Démocratie « directe » 1 , démocratie « représentative » 2 , démocratie « participative », démocratie « délibérative » 3 , démocratie « continue » 4 , une série d’adjectifs s’est accumulée ces dernières années pour venir bouleverser l’opposition trop commode entre démocratie représentative et démocratie directe souvent présentée comme une querelle des Anciens et des Modernes. Dans un monde où la demande sociale s’est complexifiée, il devient difficile de poser la question de la démocratie d’un point de vue normatif si ce n’est en se raccrochant à une définition générique et aux imaginaires politiques qui ont produit cette définition (la démocratie est le pouvoir d’un collectif 5 , ce qui signifie que ce collectif ou cet ensemble social doit être délimité). Ainsi se pose d’emblée la question de l’espace de la démocratie, de son lieu. La démocratie est localisée avant d’être diffusée : il ne s’agit pas de minorer l’expérience démocratique en la particularisant à outrance, mais au contraire de comprendre les conditions de son apparition, de ses modifications et de sa résurgence dans des sociétés différentes. Qu’entend-on par démocratie locale ? Quels sont les espaces convoqués et les instruments qui favorisent son émergence ? Le philosophe se doit de collaborer avec le sociologue pour façonner non pas seulement une théorie démocratique relevant de l’histoire des idées, mais aussi une théorie des instruments démocratiques proche de l’histoire sociale et politique. De facto, on peut examiner plus précisément l’imaginaire politique qui sous-tend l’institutionnalisation des procédures démocratiques. L’histoire de la démocratie peut être ainsi vue sous l’angle d’une réflexion sur les instruments qui sont les plus adéquats à l’expression d’une volonté populaire. Par conséquent, l’association naturelle existant entre démocratie et commune peut être réinterprétée via la promotion d’outils participatifs.
J’aimerais esquisser les contours de la démocratie locale à partir d’une réflexion ternaire, d’une part en identifiant les origines de cette démocratie locale solidaire d’une certaine forme d’autonomie (territoriale et politique), d’autre part en recensant brièvement les instruments qui ont favorisé la mutation de ce concept pour enfin poser la question de la temporalité démocratique. Qu’est-ce que le temps démocratique, quel est l’agenda politique qui se dessine lorsque l’on étudie les instruments favorisant l’émergence d’un espace public local ?
La démocratie est avant tout « locale »
Le paradoxe de la démocratie est qu’elle est une forme politique contingente et particulière, avant d’être saisie comme une forme universalisable. Il faut donc restituer à bon escient les caractéristiques de cette origine locale, pour pouvoir comprendre comment elle a subi des mutations profondes. La problématique de la démocratie locale est formulée de la manière la plus radicale au 5e siècle avant Jésus-Christ 6 , dans un discours de Périclès rapporté par Thucydide, même si l’on peut discuter de l’origine de la datation et évoquer la préhistoire de la démocratie (en fait dès le 8e siècle av J.C., on trouve déjà des textes qui définissent le cadre démocratique sans que le terme apparaisse).
« Notre constitution n’a rien à envier aux lois des autres : elle est un modèle et n’imite pas. Elle s’appelle démocratie parce qu’elle oeuvre pour le plus grand nombre et non pour une minorité. Tous participent également aux lois concernant les affaires publiques, c’est la valeur seule qui introduit des distinctions et les honneurs vont plus aux mérites qu’à la fortune. Ni la pauvreté, ni l’obscurité n’empêchent un citoyen capable de servir la cité. Etant libre dans ce qui concerne la vie publique, nous le sommes également dans les relations quotidiennes. Chacun peut se livrer à ses plaisirs sans encourir de blâme ou des regards blessants, quand même ils ne causent pas de mal. Malgré cette tolérance dans notre vie privée, nous nous efforçons de ne rien faire d’illégal dans notre vie publique. Nous demeurons soumis aux magistrats et aux lois, surtout à celles qui protègent contre l’injustice et à celles qui pour n’être pas écrites n’en apportent pas moins la honte à ceux qui les transgressent. » 7
Quelques remarques s’imposent à propos de ce texte anthologique de la démocratie. D’une part, la liberté publique est radicalement différente de la vie privée, elle implique une exigence forte de participation et d’intérêt pour les affaires publiques. Tout citoyen doit être amené à gérer les affaires collectives. L’homme se réalise en tant qu’homme à travers sa citoyenneté et l’usage de ses droits civiques. Il n’existe alors pas de critère de distinction politique des classes sociales, et les lois adoptées se font la plupart du temps oralement. D’autre part, on peut également noter la place importante du magistrat, puisqu’il existe en réalité une délégation minimale des tâches politiques aux magistrats qui font respecter la loi. Venons-en à la participation proprement dite : mise à part l’exclusion des femmes, des enfants et des esclaves, on a pu quantifier relativement la participation politique des citoyens athéniens. En effet, les séances de l’ecclésia avaient lieu sur la colline de la Pnyx, où pouvaient siéger 6000 personnes au maximum ; or, au temps de Périclès vivaient environ 60000 citoyens mâles et au temps de Démosthène environ 30000 (il y a eu la guerre du Péloponnèse qui a décimé la moitié de cette population). Cela signifie qu’au temps où Périclès prononce son discours, 1/10e des citoyens athéniens pouvait siéger au maximum sur cette colline et 1/5e au temps de Démosthène 8 . Le mythe d’une participation de tous les citoyens est déjà mis à mal, dans la mesure où il y a une restriction physique de l’accès aux délibérations et aux décisions 9 . Ces faits ne disqualifient aucunement la qualité démocratique de la cité athénienne, mais viennent tempérer une vision mythologique de la démocratie qui a souvent été réactivée par la suite dans des discours très éloignés de la réalité participante. En règle générale, le discours et la réalité évoluent en proportion inverse : plus on invoque la participation, plus elle s’absente. Il est cependant clair que du point de vue de l’histoire des idées, la démocratie est par essence participative : c’est le collectif qui se donne ses lois et définit les conditions d’acquisition de la citoyenneté.
Dans ce cadre, il est évident que des pressions s’exercent pour s’approprier cet élan démocratique : le régime politique est sans cesse en proie à des conflits d’autorité qui peuvent nuire au fonctionnement des institutions. Le gouvernement du plus grand nombre face au gouvernement de la minorité, c’est-à-dire le gouvernement démocratique face au gouvernement oligarchique, telle est la véritable alternative et Cornélius Castoriadis 10 la pointe à juste titre. Comment éviter la recomposition de ces formes oligarchiques qui minent de l’intérieur l’instauration d’un gouvernement démocratique ? Les Anciens sont de manière générale très réservés quant à la possibilité d’un gouvernement démocratique, puisque le cycle naturel des régimes politiques se lit de la façon suivante : monarchie, aristocratie, république, qui, lorsque les intérêts particuliers prennent le pas sur l’intérêt général, deviennent des formes corrompues (au sens physique) : la monarchie dégénère en tyrannie, l’aristocratie en oligarchie et la république en démocratie. Le gouvernement démocratique est tenu en suspicion chez les philosophes antiques, en particulier chez Platon qui a vécu la dégénérescence de l’expérience athénienne. Si Athènes s’est effondrée, c’est selon lui en raison de ses institutions démocratiques, instables et favorisant la démagogie de certains rhéteurs. La démocratie est alors le régime où les intérêts particuliers entrent en conflit sans jamais s’accorder à une vision à long terme sur le bien de la Cité. Les discussions incessantes sur le fonctionnement des institutions ne permettent pas à l’homme démocratique d’envisager sereinement l’avenir. C’est ici qu’une distinction est faite entre les personnes capables de déchiffrer l’évolution de la Cité à long terme : la politique n’est pas qu’une affaire de discussions et de décisions, elle est, selon Platon, mise en forme d’une compétence.
C’est pourquoi Platon a rejeté la forme démocratique en la dénonçant à travers un mythe, celui de Protagoras, pour forger une culture de la spécialisation : la politique est affaire de compétence, elle suppose des capacités à dénouer la complexité des choses pour diriger la vie publique. Force est de constater que l’on vit toujours avec cet héritage platonicien de la compétence qui a traversé la formulation du principe représentatif. Le représentant est celui qui est capable de proposer une vision générale des affaires publiques et d’émettre une opinion quant au développement de la Cité : les citoyens ne le choisissent pas pour qu’il reformule une volonté populaire, mais bien pour la clarté de ses opinions. De cette manière, on comprend très bien comment la signification de la « représentation politique » est déjà présente chez les premiers philosophes critiques des expériences démocratiques à travers l’idée de la compétence. Dans une Cité-État comme Athènes, le modèle du face-à-face démocratique 11 est mis à mal par cette théorisation de la compétence politique 12 . Cette opposition est cependant un peu plus complexe que cela, puisque en face de ceux qui dénoncent les sophistes au 5e siècle av. J.-C., on trouve des gens de condition sociale élevée, n’hésitant pas à prendre la parole au nom des citoyens les plus pauvres, manifestant par là une première forme de « délégation autorisée » 13 . Ces aristocrates souhaitent agir en fonction du plus grand nombre, mais de fait il y a une sélection par la possibilité de comprendre les enjeux 14 . À ceux qui ont tout le loisir de s’adonner à la réflexion politique (même si au temps de Périclès, il existait un misthos, c’est-à-dire une rétribution versée aux plus pauvres pour qu’ils puissent participer aux débats publics de l’ecclésia) et d’en comprendre le langage, il est plus facile de s’imposer. Cette sélection de fait montre la difficulté profonde du fonctionnement d’un gouvernement démocratique.
Si on peut localiser les premières formulations de la démocratie en Grèce au 5e siècle avant Jésus-Christ, on retrouve des problématiques semblables dans le cadre de l’organisation communale aux 12e et 13e siècles, notamment dans un certain nombre de cités du nord de l’Italie et en Suisse. Les communes 15 proto-bourgeoises s’administrent elles-mêmes avec une certaine autonomie. C’est au sein d’un système féodal que cette émancipation se réalise 16 par rapport à un certain nombre de pouvoirs constitués. Par ailleurs, des pratiques de démocratie directe sont possibles dans le cadre communal, puisque dans un certain nombre de cas, les habitants de la commune s’assemblaient une fois par an 17 (souvent sur la place du village ou sur le parvis de l’église) pour décider des mesures publiques (aujourd’hui, on parlerait de politiques publiques). Si l’on peut cerner une résurgence de la démocratie locale à cette époque, il me semble prématuré d’identifier autonomie locale et démocratie locale. Certes, l’autonomie signifie que les politiques suivies par la communauté ne sont pas imposées par un niveau hiérarchique supérieur, cela ne signifie pas pour autant qu’il y a développement de pratiques démocratiques sur le plan de la communauté 18 . Souvent, la jurade ou le corps équivalent tente d’avoir l’appui de la population, mais les pressions oligarchiques ne sont pas contenues pour autant. La démocratie locale s’accompagne du développement de formes patriciennes et oligarchiques : cette hybridation caractérise profondément l’histoire de la démocratie locale.
Prenons l’exemple de la Suisse et de son histoire. Le premier pacte, à l’origine de la Confédération Helvétique, remonte à 1291, lorsque les cantons d’Uri, de Schwyz et d’Unterwald s’associent. L’Helvétie dépend à cette époque du Saint-Empire Romain germanique qui ne cherche pas à asseoir sa domination mais à sécuriser la route sur le passage du Saint-Gothard. Les Habsbourg avaient tendance à intervenir dans les affaires locales, ce qui a créé des résistances de la part de ces confédérations qui vont fomenter le pacte de Rutli, dans lequel les communautés locales s’organisent librement suivant un consensus. Des assemblées masculines se mettent en place, on les appelle Landsgemeinden 19 , c’est-à-dire que les hommes se réunissent et décident ensemble des politiques locales. Ces politiques locales n’ont pas d’interférence avec les buts communs du pacte : de ce point de vue, il existe des arrangements fédéraux qui préservent le pluralisme des démocraties locales. On a bien une soustraction à un mode fédéral d’institutions politiques. L’histoire helvétique est traversée par ces pactes qui doivent être reconnus de tous, je prends pour clore cet argument l’exemple d’une charte adoptée en 1351 entre ces trois confédérations et qui doit être réaffirmée tous les dix ans.
« Afin que ce pacte soit toujours mieux connu de tous ceux, jeunes et vieux, qu’il concerne, il est aussi décidé que tous les dix ans, vers le début de mai, a la demande d’une des villes ou d’un des Pays, il faudra, en vertu de nos serments, lire publiquement et renouveler ces engagements et l’alliance, avec les formules, les textes, les serments et tout ce qui s’y rapporte. Tout homme ou garçon agée a ce moment d’au moins seize ans devra alors jurer d’observer eternellement ce pacte, avec toutes les clauses qui sont designees dans cette charte, sans aucune reserve ».
Une très forte exigence démocratique est formulée au sein d’un imaginaire féodal, car il s’agit de revenir sur le pacte, de le reprendre et de s’assurer qu’il a l’aval de tout le monde : cela ne signifie pas que le pacte ait été révisé tous les dix ans, mais que la possibilité de la demande de sa réaffirmation a été reconnue. Cependant, jusqu’à l’affirmation de la République helvétique en 1798, des formes importantes d’oligarchies se sont développées, notamment au 17e et au 18e siècles. Napoléon a voulu casser la présence de ces familles sur lesquelles reposait l’Ancien Régime : les Suisses ont été favorables à cette rupture, ils n’ont pas pour autant accepté la mise en place d’un gouvernement unitaire. L’évolution de la démocratie locale n’échappe pas à cette confrontation au développement d’oligarchies qui établissent de fait une domination politico-sociale. On retrouvera cette ambiguïté plus tardivement avec l’extension du principe représentatif au niveau local 20 . L’élection locale a permis aux notables de tester leur popularité et d’asseoir leur pouvoir et les procédures de démocratie semi-directe sont le plus souvent captées par ces pouvoirs locaux constitués 21 .
La Révolution française a installé la prééminence du cadre communal en ce qui concerne l’exercice des droits démocratiques. En effet, la commune est l’institution publique la plus proche du citoyen qui est invité à participer aux choix généraux de la commune. Le décret du 22 décembre 1789 énonce qu’ « il y aura une municipalité dans chaque ville, bourg, paroisse ou communauté de campagne ». On valorise la démocratie locale comme étant naturellement communale, sans pour autant entrer dans le débat des structures participatives. Travailler l’histoire de la démocratie locale implique de comprendre les instruments qui ont favorisé une participation locale, que celle-ci soit collective, à l’occasion d’assemblées, ou individuelle, lors de votes. Cette théorie des instruments nous montre qu’il existe en réalité une diversité de démocraties locales.
Les instruments de participation locale
Nous essayerons de recenser les outils de démocratie locale en trois catégories, d’une part ceux qui concernent la démocratie directe, puis la démocratie semi-directe et enfin la démocratie participative. Le point de vue assumé est de considérer l’ensemble de ces mécanismes qui fonctionnent en dehors du fait électif.
L’instrument le plus ancien de la participation démocratique locale reste l’assemblée communale, c’est-à-dire l’assemblée de citoyens qui délibèrent et décident de l’ensemble des politiques publiques importantes pour leur futur. On trouve cette forme consensuelle de la démocratie directe dans l’Athènes classique, dans certains États de l’Occident médiéval et en Suisse, avec la subsistance des Bürgerversammlung, c’est-à-dire des associations de citoyens. 85% des communes suisses connaissent ce mode d’assemblée où les habitants se réunissent une à deux fois par an pour voter. Le vote, qui se fait souvent à main levée, tend à devenir secret, ce afin d’éviter des pressions au sein de la commune 22 . Cet instrument est confiné à l’échelon local, il n’est pas toujours sans poser problème 23 .
Le référendum est un instrument de démocratie semi-directe, qui permet, lors de circonstances particulières, d’incarner un vouloir collectif. C’est un instrument essentiellement correctif, destiné à sanctionner les représentants et à prendre en compte un problème qui n’aurait pas été relevé par les pouvoirs publics. En Suisse, le référendum a une négativité, il ne peut être que réactif, c’est-à-dire qu’il est un dispositif qui contre une délibération du conseil municipal 24 . La palette des instruments de démocratie semi-directe contient également l’initiative populaire (lorsqu’un certain nombre de citoyens demande l’organisation d’une votation sur tel ou tel sujet), la motion populaire 25 , le postulat, l’interpellation. Concernant l’initiative populaire, la Constitution révisée de la Confédération helvétique prévoit la possibilité d’une initiative populaire de 100000 personnes pour toute révision constitutionnelle. Si la collecte de signatures est réalisée, un référendum obligatoire est organisé. Initiative populaire et référendum se complètent souvent et caractérisent l’équation démocratique suisse. Signalons que pour d’autres types d’initiative populaire, celles-ci peuvent être adoptées si le Conseil fédéral y est favorable. Néanmoins, dans le cadre d’une initiative constitutionnelle, le référendum est obligatoire et pour que le référendum passe, il faut que la majorité du peuple et la majorité des cantons l’aient approuvé 26 .
Les instruments de démocratie semi-directe signifient qu’il y a une zone d’action propre au système représentatif. Comment s’organisent les représentants pour contrer un projet émanant de la population ? Ils déposent alors un contre-projet et les électeurs auront à se prononcer sur le projet et le contre-projet 27 . Ces procédés de démocratie semi-directe activent un véritable travail représentatif : si les votations institutionnalisent une forme de défiance vis-à-vis des autorités, il n’empêche qu’elles constituent un progrès démocratique. La démocratie suisse, et a fortiori la démocratie locale suisse, est complexe, c’est-à-dire qu’elle est rivée à une incertitude : une mesure adoptée peut être contredite ou reprise. Certains jugent qu’elle est coûteuse et qu’elle affaiblit les politiques publiques alors qu’elle a une dimension heuristique non négligeable. La Suisse n’est pas un régime représentatif, elle est une démocratie référendaire, dans la mesure où le nombre des votations est supérieur au nombre des élections. L’inclusion des procédés de démocratie semi-directe au sein du fonctionnement du régime représentatif n’a d’égal dans aucun autre pays au monde.
Le droit de révoquer des représentants (le recall) est un instrument non négligeable : c’est un instrument de reprise en main du système représentatif. Celui-ci est fortement pratiqué dans les États de l’Ouest américain. Sur une moyenne de 15000 référendums locaux par an, il existe beaucoup de procédures de recall. Ces reprises du système représentatif s’apparentent souvent à des déstabilisations dues à des groupes de pression et à une pratique intense du lobbying 29 . On trouve des procédures analogues dans certains Länder allemands, où le maire peut être révoqué par un certain nombre d’électeurs 30 .
Mis à part ces procédures importantes qui visent à installer des contrepouvoirs, il existe des mécanismes de « démocratie participative ». Pour cela, on peut évoquer l’expérience des budgets participatifs qui ont contribué à forger la notion de démocratie participative. Ces budgets sont attachés à l’expérience de Porto Alegre 31 avec l’institution de budgets de quartier 32 . Cette expérience s’est déroulée dans la capitale de l’Etat du Rio Grande do Sul et est due en partie à la mise en œuvre d’un programme électoral, puisque depuis 1989, les maires de Porto Alegre sont tous issus du Parti des travailleurs, alors que l’opposition est majoritaire à la Chambre des députés municipaux (veradores). En 1983, une union des associations d’habitants de Porto Alegre (UAMPA) s’est constituée ; en 1985, le Parti Démocratique Travailliste (PDT) a remporté les élections. L’UAMPA a une direction partagée entre le PDT, le PT et le PC du Brésil. Au congrès de cette association de 1986, une première prise de position en faveur d’une participation au budget municipal est prise. L’élargissement participatif se trouve au cœur d’une surenchère politique entre le PDT et le PT : avant de quitter le pouvoir en 1988, le maire de Porto Alegre (PDT) a fait adopter une loi des Conseil populaires. La nouvelle majorité de 1989 a annulé cette loi jugée trop restrictive pour réfléchir à la création d’un budget participatif. En 1990, les principaux éléments du budget participatif sont mis en place, avec un découpage de la ville en 16 secteurs. L’apprentissage de la démocratie est difficile, mais la critique publique est pratiquée, la prise de parole importe dans un pays qui a connu une période autoritaire. Le but d’une telle expérience n’est pas tant l’autogestion que la cogestion et la codécision. Certes, la population participante qui nomme ses propres représentants lors du budget municipal, n’est pas très nombreuse, elle est néanmoins importante (le taux de participation est d’environ 1,4%). Cette expérience du budget participatif a été reprise dans de nombreuses municipalités au Brésil 33 et ailleurs. En France par exemple, la loi Vaillant du 26 février 2002 « Démocratie de proximité » impose les conseils de quartier pour les villes de plus de 80000 habitants. Ces conseils ont une enveloppe financière qui permet aux habitants d’intervenir modestement dans la gestion des politiques publiques. La loi ne fait que reprendre une pratique existante, puisque de nombreuses communes fonctionnent avec ce système depuis quelques années 34 . Autour de ces conseils de quartier, on peut signaler l’ensemble des forums 35 , des rencontres qui animent une certaine forme d’engagement local 36 .
Certaines thématiques liées à l’environnement ont suscité des pratiques participatives diverses, allant de la conférence de consensus au débat public. Une conférence de consensus désigne un panel de citoyens formé par des experts dans un lieu clos sur une période temporelle donnée. Fort de l’acquisition de ce savoir, ces citoyens vont par la suite interpeller les autorités à propos de la mise en œuvre de politiques publiques. Elles ont été pratiquées en particulier au Danemark et au Canada. L’institution du débat public en France est liée à la prise en compte des intérêts de la population en matière d’aménagement. La loi Barnier en France, en 1995, a créé la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) qui est une autorité indépendante du Ministère des Transports depuis quelques années. La CNDP nomme des Commissions Particulières de Débat Public chargées d’organiser un débat public à propos d’un projet de politique des transports. Ce fut le cas avec le TGV Aquitaine 37 et le projet de contournement autoroutier de Bordeaux. Toutes ces dispositions ont été prises à partir de la reconnaissance du droit des citoyens à être informés et à participer aux politiques publiques ayant des conséquences sur l’environnement et l’aménagement du territoire 38 . Deux questions surviennent quant au développement de ces pratiques : d’une part, la fragmentation de l’espace public puisque les personnes sont convoquées à la fois en qualité de citoyen, d’habitant et de consommateur de politiques publiques 39 . Ce conflit de représentations ne facilite pas forcément la mise en œuvre de la démocratie délibérative et les décisions sont souvent décrochées des délibérations ; or, comme le précisait Aristote 40 , délibération et décision sont les deux moment-clés de la politique. On délibère uniquement sur ce que l’on décide, et les pratiques démocratiques se mesurent par rapport à l’écart existant entre ces deux moments. D’autre part, la question de la participation qui devient un objet de politique publique pour elle-même et qui sécrète des documents juridiques et des organismes indépendants. La multiplication de ces organismes indépendants, soustraits à l’élection, pose un problème de représentativité. De là à affirmer que la participation est bureaucratisée, c’est-à-dire qu’elle est insérée dans des structures difficilement lisibles, il n’y a qu’un pas.
Cependant, l’exercice de la démocratie est complexe, car il intervient au sein de cultures instituées. L’imbrication entre la capacité collective instituante et les structures existantes anime la question démocratique. La fantasme théologique serait de croire à l’émergence d’un pouvoir uniquement « instituant » 41 , capable de ne créer que du nouveau. Certes, il existe des moments où tout bascule, mais rapidement le pouvoir instituant perd de sa force. Toute la littérature conseilliste est riche d’analyses sur les moments structurants que sont la Révolution française, la Commune, les soviets de 1917, l’insurrection hongroise de 1956, 1968 42 où la question de la démocratie locale et de ses mécanismes a été posée avec une certaine vigueur. Le pouvoir instituant ou le pouvoir constituant, selon les phraséologies que l’on souhaite adopter pose des jalons qui sont repris par la suite. L’institutionnalisation des procédés de démocratie directe, semi-directe et participative a peut-être favorisé une bureaucratisation de la participation, il n’empêche qu’elle a considérablement atténué l’indépendance des représentants. Nous sommes en train de vivre un nouvel âge de la représentation qui nous amène vers une démocratie post-représentative, avec des structures représentatives ouvertes, proche de ce que Bernard Manin nomme la « démocratie du public » 43 . La brèche 44 est faite, elle se fertilise, il existe en fin de compte plus de démocratie locale que l’on ne le croit.
En revanche, s’intéresser aux mécanismes concrets de la démocratie locale ne revient surtout pas à promouvoir une conception procédurale 45 de la démocratie. Celle-ci est de fait solidaire de la multiplication des instances délibératives : il me semble cependant que ces mécanismes doivent être plus orientés vers la décision 46 . Ces derniers opèrent un brouillage du travail représentatif et permettent d’accéder à une nouvelle dimension cognitive, tout en incluant de nouveaux acteurs au système politique. J’aimerais m’intéresser aux perturbations induites par ces mécanismes et voir en quoi elles définissent un temps local particulier.
L’institution d’une temporalité démocratique
Une des questions sous-évaluée dans la théorie démocratique reste celle du temps. Comment peut-on qualifier une temporalité démocratique ? L’élection a été consacrée comme l’unité de temps représentatif : le calendrier 47 est défini par une régularité de moments où les citoyens choisissent leurs représentants. Cette régularité est perturbée par les occasions participatives qui en viennent à redynamiser le système représentatif en le mettant au défi. L’exemple de la fièvre référendaire qu’a connu la Bavière depuis l’introduction de la possibilité de l’initiative populaire et du référendum à l’échelon local est assez révélateur : en 1995, suite à une association nommée « Mehr Demokratie » (Plus de démocratie), la Bavière a adopté au niveau du Land (dans la foulée d’une initiative populaire) le principe de la modification des chartes communales. Les procédés référendaires ont été introduits avec un catalogue négatif très réduit (les domaines exclus de la consultation) et un catalogue positif assez étendu (a contrario les thèmes qui peuvent légitimement être traités). Grâce à cette poussée référendaire, une initiative a eu du succès et a permis en 1999 l’abolition du Sénat bavarois. Depuis 1995, on considère que plus de 1200 référendums locaux ont eu lieu sur le territoire bavarois. Cela s’explique par une expression politique nouvelle qui n’arrivait pas à s’exprimer, parce que la représentation politique bavaroise a toujours été dominée par la CDU-CSU. Voilà un exemple clair qui montre la révolution de l’agenda local qui a été rendue possible en Bavière. L’association Mehr Demokratie 48 continue son combat et a obtenu d’autres victoires dans d’autres Länder, comme celui d’Hambourg en 1998. Cette association compte des adhérents qui se sont formés aux luttes étudiantes dans les années 1970 et pour qui la thématique participative est très importante. Depuis la réunification allemande, cette association a pris au mot le nouveau credo allemand (Wir sind ein Volk) pour promouvoir les possibilités référendaires exprimant les droits politiques de chacun. Des bus comportant le slogan « Pour plus de démocratie directe » ont sillonné de nombreuses villes allemandes pour défendre ces instruments de démocratie semi-directe.
Sur fond de continuité représentative, les institutions démocratiques créent un temps fait de ruptures revendicatives et participatives. Lorsqu’un référendum est lancé, il y a une codification du temps propre à cet instrument (délai, organisation de la consultation, temps de la décision et puis application réelle de la politique publique). Le temps de la procédure vient interférer avec l’agenda représentatif, d’où certaines réticences des élus à organiser des consultations qui menacent leur réélection. Les différents échelons territoriaux ont un temps qui leur est propre, la complexité du système tenant à la maîtrise impossible de ces diverses temporalités qui structurent le rapport du citoyen au politique. Y aurait-il au sens de Fernand Braudel 49 plusieurs temps de la démocratie, c’est-à-dire un temps plus long qui examinerait du point de vue de l’histoire des idées la diffusion des instruments démocratiques, un deuxième temps qui montrerait l’inclusion de ces instruments au sein de Constitutions et un tiers temps plus proche de l’instant donnant à voir une diversité de pratiques ? Cette vision de l’esprit est séduisante, elle permettrait d’articuler le point de vue de l’histoire des idées et le point de vue de l’histoire sociale pour comprendre les transformations profondes de la démocratie et en particulier de la démocratie locale.
Étudier l’ensemble des pratiques démocratiques impose de sortir de sa spécialité pour comprendre comment les idées, les croyances et la promotion des procédures participatives se mêlent. Comme l’écrit Georges Burdeau, l’observateur doit avoir plusieurs compétences s’il veut saisir cet entrelacs entre histoire des idées et histoire sociale : « il faut être tout à tour historien pour comprendre s’est formée l’idée démocratique, sociologue pour en étudier l’enracinement dans le groupe social, économiste pour rendre compte des facteurs matériels qui agissent sur son évolution, psychologue pour saisir, dans les représentations que s’en font les individus, la source de l’énergie dont elle se nourrit, théoricien politique pour analyser l’incidence des systèmes et des doctrines, juriste enfin pour définir les institutions tant privées que politiques dans lesquelles elle se concrétise » 50 . Nous n’aurons pas la prétention d’emprunter toutes ces casquettes, mais il me semble que nous pouvons en retenir trois : en étant juriste, sociologue et philosophe par intermittence, nous cernons un petit peu mieux le caractère contingent des pratiques démocratiques. Étudier les pratiques démocratiques et les traditions locales de la démocratie implique de redéfinir la manière dont on fait de la recherche qui serait de verser moins dans l’hyperspécialisation et d’atténuer autant qu’il est possible les cloisonnements disciplinaires.
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Le meilleur ouvrage qui fait le point sur les idées de la démocratie directe et les pratiques reste celui de Yannis Papadopoulos, Démocratie directe, Paris, éditions Économica, 1998. ↩
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Le terme de « démocratie représentative » a été forgé par Hamilton en 1772. Pour comprendre l’avènement de ce terme et la façon dont il a influencé le développement des institutions représentatives, il faut se replacer dans le contexte de la Révolution américaine. Cf Federalist Papers, n°10 et n°14. Ces documents ont été écrits par ceux que l’on considère comme les pères de la Révolution américaine, Jay, Madison et Hamilton. Il s’agit d’un recueil de textes réuni sous le nom de Publius, destiné à convaincre les électeurs de l’Etat de New York à ratifier le projet de Constitution élaboré par la Convention de Philadelphie en 1787. On peut consulter ces textes sur Internet. ↩
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Yves Sintomer s’est interrogé sur la définition du paradigme démocratique à travers les travaux de Max Weber et de Jürgen Habermas. Sintomer, Yves, La démocratie impossible ? Politique et modernité chez Weber et Habermas, Paris, éditions La découverte, 1999. ↩
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La démocratie continue signifie le renforcement des dispositifs de contrôle de l’action des gouvernants. Dans cette théorie forgée par Dominique Rousseau, il s’agit de renforcer le rôle du juge constitutionnel amené à se prononcer sur les processus démocratique se déroulant en dehors des élections. Les citoyens sont ainsi invités à manifester leur volonté en dehors du simple calendrier électoral. Rousseau, Dominique (sous la dir.), La démocratie continue, Paris, éditions LGDJ, 1995. ↩
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Castoriadis reconduit systématiquement dans ses ouvrages une définition générique de la démocratie. Castoriadis, Cornélius, « Quelle démocratie ? » in Les Carrefours du labyrinthe VI, Paris, éditions du Seuil, 1999, p.145. ↩
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Les premières formes d’organisation démocratique apparaissent progressivement vers le 8e siècle avant Jésus-Christ. Plutarque, dans la Vie de Thésée (XIV, 1-2) montre comment avec Thésée, un rejet de la monarchie est effectué. Par la suite, les réformes de Clisthène en 508-507 av J.C. permettent de structurer un espace démocratique sans que le mot soit prononcé, il le sera par la suite avec Hérodote. Les réformes de Clisthène ont permis la création de 10 tribus (contre le genos aristocratique) ainsi que la reconnaissance de l’égalité de tous devant la loi et le pouvoir, c’est le moment de l’isonomie et de l’isocratie. ↩
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Thucydide, Guerre du Péloponnèse, II, 37. ↩
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Fishkin, James S., The Voice of the People, Yale University, 1995, p.18. ↩
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Aristote précise bien la division des tâches politiques. On ne délibère par sur tout, on délibère sur ce que l’on décide. Autrement dit, le débat porte sur des mesures qui modifient les normes de la société. Il y a de ce point de vue une hiérarchie des questions qui précède une dramatisation des enjeux, car ces mesures auront une influence directe sur la vie des citoyens. ↩
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Un des plus beaux textes sur cette question est « La polis grecque et la création de la démocratie » in Les Carrefours du Labyrinthe II, Paris, éditions du Seuil, p.261-306. ↩
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Fishkin, dans l’ouvrage cité ci-dessus montre que la démocratie directe se caractérise par l’idée du face-à-face démocratique, idée que l’on retrouve nettement lors de la Révolution française à travers les assemblées constituantes. ↩
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Sur les caractéristiques sociologiques de la notion de compétence dans les régimes représentatifs, on peut se référer au livre de Daniel Gaxie, La démocratie représentative, Paris, éditions Montchrestien, 2003. ↩
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Il s’agit d’un terme utilisé par Pierre Bourdieu dans « Le mystère du ministère, des volontés particulières à la « volonté générale » » in Actes de la recherche en sciences sociales, n°140, décembre 2001, p.7-11. ↩
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Daniel Gaxie a consacré une grande partie de son travail aux différents niveaux discursifs traversant la réalité politique. Son ouvrage de référence Le Cens caché (Paris, éditions du Seuil, 1978), a marqué une génération de sociologues. Cependant, les discours des orateurs athéniens montrent a contrario qu’ils s’exprimaient dans un langage compréhensible par tous. ↩
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Même dans la Suisse actuelle, il y a une diversité d’échelons locaux. Il existe des paroisses, des communes politiques, des communes scolaires séparées, des Ortsgemeinden (communautés locales autonomes). L’autonomie de ces structures est très forte. ↩
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C’est ce qui distingue les positions philosophiques de Negri par rapport à Castoriadis, lorsqu’il choisit de se référer à certains mouvements sociaux à l’époque médiévale et à la Renaissance. La question démocratique est alors posée dans un sens radical. ↩
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Des documents intéressants existent sur ces pratiques. On peut lire par exemple le livre de Jean et de François Paillas, Une bastide en Quercy, Castelfranc, cinq siècles de démocratie directe, éditions du Roc de Bourzac, 1992, p.72 : « toutes les affaires municipalesétaient traitées en public. Les décisions étaient prises à la majorité des voix des habitants présents, quel que soit leur rang, quelle que soit leur fortune ». Des détails intéressants sur le fonctionnement des jurades et l’élection des consuls y figurent. ↩
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C’est une des ambiguïtés des analyses de Castoriadis lorsqu’il évoque la résurgence du projet d’autonomie à l’époque médiévale. Certes, il ne développe pas ces points, mais des analyses historiques et sociologiques auraient pu permettre de préciser ce qu’il entendait par là. ↩
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La Landsgemeinde est une assemblée qui prend des décisions au niveau cantonal. Les communautés locales connaissent également ce mode de fonctionnement. ↩
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En France, la loi du 5 avril 1884 consacre l’élection du Conseil municipal. ↩
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En France, on fait référence à l’organisation de consultations locales qui de fait accroissent la légitimité du pouvoir mayoral. ↩
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C’est ce qui explique que le référendum, instrument de démocratie semi-directe, tend à remplacer au niveau cantonal les Landsgemeinde, assemblées cantonales. Aujourd’hui, sur les 26 cantons suisses, il n’en reste que deux qui utilisent ce procédé. ↩
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Comme en Grèce ancienne, ces assemblées ont été longtemps masculines. En 1971, une votation fédérale consacre le vote des femmes au sein de la Confédération. Cependant, le canton d’Appenzell a continué de refuser le droit de vote local aux femmes jusqu’en 1991, date à laquelle le Tribunal fédéral est intervenu pour imposer ce droit de vote. ↩
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Chaque canton suisse définit ses propres échelons locaux. On ne parle donc pas forcément de conseil municipal, mais de conseil général, comme dans le canton de Neuchâtel ou de parlement communal. Les communes connaissent une diversité d’appellations, puisqu’à côté des communes administratives subsistent des paroisses, des « bourgeoisies ».... ↩
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Dans le canton de Neuchâtel, une motion populaire peut être déposée par cent électeurs ou électrices qui souhaitent une révision ou une modification de la Constitution. La question est formulée par écrit et adressée au Grand Conseil qui en débat. ↩
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La majorité des cantons signifie la majorité des peuples des cantons ; le peuple a un statut juridique validé deux fois, ce qui exhibe la solidarité d’une compréhension globale et territoriale de la démocratie helvétique. ↩
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Le contre-projet n’est pas forcément un projet opposé, il peut atténuer le caractère radical de l’initiative pour tracer une voie médiane. ↩
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Cf l’excellent ouvrage de Cronin, Thomas, Direct Democracy : the politics of initiative, referendum and recall, Harvard University Press, 1989. ↩
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Dans le Land de Brandenbourg, cette pratique a été institutionnalisée il y a quelques années. Le système de l’Abberufung a déjà fonctionné plusieurs fois. ↩
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La ville de Porto Alegre compte en l’an 2000 à peu près 1 360 590 résidents. ↩
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Voir l’excellent ouvrage sous la direction de Jacky Picard, Le Brésil de Lula, les défis d’un socialisme à la périphérie du capitalisme, éditions Karthala, 2003. ↩
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Voir dans le même ouvrage l’article de Bezerra, « Participation populaire et conflits locaux : le budget participatif à Niterói » in Le Brésil de Lula, les défis d’un socialisme à la périphérie du capitalisme. La ville de Niterói compte 450 000 habitants et a adopté des mécanismes d’insertion de la participation publique. ↩
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A Arceuil, dans le Val-de-Marne, les conseils de quartier existent depuis 1996. Certes, les budgets sont modestes (de l’ordre de 20000 francs), mais les structures ne sont pas négligeables. Nous avons fait en décembre 2003 une observation participante lors d’une fête de quartier. Le dilemme de la participation y est posé, puisque l’on retrouve une majorité de personnes politisées qui y participent. La théorie du passages clandestin (celui qui laisse les autres s’engager pour bénéficier des retombées de l’action collective) de Mancur Olson se vérifie encore. OLSON, Mancur, La logique de l’action collective, 1978. En Seine-Saint-Denis, beaucoup de communes, telles que Morsang-sur-Orge, ont solidifié des dispositifs participatifs. ↩
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En Allemagne, il existe des Runder Tisch, c’est-à-dire des tables rondes citoyennes destinées à discuter publiquement d’un certain nombre de problèmes de société. ↩
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Des étudiants de l’Institut d’études politiques de Bordeaux ont réalisé des enquêtes en avril 2004 sur les acteurs des forums sociaux locaux, à partir de l’exemple du FSL de Gironde. ↩
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Voir le très bon ouvrage de Sandrine RUI, La démocratie en débat, les citoyens face à l’action publique, éditions Armand Colin, 2004. ↩
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On peut rappeler brièvement l’emboîtement de ces lois qui ont affirmé progressivement un droit participatif. Tout d’abord, la loi n°67-1253 d’orientation foncière du 30 décembre 1967 a formalisé des nouveaux rapports entre administration et citoyen en imposant « la participation des citoyens » et la « concertation » dans des décisions d’urbanisme et d’aménagement. Citons la loi n°83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l’environnement (Loi Bouchardeau), la loi n°91-662 d’orientation sur la ville du 13 juillet 1991 qui établit le principe d’une concertation avec les habitants pour toute action ou opération d’aménagement). La loi n°92-125 du 6 février 1992 définit les principes de la démocratie locale, elle est complétée par la loi n°92-101 du 2 février 1995. Cette liste non exhaustive de lois peut être enrichie des chartes et des conventions qui sont des documents indicatifs plus que normatifs. Par exemple, la convention d’Aarhus a défini en 1998 le principe d’une gestion de l’environnement par tous et pour tous (droit de savoir, droit de participer au processus décisionnel, droit d’accès à la justice). La France a ratifié cette convention en 2002. ↩
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Les chercheurs ont identifié le phénomène NIMBY (not in my backyard) qui affecte certaines mobilisations locales. On se met d’accord pour exclure un problème ou pour se battre pour la tranquillité du quartier, sans se préoccuper de l’intérêt général. ↩
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Aristote, Les Politiques, Trad. Pellegrin, Paris, éditions GF, 1999. ↩
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On relèvera la phraséologie. Cornélius Castoriadis parle de pouvoir instituant, là où Negri dirait pouvoir constituant. Cf Castoriadis, « Pouvoir, politique, autonomie » in Les Carrefours du Labyrinthe III, Paris, éditions du Seuil, p.134. Negri, Le pouvoir constituant, Paris, éditions PUF, 1997. Le pouvoir constituant est celui qui investit la création d’un nouvel ordre normatif. Peut-être que cette formulation explicite un peu plus la notion de pouvoir instituant. ↩
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Castoriadis, « L’idée de Révolution » in Les Carrefours du labyrinthe III, Paris, éditions du Seuil, p.155-172. ↩
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Manin, Bernard, Les principes du gouvernement représentatif, Paris, éditions Calmann-Lévy, 1995. ↩
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Le terme est employé par Lefort et Castoriadis pour indiquer les conquêtes partielles qu’ont pu obtenir les mouvements sociaux. C’est souvent a posteriori que l’on peut identifier les progrès sociaux. Castoriadis Cornelius , Lefort Claude, Morin Edgar, Mai 68 : La Brèche suivi de Vingt ans après, Paris, éditions Complexe, 1988 ↩
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La conception d’Habermas est contestée par Castoriadis. La confrontation entre Castoriadis et Habermas est une véritable controverse intellectuelle de ce point de vue. Castoriadis, « Fait et à faire », Les Carrefours du labyrinthe V, Paris, éditions du Seuil, 1997, p.9-72. Habermas avait également critiqué chez Castoriadis une vision substantialiste de la démocratie. Habermas, Jürgen, Le discours philosophique de la modernité, 12 Conférences, trad. Franç. Christian Bouchindhomme et Rainer Rochliz, Paris, éditions Gallimard, 1988. ↩
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L’introduction des procédés de démocratie directe et semi-directe permet d’insister sur le moment décisionnel. Le référendum, par exemple, est un outil qui permet de trancher un débat. ↩
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Ce calendrier est institué par les hommes pour diviser les tâches. Le temps n’existe pas en soi mais pour nous. Le sociologue Norbert Elias a posé des questions essentielles sur la compréhension du temps, ce afin de déjouer les pièges d’une métaphysique interminable du temps. ELIAS, Norbert, Du temps, Trad. Franç. Michèle Hulin, Paris, éditions Fayard, 1984. D’un point de vue sociologique, le temps a une fonction de coordination et d’intégration. ↩
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Voir le site www.mehr-demokratie.de ↩
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Braudel Fernand, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Librairie générale française, 1993. ↩
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Burdeau, Georges, La démocratie, imprimerie Bussière, Saint-Amand, 1966, p. 9. ↩