L’objectif de cet essai est de réfléchir sur le rôle de la classe moyenne durant l’élection présidentielle de 2018 au Brésil, qui a porté au pouvoir Jair Bolsonaro, le candidat du Parti Social Libéral (PSL), défenseur de la dictature et de la torture et qui a révélé dans plusieurs interviews un machisme exacerbé, un racisme et une homophobie. Notre thèse principale repose sur le fait, pour la classe moyenne brésilienne, de ne pas s’identifier à sa propre classe ni développer un sentiment d’appartenir à cette même classe. Elle croit faire partie des classes supérieures. En soutenant les intérêts et les droits de ces classes, elle croit, donc, être en train de protéger ses propres intérêts et droits. Dès lors qu’elle se voit comme appartenant aux classes supérieures, la classe moyenne développe un sentiment de haine et de répulsion envers les classes populaires, se sentant offensée lorsque les gouvernements du Parti des Travailleurs (PT) ont mis en œuvre des politiques sociales visant à répondre aux besoins des classes populaires. Blessée, offensée et craignant de perdre son espace social au profit des couches plus populaires, la classe moyenne brésilienne est devenue d’autant plus sensible aux discours autoritaires qui prêchent l’intolérance (de race, de sexe et de classe), comme celui de Bolsonaro.
Pour mieux comprendre la haine de la classe moyenne contre les classes populaires, il faut d’abord revenir sur le processus historique de formation des classes au Brésil. Ensuite, il faut comprendre comment les politiques sociales du gouvernement du Parti des Travailleurs ont fait surgir l’idée d’une « nouvelle » classe moyenne avant de cerner la compréhension que la classe moyenne peut avoir de la crise mondiale.
Les origines de la classe moyenne brésilienne
La société coloniale brésilienne (du XVIème au XIXème siècle) a été formée principalement par de grands propriétaires terriens et par des esclaves. Il existait aussi une classe intermédiaire d’hommes libres, mais pauvres qui, pour survivre, servaient la classe des propriétaires : les familles résidentes sans propriété foncière (agregados).
Ces familles côtoyaient la classe des propriétaires, et il s’est créé des rapports sociaux ambigus mêlant aux échanges une certaine protection, dont l’effet n’est pas simplement matériel et économique, mais également symbolique et psychologique. Cette dimension est capitale puisqu’elle est à l’origine de la mentalité des actuels héritiers de cette couche sociale. On admet qu’être parrainé par un propriétaire riche et influent doit faciliter certaines réalisations professionnelles et économiques et, surtout, permettre de gravir l’échelle sociale. De cette manière, le parrainage permettait à ces agregados de se voir comme faisant partie intégrante des familles des grands propriétaires. Bien que pauvre et dépendant totalement du propriétaire, l’« homme libre » se sentait supérieur aux esclaves, parce qu’il était reçu chez les propriétaires et était traité sinon avec dignité, du moins avec une certaine considération.
Cet « accord » tacite, mais réel, conclu entre les propriétaires et cette classe libre est devenu un « accord de classe ». Il impliquait la reconnaissance implicite d’une humanité et de la dignité de ces agregados, qui faisait défaut aux esclaves. Aujourd’hui, même si les conditions objectives ont changé, cette structure subjective persiste et reste essentielle pour comprendre les relations de classe actuelles au Brésil. Même sans valider toute l’analyse de Jessé Souza, le chercheur ayant peut-être le plus travaillé sur la classe moyenne du Brésil nous pouvons nous prévaloir de cette affirmation de fond actuel, l’affirmation que nous allons citer maintenant nous semble correcte : « Le maintien de la distance sociale de toutes les classes par rapport aux esclaves, assure un espace de distinction et de privilège social permettant la loyauté et la soumission des classes moyennes par rapport les classes supérieures » (Souza 2018, 80).
Dans les premières villes brésiliennes s’est déroulé un phénomène analogue. À la suite du cycle minier au XVIIIème siècle et de l’arrivée de la famille royale portugaise en 1806, le Brésil a vu les villes grandir, et le commerce se développer, ainsi que l’administration et l’appareil d’État monarchique. Dans ce contexte, une « classe moyenne urbaine » a émergé progressivement : une classe qui ne possédait ni argent, ni pouvoir, mais qui n’était pas complètement dépossédée (tout comme les familles résidentes sans propriété foncière, les agregados) pour peu qu’elle dispose de connaissances propres à leur gagner du prestige et les différencier de la masse des esclaves. Cette classe moyenne des villes, comme les agregados en milieu rural, s’identifiait de même à la classe des propriétaires.
Si les classes supérieures sont les descendantes des propriétaires des terres et si la classe moyenne est issue des agregados, les classes populaires au Brésil proviennent de la grande masse des esclaves. En pratique, ce sont eux qui ont fait matériellement croître l’économie du pays. Se reposant sur leur force de travail, pendant plus de quatre siècles, le capitalisme a connu une voie particulière dans sa formation au Brésil, en produisant des marchandises et de la richesse pour les classes supérieures dans cette colonie et en Europe. Malgré cela, ces classes populaires sont complètement marginalisées, abandonnées et humiliées, sans que le reste de la population, et plus encore celles de la classe moyenne, ne s’inquiète de leur situation. Elles héritent de l’abandon, de l’oubli, de la haine, de l’humiliation et du mépris à l’origine dirigés contre les esclaves, qui n’étaient pas reconnus comme des êtres humains. Elles sont victimes du même sadisme et du même plaisir dans l’humiliation qui a animé les seigneurs blancs et leurs agregados contre les Noirs. Tous les préjugés idéologiques dirigés contre les esclaves se sont portés sur les classes populaires, en y incluant des croyances aberrantes sur de supposées différences de nature entre les groupes sociaux, colportées comme s’il s’agissait des vraies idées scientifiques et de vérités naturelles.
En raison de la couleur de leur peau, mais avant même, de leurs positions sociales, ces personnes sont exclues par le système de sélection social, de l’accès au savoir (manque d’accès aux universités) et du marché du travail. Elles développent les grandeurs des emplois semi-qualifiés ainsi qu’une bonne partie du contingent social de ce qu’on appelle aujourd’hui la précarisation et une énorme armée de travailleurs « disqualifiés » qui font grandir de façon permanente le travail dit informel. La majeure partie de ce groupe humain est soumis à l’exploitation personnelle et au mécanisme de la déshumanisation qui a été promu par l’esclavage colonial et impérial. Les individus des classes populaires sont séparés des individus des autres classes, par des processus invisibles (subjectifs) ce qui produit des effets semblables à ceux de l’époque coloniale. Au long de ce processus, les préjugés de race et de couleur de peau sont devenus des préjugés de classe.
Ce système de classes né dans les zones rurales a survécu dans les villes, car l’urbanisation et l’industrialisation au Brésil étaient tardives. D’après la Figure 1, on peut affirmer que ce n’est que dans les années 1980 que la population urbaine a largement dépassé la population rurale. Autre question importante : le processus – complexe et non pas linéaire, de l’urbanisation et de l’industrialisation au Brésil est, avant tout, le résultat de l’investissement des propriétaires fonciers et des commerçants, exportateurs et importateurs, des banquiers brésiliens, de l’État, particulièrement à partir des années 1930 et pendant les années 1950, 1960, 1970 et 1980. Bien sûr, l’industrialisation plus récente se fait avec les investissements des groupes financiers internationaux qui s’intéressent à l’économie brésilienne à partir de 1956 avec le gouvernement de Juscelino Kubitschek (1956-1961), ainsi que pendant les gouvernements militaires (1964-1985).
On peut donc considérer que les valeurs subjectives et idéologiques incrustées dans les consciences sociales au long de la formation historique du Brésil sont les plus grands obstacles à surmonter pour rompre avec cette histoire. On note une persistance des habitudes et des valeurs « esclavagistes » rurales dans les mentalités des villes, y compris la relation de la classe moyenne avec les classes supérieures et populaires, à tel point que l’anthropologue Darcy Ribeiro a affirmé, il y a de cela un certain temps, qu’au Brésil, non seulement les différences sociales sont une réalité, mais surtout les « distances sociales » (1995). En vérité, ces différences et ces distances sociales persistantes se reproduisent en conflits et en antagonismes sociaux dans les conjonctures de petites, moyennes et de longues durées pendant l’histoire brésilienne après l’abolition de l’esclavage et la Proclamation de la République jusqu’à présent.
La « distance sociale » des autres classes par rapport aux classes populaires assure un espace de distinction et de privilège social, permettant la loyauté et la soumission des classes moyennes par rapport aux classes supérieures. Nous ajoutons que « cette distance » est psychologique, mais aussi subjective.
L’émergence d’une « nouvelle » classe moyenne et ses conséquences
Depuis la re-démocratisation du Brésil, en 1985, avec la fin de la dictature militaire et la première élection présidentielle de la Nouvelle République, en 1989, Lula et sa politique sociale étaient une ombre menaçante pour les partis de droite, qui ont été obligés d’inscrire de telles politiques à leur ordre du jour, pour éviter un transfert massif des électeurs vers le Parti des Travailleurs. Le PT lui-même subissait les pressions sociales qui le poussaient à avoir une politique plus à gauche que les autres partis politiques.
Le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso (1994-2002), du Parti de la Social-Démocratie Brésilienne (PSDB), qui allait devenir la principale force d’opposition au PT entre 1994 et 2014, a mis en place une série de politiques sociales, comme l’expansion de l’assurance-chômage, le combat contre la pauvreté, l’expansion du crédit à taux d’intérêt bonifiés, la réduction de la taxe sur les produits industrialisés (appareils électroménagers et véhicules automobiles) et, surtout, la stabilisation de l’inflation avec le Plan « real ».
Mais c’est évidemment avec l’arrivée de Lula à la Présidence de la République, en 2003, que les politiques sociales publiques du gouvernement PT, ont changé d’une manière plus visible la vie d’une grande partie des brésiliens située dans les classes populaires et dans les classes moyennes (basses et moyennes). Le Bourse Famille, le plus important programme de transferts de ressources financières publiques au monde, a bénéficié à 11 millions de familles qui sont sorties de l’extrême de la pauvreté. L’Université pour Tous a permis aux jeunes pauvres d’accéder à l’enseignement supérieur, en obtenant des bourses d’études, intégrales ou partielles. Les anciennes Écoles Techniques destinées, à l’origine, à la formation des plus pauvres, ont été transformées en Instituts Fédéraux de l’Éducation, de la Science et de la Technologie avec le même statut que celui des universités, investissant dans la recherche scientifique. Le projet « Ma Maison, Ma Vie » subventionne l’achat de maisons par les familles dont le salaire est inférieur à 1 800 reais et facilite les conditions d’accès à la propriété pour les familles dont le salaire est inférieur à 7 000 reais. On ne peut donc pas nier l’effort des gouvernements du PT pour approfondir les politiques publiques en direction aux couches les plus défavorisées de la population brésilienne, même par ailleurs ces gouvernements favorisaient les moyens et les grands capitalistes, ainsi que les banquiers.
Les politiques sociales publiques des gouvernements de Fernando Henrique Cardoso et plus encore celles du PT ont amélioré la vie de nombreux brésiliens de la classe populaire, au point de faire surgir l’idée de l’existence d’une « nouvelle » classe moyenne. Cette idée a surgi en 2008, quand l’économiste Marcelo Neri a publié le résultat d’un sondage, avant de publier un livre en 2011, réalisé par le Centre des Politiques Sociales (CPS) de la Fondation Getúlio Vargas (FGV), intitulé La nouvelle classe moyenne : le côté brillant de la base de la pyramide (2011). Comme point théorique, Neri a utilisé le concept de « classes économiques », c’est-à-dire, la segmentation en cinq strates proposées par le Critère de classification économique brésilienne (CCEB), connu sous le nom de Critère Brésil. Cet indice est une estimation standardisée de la capacité de consommation des ménages brésiliens. La méthodologie est liée à la considération de la possession de certains biens qui, formant une hiérarchie de points, informent les frontières de la classe économique. En vérité, il s’agit de l’application de la vieille notion de « pouvoir d’achat » qui est utilisée comme critère de mesure d’un changement qualitatif du processus réel, ce qui oblige à apercevoir des limites liées au modèle fonctionnaliste et quantitatif de cette approche. Ce que Neri appelle la « nouvelle » classe moyenne, n’est rien de plus qu’une fraction de la classe populaire qui, bénéficiaire de politiques sociales, a réussi à acheter plus d’équipements pour leurs maisons. Mais le qualitatif de sa structure sociale domine ce changement conjoncturel quantitatif.
Immédiatement, le gouvernement fédéral et le marché se sont approprié l’idée d’une « nouvelle » classe moyenne. Que les commerçants aient profité de la « nouvelle situation » est dans l’ordre des choses. Que les gouvernements du PT aient fait grandir ces changements par les publicités a des fins politiques, oblige la recherche scientifique en sciences sociales à ne confondre l’apparence avec le processus réel.
Le gouvernement a lancé une publicité positive des politiques publiques du PT, affirmant que le Brésil était devenu le « pays de la classe moyenne » et qu’il n’aurait plus une pyramide sociale, mais un losange social. Selon la Figure 2, on peut dire que les projections du gouvernement fédéral pour 2023 étaient assez optimistes, prévoyant que les classes supérieures et moyennes augmenteraient, avec une baisse significative des classes populaires, de 24 % à 9 % en seulement 10 ans, ou de 40 % en 20 ans.
L’idée du losange social, en contrepartie de la pyramide sociale, traduit la thèse publicitaire qui prétend que le gros de la population ne se concentre plus dans la base de la pyramide mais dans le centre quadrilatère de ce spécimen de diamant social. En 2012, le gouvernement de Dilma Rousseff a promu un projet intitulée Les voix de la classe moyenne, en affirmant qu’entre 2002 et 2012, 35 millions de personnes sont entrées dans la « nouvelle » classe moyenne, passant de 38 % de la population en 2002 à 53 % en 2012, ajoutant en 2012 plus de 100 millions de Brésiliens.
Le projet a proposé, aussi, une nouvelle classification des classes sociales :
Classe inférieure : tous ceux qui ont une forte probabilité de rester ou de devenir pauvres dans un avenir proche où les familles dont le revenu par habitant était inférieur à 291 reais par mois ;
Classe moyenne : tous ceux qui risquent peu de devenir pauvres dans un avenir proche où les familles dont le revenu par habitant se situe entre 291 et 1 019 reais par mois ;
Classe supérieure : tous ceux qui ont une faible probabilité de devenir pauvres dans un avenir proche où les familles dont le revenu par habitant est supérieur à 1 019 reais par mois.
Curieusement, le salaire minimum en 2012 était de 622 reais par mois, c’est-à-dire, selon le gouvernement, une personne qui gagnait la moitié du salaire minimum était déjà considérée comme faisant partie de la classe moyenne.
Le marché a aussi profité de l’idée d’une « nouvelle » classe moyenne, offrant des produits (maison, voiture, voyages…) à faible coût et à payer en plusieurs mois, voire années. En réalité, l’idée d’une « nouvelle » classe moyenne a fabriqué une illusion de pouvoir d’achat qui a conduit à l’endettement chronique de nombreuses familles. L’agriculture, l’industrie, le commerce et le secteur des services en ont profité. Mais c’est le secteur financier qui a le plus durablement fait du profit. Les familles « heureuses » vont passer des années (voir toute une vie) à payer des intérêts bancaires pour acheter une maison ou encore 10 mois, au moins, pour payer un voyage de sept jours.
Malgré l’endettement, cette « nouvelle » classe moyenne a commencé à fréquenter des lieux auparavant inaccessibles (centres commerciaux, restaurants, aéroports, etc.), suscitant la haine et le mépris de la classe moyenne « traditionnelle » qui se sentait envahie dans son espace. Pour illustrer cette haine des nombreux cas de « racisme social », qui ont proliféré dans les médias et dans les réseaux sociaux, nous citons un qui s’est passé à l’aéroport de Rio de Janeiro en 2014. Quand la professeure Rosa Maria Meyer, de la PUC Rio de Janeiro, a vu un passager portant un short et une chemise à l’aéroport, elle n’a pas hésité à le photographier et à mettre sa photo sur sa page personnelle, demandant ironiquement si c’était « un aéroport où une gare routière ? » Immédiatement, tous ses « amis sur Facebook » ont réagi à son message en faisant des commentaires pleins des préjugés et en considérant qu’il était de la responsabilité du gouvernement du PT d’avoir des personnes « indésirables » dans des endroits qui étaient auparavant destinés aux « bonnes » personnes, c’est-à-dire, à la classe moyenne et aux classes supérieures.
Pour la professeure Rosa Maria Meyer, pour ses collègues, et pour une grande partie de la classe moyenne « traditionnelle », qui en vérité se prennent pour l’élite, les pauvres ont envahi des espaces qui ne sont pas pour eux et où ils ne devraient pas être.
La perception de la classe moyenne sur la crise mondiale
La fin du gouvernement du PT (Lula/Dilma), a coïncidé avec l’intensification de la crise mondiale. De nombreuses personnes, notamment de la classe moyenne, ont perdu leur emploi et leur pouvoir d’achat, et ont été obligés de s’adapter à des emplois de statut social inférieur. Une autre partie, qui a eu accès aux diplômes supérieurs, la plupart bénéficié par les politiques sociales du PT, n’a pas trouvé d’emplois compatibles avec leurs formations supérieures. Devant cette frustration et le décalage entre les aspirations et ce que le marché offrait, les membres de ces couches sociales en sont venus à vivre la contradiction d’être objectivement dans les classes populaires et subjectivement désireux de se voir comme la classe moyenne. La peur d’être confondu avec les gens de la classe populaire devient une hantise. Par ailleurs, des membres de la classe moyenne « traditionnelle » confrontés aux processus d’automatisation systématique de plusieurs secteurs économiques ont bel et bien chu dans l’abîme social réel des classes moyennes inférieures ou même des classes populaires.
Ces personnes ne comprennent pas la crise comme étant un phénomène mondial. Elles ressentent la crise mondiale de 2007-2008, qui se répercute dans l’économie brésilienne progressivement et se manifeste en 2013-2014 avec les préparatifs de la Coupe du Monde et des Jeux Olympiques, comme une responsabilité directe et exclusive du PT, de Lula et de Dilma. Ils pensent que la crise est uniquement le résultat de la « corruption » du gouvernement du PT, soi-disant l’unique parti corrompu aux yeux de ces couches sociales. Cette idée a été diffusée et légitimée par l’action de l’Opération « Lava Jato » et largement diffusée par les grands médias, en particulier par le Rede Globo de Televisão.
La haine politique, qui est à l’origine des mouvements fascistes, peut augmenter dans les périodes de crise économique, parce que les gens n’ont aucun moyen de résoudre leurs problèmes et, le pire, confondent leurs causes. Ils préfèrent trouver des « coupables » pour leur situation, qui sont, généralement, les personnes plus fragiles socialement et économiquement. Ces personnes fragiles au Brésil sont, surtout, les pauvres et les noirs.
La classe moyenne brésilienne est l’héritière non seulement de la position sociale intermédiaire, entre les plus riches et les plus pauvres, mais aussi du sentiment des agregados, estimant appartenir à une classe supérieure, pensant comme elle et défendant leurs droits. En agissant de cette manière, la classe moyenne crois être en train de protéger ses propres droits.
La classe moyenne au Brésil n’a pas d’identité et de conscience propre. Ainsi, lorsqu’un gouvernement adopte une série de politiques sociales qui profitent aux classes populaires (héritiers de la masse des esclaves), la classe moyenne « traditionnelle » se sent offensée, parce qu’elle estime que son espace est envahi par un groupe de personnes qui ne devraient pas être là. Les membres de la classe moyenne « traditionnelle » ont une tendance à mépriser la classe moyenne basse et moyenne, ainsi que les pauvres des classes populaires. Ce mépris se transforme en rejet et en haine lors de périodes de stagnation ou de récession économique comme c’est le cas du Brésil et de la plupart des régions de l’économie mondiale.
Dans ce processus, la classe moyenne, pleine de ressentiment, préfère écouter les promesses conservatrices et autoritaires des agents politiques et des outsiders opportunistes, plutôt que de chercher des issues politiques conséquentes et cohérentes avec le besoin de satisfaire ses intérêts à partir de sa véritable situation socio-économique. La démocratie, le respect des différences et de l’égalité sont ressenties comme une menace immédiate contre son existence sociale et individuelle, physique et psychologique. Les cortèges de préjugés vont finalement déboucher sur une politique où la démocratie est identifiée au communisme et accuse ses défenseurs pour la réalité de la crise.
Bibliographie
Neri, Marcelo. 2011. A nova classe média: o lado brilhante da base da pirâmide. São Paulo: Saraiva.
Ribeiro, Darcy. 1995. O povo brasileiro: a formação e o sentido do Brasil (Le peuple brésilien : la formation et le sens du Brésil). São Paulo: Companhia das Letras.
Souza, Jessé. 2018. A classe média no espelho (La classe moyenne devant le miroir). Rio de Janeiro: Estação Brasil.