Introduction
Dans la période récente, la réflexion sur les inégalités devient une clé de lecture des dynamiques sociales, économiques et politiques que les pays latino-américains ont connu depuis le début du siècle (Kessler 2014). L’interprétation des inégalités peut être comprise comme une dimension/modalité d’évaluation des « nouvelles » politiques développementistes, et plus généralement de l’état de la démocratie dans ces pays. Elle est au centre des analyses sur le bilan des politiques sociales « de gauche », ou plus « volontaristes », mises en place dans nombre de pays de la région au cours de la première décennie des années 2000 (par les gouvernements de Néstor Kirchner et Christina Fernández de Kirchner, en Argentine ; de « Lula » et Dilma, au Brésil ; de Rafael Corréa, en Équateur ou Evo Morales en Bolivie), de leur dite efficacité, en termes de réduction de la pauvreté. Le débat se situe autour de la durabilité des transformations opérées par ces politiques sociales. Est-ce qu’il s’agit d’améliorations conjoncturelles ou plutôt structurelles ? En effet, ces transformations ont-elles laissé des traces plus durables dans les structures sociales historiquement très inégalitaires des sociétés latino-américaines (Bello 2016 ; Paugam et al. 2017, etc.) ? Et si tel était le cas, ces transformations, quelles dimensions ont-elles affecté au-delà de la distribution des revenus, en termes symboliques et/ou des subjectivités, notamment, et dans quel sens ?
Les données de la Cepal montrent une réduction générale de la pauvreté, dans l’ensemble des pays d’Amérique Latine, qui est particulièrement importante entre 2002 et 20121. Les inégalités de revenus montrent également une tendance à la baisse sur la même période, assez importante jusqu’en 2008 dans la plupart des pays2. Cette amélioration a été interprétée comme étant le résultat de différentes dynamiques sociales, économiques et politiques. En premier lieu, un cycle économique favorable, qui a permis une croissance stable entre 2000 et 2007 dans l’ensemble de la région. En deuxième lieu, la mise en place d’une diversité de politiques de renforcement de la réglementation des institutions et mécanismes de régulation du marché du travail : augmentation continue du salaire minimum, indexant l’ensemble des prestations et aides sociales ; nouvelles formes de régulation, comme dans le cas des employées domestiques — PEC das domésticas ; politiques de l’emploi, formation professionnelle, création de coopératives, différentes politiques de « formalisation » (MEI, shopping populares, cooperativas). En troisième lieu, la mise en œuvre de politiques « non contributives », de redistribution de revenus, avec une large couverture, et indépendants du marché du travail : Bolsa família – BF (Conditional Cash Transfer Program brésilien), Benefício de Prestação Continuada – BPC (aide sociale non contributive) ; asignacion universal por hijo – AUH (Prestation Universelle pour enfants), moratorias previsionales (retraite non contributive, mais destinée au travailleurs informels) ; interventions du Ministère du Travail (fiscalisation de la régulation). Même si, de façon isolée, ces programmes, services et mesures paraissent peu efficaces, en intégrant les politiques d’éducation (ProUni), de santé (Programme Santé Famille, devenu Stratégie Santé Famille) et d’accès à l’habitation sociale (Programa Minha Casa Minha Vida – PMCMV), leur articulation a pu cependant faire une différence pour les milieux populaires, à la fois en termes de conditions de vie objectives, comme subjectives, de projection et d’horizons des possibles (Georges et Santos 2020 ; Rizek 2019).
Nombre d’études ((Lidemboin, Kennedy, et Grana 2010 ; Salvia 2012) entre autres en Argentine ; Paluani (2008) ; Lavinas et Gentil (2018) ; entre autres pour le Brésil) contestent ce bilan plutôt optimiste qui avait souligné la réduction de la pauvreté, et la baisse des inégalités. Ces approches plus critiques, centrées sur l’analyse des transformations dans le monde du travail, constatent d’une part que la plupart des améliorations ont concerné les travailleurs et travailleuses inscrit·e·s dans des relations formelles. Les salariés les plus protégés, formels et avec les syndicats plus puissants ont en effet vu leur situation s’améliorer dans la dernière décennie. Mais on constate la persistance d’un vaste secteur qui non seulement reste en dehors de ces améliorations mais une distance croissante par rapport aux salariés formels, ainsi qu’entre ceux ou celles qui bénéficient de ce statut. Ces perspectives reprennent les débats autour de la « masse marginale » (Non 1969) ; « cidadania regulada » (Santos 1979) et réaffirment que historiquement, la « citoyenneté » était conditionnée par les modalités de l’accès au travail (« l’accès plein » n’étant la plupart du temps pas concrétisé), au-delà de la dimension subjective, des représentations et de l’horizon des projections sociales (au Brésil, notamment), perspective toujours d’actualité. D’autre part, une autre critique s’y ajoute, allégeant que même si la proportion de travailleurs formels a apparemment augmenté sur la période, cela serait dû en grande partie à des dispositifs de formalisation, comme par exemple la loi sur les micro-entrepreneurs individuels (MEI) de 2008, parfois articulés à d’autres programmes et mesures, comme la création des centres commerciaux populaires pour retirer les vendeurs ambulants de l’espace public, ou encore les encouragements pour créer des coopératives, qui in fine créent des travailleurs formels mais bénéficiant de revenus peu élevés, et d’avantages sociaux réduits. Aussi, ces avancées relatives n’auraient pas fondamentalement réduit les inégalités hommes/femmes, comme entre races (Lavinas et Gentil 2018). Par ailleurs, même si les niveaux de pauvreté auraient diminué sur la période, comme la part des revenus très élevés aurait augmenté encore, les inégalités ne se seraient réduites qu’à la marge (Paluani 2008). Le constat serait donc, malgré ces améliorations générales, d’une croissante segmentation/hétérogénéisation des travailleurs (formels et informels, et à l’intérieur des deux groupes) (Kessler 2014).
Ces débats sur la temporalité/durabilité des transformations opérées par ces gouvernements « de gauche » des années 2000 suggèrent l’intérêt d’une analyse axée sur la relation entre les différentes politiques publiques (du travail et de l’emploi, politiques sociales, éducatives, habitation), à la fois parce qu’elles forment un « dispositif de gouvernementalité » (Foucault 1979), ce « gouvernement moral des pauvres » (Lautier 2009  ; Destremau et Georges 2017b), allant des politiques d’assistance jusqu’aux politiques de répression (Georges et Rizek 2016), à l’intérieur de chaque État-nation, dans des articulations variables dans le temps, mais aussi entre les pays d’Amérique latine.
Dans cet article nous nous proposons d’explorer, pour le cas de l’Argentine et du Brésil, ces articulations variables entre différentes politiques publiques et leurs effets, comme prisme-révélateur des dynamiques sous-jacentes pour la période. Il s’agira notamment de faire apparaître les articulations entre une nébuleuse d’acteurs hétérogènes, dont l’action, d’étendue variable, s’inscrit dans différentes échelles, appelées par certains des « jeux d’échelle » (Revel 1996). À travers cette mise en perspective de deux trajectoires nationales nous ne prétendons pas de construire une démarche comparative au sens strict. Il s’agit plutôt, à partir de cette analyse centrée sur deux des pays les plus importants d’Amérique Latine, de tenter d’identifier quelques tendances plus générales dans la région. Ces deux pays ont connu, par ailleurs, des dynamiques sociales, économiques et politiques qui peuvent être considérées comme parallèles (sans être identiques) qui vont de la mise en place de gouvernements de « gauche » dans le début des années 2000, jusqu’au radical renversement des conjonctures en 2015/2016 (à partir de 2013, pour le cas du Brésil). Dans un contexte de crise économique d’une intensité variable dans les deux pays (en plus de la profonde crise politique au Brésil), la mise en place de politiques d’orientation néolibérale a très vite débouché sur une augmentation de la pauvreté et des inégalités et a eu des effets importants sur les marchés du travail. On constate plus largement la remise en question de la légitimité de ces politiques sociales d’intégration et l’imposition/hégémonie de la logique méritocratique. Dans ce contexte, quelles sont les politiques qui résistent mieux, dans les différents pays, et dans quel(s) secteur(s) ? Et pourquoi ?
Figures emblématiques des transformations des subjectivités : apports et limites
Au-delà de leur inscription dans le temps, dans les deux pays, la période des politiques plus « volontaristes » a, sans doute, produit des subjectivités spécifiques, qui peuvent, ou non, alimenter des formes de résistance aux changements en cours. Même si ces transformations plus subtiles n’ont pas eu d’effet direct sur les inégalités structurelles, les événements en cours montreront la portée de ces transformations.
En Argentine, ces expériences ont comme point de départ la plupart du temps, d’une façon ou d’une autre, l’accès au statut de salarié, tandis qu’au Brésil, de façon significative, elles sont davantage liées aux possibilités en termes d’horizons produites par la mobilisation de plusieurs politiques sociales croisées (éducation, santé, assistance), ainsi que par leur articulation à un réseau de relations personnelles et du groupe familial, inter et intra-générationnel étendu, qui concernent fréquemment les expériences de femmes.
Malgré les limites et leurs ambiguïtés, en Argentine, cet ensemble de politiques mises en place dans les années 2000, centré sur une référence à l’accès à la citoyenneté par le travail (inégale mais « compensée » par la voie non contributive) peut avoir des effets importants, notamment au niveau des subjectivités et du changement de la conception de soi. Nous reprenons l’exemple des transformations dans l’emploi domestique en Argentine pour explorer la portée de ces transformations sous-jacentes.
En novembre 2018, un groupe d’une soixantaine de travailleuses domestiques bloque l’une des entrées de Nordelta, le quartier privé16 dans lequel elles travaillent, l’un des plus importants de la banlieue de Buenos Aires. Il ne s’agit pas d’une mobilisation organisée mais d’une réaction spontanée après avoir attendu plus d’une heure et demie dans un arrêt de bus pour se rendre à leurs postes de travail. Le conflit a eu une large diffusion dans les médias pendant plusieurs semaines. Il a été déclenché à l’origine par les énormes difficultés que les employées affrontaient au quotidien pour accéder à leurs lieux de travail. Le service de transport vers ce quartier chic, Nordelta, était assuré exclusivement par une entreprise privée de bus, utilisée également par les habitants du quartier, appartenant aux classes aisées. Les travailleuses dénoncent que les habitants de ce quartier les empêchent souvent d’utiliser ce service de transport, parce qu’elles « sentent mauvais et parlent beaucoup », selon les propos d’un des chauffeurs de bus17. L’association qui représente Nordelta et l’entreprise privée de bus affirment que le conflit est lié non pas à la discrimination, mais à la croissance du quartier (35 000 habitants plus 10 000 personnes qui s’y rendent chaque jour pour travailler). Cette croissance a entraîné l’insuffisance des services de transport. Il s’agit d’un conflit de longue date (on constate des revendications des travailleuses autour des mêmes difficultés depuis 2008). Mais sa visibilisation à travers cette mobilisation dans l’espace public à contribué à la mise en place d’un service de transport public, qui depuis 2019 a le droit d’entrer et de traverser le quartier privé. Les administrateurs du quartier se sont vus obligés à accepter un service de transport public auquel ils s’étaient opposés depuis les origines de Nordelta, au nom du droit à la vie privée et à la sécurité de ses habitants18.
Dans ce conflit, les employées domestiques se mobilisent, en tant que travailleuses, autour d’une revendication focalisée sur leurs conditions de travail. Elles revendiquent, plus largement, le respect de leur droit de citoyennes, à circuler dans la ville « comme tout le monde ». Mais elles dénoncent surtout une discrimination de classe (et aussi raciale et ethnique19) qu’elles subissent au quotidien, qui redéfinit ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas dans les rapports qu’elles établissent avec le groupe des employeurs. Dans notre perspective, ce conflit, même très ponctuel, est particulièrement intéressant pour réfléchir autour des dynamiques sous-jacentes opérées par les politiques « développementistes » des années 2000, en termes des formes de construction des subjectivités, et la signification de ce renversement de conjoncture dans la période récente. Il montre la légitimité d’une revendication en termes de droits, axée sur les droits du travail mais qui les déborde, construisant une revendication de la citoyenneté à plusieurs dimensions et échelles. Ces revendications semblent manifester des transformations des relations de classe (de race/ethnicité), même lorsque les structures sociales très inégalitaires n’ont pas changé de manière structurelle.
Au Brésil, les possibilités potentielles de résistance passent par la transformation des subjectivités réalisée par le biais de l’expérience, des trajectoires de vie, de leur construction au croisement de différentes politiques sociales et d’autres types d’initiatives, dans les milieux populaires, en termes d’horizons des possibles, et de projections dans l’avenir, d’une part. Ces expériences traversent le tissu local de formes de sociabilité qu’elles façonnent d’une certaine manière. Ces « territorialités » ont parfois développé une dynamique propre, qui continue à s’exercer au-delà de la conjoncture nationale, notamment en raison de l’importance des formes d’opérationnalisation locales des politiques sociales qui divergent fortement (Georges et Santos 2020).
Ainsi, la trajectoire ci-dessous, d’une femme d’origine populaire, métisse et provenant d’une famille pauvre, avec un niveau d’éducation formel initial très peu élevé, montre des formes de mobilité sociale par le biais des études, et des dites « activités féminines », ainsi que par une ingénierie des relations, entre milieux sociaux, entre les générations, mobilisant la mobilité géographique et contournant des injonctions contradictoires, comme les stigmates collés à la peau par le marquage social caractéristique d’un lieu-dit aux relations sociales figées. Kezia (ci-dessous), l’infirmière, appartient à la génération plus jeune, qui a bénéficié dans sa formation, et au début de sa vie professionnelle, des politiques sociales plus « volontaristes » de ces dernières années (jusqu’en 2016), comme par exemple l’accès aux études supérieures, la généralisation de la couverture du programme Bolsa família et l’amélioration du programme Santé Famille dans des localités peu servis (programme Mais Médicos), par exemple.
Kezia20 est infirmière, métisse, coordinatrice de l’équipe locale du PSF (l’actuelle Stratégie Santé Famille), de la communauté rurale Eng. Schnoor dans la région de Araçuaí (Médio Vallée do Jequitinhonha), sous contrat depuis mai 2014. Nous faisons sa connaissance lors de son passage hebdomadaire au département municipal de santé. Propriétaire d’un lot de terre, d’élevage de bovins et de vaches de lait (troupeau de 30 animaux), acheté en 2003 par ses parents (et quitté en 2012, dans le cadre du programme Copasa – Companhia de Saneamento de Minas Gerais), et dont le père s’occupait de son vivant. Sa maison actuelle (assez grande, d’un étage, avec 4 pièces, nouvelle et entourée d’un grand mur) a été construite entre 2009/2010, par un de ses cousins, avec l’argent envoyé par sa mère et frères et sœurs qui travaillaient ailleurs. Actuellement, elle y habitue avec son fiancé, qui a 25 ans, et travaille sur la terre de la famille (il a arrêté ses études en 4ème).
Née en 1987, elle a 29 ans au moment de l’entretien (en 2016), réalisé à Eng. Schnoor, dans la ville de Araçuaí. Son père était métayer, né en 1957 et mort en 2005, à 48 ans (de la maladie de Chagas, comme un de ses oncles et son grand-père) ; la mère de Kezia est travailleuse domestique, née en 1964, elle a 52 en 2016 (et se trouve à São Paulo au moment de l’entretien, chez un de ses fils). Elle reçoit la retraite de son mari (de travailleur rural). Kezia a un frère, de 24 ans (né en 1992), en 4ème, qui travaille comme maçon à Piracicaba (São Paulo) et où il va se marier ; et une sœur de 15 ans (née en 2001), qui termine ses études secondaires à Belo Horizonte (suivant l’exemple de Kezia), où elle habite avec leur mère au domicile d’une de ses tantes maternelles.
Kezia a quitté son pays natal pour la première fois en 2003 (à 16 ans), pour aller vivre chez une tante (la sœur de la mère), travailleuse domestique à Belo Horizonte, pour y fréquenter l’école secondaire (meilleure qu’à Araçuaí), dans le quartier de Jaragua. Elle revient en 2005 (à 18 ans), après avoir terminé ses études secondaires, au moment du décès de son père. Elle y passera 2 ans. En 2007, toute la famille (mère, frère et sœur) déménage à Belo Horizonte, où ils louent un appartement. Le frère travaille au marché central de Belo Horizonte, et fait un cours au Senai (Serviço Nacional da Indústria – cours technique). Il déménage à Piracicaba (SP) en 2012. Sa mère travaille comme aide-soignante et s’occupe d’une personne âgée, relation de la famille (de la famille du propriétaire de la mercerie de Eng. Schnoor ; le père de Kezia avait soigné le propriétaire jusqu’à ce qu’il soit décédé).
Comme sa mère, Kezia s’occupe de personnes âgées à Belo Horizonte, tout en entamant ses études supérieures dans une Université privée (UNIFENAS), grâce à une bourse d’études du gouvernement (ProUni) qui payse ses frais d’inscription. Elle y obtient son diplôme d’infirmière en 2011 (à 24 ans). En 2012, elle s’inscrit à l’Université catholique (PUC-Minas), pour y faire une spécialisation dans le traitement d’urgences médicales, en partageant le coût de la formation avec sa sœur. En 2014, elle tente de passer le concours d’infirmière à Araçuaí, mais n’est pas reçue (placée en liste d’attente). Elle commence toutefois à travailler en mai 2014 comme infirmière, dans le poste de sante (UBS) du quartier des Machados, à Araçuaí, avec un contrat à durée déterminée, pour remplacer l’infirmière précédente (partie en Argentine, pour entamer des études de médecine) ; et depuis 2016, comme coordinatrice de l’équipe du Programme Santé Famille, dans la région rurale de Eng. Schnoor, où elle intervient en ayant comme médecin de son équipe un médecin Cubain, recruté dans le cadre du programme Mais médicos, accord établi entre les gouvernements brésilien et Cubain.
Kezia : « Je viens d’une famille pauvre d’ici. Certaines personnes pensaient que je n’allais jamais obtenir mon diplôme. […] Il y a peu de gens formés ici ; et si c’est le cas, ils ne reviennent plus. […] Si je n’arrive pas à passer au concours, moi aussi, je dois partir parce qu’il n’y a pas de travail ici. »
La trajectoire de Kezia montre, notamment la façon dont plusieurs politiques sociales (d’éducation, de santé, de retraite non-contributive,…) s’imbriquent dans une seule trajectoire pour former une sorte d’univers des possibles, ou une « constellation » de politiques et programmes, qui s’articulent aux formes de mobilisation des relations personnelles, intergénérationnelles et familiales, comme de la mobilité géographique. Cette mobilisation dédoublée s’inscrit, et contribue à former une forme de sociabilité spécifique dans un « territoire de pauvreté », une région où le gouvernement du PT dure de manière quasi continue depuis la fin des années 1990, à l’inverse de la conjoncture nationale (Georges et Santos 2020).
Or, si en raison de la décentralisation des formes d’opérationnalisation des politiques sociales au niveau local, des municipalités, s’observe une grande variété de « territorialités », qui peuvent être en décalage avec la conjoncture nationale, jusqu’à un certain niveau ; il faut toutefois s’interroger sur le sens de cette plus grande « résistance » régionale des politiques sociales. Ce n’est pas nécessairement à cause d’une plus forte résistance des politiques sociales, ou de l’attachement de la population à ces politiques, et/ou aux gouvernements dits « de gauche » que s’observe localement un fonctionnement plus démocratique des relations sociales. Peut-être qu’au contraire, il s’agit plutôt de l’indicateur d’une différence entre les marchés politiques locaux, de leur économie d’échelle, et de leur type de fonctionnement en tenant compte d’une perspective anthropologique sur le fonctionnement concret et le sens de « la politique » dans des petites municipalités, généralement pauvres, où celle-ci passe essentiellement par des relations personnelles d’interconnaissance.
Conclusion
À travers l’analyse de ces ensembles et articulations très divers de politiques publiques en Argentine et au Brésil, nous avons cherché dans cet article à mettre en place une clé de lecture des dynamiques sociales, politiques et économiques que ces pays ont connu depuis les années 2000. Dans cette analyse, notre intérêt n’est pas de clore le débat sur la temporalité/durabilité des transformations opérées par les politiques de « gauche », mais au contraire, de l’approfondir en soulignant l’importance de focaliser sur le rapport entre ces politiques et un éventail plus vaste des formes d’intervention étatique. Et cela dans deux dimensions : la capacité de cette articulation de politiques publiques à transformer/améliorer les conditions de vie et de travail de vastes secteurs de la population, d’un côté ; ses effets sur les formes de construction identitaires et les subjectivités et les rapports de classe, de l’autre.
Dans les deux pays les configurations sont très différentes. En Argentine, le brouillage des frontières entre des politiques sociales, et des politiques du travail est l’un des traits les plus importants de la période récente. Malgré la profonde transformation du monde du travail depuis les années 1970, le fort attachement au statut de travail salarié est encore d’actualité et peut être pensé comme un levier sur lequel sont organisées un ensemble de politiques sociales et d’assistance (« non contributives ») avec une durée et une légitimité variable. Le cas des transformations dans l’emploi domestiques suggère la mise en place d’un dispositif de gestion des populations à travers la modulation et l’oscillation entre différents statuts (associés au droit du travail ou à des situations de pauvreté). Dans le cas du Brésil, la frontière entre l’éventail de politiques sociales, d’un côté, et les politiques du travail et de l’emploi de l’autre, est plus nette. Et cette frontière rend compte d’une fragmentation plus importante, entre une forme de gestion des populations pauvres « par le social » et un accès à la citoyenneté par le travail (salarié et protégé) moins efficace et réservé à une minorité.
Les formes de construction identitaires et des subjectivités diffèrent également dans les deux pays. En Argentine, d’un côté, les formes de résistance investissent l’espace publique et, de l’autre, elles gardent une référence au droit sans remettre en question des situations d’inégalité structurelle. Au Brésil on constate des formes de mobilisation multiples qui trouvent dans l’espace local et régional des manières de contourner les dynamiques nationales. Pourtant, deux traits communs nous semblent significatifs. Dans les deux pays, ces subjectivités se construisent dans l’intersection et le croisement de différents types de politiques sociales et d’autres formes d’interventions étatiques. Et dans les deux cas, ces subjectivités impliquent des transformations dans les rapports de classe/race/ethnicité (dans les formes dont divers groupes sociaux se positionnent et comprennent les relations historiquement inégalitaires des sociétés latino-américaines).
Bibliographie
Bello, Carlos Alberto. 2016. « Percepções sobre pobreza e Bolsa Família ». In As contradições do Lulismo. A que ponto chegamos ?, 157‑83. São Paulo: Boitempo.
Cabanes, Robert. 2019. Promesses du travail. Paris: Les impliquées.
Cabanes, Robert, et Isabel Georges. 2014. « Introduction : Gestion de la pauvreté et entrepreneuriat de soi : un nouveau compromis de gouvernement au croisement des politiques sociales et néolibérales ? » Édité par Isabel Georges et Robert Cabanes. Brésil(s), Sciences humaines et sociales Les Années Lula : Politiques sociales ou néo-libéralisme ? (6):7‑15.
Carelli, Robert de Lacerda, et C. Casagrande. 2018. Reforma Trabalhista: reflexões críticas. 1 ed. Vol. 1. Rio de Janeiro: Lumen Juris.
CEPAL. 2018. Panorama Social de América Latina. Santiago de Chile: CEPAL.
Cordilha, Ana Carolina, et Lena Lavinas. 2018. « Transformações dos sistemas de saúde na era da financeirização. Lições da França e do Brasil ». Ciencia & Saude Coletiva 23:2147‑58.
Cunha, Márcia, Isabel Georges, et Nilton Ota. 2018. « Introdução ». In Os tempos do social e da política, édité par Márcia Cunha, Isabel Georges, et Nilton Ota, 13‑24. São Paulo: Alameda Editorial.
Danani, Claudia. 2013. « El sistema de protección social argentino entre 2002 y 2013 : buscando el modelo que nunca tuvo ». Revista Uruguaya de Ciencia Política 22 (2):145‑69.
Danani, Claudia, et Susana Hintze. 2011. Protecciones y desprotecciones : la seguridad social en Argentina 1990 – 2010, Los polvorines. Buenos Aires: UNGS.
Destremau, Blandine, et Isabel Georges. 2017a. « Introduction. Gouverner les pauvres en Amérique latine. Gérer les femmes par l’assistance ». In Le care, face morale morale du capitalisme. Assistance et police des familles en Amérique latine, édité par Blandine Destremau et Isabel Georges, 15‑56. Bruxellas: Peter Lang.
Destremau, Blandine, et Isabel Georges, éd. 2017b. Le care, face morale morale du capitalisme. Assistance et police des familles en Amérique latine. Bruxellas: Peter Lang.
Feldman, Silvio. 2018. « Derechos socio-laborales en Argentina: orientaciones y consecuencias de las políticas macristas ». In. UNGS.
Foucault, Michel. 1979. La Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France (1978-1979). Paris: Seuil.
Georges, Isabel. 2011. « Entre participação e controle : os(as) agentes comunitários de saúde da região metropolitana de São Paulo ». Sociedade e Cultura 14 (1):73‑85.
Georges, Isabel. 2015. « Les revers de la formalisation dans le travail du care au Brésil ». Studi di Sociologia, nᵒ 3:299‑312.
Georges, Isabel, et Marco Ceballos. 2014. « Bolsa Familia y la asistencia social en Brasil : de la lucha politica a la mercantilización local ». Caderno CRH 27 (72):513‑29.
Georges, Isabel, et Cibele S. Rizek. 2016. « Práticas e dispositivos : escalas, territórios e atores ». Contemporânea 6 (1):51‑73.
Georges, Isabel, et Yumi Garcia dos Santos. 2016. As « novas » políticas sociais brasileiras na saúde e na assistência. Produção local de serviço e relações de gênero. Belo Horizonte: Fino Traço.
Georges, Isabel, et Yumi Garcia dos Santos. 2020. « Tessituras da mobilidade de mulheres: economias morais, mercados políticos e zonas de indistinção ». In Dinámicas do mundo do trabalho en Argentine et au Brésil : transições, mobilidades e deslocamentos/Dinámicas del mundo del trabajo en Argentina y Brasil : transiciones, movilidades, desplazamientos, édité par Isabel Georges et Ania Tizziani. SAGEMM. São Paulo: Alameda.
Georges, Isabel, et Ania Tizziani. 2016. « Entre le travail et l’assistance. Diversité de sens de la « formalisation » du travail du care (Argentine, Brésil) ». Édité par Anne Fretel, Anne Bory, Sylvie Celerier, et Florence Jany-Catrice. Cahiers du CIRTES Politiques sociales en mutation : quelles opportunités et quels risques pour l’État social ? (Hors Série, #6):295‑310.
Gorban, Débora, et Ania Tizziani. 2018. ¿Cada una en su lugar ? Trabajo, género y clase en el servicio doméstico. Buenos Aires: Biblos.
Kessler, Gabriel. 2014. Controversias sobre la desigualdad. Argentina 2003-2013. Buenos Aires: Fondo de Cultura Económica.
Krein, José Dari. s. d. « O desmonte dos direitos, as novas confgurações do trabalho e o esvaziamento da ação coletiva. Consequências da reforma trabalhista ». Tempo social, Revista de Sociologia da USP 30 (1):2018.
Lautier, Bruno. 2009. « Gouvernement moral des pauvres et dépolitisation des politiques publiques en Amérique latine ». In Penser le politique en Amérique Latine – La recréation des espaces et des formes du politique, édité par Natacha Borgeaud-Garciandia, Bruno Lautier, Ricardo Penafiel, et Ania Tizziani, 19‑36. Paris: Karthala.
Lavinas, Lena. 2017. The Takeover of Social Polícy by Financialization: the Brazilian paradox. Macmillan.
Lavinas, Lena, et D.L. Gentil. 2018. « Brasil anos 2000: a política social sob regência da financeirização ». Novos Estudos 37:191‑211.
Lidemboin, Javier, Damián Kennedy, et Juan Grana. 2010. « El debate sobre la distribución funcional del ingreso ». Desarrollo Económico 49 (196):541‑71.
Lima, Jacob Carlos. 2019. « La reforma laboral en Brasil y el fin de los derechos sociales: volver a los anos 90? » In Dinámicas do mundo do trabalho em Argentina e no Brasil: transições, mobilidades e deslocamentos/Dinámicas del mundo del trabajo en Argentina y Brasil : transiciones, movilidades, desplazamientos, édité par Isabel Georges et Ania Tizziani. SAGEMM. São Paulo: Alameda.
Micha, Ariela. 2018. « Análisis de la Asignación Universal por Hijo con perspectiva de género ». Tesis de Doctorado, Buenos Aires: IDES- Universidad Nacional de General Sarmiento.
Non, J. L. 1969. « Sobrepoblación relativa, ejército industrial de reserva y masa marginal ». Revista Latinoamericana de Sociología 5 (2).
Paluani, Leda. 2008. Brasil Delivery : servidão financeira e estado de emergência econômico. São Paulo: Boitempo.
Paugam, Serge, Bruno Cousin, Camila Giorgetti, et Jules Naudet. 2017. Ce que les riches pensent les pauvres. Paris: Seuil.
Pereyra, Francisca. 2017. « Trabajadoras domésticas y protección social en Argentina: avances y desafíos pendientes ». Serie Documentos de Trabajo, nᵒ 15.
Pochmann, Marcio. 2011. « Políticas sociais e padrão de mudanças no Brasil durante o governo Lula ». SER Social 13 (28):12‑40.
Pochmann, Marcio. 2017. « Estado e Capitalismo no Brasil: a inflexão atual no padrão das políticas públicas do ciclo político da Nova República ». Educação & Sociedade 38:271‑530.
Revel, Jacques. 1996. Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience. Paris: Gallimard-Le Seuil.
Rizek, Cibele S. 2019. « Políticas sociais, política de habitação : a produção de consensos, os desmanches e a violência de Estado ». In Dinámicas do mundo do trabalho en Argentine et au Brésil : transições, mobilidades e deslocamentos/Dinámicas del mundo del trabajo en Argentina y Brasil : transiciones, movilidades, desplazamientos, édité par Isabel Georges et Ania Tizziani. SAGEMM. São Paulo: Alameda.
Rizek, Cibele S., et Isabel Georges. 2018. « Políticas sociais - tempos e territórios em disputa ». In Os tempos do social e da política, édité par Márcia Cunha, Isabel Georges, et Nilton Ota, 219‑60. São Paulo: Alameda Editorial.
Salvia, Agustín. 2012. La trampa neoliberal. Un estudio sobre los cambios en la heterogeneidad estructural y la distribución del ingreso en la Argentina: 1990-2003. Buenos Aires: Eudeba.
Santos, Wanderley Guilherme dos. 1979. Cidadania e Justiça: a política social na ordem brasileira. Rio de Janeiro: Ed. Campos.
Santos, Yumi Garcia dos. 2016. « Uma genealogia da proteçao social brasileira: mediações conjunturais e territoriais ». In As « novas » políticas sociais brasileiras na saúde e na assistência. Produção local de serviço e relações de gênero, édité par Isabel Georges et Yumi Garcia dos Santos, 73‑119. Belo Horizonte: Belo Horizonte.
Sorj, Bila. 2013. « 33. Le marché de l’emploi domestique en Amérique latine : changements et permanences ». In Travail et genre dans le monde. L’état des savoirs, édité par Margaret Maruani, 345‑55. Hors collection Sciences Humaines. Paris: La Découverte.
Telles, Vera da Silva. 2001. Pobreza e Cidadania. São Paulo: Editora 34.
Le taux de pauvreté diminue de 44,5 % à 28,8 % dans cette période, dans les 18 pays d’Amérique Latine analysés par le Panorama Social de América Latina de la Cepal. On constate en 2015 un changement de tendance puisque le taux de pauvreté augmente jusqu’à 30 % cette année-là et reste stable dans les années suivantes (CEPAL 2018).↩
La moyenne simple de coefficient de Gini de ces pays est passée de 0,543 en 2002 à 0,466 en 2017. Cette diminution des inégalités montre des intensités diverses selon les pays et les périodes : elle est importante entre 2002 et 2008 (de l’ordre de 1,3 % par an) en moyenne dans tous les pays et beaucoup moins accélérée ces dernières années (jusqu’à 2014, 0,8 % et dans les dernières années de 0,3 %) (CEPAL 2018).↩
Et en rapport avec la recommandation de l’OIT en faveur du « travail digne » dans l’emploi domestique, et pour le rapprochement de la législation du travail de l’emploi domestique à celle concernant le travail salarié du régime général (Sorj 2013). Au Brésil s’observe exactement à la même période, l’adoption de la « PEC-Proposta de Emenda Constitucional das domésticas », qui va mener à l’étendue du code général du travail CLT-Código da Legislação Trabalhista aux travailleuses domestiques, leur ouvrant donc l’accès à l’ensemble des droits sociaux des salariés, à partir de 2014.↩
Ce paiement est directement déduit des retraites jusqu’au règlement de la dette des cotisations.↩
Au moment du dernier renouvellement, en 2014, 86 % des bénéficiaires étaient des femmes.↩
Acceptation de la loi N° 13467, du 13 juillet 2017.↩
En février 2019, J. Bolsonaro a présenté la Proposta de Emenda Constitucional – PEC n°6-2019, qui devra rassembler une majorité de 60 % à la chambre des députés et au Sénat car elle modifiera certaines dispositions de la Constitution, dans la continuité du programme du précédent gouvernement Temer, visant à modifier le système de retraites (augmentant l’âge de la retraite et leur possible capitalisation). Cette PEC, toujours pas promulguée, en conformité avec le discours néolibéral, prétend fragmenter la Sécurité sociale, en rupture avec l’idée d’un Système régi par des critères tels que l’universalité, l’équivalence des pensions et la distributivité. Cette proposition de loi modifie l’article 194 de la Constitution Fédérale en écrivant que la Sécurité sociale sera organisée, entre autres, selon le principe d’une « base de financement diversifiée, avec séparation comptable des budgets de santé, retraite et assistance sociale, tout en maintenant le caractère contributif pour la retraite ». Les Échos, « Brésil : coup d’envoi pour la réforme des retraites de Bolsonaro », 20 février 2019.↩
Cf. « Le système de justice du travail au Brésil : cadre actuel et perspectives d’avenir », communication au séminaire international « La justice du travail en actes. Regards croisées Europe-Amérique latine », 17 janvier 2019, CNAM, Paris. Voir aussi Carelli, 2018 ; Pochmann, 2017, 2018 ; Krein, 2018 ; Lima, 2019, sous presse.↩
La Bourse famille réunifia la Bolsa gaz, Bolsa escola et Bolsa alimentação (Georges et Ceballos 2014). Dans le même ordre d’idées, le programme d’habitation sociale Programma Minha Casa Minha Vida (PMCMV) reconfigure un programme antérieur de crédit solidaire (Rizek et Georges 2018).↩
Une des premières mesures du gouvernement putschiste de Michel Temer (Partido do Movimento Democrático Brasileiro - PMDB) arrivé au pouvoir en août 2016, a été l’adoption en première lecture par le parlement une PEC (Proposta de Emenda Constitucional) d’un gel des dépenses publiques pendant 20 ans qui ne pourront pas croître au-delà de l’inflation annuelle (y compris dans le secteur de l’éducation et de la santé). Cf. Les Échos du 11/10/2016, « Le Brésil gèle ses dépenses publiques pour 20 ans ».↩
Dans ce contexte, il est intéressant d’observer la relation étroite qui existe entre les résultats des élections et les classes sociales, lors des élections municipales d’octobre 2016 et des élections présidentielles en octobre 2018. Les deux élections font apparaître une dimension d’appartenance sociale très nette, le PT se maintenant dans des régions considérées comme plus pauvres. Ainsi, en 2016, le PT a remporté 255 municipalités ; comparées à 635 en 2011. Sur les 255 municipalités, 114 sont situées dans le Nord-est, 68 dans le Sud, 50 dans le Sud-est, 18 dans le Nord et 5 dans le Centre-Ouest (données disponibles à l’adresse suivante : http://www.tse.jus.br/eleicoes/estatisticas/estatisticas-eleitorais-2016/resultados. Accès en mai 2018). Aux élections présidentielles de 2018, seulement 33 % des électeurs de la classe moyenne ont voté en faveur du PT (contre 60 % en 2002), selon une enquête de Datafolha (voir Adalberto Cardoso, « Où va la démocratie brésilienne ? » UMR 201 Développement et sociétés, Nogent-sur-Marne, France, 04/11/2019). Par ailleurs, l’appui au candidat du Parti des Travailleurs, Fernando Haddad, a été encore nettement plus élevé dans les régions pauvres du Nord et Nordeste brésiliens aux élections présidentielles, en opposition aux régions riches du Sud-Est, au Centre-Ouest et au Sud du Brésil. Cf. https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/10/29/presidentielle-au-bresil-une-geographie-tres-divisee-sur-le-vote-pour-bolsonaro_5376127_4355770.html, consulté en mai 2019.↩
« La caravane de campagne de Lula a été la cible de tirs, le 27 mars, à Laranjeiras do Sul, dans l’Etat de Parana, dans le sud du Brésil. », cf. « Au Brésil, une inédite escalada de la violence politique », Libération, 30 mars 2018.↩
D’après les dernières informations, incrimination montée à la demande de l’actuel président par l’actuel Ministre de la Justice, Sergio Moro, ex-juge d’un petit tribunal de première instance du Sud du Brésil, révélations faites par la presse en juin 2019. Cf. Le Monde, « Brésil : le “Lava-Jato Gate” ternit un peu plus l’image de l’ex-juge Sergio Moro », 11 juin 2019.↩
Interprétation qui justifierait y compris le déplacement du point de vue du chercheur qui aurait davantage mis l’accent sur la capacité de transformation, et du changement, qui aurait prédominé pendant ladite période « luliste » (Cunha, Georges, et Ota 2018).↩
Dans son dernier livre Promesses du travail (Paris, Éd. Les impliquées, 2019), Robert Cabanes interroge la capacité du travail à assumer cette fonction de médiation. D’après son diagnostic de la situation actuelle du travail mondialisé à partir d’une revue de la littérature récente, interprétée à partir de son parcours de recherche personnel, l’attention portée ces dernières années aux différentes formes de gouvernance et de la participation — au lieu d’une défense du travail — aurait permis au capital de gagner la bataille, pour l’instant.↩
Les quartiers privés (« gated community » ou country) sont des zones résidentielles dont le périmètre est clôturé et surveillé par des services privés de sécurité, habités par les secteurs aisés des grandes villes latino-américaines. En Argentine, ces urbanisations ont eu un développement important depuis les années 1990.↩
Voir, entre autres articles, « El conflicto de las empleadas domésticas en Nordelta : no nos dejan subir a las combis porque dicen que tenemos olor », Clarín, 25 novembre 2018, disponible en ligne : https://www.clarin.com/sociedad/conflicto-empleadas-domesticas-nordelta-dejan-subir-combis-dicen-olor_0_OF69eh9oe.html↩
« El ingreso de colectivos de línea a Nordelta: la razón oculta detrás del « piquete » de las empleadas domésticas », Infobae, 23 novembre 2018. Disponible en ligne : https://www.infobae.com/sociedad/2018/11/23/el-ingreso-de-colectivos-de-linea-a-nordelta-la-razon-oculta-detras-del-piquete-de-las-empleadas-domesticas/↩
La référence à « l’odeur » suggère cette racialisation du conflit. Elle dévoile une interprétation biologique des différences sociales qui est, dans nombre d’analyses, une dimension importante de la manière dont s’organisent les conflits de classes dans le pays (Briones, etc.). Le parallèle entre la revendication des travailleuses domestiques et la résistance à des régimes de ségrégation raciale a été fréquente dans les médias qui se situent plutôt à gauche. La revendication des employées a été rapprochée à celle de Rosa Parks dans la période des lois de ségrégation aux États Unis, et l’attitude de habitants de Nordelta comparée au système de l’apartheid en Afrique du Sud (notamment dans les articles : https://www.tiempoar.com.ar/nota/casas-particulares et https://www.pagina12.com.ar/157986-alcen-las-barreras).↩
Pseudonyme.↩