« The medium is the message »
Il serait possible d’affirmer que la phrase mythique de Marshall McLuhan, « the medium is the message », représente l’accomplissement d’une très longue série de réflexions qui nous aident à mieux comprendre la condition humaine, puisqu’elle nous permet de placer l’Être dans un contexte technologique précis. « The medium is the message », comme nous le dit McLuhan, parce qu’il façonne et contrôle l’ampleur et la forme de l’association et de l’action humaine. « The medium is the message » parce que c’est le médium qui influence notre perception du temps, notre perception de l’espace, notre perception sensorielle (McLuhan 1994, 7). Cependant, ce phénomène complexe, qui se matérialise dans la simplicité de la phrase de McLuhan, a toujours été présent dans les réflexions philosophiques, notamment lorsqu’elles sont en relation directe avec l’expression artistique. Considérons, par exemple, les études d’Erwin Panofsky qui, en analysant la technique de la perspective remarque qu’elle traduit l’espace psychologique et physiologique dans un espace mathématique, et ce faisant, elle établit un système complexe : elle établit un empire de la vision, une Weltanschauung (Panofsky 2009, 31). En effet, la technique idée par Leon Battista Alberti n’a jamais représenté un simple enregistrement de l’expérience visuelle. Comme analysé par Panofsky, la perspective d’Alberti peut être interprétée comme un médium visuel qui traduit la nature dans la langue de toute une période historique. Il serait possible d’affirmer que l’introduction de la perspective a initié une période où on a commencé à voir – et en conséquence à construire – l’objet à travers cette systématisation géométrico-mathématique. Ce n’est pas par hasard qu’Albrecht Dürer (2013), dans la tentative de saisir le champ sémantique du vocable perspective, décrivait cette technique dans ces mots : « Perspective est un mot latin qui signifie voir à travers1 ». En effet, la perspective est un processus par lequel le sujet « voit à travers » une technique, et en conséquence, elle finit par systématiser la perception et, ce faisant, place l’objet représenté dans l’espace de l’illusion à trois dimensions.
Pour André Bazin (2008, 12) cette systématisation de la perception, incarnée dans la technique de la perspective, représentait « […] le péché originel de la peinture occidentale ». La faute de l’expression artistique occidentale se manifestait dans le déséquilibre généré par la perspective, un déséquilibre qui amenait l’expression artistique à imiter, de façon soi-disant objective, le monde extérieur au détriment de ce que Bazin appelait la « réalité spirituelle ». En d’autres termes, ce qui avait maudit l’expression artistique c’était le fait d’avoir écarté la « réalité spirituelle » au profit d’une représentation « objective » de l’objet, une représentation qui ne pouvait réussir dans son but qu’à travers la réduction – ou bien l’exclusion – de l’intervention humaine dans le processus de représentation picturale. Ce qui se trouve en amont du phénomène remarqué par Bazin est le fait que, une fois la systématisation de la représentation picturale initiée par la perspective, puis potentialisée par l’introduction de la camera obscura2 dans la pratique artistique, la perception sensorielle – et donc la perception de l’objet – a changé de façon collective et irréversible. La quête de développement d’un mécanisme de représentation objective, qui a priori devait exclure l’intervention humaine du processus de représentation picturale, a en effet construit, à travers la pure illusion des formes, le royaume du trompe-l’œil. Et, comme il a été affirmé par Bazin (2008, 11), ce trompe-l’œil n’était autre chose qu’un « trompe-l’esprit ». Toutefois, le fruit du péché, le trompe-l’esprit, ne s’identifierait pas avec l’apaisement du besoin de créer une illusion parfaite, mais avec le fait de croire que, à ce point, la perception pouvait exister en dehors du regard introduit par la perspective.
En accomplissant le rêve de la Renaissance, à partir du moment où on a systématisé la représentation picturale, les objets naturels ont commencé à être perçus comme des représentations, et les représentations s’échangeaient avec l’objet. Ce phénomène d’échange, comme remarqué par Patrick Aidan Heelan, incarne non seulement le rêve de la Renaissance mais aussi, pour utiliser la formule de McLuhan, le message de cette technique. En effet, selon Heelan (1988, 102), la perspective incarne un système qui se construit sur le but de confondre l’objet réel avec sa représentation picturale3.
La technique de la perspective a donc accompli l’échange entre l’objet et sa représentation et, en systématisant le processus de reproduction picturale, a créé un nouveau regard capable de reconstruire, à travers des lignes sur deux dimensions, des objets qui développent leur existence dans les trois dimensions de l’espace physique. En conséquence, la perspective détermine la naissance d’un regard qui a changé à jamais la relation sujet-objet, et donc la façon de percevoir et de représenter l’objet. En outre, la perspective marque la naissance d’un regard qui se construit par le biais d’une nouvelle relation avec la technologie. En effet, le développement, la systématisation et la popularisation de la technique de la perspective ont très rapidement généré le besoin de mécaniser le processus de reproduction picturale, et donc de marginaliser l’intervention humaine dans la construction des images. Plus précisément, l’analyse physiologique du mécanisme de la vision en termes géométriques, et la subséquente externalisation de ce mécanisme à travers la systématisation de la perspective, ont engendré non seulement une transformation collective de la perception, mais aussi le besoin de développer un instrument capable de produire et reproduire des images mécaniquement.
D’une part l’introduction de la technologie de la chambre noire dans la pratique de reproduction des images, et d’autre part l’introduction du processus chimique de fixation de l’image réussi par Nicéphore Niépce en 1826 sont à la base de la progressive exclusion de l’humain du processus de représentation pictural (Gernsheim 1955). Il serait possible d’affirmer que le développement de la technologie photo-chimique de reproduction des images a définitivement généré un autre regard. Comme il a été remarqué par Walter Benjamin dans son texte fondamental L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique de 1936, chaque changement historique, qui est strictement lié à un changement technologique précis, génère un changement collectif de la perception (Sinneswahrnehmung). En d’autres termes, chaque changement historique est un changement technologique qui génère un nouveau regard (2002). En ce qui concerne la chambre noire, on pourrait placer la naissance d’un nouveau regard – un regard qui va influencer l’expérience humaine pendant plus d’un siècle (Casetti 2015) – à Saint-Loup-de-Varennes, précisément dans la maison de Niépce, où, pendant l’été 1826, il a réussi à fixer une image à travers un procédé photochimique.
Comme il semble émerger de ce que nous venons d’observer, l’empire de la vision, mis en évidence par Panofsky dans son analyse de la perspective, et les transformations de l’activité sensorielle, analysées par Benjamin dans le cadre de la reproduction mécanique, trouvent comme terrain commun la notion de médium telle que décrite par McLuhan : le médium est le message parce que c’est sur lui que se construit une conception du monde (Weltanschauung) qui dirige toute performativité, toute praxis, toute activité cognitive. Martin Heidegger (2000, 1977) nous mettait en garde sur ce phénomène dans ses travaux ayant comme objet la question de la technologie. En effet, en définissant la technologie comme Das Gestell, que l’on pourrait traduire par dispositif, Heidegger met en lumière la façon dont la technologie exerce des forces qui finissent par déterminer la présence du sujet. Loin d’être une entité passive, la technologie, selon Heidegger (1994), régule la façon dont le monde apparaît au sujet, comme il l’a décrété dans cette phrase tranchante : « Le dispositif ensuite définit la façon dont tout ce qui est présent maintenant fait présence4 ».
Une telle force rend le sujet incapable de reconnaître et donc de comprendre l’influence que les technologies ont sur son expérience quotidienne5. En étant ce qui détermine la présence de chaque objet, et même la construction de l’objet, une telle force règle la façon dont le monde apparaît au sujet, et finit par imposer un regard.
La notion de regard sous l’influence des avancées technologiques
En suivant le chemin tracé par Anne Friedberg dans son ouvrage de 1994, Window Shopping. Cinema and the Postmodern, Hito Steyerl adopte l’expression « regard mobile » (Mobile Gaze) pour définir la transformation de la perception sensorielle provoquée par la technologie photographique. Cependant, Steyerl nous indique que ce regard mobile est désormais obsolète dans notre contexte technologique, un contexte profondément marqué par la technologie numérique. Pour Steyerl, le regard qui dérive de cette nouvelle technologie se caractérise par le fait d’être détaché de l’observateur et, en conséquence, par le fait d’être un regard plus inclusif, un regard tendant à englober la totalité. Dans les mots de Steyerl :
Avec l’invention de la photographie, les regards sont définitivement devenus mobiles et mécanisés, cependant les nouvelles technologies ont permis au regard observateur détaché de devenir toujours plus inclusif et omniscient, au point de devenir massivement intrusif – aussi militariste que pornographique, aussi intense que vaste, à la fois micro et macroscopique6. (2012, 24)
Steyerl met donc l’accent sur le passage d’un regard mobile – propre à la technologie photochimique – à un regard méta-subjectif, ceci généré par la technologie numérique. Ce faisant, elle indique que l’introduction et la popularisation d’une technologie déterminent une transformation de la perception. Steyerl rejoint donc Anne Friedberg (1994, 15) en affirmant que le regard mobile n’est que le produit direct de la vaste série d’appareils visant à étendre le champ de vision, qui ont été développés pendant le dix-neuvième siècle. Cependant, le concept de regard mobile n’arrive à décrire pleinement ni le regard développé par la photographie ni la complexité du regard qui se développe au sein de l’image en mouvement. Comme remarqué par Friedberg, ces technologies photochimiques accomplissent pleinement un autre regard, un regard qu’elle appelle « regard virtuel » (Virtual Gaze).
La virtualité du regard dériverait, selon Friedberg, de la convergence de tous les regards imposés par les divers médias et par les moyens de transport apparus à la fin du dix-neuvième et pendant le vingtième siècle. En outre, la virtualité du regard décrite par Friedberg serait le produit de l’ubiquité générée par la dissymétrie de la vision affectée par les nouvelles constructions de l’espace social. C’est-à-dire que le regard virtuel serait le produit d’une rupture de la condition naturelle voir - être vu, un phénomène mis en évidence par Michel Foucault, qui précisément par ce phénomène mettait en lumière l’établissement des sociétés disciplinaires, celles-ci culminant dans l’organisation architecturale du panoptique. En effet, le panoptique dissout la relation physique voir - être vu en octroyant la totalité de la vision à un point précis dans l’espace : la tour centrale. Cette rupture de la vision, dans l’analyse de Friedberg, présente quelques analogies avec le changement collectif de la perception mis en œuvre par la technologie photochimique de représentation picturale. Pourtant, dans le cas des médias visuels, à la différence de l’organisation spatiale mise en place par le panoptique, l’image photographique génère un nouveau regard en transformant profondément la relation stricte entre le présent et le réel (Bachelard 1992). Certainement, il s’agit d’une transformation déjà présente dans le regard imposé par la perspective. Dans le cas du cinéma, le phénomène de rupture que nous venons de mentionner devient encore plus évident. Le cinéma, dans une recherche frénétique d’un moyen de quitter le temps présent imposé par l’actualité de l’image cinématographique a réussi, à travers le montage, à articuler une diégèse en générant, dans un seul temps présent, des flashbacks et flashforwards. L’extension temporelle de l’image photochimique a projeté le regard mobile vers des regards qui vont au-delà de ce que l’on pourrait comprendre comme mobilité puisque, dans ce cas elle ne correspond plus à un déplacement dans l’espace physique. Pensons, par exemple, au champ-contre-champ ou aux effets temporels qui finissent par briser la nature même de l’image cinématographique, c’est-à-dire, son actualité.
De façon mystérieuse, l’image cinématographique, qui aurait dû correspondre à une composition euclidienne en tant qu’héritière directe de la camera obscura et donc en tant que produit d’une pure simulation de la perception naturelle, s’est montrée capable d’échapper aux impositions euclidiennes depuis son début. Développant des espaces non-euclidiens, l’image cinématographique place le sujet devant des espaces autres par rapport à ceux de sa perception naturelle. Il suffit de penser à un film comme Demolishing and Building Up the Star Theatre (1901) de Frederick Armitage, qui a été conçu comme témoignage de la démolition du Star Theatre de New York et qui documente, de façon complètement étrangère à la perception naturelle, la succession temporelle de la démolition du bâtiment historique. Ce film explicite la capacité du cinématographe de détruire le dogme de l’irréversibilité de la vie, sa capacité de désarticuler la nature, une capacité qui a été bien décrite par Jean Epstein :
Les chevaux planent au-dessus de l’obstacle : les plantes gesticulent ; les cristaux s’accouplent, se reproduisent, cicatrisent leurs plaies ; la lave rampe ; l’eau devient huile, gomme, pois arborescent ; l’homme acquiert la densité d’un nuage, la consistance d’une vapeur ; il est un pur animal gazeux, d’une grâce féline, d’une adresse simiesque. Tous les systèmes compartimentés de la nature se trouvent désarticulés, il ne reste plus qu’un règne : la vie. (1946, 6)
Cependant, le mystère que l’on voyait autour de la désarticulation de la nature n’était autre chose que le symptôme d’une crise profonde, d’une transformation violente qui intéressait la société dans sa complexité et, en conséquence, la condition humaine elle-même. L’image de la désarticulation de la nature, qui se matérialisait dans la rupture du dogme de l’irréversibilité du temps mise en œuvre par le cinématographe, était l’image de la fin d’une pensée qui avait influencé directement la philosophie occidentale. Dès la célèbre projection du film Démolition d’un mur (1896) des frères Lumière, en passant par le déjà mentionné Demolishing and Building Up the Star Theatre (1901) et Napoléon (1927) d’Abel Gance, le regard virtuel, construit par le cinématographe, marque une rupture nette avec la compréhension de l’espace telle qu’elle avait été postulée par Euclide. De la même manière, le changement de regard introduit par l’image photographique, et notamment par l’image en mouvement, impliquait que l’espace était plus qu’une pure forme de sensibilité, contrairement à ce qu’Emmanuel Kant avait postulé dans Critique de la raison pure. Plus précisément, le regard virtuel, rendu possible puis imposé par l’image en mouvement, finissait par montrer que l’espace n’est pas une pure forme de sensibilité et qu’il peut se développer au-delà des trois dimensions caractérisant l’espace tel qu’il a été postulé par Euclide (Henderson 1983). Le regard virtuel, qui finit par se matérialiser dans l’image en mouvement, représente donc l’apogée d’un long processus de destruction de l’espace euclidien, un processus millénaire qui a commencé dès les premières traductions arabes des Éléments d’Euclide (Wolfe 1945 ; Gray 1989). En effet, à partir de ce moment on a commencé à mettre en doute la véracité du cinquième postulat, le célèbre postulat des parallèles ; et, ce faisant, plusieurs espaces alternatifs à ceux de la géométrie euclidienne ont dû se construire, afin de démontrer la véracité du postulat ou l’erreur d’Euclide, et ont commencé à peupler diverses disciplines. Pensons, par exemple aux études du Jésuite Girolamo Saccheri, ou à l’analysis situs de Gottfried Wilhelm Leibniz, un premier pas vers la topologie d’Henri Poincaré, des études qui ont contribué de façon fondamentale au développement des géométries non-euclidiennes, et en conséquence, à la construction d’une nouvelle compréhension de l’espace, de la perception et du regard.
Au-delà du modèle linguistique, au-delà du regard mobile, au-delà de la perception
L’image cinématographique a fait irruption sur la scène précisément dans un moment où diverses disciplines et formes d’expression artistique commençaient à populariser la notion d’un espace différent par rapport à l’espace théorisé par Euclide. Pensons au cubisme et à l’influence que la topologie de Poincaré a eu sur ce mouvement artistique (Henderson 1983). Pensons à la littérature de science-fiction, un genre qui a popularisé, à travers la notion de quatrième dimension, l’existence d’espaces différents par rapport à ceux perçus dans le quotidien. Pensons aussi au surréalisme et à sa relation avec la psychanalyse qui découvrait un espace intérieur, un espace caché, loin de la perception quotidienne. Il serait possible d’affirmer que l’intérêt de tous ces mouvements et courants de pensée visait exclusivement à comprendre la rupture violente dans une condition humaine qui s’était construite sur la mobilité physique du regard et dont la plus haute expression avait été atteinte par les technologies dans le champ des moyens de transport modernes. Cependant, à un certain moment, ce regard mobile, qui avait encouragé et rendu possible le développement des médias visuels – des Panoramas et du cinéma – ne pouvait plus se mouvoir dans l’espace comme il avait été conçu par le sujet du dix-neuvième siècle. En effet, le regard mobile présuppose, logiquement, un déplacement dans l’espace euclidien. Or, à partir d’un certain moment, cet espace ne peut plus correspondre à la perception d’un sujet qui s’était développé dans un contexte technologique où le mouvement n’était pas compris uniquement comme déplacement dans l’espace physique.
Alors, dépendant de l’influence de ce contexte technologique, le regard virtuel – incarné dans le champ-contrechamp cinématographique, dans l’ellipse temporelle qui se détache complètement de la construction théâtrale du récit – finit à son tour par témoigner de l’existence d’espaces non euclidiens, où l’espace n’est plus conçu comme un conteneur d’objets et de sujets, mais comme le produit de séries de relations entre objets et sujets7. Toutefois, sous l’influence du structuralisme, on a cherché, pendant quelques décennies, à trouver quelque forme de structure linguistique où il n’y avait que de l’espace. En d’autres termes, on a frénétiquement tenté de mettre en lumière la langue des images cinématiques, comme dans le cas des réflexions de Pier Paolo Pasolini (2000), qui voyait un Espéranto visuel où il n’y avait que de la géométrie. Plus précisément, on a cherché à imposer une grammaire sur un regard qui était devenu virtuel et qui se construisait principalement sur l’introduction et la consolidation du cinéma comme pratique sociale. Comme il l’a été remarqué par Gilles Deleuze :
La référence au modèle linguistique finit toujours par montrer que le cinéma est autre chose, et que, si c’est un langage, c’est un langage analogique ou de modulation. On peut dès lors croire que la référence au modèle linguistique est un détour dont il est souhaitable de se passer. (1990, 66‑81)
Deleuze évite ce détour en récupérant la compréhension du cinéma comme un médium capable de construire des espaces qui manifestent souvent une nature non-euclidienne. En outre, il récupère cette nature du cinéma en identifiant l’embryon de l’image en mouvement non pas dans la technologie photographique, mais dans la photographie instantanée ; non pas dans la plaque photosensible, mais dans la sérialité de la pellicule comme support (Deleuze 1983, 14). Deleuze se détache, en conséquence, de la vision qui enfermait ce médium dans la sphère de la représentation euclidienne, une représentation qui définit la reproduction du mouvement par la séquentialisation de poses, ou des coupes immobiles. La rupture conceptuelle proposée par Deleuze permet de prendre de la distance avec la compréhension de la narration cinématographique sous une forme linéaire et, en conséquence, finit par éloigner l’analyse du cinéma des analogies avec la langue en rapprochant ce medium, inévitablement, de sa nature originaire de pure organisation spatiale. C’est à partir de ce moment qu’on a commencé à trouver des analogies avec des espaces non euclidiens. Pensons, par exemple, au fait que Deleuze (1985, 169) considérait les espaces narratifs de Robert Bresson comme des espaces riemanniens et ceux d’Alain Resnais comme des espaces topologiques.
Si auparavant, sous l’influence structuraliste on avait prétendu enfermer l’acte narratif audiovisuel dans des fausses analogies avec les formes de la linguistique, formes qui s’épuisaient dans une relation entre le paradigme et le syntagme, grâce aux apports de Deleuze on a définitivement reconnu l’acte narratif dans le cinéma comme une organisation spatiale capable de construire des espaces multidimensionnels, des espaces qui se déploient au-delà de l’axe paradigme-syntagme.
Rappelons-nous en effet que les analogies avec la linguistique avaient enfermé l’acte narratif audiovisuel dans une relation entre un paradigme, désignant les objets in absentia, et un syntagme, ce dernier dénotant les éléments in praesentia. Le syntagme représentait une ligne qui se structurait à travers des règles précises (dans le cas de la linguistique, des règles grammaticales, la syntaxe, etc.). Dans le cas de l’image en mouvement, ces règles – qui d’ailleurs nient la nature expérimentale de la création de sens dans le cinéma – étaient identifiées, par analogie, avec des formes et des effets narratifs standardisés. Pour ne mentionner que quelques exemples, pensons au fondu enchaîné (compris par le spectateur comme ellipse temporelle) ou au fondu au noir (ellipse temporelle et spatiale). Il serait aussi possible d’inclure parmi ces effets certaines conventions qui imposaient des échelles précises au moment de changer de mesure de plan, toutes nommées par analogie linguistique8. Cependant, au-delà de l’influence de la linguistique, l’image cinématographique a commencé à être analysée à travers des termes empruntés à la géométrie, et donc, étrangers aux notions de « syntaxe », de « phonème » ou même de « morphème » proposées par l’approche structuraliste. Ce qui émerge de ce changement de terminologie c’est que la narration audiovisuelle n’est pas simplement une forme d’organisation spatiale, mais une forme d’organisation multidimensionnelle capable de déployer diverses espaces et temps diégétiques, capable de construire des espaces topologiques, des espaces qui se constituent par des mouvements et des relations entre des objets. En même temps, la mise en lumière de la nature multidimensionnelle de l’image en mouvement a eu pour conséquence de rendre inutilisable l’opposition paradigme versus syntagme dans l’analyse des mécanismes de création de sens de l’image en mouvement. La multidimensionnalité de l’espace cinématographique démontre en effet que la narration audiovisuelle est complètement étrangère à un ordre euclidien et se fonde sur des agencements de fragments et sur la construction du multiple, un multiple qui, comme le dit Deleuze, « […] n’est pas seulement ce qui a beaucoup de parties, mais ce qui est plié de beaucoup de façons » (1988, 5).
L’image composite : ou la création d’espaces topologiques
Comme nous venons de le mettre en lumière, la nature multidimensionnelle de l’image en mouvement rend inutilisable toute analyse se fondant sur la relation paradigme versus syntagme. D’ailleurs, si nous pensons à des constructions narratives complexes comme, par exemple, la célèbre scène du téléphone du film Il était une fois en Amérique (1984), réalisé par Sergio Leone, il serait en effet presque impossible de faire rentrer une construction d’une telle complexité dans les axes paradigmatique et syntagmatique. Dans cette scène – qui dure plus de quatre minutes – le téléphone, en étant hors-cadre, est en absence, donc sur l’axe paradigmatique. Cependant, il est également l’élément qui agence le multiple et, en conséquence, il se manifeste en même temps sur l’axe syntagmatique.
Ce type de complexité caractérise le cinéma d’après-guerre et pourrait être placée à l’origine de la redéfinition terminologique mise en œuvre par Deleuze. Et c’est précisément grâce à ce travail sur la terminologie que Deleuze nous a fourni un instrument d’analyse des espaces narratifs complexes, des espaces capables d’agencer plusieurs fragments et mouvements fractionnés dans des sous-structures. Pensons, par exemple, à la définition de cadrage proposée par Deleuze :
On appelle cadrage la détermination d’un système clos, relativement clos, qui comprend tout ce qui est présent dans l’image, décors, personnages, accessoires. Le cadre constitue donc un ensemble qui a un grand nombre de parties, c’est-à-dire d’éléments qui entrent eux-mêmes dans des sous-ensembles. (1983, 23)
Le cadrage est donc un système relativement clos, nous dit-il, parce que, comme il affirme, il y a toujours un hors-cadre qui vient rompre le syntagme, qui vient briser la succession linéaire et qui manifeste une composition spatiale multidimensionnelle qui se fonde sur des multiples. Umberto Eco nous dirait que ce n’est pas une rupture, mais qu’il s’agit d’une « ouverture » (apertura) et qu’elle est la caractéristique principale des narrations contemporaines.
Pour Eco, le premier symptôme de l’ouverture de la narration était la présence de faits non narratifs dans le syntagme. En conséquence, Eco (1962) voyait dans ce phénomène une externalisation du paradigme puisqu’on commençait à voir en syntagme des faits qui traditionnellement restaient sur l’axe paradigmatique. Néanmoins, Eco identifie aussi la source de ce phénomène dans un changement de perception exercé par l’introduction d’une nouvelle technologie. Selon Eco, dans le champ de l’audiovisuel, la rupture du syntagme est produite par l’introduction et la familiarisation avec la télévision en direct. En effet, un sujet familier avec la transmission télévisée en direct est exposé à des moments non-narratifs, à des temps morts qui pourtant font partie de la narration. Si nous l’analysons à travers le schéma hérité de la linguistique, cette forme narrative exerce une ouverture du syntagme puisque nous trouvons en syntagme des éléments précédemment placés en paradigme, c’est-à-dire délaissés en absentia.9 La pratique de la télévision en direct nous fait donc comprendre que nous ne sommes plus en face d’un acte narratif qui pourrait rentrer dans la relation classique établie entre le paradigme et le syntagme. En effet, dans la pratique de la transmission en direct, il est impossible de définir et isoler un paradigme puisque, dans ce type d’émission, le paradigme devient le chaos de la vie capable d’englober le tout. Le syntagme, à son tour, finit par se construire à travers l’improvisation. Le choix des événements dramatiques, qui avait représenté l’essence de l’acte narratif dès la Poétique d’Aristote, se voit donc complètement bouleversé par l’acte narratif dans la transmission en direct. Avant l’arrivée de la télévision en direct, l’acte narratif dans l’audiovisuel se construisait à travers la mise en place des éléments in praesentia, et ce dernier se développait à travers le choix des éléments qui restaient in absentia. Pourtant, si l’on appliquait ce type de lecture à l’acte narratif dans la transmission audiovisuelle en direct l’on devrait affirmer non seulement que le choix se construit sur la pure improvisation mais surtout que dans ce cas l’espace des éléments in praesentia se déplace en permanence pour tenter d’attraper un continuum, une progression fortuite, et lui donner une forme narrative. Par conséquent, si les analogies avec les mécanismes de la langue avaient amené à comprendre la séquence des images comme une ligne figurant dans le syntagme, la pratique de la transmission en direct, en exerçant la rupture, ou ouverture, décrite par Eco, représente un autre type de ligne. Par analogie avec les géométries non-euclidiennes, il serait possible de décrire la ligne brisé (ou plié, pour le dire comme Deleuze) de la télévision en direct à travers la Ligne ou Courbe de Koch. Cette ligne, qui est une figure géométrique non-euclidienne, accepte un point d’inflexion à n’importe quel endroit. La courbe de Koch est infinie, comme l’ensemble des possibilités offertes par le chaos de la transmission en direct. En effet, « elle passe par un nombre infini de points anguleux et n’admet de tangente en aucun de ces points, elle enveloppe un monde infiniment spongieux ou caverneux, elle constitue plus qu’une ligne et moins qu’une surface » (Deleuze 1988, 23).
À travers l’ouverture théorisée par Eco, la narration audiovisuelle a commencé à concevoir le spectateur dans l’espace des éléments in absentia et, en conséquence, le spectateur est progressivement devenu une entité active dans la construction de la narration. Ce phénomène, déjà remarqué par Eco dans les années soixante, s’est fortement accentué avec l’introduction et la popularisation de la technologie numérique dans la production audiovisuelle. En effet, la force de dématérialisation des supports qui caractérise cette technologie a progressivement transformé le spectateur (désormais un usager) en une entité qui parcourt librement ce qui auparavant était compris comme le paradigme, désormais, un paradigme multidimensionnel composé par divers médias convergents ; un paradigme qui articule plusieurs temps diégétiques. À l’aube du millénaire, la terminologie informatique devait faire irruption pour nous aider à mieux comprendre les mécanismes de création de sens dans un médium qui très rapidement est devenu le terrain où plusieurs médias convergeaient et s’agençaient. À partir de la théorisation de Lev Manovich (2010), le paradigme commence donc à être compris comme « base de données » et le syntagme comme « interface », des termes empruntés à l’informatique et à travers lesquels il est possible de comprendre la narration audiovisuelle comme une forme d’organisation d’un espace multidimensionnel qui est librement parcouru par le spectateur.
En suivant ce cadre théorique, il serait possible d’identifier l’émergence du regard englobant qui va au-delà du regard virtuel, le regard vertical identifié par Steyerl, dans la rupture du syntagme (désormais compris comme interface) exercé en premier lieu par la technologie vidéo-analogique et définitivement accomplie par la technologie numérique. La rupture de l’interface, comme nous avons pu le voir, a, d’un côté, spatialisé la narration, et donc a transformé le spectateur en un flâneur d’images, un flâneur des bases des données en création continue. D’un autre côté, elle a commencé à générer des espaces non-euclidiens qui devaient s’assembler sous forme composite puisque multidimensionnels et complexes. Les images composites commençaient à devenir une nécessité narrative pour un sujet établissant quotidiennement des liens hypertextuels entre différents médias. À ce point, la narration audiovisuelle devait répondre à ce nouveau regard qui, comme nous l’avons vu, se déplace à travers la base de données, qui n’est autre chose qu’un espace de nature topologique sans coordonnées et en constante génération. La base de données est donc un espace qui se construit par le biais des mouvements des éléments qui se mettent en relation et qui créent des agencements complexes capables de manifester plusieurs temps diégétiques et plusieurs mécanismes de créations de sens provenant de différents médias10.
Cependant, dans l’image composite se dissout le concept d’image. En effet, le terme n’est plus en accord avec son étymologie. L’image n’est plus ombre, elle n’est plus mimesis de l’objet. Elle n’est plus re-présentation d’un objet absent. Plus qu’une image, l’image composite est la manifestation directe de la nature non-euclidienne de tous les regards qui se sont développés depuis le regard mobile. Comme remarqué par Deleuze, dans les années quatre-vingt du siècle dernier, l’image dans notre contexte technologique n’est plus une image, et l’écran, à son tour, se transforme en une table d’information. Loin de la technique idée d’Alberti, l’image composite nous montre que ce que nous appelons image ne répond plus à un ordre euclidien puisqu’elle peut contenir une infinité d’images aussi bien que de textes, de sons, d’informations. Dans notre ère numérique, l’image composite nous montre que le tout peut être dans la partie. Elle nous montre que dans le simple pixel il peut se trouver une quantité infinie d’informations, ce qui présente des claires analogies avec le Tapis de Sierpinski, un prototype fractal capable de contenir toutes les figures géométriques. En d’autres mots, le Tapis de Sierpinski est une base de données de toutes les figures topologiques. Cette surface est infinie parce que infinis sont ses trous. Son aire ne peux pas être mesurée : elle n’en a pas. Son aire est un continuum, est un tout, est une convergence de tout.
Alors, il ne nous reste qu’à accepter que les images composites sont la manifestation d’un regard capable de plier et déplier toute perspective, tout espace. Elles sont l’expression d’un regard qui potentiellement englobe la totalité et, comme le montre le Tapis de Sierpinski, agence un continuum capable de s’étendre à l’infini. Comme des objets fractals, les images composites ne représentent ni des états ni des figures, elles sont des processus capables de créer des espaces ouverts qui se construisent sous forme collective.
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« Item Perspectiva ist ein lateinisch Wort, bedeutt ein Durchsehung. » (traduit par nos soins)↩
Sur le processus qui a introduit la camera obscura dans la pratique artistique voir Aaron Scharf (1990), Art and Photography. Et Helmut Gernsheim (1955), The History of Photography. From the Earliest Use of the Camera Obscura in the Elenveth Century up to 1914.↩
« A perspective system always implies the notion that reality is pictorial, and sets the goal of image making to be congruence between pictorial object as perceived and the same as pictured ; all alike constructed out of a repertory of basic pictorial forms » (Heelan 1988, 102).↩
« Das Ge-Stell stellt dann die Weise, wie jedes Anwesende jetzt anwest »(traduit par nos soins). ↩
Regis Debray (1991, 201) met en lumière un phénomène analogue dans le champ des technologies des médias. En effet, il remarque que l’évolution technologique passe toujours inaperçue.↩
« Gazes already became decisively mobile and mechanized with the invention of photography, but new technologies have enabled the detached observant gaze to become ever more inclusive and all-knowing to the point of becoming massively intrusive-as militaristic as it is pornographic, as intense as extensive, both micro- and macroscopic. » ↩
Sur cette nouvelle compréhension de l’espace, voir Michel Foucault (1984) et German A. Duarte (2017).↩
Il est important de remarquer que nous ne faisons pas référence aux règles qui déterminent un effet de continuité spatio-temporelle sur lesquelles se fonde l’intelligibilité de l’image. Pensons, par exemple, à la règle de 180 degrés ou de 30 degrés.↩
Pour Eco, un exemple de ce phénomène est l’œuvre d’Antonioni, notamment L’Eclipse (1962). ↩
Pensons, par exemple, à The Pillow Book (1996) de Peter Greenaway, un film qui se construit sur l’externalisation de la base de données, et qui agence un espace narratif en créant une superposition des perspectives et des temps diégétiques. Pensons, aussi aux plus récentes expériences narratives qui commencent à intégrer et à developper une logique numérique. Nous pensons aux phénomènes narratifs dans le cinéma comme le Hyperlink Cinema – théorisé par Sobchack – le cinéma néobaroque de Cubitt, ou le Puzzle film théorisé par Buckland, phénomènes de la fin des années 90 et du début du millénaire.↩