Considérons d’abord la fin du premier livre de la « Troisième partie » de Clélie, dans laquelle le petit cercle de l’héroïne profite de la fin d’une (longue) narration pour se dissoudre jusqu’au jour suivant :
Amilcar s’étant tu, Clélie le remercia, Césonie et Plotine firent la même chose : et la compagnie se sépara, remettant au lendemain à parler de l’agréable aventure qu’il leur avait racontée, parce qu’il était trop tard pour commencer de s’entretenir d’une histoire où il y avait tant de choses qui pouvaient donner lieu à une longue et agréable conversation. (Scudéry, Madeleine de 1654–1660, Troisième partie, tome I, pp. 603-604)
Se trouvent réunis en l’espèce deux des thèmes de rupture que privilégie Mlle de Scudéry – comme, du reste, une grande partie des romanciers et romancières d’Ancien Régime. Le premier de ces thèmes, celui du passage au lendemain, permet de clore le livre en minimisant l’effet de la coupure ; il relève ainsi le défi qui se pose à toute rupture d’unité dispositive (chapitre, « livre » ou partie), laquelle doit fermer l’unité courante en prévenant l’endiguement du texte. Motif d’arrêt spontanément recevable par le lecteur – dans la mesure où il renvoie à une expérience quotidiennement renouvelée –, le topos du coucher a aussi l’avantage d’appeler une suite, le réveil, correspondant au commencement d’une nouvelle journée (et, par le fait même, d’une nouvelle unité). Quant au blanc interlivresque, il est identifié à une nuit, durant laquelle les personnages se reposent et le récit peut lui-même se permettre un moment d’arrêt. Une durée (elliptique) est symbolisée par une certaine quantité (alinéaire), que le regard doit parcourir et le lecteur interpréter.
Fondés en grande partie sur l’échange et la conversation, les livres de Clélie s’interrompent aussi régulièrement sur une séparation, alors que les différentes compagnies du roman renoncent temporairement à leurs entretiens. La dispersion des conversants peut être causée, comme ici, par la tombée de la nuit ; elle peut aussi trouver d’autres motivations. Tantôt, un repas sera servi, nécessitant un arrêt narratif – dans la mesure où les règles élémentaires de l’étiquette romanesque empêchent un personnage de se raconter la bouche pleine ; ailleurs, un des participants se verra forcé de quitter ses camarades ; ailleurs encore, c’est un importun qui surviendra, brisant le cercle intime qui autorisait la confidence. Quelle que soit la raison de l’arrêt, cependant, il n’intervient jamais de façon tout à fait aléatoire ; il correspond toujours à un moment de relâchement de l’attention. Un récit a été conclu, une discussion s’est achevée, un argument a été réfuté : il y aurait de toutes façons passage à autre chose, et l’évènement extérieur n’est jamais que l’alibi diégétique d’une cheville discursive. Ainsi, sur le plan du récit comme sur celui des propos échangés par les personnages, la rupture est de nouveau ménagée de façon à concilier la clôture et l’ouverture – à conclure l’unité de façon satisfaisante tout permettant à l’intrigue de se poursuivre dans les livres suivants.
Ces deux topoi, conjugués par Mlle de Scudéry, présentent au moins un autre point commun : la chute suspensive y est globalement absente. Les unités de Clélie ne se terminent pas sur un évènement saisissant, laissant le sort des personnages dans l’incertitude et réduisant les lecteurs à une attente fébrile et angoissée. Même lorsque les fins des livres scudériens ne se présentent pas sous une forme aussi apaisée que celles-ci, on y est loin de l’inquiétude qui caractérisera la coupe associée (à tort ou à raison) aux séries paralittéraires des XIXe et XXe siècles. Des personnages se séparent, s’endorment, se mettent tranquillement en chemin : rien qui risque ici d’engendrer cette accélération du pouls lectorial, ce désir compulsif de connaître la suite, qui marqueront le suspense sous ses formes les plus paroxysmiques.
Les choses ne se présentent plus tout à fait de la même façon dans L’Aventurier françois de Robert-Martin Lesuire, dont la publication (1782-1788) coïncide avec les dernières années de l’Ancien Régime. Cet étrange objet narratif – qui participe à la fois de la saga familiale, du cycle romanesque, du roman-fleuve et du récit fantastique – est composé de quatre ouvrages indépendants, distribués sur plusieurs tomes (Dionne, Ugo 2014, 97‑112) ; aux aventures de Grégoire Merveil, « l’aventurier français » original (Lesuire, Robert-Martin 1782, 1783) succèdent celles de son fils Cataudin (1785–1786) puis de sa fille Ninette (1788), qui assument à leur tour la fonction de narrateur. Or, dans cet ensemble foisonnant (et fortement répétitif), le suspense atteint des sommets qu’on aurait autrement pu croire réservés aux formes les plus exacerbées de la littérature sérielle. À la fin des livres qui divisent les différents opus de la séquence, les membres de la famille Merveil sont enfermés dans des grottes, des souterrains ou des cachots ; ils sont fusillés ou empoisonnés, quand ils ne sont pas précipités dans un bûcher ou engloutis par un tremblement de terre. Lors de l’explosion de son navire, Grégoire Merveil se voit même projeté entre ciel et mer, dans un état de suspension qui tient moins du cliffhanger que de la chute, immédiate et littérale :
Il [y] avoit, dans le vaisseau, plusieurs barils d'huile. Le feu s'y communiqua. En vain nous voulions jetter la poudre à la mer ; il ne nous étoit pas possible d'y arriver, sans traverser la flamme ; &, notre poudre se trouvant inaccessible, il étoit indubitable que, bientôt, nous devions sauter. Nous attendîmes quelque temps ce moment fatal. Il arrive enfin, le bâtiment saute, & me voilà dans l'air. (Lesuire, Robert-Martin 1783, tome II, livre V, pp. 136-137)
Le passage au présent, dans la dernière phrase de cet extrait, abolit la distance créée par le récit rétrospectif. Il donne à l’évènement raconté une urgence supplémentaire : le lecteur assiste à l’explosion – mieux encore : il partage le sort de Merveil et de ses compagnons, et se voit emporté avec eux par la déflagration. Cette présentification du récit est du reste portée à son comble dans une clôture de la Seconde suite, où le personnage n’est plus seul à être plongé dans une situation fâcheuse ; le narrateur-mémorialiste est lui-même terrassé en direct :
Quelle défaillance affreuse vient m'assaillir moi-même. Je n'ai jamais rien senti de pareil. Ah! la mort, de sa main de glace, vient presser mon cœur. C'en est fait.…. O mon Adélaïde!.… ô mon Artémise!... Je me meurs. L'univers s'efface. Mon Dieu, pardonne-moi ; reçois-moi dans tes bras.… (Lesuire, Robert-Martin 1785–1786, tome III, livre IV, p. 239)
La tension du suspense est ici projetée métaleptiquement du plan de l’histoire à celui de la narration, qui devrait normalement lui être inaccessible. On voit mal, par exemple, comment les périls encourus par la jeune Marianne pourraient revenir hanter la vieille narratrice du roman de Marivaux (si ce n’est sur le mode de la réminiscence) ; c’est pourtant la situation (impossible) où se trouve précipité Cataudin Merveil, que son détachement narratorial ne protège manifestement plus contre les sursauts menaçants de l’intrigue. (Il reviendra d’ailleurs au père du narrateur, soit à l’Aventurier français lui-même, de le sauver de ce mauvais pas, comme le découvrira le lecteur dès l’ouverture du livre suivant.)
Soit donc deux états distincts, deux logiques opposées de la fin de livre ou de chapitre, séparés par quelque 120 ans de pratique romanesque. De Clélie à L’Aventurier françois, l’Ancien Régime du roman semble avoir procédé à une double concentration. Il opère, d’abord, une concentration narrative : les cliffhangers de Lesuire sont un concentré de suspense, un accroissement de cette tension qui, selon Raphaël Baroni, est nécessaire au (bon) fonctionnement de tout récit (2007, 18 et suivantes). Les chutes suspensives participent à l’intérêt général du texte ; elles exigent cependant un relâchement immédiat, en raison de leur intensité même : le suspense à si forte dose risquerait autrement de manquer son but, en épuisant le lecteur avant de l’avoir mené à terme. C’est la raison pour laquelle ces épisodes de tension condensée sont généralement clairsemés, séparés par des plages plus paisibles, où la densité suspensive s’avère du moins plus supportable. Quant à la seconde concentration, elle est spatiale : toute la dialectique du suspense a désormais lieu autour de la rupture dispositive, alors que le silence du blanc menace le texte lui-même. Avec ses deux bornes se faisant face au-dessus du gouffre intercalaire, la rupture interchapitrale symbolise matériellement la dynamique discursive de l’amorce, de la suspension et de la résolution ; elle mime en quelque sorte le fonctionnement du suspense – mais ce dernier aide aussi à la combler. Il garantit le passage du précipice au moment même où il en signale la présence, et assure ainsi une continuité textuelle parfois sévèrement compromise.
Sur les raisons qui font coïncider cette augmentation du suspense avec les dernières décennies de l’Ancien Régime, on peut émettre quelques hypothèses. Il est d’abord tentant de rappeler cette « révolution » de la lecture, qu’on a justement datée de la fin de l’âge classique :
[…] Rolf Engelsing a décrit un processus qui, au cours du XVIIIe siècle, tendait à remplacer la lecture intensive et répétitive d’un petit canon de textes familiers et normatifs, qui étaient repris et commentés et restaient les mêmes durant toute une vie […], par une pratique de lecture extensive qui se passionnait, sur un mode moderne, séculier et individuel, pour des textes nouveaux et divers permettant de s’informer et de se distraire. (Wittmann, Reinhard 1997, 357; voir aussi Chartier, Roger 1985)
Le passage d’une lecture intensive à une lecture extensive favorise certainement l’avènement de textes plus « rapides », consommés voracement. Le mode de réception extensif du texte, avide et insatiable, encourage en retour la diffusion de techniques d’accélération et d’intensification narratives ; le suspense trouve sa place dans cette conception vorace, alors qu’il était peu adapté à la pratique ruminante des lecteurs intensifs. Parallèlement, il faudrait aussi s’interroger sur les rapports qu’entretient la tension suspensive avec la sensibilité nerveuse, fébrile, irritable qui s’affirme elle aussi dans la seconde moitié du XVIIIe siècle (voir par exemple : Coudreuse, Anne 1999; Lotterie, Florence 1998; Jaquier, Claire 1998). Que le roman « à suspense » ait contribué à engendrer cette émotivité chatouilleuse, ou qu’il n’en soit qu’une conséquence ou l’un des avatars, il y a en tout cas une synchronie remarquable entre un mode d’être et de sentir – la sensibilité – et un procédé textuel qui en exploite les qualités fondamentales.
Cependant, j’entends emprunter ici une troisième piste, qui relève moins de l’histoire de la lecture ou des sensibilités que de la poétique historique. Je veux en effet faire valoir le rôle qu’a pu jouer le roman des années 1730 dans le développement du suspense, tout spécialement dans l’émergence de cette forme spécifique de suspense ruptural qu’on connaît désormais sous le nom de cliffhanger. Il s’agit en somme de réinscrire le phénomène de la chute suspensive dans l’histoire de la publication différée du roman en France. On peut en effet identifier trois grands régimes de la périodicité romanesque, trois époques où s’est généralisée une certaine manière de composer et de publier le roman dans le temps. Le premier de ces moments périodiques correspond aux deux premiers tiers du XVIIe siècle, et au corpus à la fois multiple et cohérent qu’on fédère communément sous l’étiquette de roman baroque. La publication de la première partie de L’Astrée d’Honoré d’Urfé, en 1607, inaugure une pratique éditoriale qui prospèrera pendant près de soixante ans – voire plus longtemps encore, si on envisage certains textes anachroniques comme Les Effets surprenants de la sympathie, le premier roman de Marivaux, paru en 1713 et 1714 –, avant d’être rendue caduque par le développement des histoires galantes, nouvelles historiques et autres « petits romans » classiques. La deuxième époque de forte activité romanesque différée – qui nous occupera plus longtemps ici – intervient autour des années trente du XVIIIe siècle, avec la production de Marivaux lui-même, de Prévost, de Crébillon fils, de Lesage et de plusieurs écrivains du second rayon (parmi lesquels se détache, quantitativement, la figure du chevalier de Mouhy). Quant au troisième régime (dont nous participons encore, dans une large mesure), c’est celui qui se met d’abord en place avec le roman-feuilleton des années 1830 et 1840, pour dominer ensuite l’espace sériel et médiatique durant près de deux siècles, la littérature se trouvant éventuellement relayée par la presse, le cinéma, la radio, la bande dessinée, la télévision et les différents modes de narration numériques.
De l’un de ces régimes historiques à l’autre, la livraison périodique prend des formes évidemment diverses ; elle est néanmoins toujours confrontée à un problème particulier, qui ne se pose pas dans les mêmes termes aux « simples » chapitres et autres unités dispositives. Publiée de façon isolée, souvent immédiatement après sa composition, la livraison est chaque fois confrontée à un abîme – celui qui la sépare de la livraison suivante, laquelle peut très bien ne jamais paraître, renvoyant le récit à un éternel inaboutissement. Dans ce type de sérialité interne1, l’intervalle est nécessairement une menace ; il réserve toujours la possibilité d’une dérive ou d’une extinction du récit.
Le problème est particulièrement marqué pour les « tomes » baroques et les « parties » de romans du XVIIIe siècle, dans la mesure où les libraires de l’âge classique n’ont pas encore le rôle stabilisateur qui, en régime médiatique, sera dévolu aux éditeurs, aux directeurs de journaux ou aux responsables de collections. Les romans différés de l’Ancien Régime sont ainsi plus susceptibles de s’interrompre sans se conclure que les romans en fascicules ou en feuilletons qui leur succèderont ; en témoigne l’abondance des textes inachevés (L’Astrée, Le Roman comique, La Vie de Marianne, Le Paysan parvenu, Les Égarements du cœur et de l’esprit…), dont la liste se confond presque avec celle du canon romanesque des siècles classiques. Ces romans, qu’on ose à peine qualifier de « périodiques », paraissent aussi avec la plus grande irrégularité, selon un calendrier plus ou moins capricieux (et de toutes manières plus ou moins respecté) ; il est rare, et même tout à fait inouï, qu’un romancier des Lumières épouse vraiment la périodicité (mensuelle ou autre) à laquelle il s’est engagé dans le paratexte de ses premières livraisons. Enfin, le roman différé de l’Ancien Régime est d’emblée mis en péril par le rythme même de sa production : l’intervalle séparant deux tomes ou deux parties ne se calcule pas encore en jours ou en semaines, mais bien en mois, sinon en années ; il est d’ailleurs fréquent que des épigones profitent de ces pauses prolongées pour poursuivre le récit, forçant parfois l’auteur à sortir de son silence, créant en tout cas une œuvre aux circuits multiples, dans laquelle le texte « officiel » côtoie une ou plusieurs excroissances apocryphes.
Par son ampleur, par son irrégularité, par son caractère potentiellement définitif, l’intervalle revêt donc, dans les romans de l’âge classique, un caractère spécialement terrifiant. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, l’interruption périodique ne fait pas que créer un désagrément pour le lecteur impatient (qui ne l’est d’ailleurs sans doute pas tant que ça) ; elle compromet plus généralement l’intégrité, la survie même de l’œuvre romanesque. On ne s’étonnera donc pas de voir les romanciers développer certaines techniques qui, sans prémunir le récit contre toutes les déconvenues possibles, lui permettent au moins de négocier l’abîme ; l’angoisse intercalaire devient ici la mère d’une invention qui investit en priorité le lieu où le texte voisine avec le gouffre, cette rupture de partie autrefois livrée au seul jeu de la dilatation temporelle.
Pour les romanciers du XVIIe siècle, en effet, la recherche d’une tension suspensive reste encore relativement accessoire. Les procédés qui président à la rupture des livraisons baroques sont rarement plus marqués que ceux qui accompagnent les scissions internes – alors qu’on s’attendrait à ce que la coupure entre deux tomes ou deux parties, creusée par le temps, soit au moins modulée par une manœuvre de relance de l’intérêt. Dans la Cassandre comme dans la Cléopâtre de La Calprenède, dans Ibrahim comme dans Le Grand Cyrus de Mlle de Scudéry, dans la Rosane de Desmarets de Saint-Sorlin comme dans la Rodogune d’Aigue d’Iffremont, les fins des livraisons ont généralement recours à des motifs neutres ou mimétiques : fins de conversation, retrait de personnages, départ, entrelacement des intrigues, etc. La peur de l’intervalle n’est manifestement pas assez forte pour exiger des clôtures spécifiques : il revient encore au délai de cultiver, seul, l’impatience du lecteur. Cette tendance à l’indistinction des ruptures connaît toutefois un certain nombre d’exceptions. Déjà, quelques romanciers, quelques romancières tentent de compenser les effets potentiellement délétères de l’intervalle par un accroissement de la tension terminale. Cette intensification du suspense est d’autant plus remarquable que les ouvrages en question respectent autrement la topique nonchalante qui a été précédemment dégagée.
Dans Cléobuline ou la veuve inconnue de la baronne de Marcé (Paris, Pierre L’Amy, 1658), les unités internes se terminent ainsi de façon on ne peut plus conventionnelle : la fin du livre I se contente, comme celle du livre II, de reprendre le topos déjà commenté de l’ellipse nocturne, où des personnages se quittent en promettant de se retrouver le lendemain. Or, la fin du 3e livre s’écarte de cette thématique – sans doute parce qu’elle coïncide avec la fin de la 1ère partie du roman. Avant cette pause dont on ne sait pas encore qu’elle sera définitive, mais dont l’ampleur est déjà suffisamment préoccupante pour favoriser une stratégie spécifique, le roman s’arrête sur une image saisissante : celle du héros suivant, à la trace, des gouttes de sang versées sur le sol. Le motif reste simple ; le personnage n’est ni suspendu au-dessus d’un précipice, ni projeté dans les airs par l’explosion de son vaisseau : il se contente de suivre une piste sanglante. Néanmoins cette image, avec son injection inattendue d’hémoglobine et son lointain écho du Perceval de Chrétien de Troyes, rend la clôture de livraison plus énigmatique que celle des unités qui précèdent.
Dans Clélie même, on peut aussi observer une différence d’intensité, selon qu’on envisage les ruptures qui surviennent à l’intérieur d’un même volume ou celles qui séparent deux tomes publiés séparément. À la fin de la « Première partie », Aronce se trouve à un carrefour, devant deux routes s’élançant dans des directions opposées – adoptant le type de projection disjonctive qu’est amené à opérer le lecteur en position de suspense (Baroni, Raphaël 2007, 110). Le même Aronce occupe les clôtures des IIe et IVe parties, où ses lamentations font valoir tout le pathétique s’attachant à sa position. En fin de IIIe partie, enfin, Clélie s’inquiète tout haut du sort de son amant et de son frère Octave, résumant pour l’occasion les périls où les deux personnages sont plongés ; il ne manque, pour être dans le régime feuilletonesque, que la formule traditionnelle « La suite au prochain numéro ». Dès les années 1650, donc, alors que la dilatation temporelle semble encore suffisante pour garantir la fidélité du lecteur, Mlle de Scudéry sent déjà que les interstices sériels présentent un risque particulier ; elle conçoit qu’il y faut quelque chose de plus, un encouragement supplémentaire à poursuivre, une charge additionnelle de danger – ou, au moins, une synthèse haletante des épreuves auxquelles les protagonistes sont déjà confrontés2.
Mais l’illustration la plus remarquable de cette distinction entre ruptures internes et externes est fournie par Le Roman comique (qui sur le plan de la périodicité adopte le même fonctionnement que ces romans héroïques dont il prend autrement le contrepied). En 1651, à la fin de la « Première partie », Scarron présente son héros Le Destin poursuivant les ravisseurs de la jeune Angélique, dans une chevauchée qui durera proprement six ans, jusqu’à la parution de la « Seconde Partie ». Cette fin de livraison caracolante, digne d’un western ou d’un roman de cape et d’épée, est d’autant plus spectaculaire que Scarron y renonce en grande partie aux commentaires métatextuels qui accompagnent la plupart de ses fins d’unités — comme si l'anti-romancier, pourtant rompu aux ruses de la mise en scène temporelle, avait été soudain rattrapé par le temps « réel » de la publication. Scarron ne cherche plus à mettre son texte à distance, mais fait corps avec l’action ; il refuse de mitiger l’intérêt romanesque, avant une interruption dont il ne peut encore mesurer la durée. Si le départ du Destin est séparé de la fin du chapitre par quelques paragraphes explicatifs, où le roman choisit de rester en arrière avec les femmes et le poète Roquebrune, l’humour scaronnien y est généralement tempéré ; même la pirouette clausulaire (« on n’a pas en ce monde tout ce qu’on désire » (Scarron 1651–1658)) semble plaquée sur le chapitre, comme si elle se forçait à respecter les termes du pacte burlesque au moment même où elle s’en écarte en esprit. Plutôt que de diluer la tension par des facéties, on doit plutôt insuffler au texte une énergie proprement romanesque – cette énergie que refuse habituellement Scarron, ou qu’il relègue dans les récits secondaires et les nouvelles insérées.
Cette préoccupation intercalaire, qui se manifeste à des degrés divers chez Scarron, Mme de Marcé ou Mlle de Scudéry, est toujours présente quatre-vingts ans plus tard chez l’auteur de La Vie de Marianne. À la fin de la « Seconde partie », le repas de l’héroïne, attablée avec Mme Dutour et sa camarade Toinon, est interrompu par un évènement inattendu :
Elle en était là de ses leçons, dont elle ne se lassait pas, et dont une partie me scandalisait plus que ses brusqueries, quand on frappa à la porte. (Marivaux 1731–1742, IIe partie, p. 100)
Ces coups assénés restent de nouveau assez discrets. Techniquement, on est bien en présence d’un suspense, dans la mesure où le surgissement (sonore) du nouveau personnage prend la compagnie par surprise, et que l’identité de ce personnage reste cachée ; confronté à une incertitude quant à l’avenir du récit, le lecteur doit procéder à un pronostic, une « interprétation “descendante” visant à anticiper le développement futur de la “fabula” » (Baroni, Raphaël 2007, 110). Le suspense ainsi créé n’a cependant pas l’urgence de ceux de L’Aventurier français – heureusement d’ailleurs, puisque ce n’est que vingt-deux mois plus tard que les coups seront attribués à la poigne du roué M. de Climal.
Les chutes du roman de Marivaux se font à l’occasion plus intenses : les dernières lignes de la Ve partie évoquent ainsi l’indiscrétion de Favier, la servante de Mme de Fare, qui a déjà divulgué le secret des origines de Marianne ; à la fin de la VIe partie, on assiste à l’irruption de Valville et de Mme de Miran dans le conseil de famille convoqué suite à cette trahison ; à la fin de la VIIe partie, c’est l’infidélité de Valville lui-même qui est révélée à l’héroïne. Toutefois, en dépit de ces variations internes, l’inquiétude liée à la coupe marivaudienne reste bénigne – en plus d’être constamment mitigée. Le commentaire pseudo-épistolaire de la « vieille » Marianne, la comtesse de ***, se superpose sans cesse à la coupe pour en atténuer les effets. C’est ainsi que, après les coups frappés à la porte de la lingère, la narratrice précise, au bénéfice de sa correspondante :
Nous verrons qui c’était dans la suite ; c’est ici que mes aventures vont devenir nombreuses et intéressantes : je n’ai pas encore deux jours à demeurer chez Mme Dutour, et je vous promets aussi moins de réflexions, si elles vous fâchent. (Marivaux 1731–1742, IIe partie, pp. 100-101)
Et ce sont ces dernières paroles qui fournissent à la « Deuxième partie » sa véritable conclusion. Au moment même où la comtesse appâte son lecteur en lui promettant successivement la résolution de l’énigme (« Nous verrons qui c’était ») et le caractère captivant de ce qui reste à venir (« mes aventures vont devenir nombreuses et intéressantes »), elle sabote la technique qui lui permettrait de lier son lectorat plus efficacement qu’une simple annonce publicitaire. L’affirmation d’un développement potentiellement heureux (ces « deux jours » qui restent au séjour de Marianne chez la Dutour) participe à un effet général de déflation suspensive, auquel contribuent aussi les commentaires narratoriaux – la glose amusée de la comtesse sur sa jeunesse tourmentée –, ainsi que la présence même du nom de cette comtesse dans le sous-titre, qui fait de la réussite sociale de l’héroïne un donné du roman (selon la même logique qui amènera Marivaux à intituler l’autre grand roman de sa maturité Le Paysan parvenu, ne laissant subsister aucun doute sur l’issue du parcours social de Jacob). La Vie de Marianne, à bien des égards le parangon du régime périodique des années 1730, propose donc un suspense tour à tour léger et constamment atténué ; cette forme tempérée du procédé n’en révèle pas moins une conscience de plus en plus affirmée des risques de l’intervalle. Le modèle baroque de la fin de livraison blanche est désormais affiné par le développement de procédures spécifiques de fixation et de relance de la tension. On considèrera maintenant trois de ces techniques, en ordre croissant d’intensité – passant, donc, de la plus anodine à la plus trépidante.
1. Un effet d’apnée suspensive est d’emblée obtenu lorsque la livraison s’interrompt au moment où un récit est sur le point de reprendre ou de commencer. Le narrateur intradiégétique prend son souffle, il s’apprête à parler – le lecteur est dès lors (sus)pendu à ses lèvres, en attente de cette narration qu’on lui présente comme toute prochaine, en dépit du vide qui s’ouvre aussitôt. La VIIIe partie de Marianne s’arrête par exemple alors que va s’ouvrir le récit de la religieuse Tervire, régulièrement annoncé depuis la fin de la IVe :
Quoi ! vous faire religieuse ! s’écria-t-elle. […] Une autre que moi […] applaudirait tout d’un coup à votre idée ; mais comme je puis encore passer une heure avec vous, je suis d’avis, avant que de vous répondre, de vous faire un petit récit des accidents de ma vie ; vous en serez plus éclairée sur votre situation ; et si vous persistez à vouloir être religieuse, du moins saurez-vous mieux la valeur de l’engagement que vous prendrez. Après ces mots, voici comment elle commença, ou plutôt voici ce qu’elle nous dira dans l’autre partie. (Marivaux 1731–1742, VIIIe partie, p 425-426; Voir aussi d’autres exemples: Anonyme 1737–1742; Fieux, Charles de, chevalier de Mouhy 1735–1737, 17351738)
Pour apprécier l’efficacité d’un tel procédé, on doit d’abord tenir compte de l’amour des lecteurs de romans du XVIIIe siècle pour la multiplication et la prolifération des récits – cet amour que j’ai, ailleurs, proposé d’appeler la narratophilie [@dionne_ugo_voie_2008; pp. 105, 318]. Sous l’Ancien Régime, l’annonce d’une nouvelle histoire est donc la promesse d’un renouvellement de la jouissance narratophilique ; différer le début ou la poursuite d’un récit, c’est déjà mettre le lecteur dans un état d’attente tout à la fois gloutonne et mesurée ; c’est mettre le roman lui-même sous tension, réduisant d’autant la menace d’un intervalle qui tient alors plutôt de la pause (prolongée) que de l’abîme vertigineux.
On doit aussi tenir compte, au moment d’apprécier l’intensité du procédé, du déplacement qu’il opère par rapport à la pratique immédiatement antérieure. Dans le roman du XVIIe siècle, les fins de livraison accueillaient plus volontiers la fin des récits que leur début3 ; récit et livraison formaient de la sorte un bloc relativement compact, et la pause du texte correspondait au relâchement qui suit une narration accomplie. Or, au lieu de coïncider, la « partie » et le récit sont désormais décalés ; la fin de livraison annonce la narration, au lieu de constater son achèvement. Ce décalage peut être considéré comme un nouveau signe de la conscience interstitielle, de plus en plus préoccupée par l’obstacle que pose l’intervalle au déroulement homogène du roman.
2. Un suspense indirect peut aussi être distillé par le ton alarmant qu’adopte le narrateur, en toute fin de tome ou de partie. Ce qui crée la tension, ce n’est pas encore ici la situation hasardeuse où les personnages se trouvent plongés ; l’angoisse est plutôt suscitée par une remarque de mauvais augure, plus ou moins allusive, mais suffisamment explicite pour amener le lecteur à se projeter, inquiet, vers la suite du texte. De ces annonces comminatoires, je ne donnerai qu’un exemple, qui suffira sans doute à faire comprendre le fonctionnement du procédé. À la fin du quatrième tome de Cleveland (1732), le narrateur de Prévost évoque proleptiquement les renversements de fortune qui, dans la suite du roman, le feront passer du malheur au bonheur, et vice-versa ; il promet une (double) dose d’émotions fortes, tout en maintenant le plus grand secret sur le contenu des épisodes à venir :
Moi seul, misérable rebut de la fortune, j'étais destiné, après tant de malheurs et d'agitations douloureuses, destiné sans le prévoir et sans l'espérer, à des retours de joie et de félicité dont je ne me croyais plus capable par idée même et par imagination. Mais il devait encore en coûter extrêmement à mon cœur avant que de les obtenir ; et par la disposition ordinaire de mon sort, je devais les payer bien cher après les avoir possédés quelques moments4. (Prévost, Antoine-François 1731–1739, liv. VII, p. 608)
3. Mais le roman des années 1730 expérimente surtout une forme relativement inédite de suspense direct, où les fins de livraison se transforment en points de tension maximale. Prévost clôt par exemple la 1ère partie du Doyen de Killerine (1735–1740) par l’arrestation de Patrice, le frère du doyen. Le thème de l’emprisonnement est aussi exploité par l’auteur anonyme de La Fille errante, dont la 4e partie (1737–1742) montre l’héroïne successivement dévalisée par des brigands, puis emmenée au Châtelet par l’escouade du Guet, à laquelle elle a eu l’audacieuse idée de demander secours. Le narrateur du Solitaire espagnol, accourant à des « cris lugubres », aperçoit pour sa part un scélérat s’enfuir à cheval après avoir poignardé sa victime :
Je me disposais à écouter un récit dont il me tardoit d’apprendre les circonstances, lorsque nous entendîmes les cris lugubres d’une personne qui paroissoit être en danger. Je courus avec précipitation, pour tacher de sécourir celui qui imploroit mon assistance ; mais ô Dieu! quelle fut ma douleur, en voïant le perfide Dom Fabrice, qui ne faisoit que de remonter à cheval, & qui se sauvoit à toute bride, & en trouvant l’infortunée Donna Laura, qui percée de plusieurs coups ne donnoit plus aucun signe de vie. (Anonyme 1738–1740, le partie, pp. 399-400)
Il est cependant un romancier qui cultive le suspense de façon à la fois plus systématique et plus immodérée que l’ensemble de ses contemporains : il s’agit du chevalier de Mouhy – qui est aussi celui des écrivains de l’époque qui (r)appelle le plus directement les auteurs « sériels » de l’âge médiatique. Mouhy produit énormément et rapidement (ce qui explique à la fois les banalités de son écriture et les excentricités, parfois aux bords du génie, qui y surgissent de façon plus ou moins régulière) ; il ne se gêne pas pour piller les grands succès romanesques du temps, dans ses intrigues comme dans ses intitulés (de La Paysanne parvenue aux Mémoires et aventures d’une fille de qualité qui ne s’est point retirée du monde) ; il explore des modalités inédites de la fiction, qui en font le (grand-) père du roman noir, du récit fantastique ou de la science-fiction ; il pratique la publication périodique avec un zèle mercantile digne d’un Féval ou d’un Dumas – menant parfois quatre, cinq, voire six romans de front, en plus de ses projets non-romanesques ; et il conclut régulièrement ses livraisons par le type même de chutes qu’on associe à la paralittérature et à la modernité.
Parfois, la coupe revêt chez Mouhy un caractère relativement mesuré – mais elle est alors marquée par une stridence absente chez ses confrères plus polis. Ainsi, les coups frappés à la fin de la première partie des Mémoires de Monsieur le marquis de Fieux (1735) le sont plus « rudement » que ceux de La Vie de Marianne, suscitant l’épouvante de la marquise avec qui le narrateur vient de lier connaissance ; même manège dans la 2e partie (1736), où les topoï de la fin du jour et de l’arrivée impromptue sont dotés d’une charge menaçante, qui tranche avec leur emploi habituel. Un geste aussi insignifiant que l’ouverture d’une lettre (dont le contenu ne sera divulgué qu’à la partie suivante) peut provoquer la « surprise » (La Paysanne parvenue ; 1735–1737, Ve partie), ou la terreur (La Vie de Chimène de Spinelli ; 1737–1738, IVe partie) du personnage à qui elle est adressée.
Ailleurs, les « chutes » de Mouhy renvoient au feuilletonesque le plus débridé. Dès la première partie de La Paysanne parvenue, Jeannette échappe de justesse à un enlèvement, puis « [tombe] sans connaissance au pied d’un arbre (1735–1737, 69) » après avoir entendu des coups de feu. Laissé à l’article de la mort à la fin du 1er livre (1735), le narrateur des Mémoires posthumes du comte de DB est ensuite enfermé dans un souterrain gothique (IIe partie, 1737) ; dans le même roman (et le même souterrain), un autre personnage est assailli par un « grand corps décharné » (IIIe partie, 1737) dont l’aspect cadavérique ne peut manquer d’évoquer, pour le lecteur ou le spectateur moderne, une version Louis-Quinze du motif du mort-vivant. Un des narrateurs de Paris, ou Le Mentor à la mode est attaqué, à la fin du 1er livre (1735), par un serpent gigantesque ; ce roman inachevé s’interrompt par ailleurs sur une scène particulièrement anxiogène, alors qu’une jeune fille voit apparaître, par une porte entrouverte, « une main […] à laquelle [pend] un poignard sans fourreau. » (IIIe partie, 1737, p. 141) L’étrange Lamekis, ou les Voyages extraordinaires d’un Égyptien dans la terre intérieure propose des thèmes de clôtures proportionnels à son extravagance : navire échoué dans un arbre géant (Ière partie, 1735), attaque de cruels hommes-vers de terre (IIe partie, 1736), héros s’enfuyant en s’accrochant aux pattes d’un aiglon (VIIe partie, 1738)… Dans un ouvrage plus tardif, Les Délices du sentiment, la chute est toujour présente : quand la 5e partie (1754) s’interrompt, le poignard levé par une servante perfide va s’abattre sur sa maîtresse, une princesse orientale au bord de l’évanouissement.
Chez Mouhy, le suspense peut intervenir concurremment dans différentes strates narratives, comme en conclusion de la 1ère partie de La Vie de Chimène de Spinelli (1737). Au niveau métadiégétique (celui de l’histoire insérée, assumée par un personnage qu’on ne connaîtra jamais que sous le nom de l’« ennemi des femmes »), une espèce de spectre pénètre dans la chambre du narrateur – la frayeur de ce dernier étant quelque peu mitigée par le commentaire final, qui laisse penser que le reste du récit tirera plutôt vers la galanterie que vers la frayeur. Au niveau intradiégétique (celui de l’intrigue principale), des étrangers apparaîssent les armes à la main dans la chambre où le récit est conté, installant un mystère qui ne pourra être résolu que dans la partie suivante, par l’ouverture d’une nouvelle histoire – retardant de plusieurs centaines de pages la suite de celle du misogyne et de son fantôme. Mouhy est même déjà assez maître du procédé, assez conscient de ses ressources et de sa nécessité, pour l’employer à l’occasion de façon parfaitement arbitraire, dans le seul but d’injecter à son roman un stimulant artificiel. Ainsi, dans les derniers paragraphes du Xe livre de La Paysanne parvenue, un aveugle patibulaire surgit dans les appartements de Jeannette, dont il se prétend le mari (p. 380-381) ; il s’agit en fait d’un simple quiproquo, désamorcé au tout début de la 11e livraison. Cette liquidation presque simultanée n’empêche cependant pas la chute de produire son effet ; que la tension soit un trompe-l’œil ou qu’elle s’étaye sur les données essentielles de l’histoire, elle permet toujours d’empêcher que le récit ne sombre au fond de l’abîme intercalaire.
La peur de l’intervalle amène donc le roman périodique du XVIIIe siècle à développer pour ses propres fins un type de conclusion d’unité qui lui survivra, et se diffusera (en s’amplifiant) dans ce qu’on est bien forcé d’appeler le roman non-périodique. Il est symptomatique que les chutes de L’Aventurier françois, avec leurs explosions, leurs séismes ou leur narrateur expirant sous les yeux du lecteur, interviennent en général à l’intérieur d’un volume, et non entre un tome et le suivant. Quoi qu’il en soit, dès l’Ancien Régime – dès les années 1730, sinon dès les années 1650 –, les chutes remplissent déjà le rôle qui sera le leur aux XIXe et XXe siècles. En captivant le lecteur, elles facilitent son attente, elles l’amènent à désirer la suite – et parviennent ainsi à unifier le roman, par-delà les failles de l’espace et du temps.
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M. Letourneux distingue une sérialité interne (où « l’œuvre se [décompose] suivant un principe sériel : c’est le cas du feuilleton et de certains ensembles romanesques fondés sur une unité polytextuelle forte ») et une sérialité externe (dans laquelle « l’œuvre [est] un élément d’un ensemble sériel plus large composé d’un certain nombre d’autres œuvres ») (2017, 34). A priori, tous les ouvrages que je regroupe sous le chapeau du « roman différé » relèvent du premier cas de figure, même s’il est à l’occasion difficile de le distinguer clairement du second.↩
Cet usage de Mlle de Scudéry est du reste présent dès Cyrus, dont plusieurs fins de tomes sont marqués par une hausse de la tension ; voir notamment la clôture des tomes III (1650 : Cyrus s’enfonce dans la forêt), VII (1651 : où Mandane, « sans prévoir le malheur qui la mena[ce], ach[ève] de s’habiller », p. 771-772), VIII (1652 : révélation promise, remise à l’attaque du tome suivant) et IX (1653 : menace à Cyrus).↩
Par exemple : La Calprenède, Cassandre (1642-1645), IIe partie, et Cléopâtre (1646-1658), IIIe, VIe et VIIIe parties ; Georges de Scudéry, Ibrahim, ou l’Illustre Bassa (1651), IIe partie.↩
Voir aussi : Prévost, Antoine-François (1735–1740) ; Prévost, Antoine-François (1728–1731) ; Du Castre d’Auvigny, Jean (1735) ; Anonyme (1735–1736) ; Grandvoinet de Verrière, Jules-Claude (1735–1736) ; Fieux, Charles de, chevalier de Mouhy (1735–1737); Saumery, Pierre Lambert de (s. d.) ; Saumery, Pierre Lambert de (1744); Anonyme (1737–1742).↩