivent des activités qu’elles ne rendent pas simplement possible, mais qu’elles encadrent et commandent » (p. 349).
Algorithmes, Big data et surveillance (chapitre 6)
Dans le dernier chapitre, Cardon aborde la question des algorithmes. L’auteur de « Dans l’esprit du Page Rank. Une enquête sur l’algorithme de Google » et de A quoi rêvent les algorithmes ? nous avait mis en garde face à la supposée neutralité de ces infrastructures de calcul déjà en 2012, dans La démocratie Internet20. Ici, le sociologue ne peut que proposer de nouveau les principales acquisitions théoriques qui se basent sur deux considérations, devenues patrimoine commun à partir justement des travaux du sociologue.
La première :
Les algorithmes ne sont pas neutres. Ils renferment une vision de la société qui leur a été donnée par ceux qui les programment dans les grandes entreprises du numérique. Les artefacts techniques contiennent les principes, les intérêts et les valeurs de leurs concepteurs : la mise en œuvre opérationnelle de ces valeurs passe par des choix techniques, des variables statistiques, de seuils que l’on fixe et des méthodes de calcul.
La seconde :
Il serait déraisonnable de ne pas s’y intéresser sous le prétexte que ce sont des objets techniques complexes que seuls les informaticiens peuvent comprendre. Sans rentrer dans les détails sophistiqués du calcul, nous devons être attentifs à la manière dont nous fabriquons ces calculateurs car, en retour, ils nous construisent. (p. 357)
Cardon revient sur sa systématisation topographique de quatre familles d’algorithmes : à côté du Web, l’algorithme mesurant la popularité des sites ; au-dessus du Web, les algorithmes qui s’occupent de hiérarchiser l’autorité des informations ; dans le Web, les algorithmes qui mesurent la réputation ; en dessous, les algorithmes prédictifs du marketing digitale. Les critères et les paramètres des ces quatre types d’algorithmes dérivent d’une certaine vision de l’homme et du social tout en apportant une autre vision de l’individu, de son habitus, de sa façon de vivre le social. Après la description de ces quatre familles qui est reprise de A quoi rêvent les algorithmes ?21, celui qu’on peut qualifier de sociologue des algorithmes pose plusieurs questions cruciales, par lesquelles progresse sa réflexion : « Comment et par qui voulons-nous être calculés ? Quel degré de maîtrise et de contrôle voulons-nous avoir sur les décisions que prennent les algorithmes ? Qu’est-ce que nous ne voulons pas laisser calculer ? ». L’auteur est bien conscient de la portée philosophique, éthique, juridique et politique de ce questionnement radical qui seul peut démystifier la naïveté insouciante du plus grand nombre. Aujourd’hui, le RGDP (règlement européen sur les données personnelles) impose la transparence des décisions algorithmiques : nous avons le droit de vérifier si des intérêts subreptices influent sur la mise en œuvre des algorithmes. Il faut se rappeler que les algorithmes sont « idiots » pour ne pas risquer de leurs attribuer des intentionnalités qui ne leur sont pas propres. Les algorithmes, remarque Cardon, peuvent produire des effets désagréables et trompeurs que leurs concepteurs n’ont pas anticipés et qui ne sont pas toujours manifestes (par exemple, des discriminations dans les prédictions criminelles, dans l’autocomplete de Google et dans les offres des vendeurs sur Airbnb), mais il n’y a pas lieu de les démoniser car « puisque les algorithmes forment leurs modèles à partir des données fournies par nos sociétés, leurs prédictions tendent à reconduire automatiquement les distributions, les inégalités et les discrimination du monde sociale » (p. 407)22.
Le dernier développement de l’ouvrage est celui de la surveillance, qui semble s’être transformée en autocontrôle, écrit Cardon en citant opportunément Gilles Deleuze et l’exemple du Panopticon. Surveillance du marché, surveillance des autres individus (les voisins, les ex-partenaires, les futurs employeurs, les collègues, les parents) et de l’État, cette dernière étant particulièrement sensible dans un contexte politique marqué à l’échelle mondiale par des stratégies terroristes. La surveillance, observe cardon, s’est mise en place avec le soutien et la tolérance de nos sociétés. Maintenant, face à l’exigence d’une négociation de nos droits individuels qui doit pouvoir opposer des limites à ces systèmes, Cardon appelle à des revendications collectives, car il ne faut pas considérer la privacy comme étant une question personnelle mais comme un droit collectif. Le droit à une société dans laquelle pouvoir « garder des jardins secrets », quitte à renoncer à une partie d’efficacité dans le service que nous rendent les plateformes et les algorithmes. « Plus que jamais, écrit Cardon dans ses conclusions, il appartient aux chercheurs, aux communautés, aux pouvoirs publics et surtout aux internautes de préserver la dynamique réflexive, polyphonique et peu contrôlable amorcée par les pionniers du Web » (p. 421).
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D.-J. Caron, L’homme imbibé. De l’oral au numérique : un enjeu pour l’avenir des cultures ? (2014) : pour notre compte-rendu de cet ouvrage, voir ici).↩
C’est la position, entre autres, de Jeremy Rifkin. Cf. J. Rifkin, La troisième Révolution industrielles. Comment le pouvoir latéral va transformer l’énérgie, l’économie et le monde, Paris, editions LLL, 2012↩
Voir P. Lévy Les technologies de l’intelligence, (1990) et Qu’est-ce que le virtuel ? (2001).↩
À lire, à voir, à écouter :pour l’histoire de l’ordinateur personnel, « History of personal Computers » (77’), http://www.Youtube.com/watch?v=AlBr-kPgYuU ; pour l’histoire d’Internet, J. Abbate, Inventing the Internet, Cambridge, The MIT Press, 1999 ; pour une aperçue de l’immense infrastructure physique qui se cache derrrière les écrans, « Andrew Blum : What is the Internet, Really ? » (11’59), TED Talking, september 2012 etA. Blum, Tubes : A journey to the Center of the Internet, New York, HarperCollins, 2013.↩
« Qu’entend-on alors pour communauté virtuelle ? D’abord l’idée d’une séparation, d’une coupure entre le réel et le virtuel. Les participant de The Well se félicitent du ton de liberté, de la vivacité, de l’humour et de la curiosité qui règnent en ligne et qui n’ont pu s’épanouir dans les communautés hippies réelles. […] Les premières communautés d’internet qui sont à l’origine de cette idée de séparation entre ‘’en ligne’’ et ‘’hors ligne’’ considèrent le monde virtuel plus riche, plus authentique et plus vrai que la vie réelle, et non pas futile, trompeur et dangereux comme le voient les critiques aujourd’hui. Le virtuel, c’est un espace pour réinventer, en mieux, les relations sociales » (p. 60).↩
À voir, à lire, à écouter : pour naviguer dans les acceptions philosophiques du terme virtuel, Cardon suggère la lecture de l’ouvrage de Marcello Vitali-Rosati, S’orienter dans le virtuel (2012). ↩
Cardon nous invite à ne pas sous-estimer la portée de cette décision, compte tenu du fait que, lorsqu’il généralise le like, en 2010, Facebook crée un nouveau lien qui en revanche ne sera jamais public : le like demeure un lien propriétaire (p.89).↩
À lire, à voir, à ecouter : pour l’histoire de la privatisation du réseau et de l’émérgence d’une nouvelle économie, Cardon renvoi à l’ouvrage de Shane Greenstein, How the Internet Became Commercial. Innovation, Privatization and the Birth of a New Network (2015).↩
« La plupart des grandes innovations du web sont parties de rien, ou, pour être plus juste de pas grand-chose. Elles ne sont pas issues de la recherche universitaire ni des laboratoires des grandes entreprises. Elles ne sont pas le fruit d’une vaste réflexion stratégique ni d’une rigoureuse analyse marketing des attentes des consommateurs. La plupart du temps, elles ont surgi sans que personne n’ait vu ni prévu quoi que ce soit. […] L’innovation arrive…de la périphérie ».↩
Cardon dédie un paragraphe entier à Wikipédia, « l’entreprise collective la plus audacieuse jamais réalisée à l’échelle du web (p. 123-131).↩
À lire, à voir, à écouter :pour une théorie générale de la vie privée, H. Nissembaum, Privacy in Context. Technology, Policy and the Integrity of Social Life (2010).↩
À lire, à voir, à écouter : pour aborder la politologie du numérique avec une vision optimiste, Cardon signale l’intervention de Pia Mancini (co-créatrice du logiciel libre democracyOS) « How to Upgrade Democracy for the Internet Area », TED Talk 2014 et celle de Clay Shirky, « How Internet Will (One Day) Transform Government », TED Talks, 2012.↩
À lire, à voir, à écouter : Pour une analyse des mobilisations politiques numériques et le rapport entre numérique et politique, l’ouvrage de Zeynep Tufekci, Twitter and Tears Gas. The Power and Fragility of Netwoorked Protest (2017). Pour une critique de l’utopie démocratique numérique, E. Morozov, « from Slaktivism to Activism », Foreign Policy, 5 september 2009 (disponible en ligne) (Morozov, s. d.). Pour démystifier le récit de la panique suite à l’annonce d’une attaque martienne, annonce donnée par Orson Welles, qui se serait emparé de la population des Etats-Unis, l’ouvrage de A. Brad Schwartz, Broadcast Hysteria. Orson Welles’s War of the Worlds and yhe art of Fake News (2015).↩
À lire, à voir, à écouter, pour une contestation de l’idée que Donald Trump ait gagné grâce aux fake news, D. J. Watts et D. M. Rothschild, « Don’t Blame the Election on fake News, Blame it on the Media », Columbia Journalism Rewiew, 5 décembre 2017 (Watts et Rothschild 2017) et H. Allcott et M. Gentzkow, « Social Media and Fake News in the 2016 Election », Journal of Economic Perspectives, 31 (2), 2017 (Allcott et Gentzkow 2017).↩
À lire, à voir, à écouter : pour l’économie des plateformes, D. Evans et R. Schmalensee, De précieux intermédiaires. Comment Blablacar, Facebook, Paypal ou Uber créent de la valeur (Evans, Schmalensee, et Tirole 2017a) et C. Benavent, Plateformes. Sites collaboratifs, marketplaces, réseaux sociaux…Comment ils influencent nos choix (Benavent 2016).↩
À lire, à voir, à écouter : parmi les études sociologiques sur les systèmes de notation, D. Pasquier, Valérie Beaudouin, T. Legon, « Moi je lui donne 5/5 ». Paradoxes de la critique amateure en ligne, Paris, Presses des Mines, 2014 et S. David et T. Pinch, « Six Degrees of Reputation : The Use and Abuse of Online Rewiew and Recommandation Systems », dans T. Pinch et R. Swedberg (eds), Living in a material World. Economic Sociology Meets Science and technology Studies, Cambridge (Mass.), The MIT Press, 2008.↩
D. Cardon, A. Casilli, Digital labor, Paris, INA, 2015.↩
Les algorithmes qui permettent de hiérarchiser les informations enferment des principes de classement et des visions du monde. Ils structurent très profondément la manière dont les internautes voient les informations et se représentent le monde numérique dans lequel ils se promènent, sans toujours soupçonner le travail souterrain qu’exercent les algorithmes sur leur itinéraire (Cardon 2010, 95).↩
Pour cette raison nous renvoyons le lecteur à notre compte rendu de cet ouvrage, disponible ici.↩
À lire, à voir, à écouter : sur la gouvernementalité algorithmique, la présentation de Antoniette Rouvroy « Rencontre avec Antoniette Rouvroy : gouvernementalité algorithmique et idéologie des big data » YouTube, 6 mars 2018 ; sur les effets de discrimination, L. Sweeney « Google ADS, Black Names and White Names, Racial Discrimination, and Click Advertising », ACM Queue, 3, Mars 2013.↩