Avec JD, Jean-Luc, Philippe L.L., Michel D., ceux et celles qui m'ont accompagnée et m'accompagnent encore.
« Et pourquoi ne pas inventer autre chose, un autre corps ? une autre histoire ? une autre interprétation ? » 1
Jacques Derrida, Prégnances. Lavis de Colette Deblé
Le titre que j’ai donné à cette communication 2 - « Jacques Derrida : le peut-être d’une venue de l’autre-femme » 3 - indique tout d’abord que mon sujet sera « la femme », comme on dit. Je vais entreprendre de parler de la femme, ou des femmes, du genre féminin distingué du genre masculin. Notons qu’il s’agit d’un sujet en vogue depuis quelques décennies dans le monde occidental, d’un sujet nouveau, voire inédit, comme s’il n’en avait pas été suffisamment question par le passé, peut-être pas du tout question, et que notre temps voulait lui rendre justice. Ceci est lié à l’histoire contemporaine dans son ensemble, au mouvement historiquement récent appelé de « libération féminine », que l’on en situe l’amorce au 19e ou au 20e siècle dans différents pays d’Europe. Réhabiliter la femme, la question des femmes et du féminin est comme un mot d’ordre contemporain. De nos jours, on peut alors penser, ici et maintenant, que le sujet est encore relativement vierge, nouveau donc, à l’image d’une nouvelle terre que l’on commencerait seulement à découvrir, ou à redécouvrir. Un nouveau sol d’où pourrait venir encore quelque chose d’inconnu, d’autre, de différent... peut-être. En ce sens, on opposera ou distinguera ce nouveau terrain féminin d’un autre terrain masculin, reconnu comme dominant dans l’histoire et la tradition.
Ces quelques remarques que je viens de faire peuvent déjà sembler arbitraires, thétiques ou polémiques, empreintes d’idéologie, jusqu’à la pensée d’une certaine « guerre des sexes » qui engage un clan féministe contre un autre dit phallocratique, etc. Comprenons que toute prise de parole sur ce sujet, qu’elle soit d’ailleurs le fait d’un homme ou d’une femme, peut difficilement rester innocente. Elle s’inscrit dans une histoire, dans une longue tradition. Et dès qu’on le pose, le sujet semble toujours déjà polémique. Par exemple : quelle est la place de la femme dans la pensée philosophique ? dans la création en général ? dans la politique, dans la pensée politique et sociale ?... Et si elle apparaît peu dans les faits, quelle est la part de responsabilité des femmes à cet égard, quelle est ou quelle fut celle des hommes ? Mais alors qui sont « les hommes » et qui sont « les femmes », y a-t-il vraiment ces deux catégories qui seraient comme deux clans, deux clans adverses ? Ne vaudrait-il pas mieux déjà prendre soin de distinguer des individus, des individualités et des personnalités singulières, parler plutôt de « certaines femmes », de « certains hommes » ?
Toutes ces questions sont difficiles, complexes. Et la plus grande difficulté parmi toutes est qu’on ne peut échapper complètement à ces questions, quand bien même on le voudrait. Car après tout, « la question des femmes » n’est peut-être pas une question plus pertinente que ne le serait « une question des hommes » (par exemple à l’égard de la reconnaissance de leur liberté individuelle). Indépendamment des circonstances socio-historiques, en droit si l’on veut, pourquoi la femme ferait-elle davantage question que l’homme ? On peut penser qu’à toute cette histoire est mêlée une grande part de préjugés, de sorte qu’il est devenu difficile de bien démêler le vrai du faux, comme dirait le philosophe Descartes. Et les préjugés peuvent toujours entraver la recherche de pensée plus sérieuse, ou dénuée de trop de passion. Mais ici encore, le débat pourrait être sans fin : peut-être faudrait-il démontrer ce qui vient d’être dit, qui pourrait apparaître comme une thèse, un propos à défendre, comme on parle de « la cause féminine » à défendre... en attendant que « la cause masculine » en devienne une aussi, mais oui peut-être, pourquoi pas... etc.
Je rappelle brièvement ce contexte général en introduction puisque c’est celui dans lequel je suis moi-même amenée à prendre la parole. Je parle de ce contexte, de lui - ceci entendu à la fois comme de ce lieu-là et comme le sujet dont je parle. Mais maintenant, mon titre indique autre chose : si mon propos porte sur la femme, je parlerai plus précisément de la question d’une venue de la femme considérée dans son altérité et son authenticité - « l’autre-femme » -, en le formulant sous la forme d’un peut-être. Chez Jacques Derrida, ce mot « peut-être » fait toujours signe vers l’imprévisibilité de « ce qui arrive », de ce qui vient, la venue incalculable de l’autre. C’est donc précisément par le biais de la pensée de Jacques Derrida que j’aborderai ici la question de la femme et du féminin, au présent et dans la tradition. Le thème ou le questionnement de ma conférence peut se résumer ainsi : pourquoi Jacques Derrida a-t-il consacré une grande partie de son œuvre à la pensée de la femme, du féminin, à ce qu’il appelait « la déconstruction du phallogocentrisme » ? Comment cela s’est-il trouvé, et pour en venir où ?
Dans le temps qui m’est imparti, à l’égard d’un thème si vaste, je me contenterai de resituer la question du phallogocentrisme dans le contexte général de la déconstruction derridienne, et je m’attacherai à présenter quelques exemples de stratégies déconstructives repérables dans l’œuvre de Jacques Derrida. Le but de mon propos ne sera peut-être guère plus que de chercher à faire sentir une atmosphère, dans l’espoir que cela soit déjà quelque chose.
Que les questions autour de la femme, des femmes, du genre, ou encore de la différence sexuelle se soient trouvées au cœur du travail déconstructif de Jacques Derrida est déjà très significatif. C’est en soi le signe qu’elles constituent un point d’achoppement dans la réflexion faite au sujet de la tradition, et donc dans la tradition elle-même, ou autrement dit dans notre histoire. Rappelons que sans opposer un dedans de « la bibliothèque » à un dehors du monde qui soient hétérogènes, séparés, la déconstruction mise en œuvre par Jacques Derrida à partir des grands textes de la tradition est une réflexion sur le monde et sur la vie, dans la triple temporalité du passé, du présent et de l’avenir - « avenir » ici entendu comme ce qui peut encore être à venir, ce que Jacques Derrida oppose au « futur » de ce qui est prévisible et calculable. Le travail de l’écriture, la prise de parole sont toujours inscrits dans une tradition, déjà là avant nous. On parle dans la mémoire de cette tradition, que l’on s’y réfère directement ou pas. Jacques Derrida préférait quant à lui s’y référer, jusqu’à vouloir passionnément discuter avec elle. Cette mémoire est recueillie dans les livres qui ont été produits au cours des siècles et qui nous sont restés. De cette façon, ils sont pour nous comme un miroir du monde passé et de l’histoire qui nous précède dans le temps, et à laquelle forcément nous appartenons. En un sens, il n’y a qu’à le reconnaître. Et ainsi, par exemple, il y aurait ici et maintenant à reconnaître que cette grande bibliothèque du monde comporte une grande majorité d’hommes masculins, et beaucoup moins de femmes. Sans même chercher à en rendre raison, à trouver des causes, il n’y a qu’à le reconnaître. Les choses sont comme cela, même si l’on ne sait pas rigoureusement expliquer pourquoi elles sont comme cela. Une telle entreprise d’explicitation est d’ailleurs très difficile à accomplir, notamment pour les raisons et/ou mobiles auxquels je faisais allusion dans l’introduction.
Dans un entretien publié dans le Monde de l’éducation en septembre 2000 4 , Jacques Derrida donna au geste de déconstruction du phallogocentrisme ce sens d’une juste reconnaissance des faits. Je rappelle le contexte de l’entretien : Antoine Spire fait remarquer à Jacques Derrida que la cause féminine a très tôt mobilisé son travail, que la différence sexuelle est présente dans beaucoup de ses textes. Il répond, je cite :
« Je parle surtout, depuis longtemps, des différences sexuelles, plutôt que d’une seule différence - duelle et oppositionnelle - qui est en effet, avec le phallocentrisme, avec ce que je surnomme aussi le "phallogocentrisme", un trait structurel du discours philosophique qui aura prévalu dans la tradition. La déconstruction passe en tout premier lieu par là. Tout y revient. Avant toute politisation féministe (et, bien que je m’y sois souvent associé, à certaines conditions), il importe de reconnaître cette puissante assise phallogocentrique qui conditionne à peu près tout notre héritage culturel [je souligne, C.D.]. Quant à la tradition proprement philosophique de cet héritage phallocentrique, elle est représentée, de façon certes fort différente mais égale, aussi bien chez Platon que chez Freud ou Lacan, chez Kant que chez Hegel, Heidegger ou Lévinas. Je me suis employé à le démontrer en tout cas. »
Il ressort de ces mots que la déconstruction du phallogocentrisme - mais on pourrait peut-être aussi bien dire « la déconstruction » tout court - n’est pas une posture féministe ou politique, en tous cas pas en premier lieu. Et si elle n’en est pas une, c’est d’abord parce que Jacques Derrida veut justement éviter le jugement trop tranché d’une opposition duelle entre l’homme et la femme. Les choses sont sans doute plus compliquées, on pourrait sans doute les penser autrement, plutôt penser à des différences sexuelles au pluriel (peut-être à des mélanges de genre chez les hommes et les femmes, jusqu’à repenser aussi l’homosexualité, qu’elle soit féminine ou masculine, etc.). Je répète pour les souligner les mots de Jacques Derrida : « Avant toute politisation féministe, il importe de reconnaître cette puissance assise phallogocentrique qui conditionne à peu près tout notre héritage culturel. » Ainsi par exemple, dans les faits, ou en tous cas dans les faits dont témoignent historiquement les livres autorisés de la tradition, ceux qui jouissent d’une reconnaissance posthume, Jacques Derrida remarque au cours d’un entretien filmé 5 que la philosophie a toujours été liée à une figure masculine : « le philosophe » est un homme, il peut être aussi un père, mais il sera plus rarement une femme ou une mère (y compris dans un sens symbolique pouvant s’appliquer tout autant à un homme).
Nous pouvons appuyer ce propos d’une simple donnée historique : du point de vue académique, que le philosophe puisse être physiquement une femme n’aura sans doute pas eu de réalité concrète avant la tradition du 20e siècle (Hannah Arendt, Simone Weil, Simone de Beauvoir...). Mais il faut remarquer là-dessus que ces femmes philosophes se sont trouvées dans une situation où elles devaient penser à partir d’une tradition ancienne très majoritairement masculine, bâtie sur « une puissante assise phallogocentrique » pour reprendre l’expression de Jacques Derrida. De la sorte, que la femme puisse désormais, depuis le 20e siècle, exercer plus librement un travail de pensée, de littérature ou de création ne règle pas tous les problèmes et toutes les questions, si l’on peut dire. Ici et maintenant, nous vivons et pensons toujours sur un fond d’héritage ancien, marqué par un certain type, par un certain « trait structurel (…) qui aura prévalu dans la tradition ». Nous sommes toujours liés à lui, que l’on soit femme ou homme, mais dès lors de manière sans doute différente du fait que l’on est homme ou femme, chacun(e) autrement fidèle et/ou infidèle à l’égard de l’héritage. C’est pourquoi le travail déconstructif de Derrida, patient et responsable, se montre de la plus grande importance. Ce geste contemporain de lecture et de relecture attentives, à la fois fidèle et infidèle donc, qui consiste à désédimenter les strates de notre héritage culturel, à en déjointer les éléments pour comprendre comment ils tiennent ensemble permet d’ouvrir de l’espace au sein de cet ensemble, autrement. Jusqu’à la possibilité, ou « l’impossible », d’une venue imprévisible de l’autre, encore à venir... peut-être.
Ainsi, si le phallogocentrisme est un thème majeur de la déconstruction derridienne, qui interroge et porte sur la tradition, cela vient manifestement du fait que le déséquilibre est flagrant entre une présence masculine et une présence féminine (dans la tradition entendue d’un point de vue philosophique, morale, sexuelle, fantasmatique, politique, etc). On peut même aller jusqu’à se demander si cette tradition ne s’est pas en partie construite sur et à partir d’une certaine exclusion de la femme et du féminin. La question reste ouverte - et nous n’en sommes déjà plus là aujourd’hui. La déconstruction révèle et interroge en ce sens une forme de déséquilibre, elle pointe une apparence d’anormalité.
Point d’achoppement dans la tradition, car la femme apparaît peu, semble ne jamais apparaître comme telle. Dans Politiques de l’amitié 6 , Jacques Derrida présente une lecture généalogique du modèle canonique de l’amitié en circulation depuis Aristote, en passant par Cicéron, Montaigne, Kant, Nietzsche, jusqu’à plus près de nous. Il fait apparaître de ce biais que l’ami est toujours un homme, jamais une femme, que l’amitié concerne toujours des couples d’hommes. Les autres formes d’amitiés, entre hommes et femmes, ou bien entre femmes, n’ont pas laissé de traces aussi légitimes et exemplaires dans le système d’autorité et de légitimation que constituent les grands traités. Elles demeurent marginales, voire plus significativement occultées. Jacques Derrida reprend le fil d’un certain modèle de l’amitié, le modèle viril de l’amitié vertueuse pensé par Aristote. L’amitié par excellence, la plus haute forme d’amitié concerne des hommes qui ont entre eux des rapports de ressemblance. Par suite, ces amis se seront trouvés ressembler, de façon non fortuite, à des « frères ». La question se pose alors de savoir ce que devient la sœur dans cette histoire, autrement dit la femme, l’autre du masculin ? C’est une question que l’on pourrait dire de souci démocratique, un peu comme l’on aura de nos jours parlé de « parité », c’est-à-dire du souci d’une représentation égale des hommes et des femmes dans les assemblés politiques. Mais la question est de tonalité d’autant plus démocratique que « la fraternité » elle-même est naturellement associée à l’idéal démocratique (cf. la devise française depuis la Révolution : « Liberté, Egalité, Fraternité »). Jacques Derrida le souligne, « la démocratie s’est rarement déterminée sans la confrérie ou la confraternité » 7 . Il s’ensuit que dans l’histoire de la démocratie, ce qui engage des enjeux politiques et ce jusqu’à aujourd’hui, le privilège aura été donné au modèle phallocentrique du frère, du sol, de la nation. Jacques Derrida remarque que toutes les grandes philosophies de l’amitié - androcentriques ou androcentrées - sont nouées autour de la question du politique. Ainsi, si les hommes vivant démocratiquement sont comme des frères, à l’origine des frères de la nation ou de la patrie, il semble ne rester pour la femme que la possibilité d’une assimilation dans ce modèle (mais quand ?... je veux dire, depuis quand et depuis quel lieu ce problème se pose-t-il ? depuis la libération des femmes ? le temps de la déconstruction, dans « la bibliothèque » et dans le monde ? ou alors bien avant tout cela, comme depuis toujours ?...) : la sœur est un cas du frère, une espèce du genre frère 8 . Ce modèle androcentré est-il convenable et adéquat pour penser aujourd’hui la citoyenneté des femmes au sein d’un système politique, rigoureusement parlant ? Jacques Derrida pose en ce sens la question, interroge : « que dit-on quand on dit frère ? »
Concernant la pensée politique de l’ami et de l’ennemi, Derrida interroge dans ce même livre la pensée de Carl Schmitt. L’idée principale de Schmitt est que l’espace politique s’ouvre à partir du moment où l’on peut identifier l’ennemi. Il faut la possibilité réelle d’une guerre pour que le champ politique s’organise. Je ne reprendrai pas plus avant la pensée de Schmitt et l’analyse profonde et détaillée que Jacques Derrida en fait dans Politiques de l’amitié, mais je citerai un passage qui me semble éclairer parfaitement une certaine situation générale du discours traditionnel et culturel. Jacques Derrida écrit :
« Revenons à Schmitt et prenons du champ. Ce qu’une vue macroscopique peut mettre en perspective, de très loin et de très haut, c’est un certain désert. Pas femme qui vive 9 . Un désert peuplé, certes, un plein désert en plein désert, et même, diront certains, un désert noir du monde : oui, mais des hommes, des hommes, des hommes, depuis des siècles de guerre, et des costumes, des chapeaux, des uniformes, des soutanes, et des guerriers, des colonels, des généraux, des partisans, des stratèges, et des politiques, des professeurs, des théoriciens du politique, des théologiens. Vous chercheriez en vain une figure de femme, une silhouette féminine, et la moindre allusion à la différence sexuelle. » 10
Carl Schmitt pense un monde peuplé d’hommes, sans présence de femmes. Alors que Platon, au moins, ménageait dans la République idéale une place pour les femmes en tant que gardiennes de la cité, Jacques Derrida note qu’il n’y a pas même une femme-soldat chez Carl Schmitt. On pourrait alors accorder à Schmitt qu’il parle de la réalité de la guerre, et que dans les faits les femmes n’y participent pas de front. Certes, mais il est significatif que Schmitt ne parle pas non plus des actions de résistance faites par des femmes dans certains conflits ayant eu lieu en Europe. Et ainsi se pose la question : pourquoi une certaine réalité de l’action des femmes - qu’elle soit d’ailleurs positive ou négative - n’est-elle pas prise en compte par le discours théorique sur la guerre, reconnue comme digne de réflexion ? On pourrait en dire de même concernant l’amitié, en inversant la donne : que les grands traités de l’amitié ne traitent généralement pas de l’amitié entre femmes, ou entre hommes et femmes, ne signifie pas que celles-ci n’existent pas ou qu’elles n’ont jamais existé. Il y a juste à reconnaître que la tradition qui a marqué une certaine autorité dans les livres occulte cet aspect de la réalité, ou en tous cas n’en tient pas compte, comme s’il était insignifiant.
On peut dès lors mieux comprendre le sens du travail déconstructif. Pour une part, la déconstruction est un questionnement sur toute une architecture de la pensée traditionnelle : elle analyse les structures sédimentées qui forment l’élément discursif dans lequel nous pensons, et ceci notamment dans le but de permettre et d’ouvrir d’autres possibilités de discours, d’agencement, qui en particulier ne soient pas nécessairement systématiques au sens des systèmes philosophiques, clos sur eux-mêmes. La déconstruction est une réflexion sur le système, sur la clôture et l’ouverture du système. Ainsi, si dans la tradition qui présente une certaine systématicité de pensée (par exemple dans l’opposition duelle de l’homme et de la femme), le politique est fortement ancré dans une tendance phallogocentriste, dans les livres et dans l’histoire, que peut-on faire ? Il s’agit pour Derrida de repenser les entités sans plus exclure. Ici et maintenant, il faut inventer d’autres noms, tenter de se porter au-delà de ce politique-ci, dans l’espoir et le rêve que quelque chose de neuf puisse encore venir, survenir... telle par exemple « une démocratie à venir », pour reprendre le titre d’un autre livre.
Je ferai à présent deux remarques au sujet de la déconstruction du phallogocentrisme, par rapport à la possibilité d’une ouverture de la clôture visée dans le geste déconstructif. Premièrement, en déconstruisant le discours traditionnel, la déconstruction s’appuie sur l’analyse de textes masculins qui sont naturellement empreints de phallogocentrisme. C’est cette forme de déconstruction que nous avons observée précédemment : en analysant les strates sédimentées repérables dans tel ou tel discours, il s’agit d’ouvrir un espace à l’intérieur de l’espace clos qui peut témoigner d’une certaine occultation des femmes. Deuxièmement, si prise sous un certain angle la tradition tend à exclure la femme et la féminité au profit de discours de dominance masculine, ceci est le plus vraisemblablement lié au fait que ce sont des hommes qui ont dans l’histoire le plus écrit. Le désert des femmes dans certains livres et lié à un autre désert, à savoir celui des femmes qui écrivent, parlent, inventent, créent, dans leur voix et dans leur regard de femmes.
J’illustrerai pour finir ces deux points à partir de deux textes : Chorégraphies 11 , un entretien paru en 1982 dans la revue américaine Diacritics et Prégnances, livre reparu en 2004, après le décès de Jacques Derrida.
Dans Chorégraphies, Christie V. McDonald qui interroge Jacques Derrida évoque pour commencer les paroles d’une féministe non-conformiste (maverick 12 feminist), Emma Goldman (1869-1940), qui s’adresse ainsi au mouvement féministe traditionnel : « Si je ne peux pas danser, je ne veux pas en être de votre révolution ». Dans un même souci, de liberté et de danse, ce qui inquiète Jacques Derrida est le phénomène d’un mouvement de libération chez les femmes qui ne ferait que répéter l’histoire, un certain concept du progrès et de l’histoire. Dans ce schéma, cette ligne programmée et programmatique, rien de véritablement nouveau ne peut arriver, au sens de quelque chose d’inouï, d’imprévisible et de réellement vivant : « tout s’écoulerait, coulerait, sombrerait dans ce même fleuve (homogénéisé, stérilisé), de l’histoire des hommes avec son vieux cortège de réappropriation, de "libération", d’autonomie, de maîtrise, bref le cortège de la métaphysique et de la technique ». Le risque est donc que le féminisme prenne modèle sur le modèle phallogocentrique de manière inversée, en reprenant ses normes et ses représentations (et un « gynocentrisme » de pensée - je propose symétriquement le terme - succèderait alors au phallocentrisme, pour passer d’un même excès à l’autre...). Plus loin sans doute que bien des femmes féministes, Jacques Derrida guette la nouveauté, l’imprévisibilité et la surprise, à l’image du mouvement de danse désiré par « la maverick feminist » évoquée au début de l’entretien. Il le dit explicitement en ces termes : « Qui est-elle au juste [Emma Goldman] ? Sans disposer du contexte, j’essaie d’imaginer ce qu’elle voulait ainsi manifester. »
On comprend que si Jacques Derrida refusait dans une certaine mesure l’assimilation de ses propos à une posture féministe, c’est en ce qu’il opposait une résistance envers tout phénomène trop communément identitaire, figé sur lui-même (et ceci est tout aussi vrai dans d’autres contextes, par exemple concernant la question juive), en lequel manquerait un espace pour la danse. Fût-ce la danse de et dans la pensée. C’est selon lui l’attitude perceptible dans un certain féminisme réactif, qui produit une répétition dans le schéma d’un progrès historique continu en marche vers plus d’autonomisation (inclination de pensée fortement «métaphysique» s’il en est) - cela au lieu de chercher à inventer autre chose. Je cite un autre extrait de l’entretien qui exprime cette idée :
« Peut-être que la femme n’a pas d’histoire, non pas en raison d’un "éternel féminin" mais parce qu’on peut, tout seul, toute seule, résister, s’écarter (pour danser, précisément) d’une certaine histoire dans laquelle on inscrit en général la révolution, ou du moins son "concept", l’histoire comme progrès continu, malgré la rupture révolutionnaire, histoire ici orientée par le mouvement de la femme vers la réappropriation de sa propre essence, de sa propre différence, vers sa "vérité". Votre "maverick feminist" se disait prête à rompre, et d’abord par ennui et par goût de la danse, avec le consensus le plus autorisé, le plus dogmatique, et le plus grave puisqu’il prétend parler au nom de la révolution et de l’histoire. Peut-être pensait-elle aussi à une tout autre histoire, avec des lois paradoxales, des discontinuités non dialectisables, des îlots absolument hétérogènes, des singularités irréductibles, des différences sexuelles inouïes, incalculables, des femmes qui sont allées "plus loin" il y a des siècles, à l’écart et d’un seul pas dansant, d’autres qui inventent aujourd’hui des idiomes sexuels à l’écart du grand forum féministe, avec une réserve qui ne les empêche pas forcément de s’y inscrire et d’y militer à l’occasion. Mais je spécule. Il vaut mieux que je revienne à votre question. »
Cette question qu’on lui posait au début de l’entretien était celle de définir quelle pourrait être la place de la femme, « the woman’s place ». Or la réponse de Jacques Derrida est qu’il se garderait bien justement de chercher à définir une telle place, comme d’ailleurs on a pu vouloir le faire traditionnellement en assignant la place de la femme comme « at home or in the kitchen », à la maison ou dans la cuisine. De même qu’il dit ne pas chercher à définir un « concept » de femme, ne pas en avoir besoin. Jacques Derrida s’écarte de la tradition essentialiste métaphysique qui veut répondre à la question « ti esti », « qu’est-ce que c’est ? ». Il entreprend de déplacer la question : « Pourquoi faudrait-il qu’il y ait une place pour la femme ? Et pourquoi une seule, une tout essentielle ? » Il s’agit au contraire d’introduire un déplacement dans l’idée même de place, comprise comme essentielle autant qu’assignée. Il faut déplacer les places, changer ou transformer le paysage et les catégories traditionnelles dans lesquelles nous pensons, ou en tous cas dans lesquelles les hommes et les femmes ont longtemps pensé (mais qui sont - ou qui est - « les hommes » et « les femmes » ? J’en viens de nouveau à cette question posée en introduction...).
Ce déplacement s’opère dans le geste déconstructif mis en œuvre par la lecture et la relecture des grands textes passés. Mais à la fin, pour finir ou pour commencer, dans toute cette histoire la femme n’a-t-elle pas elle-même son mot à dire ? J’en viens à mon dernier point et à la conclusion.
Le livre Prégnances présente la situation d’une femme peintre, Colette Deblé, qui peint des tableaux inspirés des grands tableaux de la tradition (des photos de l’oeuvre de C.D. sont placées dans la deuxième moitié du volume). Elle mime l’histoire de la peinture tout en laissant voir un déplacement, elle répète les grandes représentations de la femme en les repeignant autrement. Ce faisant, elle ironise plus ou moins sur la tradition phallocentrique, sans donc se contenter « d’interroger » la tradition. Elle parle, en peinture, images et couleurs, et Jacques Derrida parle cette peinture avec des mots. Il prend ainsi la voix d’une autre, qu’il comprend, mais sans s’y substituer. En quelque sorte, une femme dit, de sa situation propre de femme : « Je n’ai pas d’histoire », ou « cette version de l’histoire n’est pas la mienne, mais la vôtre... et je vous la montre, vous la re-présente après-coup, avec d’autres yeux, des yeux de femme ». Il y a une grande délicatesse de Jacques Derrida dans ce livre, par exemple lorsqu’il parle du « corps propre » de la femme mais sans dire ce que c’est - en employant le double sens du mot « propre » (ce qui est lavé, sain ou assaini et ce qui est approprié, authentique, comme la vision d’un corps qui revient à soi - même).
« Un lavis non pas pour annoncer qu’on va se laver, bien entendu à grande eau, l’histoire des femmes à grande eau en vue de réapproprier, de mettre, mais enfin, le corps nu, le vrai corps, le corps propre de la femme. » 13
Comme si le penseur voulait laver le corps féminin de certaines souillures de l’histoire en apparence, à la recherche du corps même mais pour l’autre ; en parant contre la contamination du regard étranger, étrange, celui de l’autre, donc même la sienne, par un effacement de soi. Car parler d’un corps propre de la femme sans dire ce qu’il est, ni chercher à le décrire, c’est laisser à l’autre (l’autre-femme) la liberté de se voir telle qu’en elle-même. Enfin. Et Jacques Derrida écrit et décrit cette vision invisible en employant un vocabulaire sciemment choisi jusque dans les images, de consonnance plutôt féminine.
« Il est gros de proverbes, de morceaux de mots, de clameurs suspendues, d’échos à conjuguer ou à laisser flotter. Engrossé comme une femme enceinte ou comme la cargaison d’un navire en partance (…). » 14
Aucun philosophe ou penseur n’aura peut-être eu ce geste auparavant. Par le passé, on aura bien dit que la femme est ceci ou cela, qu’elle est telle ou telle, mais le jugement était souvent fait à partir du modèle masculin, par défaut de lui, par opposition (assez souvent négative) à lui. Mais, ou or : « un sexe n’a pas de contraire, voyez-vous, voilà la vérité, il faudrait savoir s’y faire ou s’y prendre... » 15 . Chose incroyable quand on y pense ! Jamais il n’aura été simplement demandé à la femme ce qu’elle-même pouvait penser d’elle-même, comment elle pouvait se voir, voir même comment elle se voyait dans le regard masculin de l’autre, bien ou mal (tout comme la question finira par se poser de savoir comment l’homme se voit au travers de tel ou tel discours et regard féminins - l’homme, les hommes, certains hommes...). Si les discours de la tradition ont parlé des femmes, c’est presque uniquement avec un regard masculin et depuis le lieu d’une parole masculine. Or ils ont fait autorité.
« Oubliez la querelle (quarell) qu’elle lui cherche, elle, avec elles (…), la querelle qu’elle cherche à toute l’histoire de la peinture, à ces patrons de peintres, à tant de mains et de manoeuvres d’homme, à tous les maîtres qui ont mis en scène et représenté (occulté, sublimé, élevé, voilé, vêtu, dévêtu, révélé, dévoilé, revoilé, mythifié, dénié, connu ou méconnu, en un mot vérifié, cela revient au même, à la vérité) : le corps de la femme. Qui a tout supporté. Toujours la femme support et subjectile, la femme-sujet [on entend facilement en écho le jeu avec "femme-objet"], la femme aura été leur sujet, non, celui de Colette Deblé, malgré l’apparence. » 16
Dans Prégnances et dans d’autres livres, au temps de la déconstruction les paroles de Jacques Derrida sur la tradition auront eu à leur tour à faire figure d’autorité. Pour en venir donc à contourner légitimement le courant d’une certaine voix unique d’autorité - tout en gardant le respect intact.
« A travers les couches écrasantes de la mémoire paternelle (et Veronese, et Tintoret, et Titien, et Rubens, et tant d’autres chefs d’école, montreurs et metteurs en scène patentés), elle aiguise une vision sans exemple. Ne restaurant jamais quand elle remet à flot, touchant à l’original (c’est interdit dans les musées mais il suffit que le gardien ait le dos tourné)... » 17
L’original. Le corps propre de la femme dont il était question tout à l’heure, peut-être aussi sa manière propre de peindre, de parler, ou encore peut-être ses propres tournures de penser, de danser et de vivre... peut-être... J’en viens maintenant à la conclusion.
Qu’aura fait Jacques Derrida dans cette histoire du phallogocentrisme, et quel désir profondément pensé s’y montre ? Celui d’ouvrir un espace, de se rendre disponible pour laisser être, pour laisser ouvert l’espace propice pour une venue de l’autre. Ou même de plusieurs venues. Il invite à cette venue plurielle, encore à venir... Il cherche à faire entrer la femme dans la tradition, dans la philosophie, ou encore dans le dictionnaire académique, en partant du constat qu’elle y paraît exclue comme telle. Sorte d’injonction impérieuse, autant qu’une invitation amicale et aimante, il invite pour qu’elles deviennent, à leur tour et autrement, des figures aussi exemplaires et légitimes. Et alors, une question se pose : si la femme tend à avoir été exclue de la philosophie, occultée dans la tradition en général, si elle se retrouve en position de relative exclusion dans le dedans de « la bibliothèque » alors qu’elle existe bien en son dehors, dans le monde, et autrement aujourd’hui que par le passé, qu’est-ce que la philosophie et qu’est-ce que la tradition ? Ou que seront-elles une fois que la femme y sera réintroduite en son nom ? Si ce qui était exclu est réintroduit dans ce qui l’avait exclu, alors que se passe-t-il ? Y aura-t-il toujours « la philosophie » (« la métaphysique »), la même ? En son nom, Jacques Derrida ne peut pas répondre sans doute. Il faudrait qu’Echo reprenne les mots de Narcisse, s’approprie son dire pour dire autre chose, selon l’histoire chère à Derrida présente dans Prégnances. Il faut que la femme réponde elle-même. Qu’elle pense, peigne ou écrive, partage ses visions et ses paroles à elle, de plus en plus. Il n’y aura jamais trop de voix plurielles. Après quoi aussi l’on pourra mieux envisager cette dite « question de la femme », je veux dire son sens et sa pertinence, en se retournant autrement et mieux sur le passé de son histoire, voire de toute l’histoire humaine, au présent.
« En ce sens, on peut entendre, à travers le murmure de ces dessins, une douce et désarmée critique des autorités sentencieuses qui président aux grandes histoires historiennes de la femme, voire de la représentation de la femme, aux grandes narrations sûres de ce que sont ces choses, et l’histoire et la représentation, et l’homme et la femme, et leur apparition stabilisée en un tableau, sans inquiétude au sujet de ce que deviennent le trait et la couleur d’une scène, d’un mythe ou d’une histoire quand une femme y figure autrement qu’en figurante, quand elle y prend ou aussi bien quand elle y donne figure, quand elle se voit dessinée ou peinte - ou dessiner ou peindre (…) ». 18
Si l’on tentait d’en imaginer le rêve ou la rêverie, quel aurait été idéalement le fil à suivre pour accompagner la sortie contemporaine du phallogocentrisme ? En ne l’excluant pas, ou plus, mais au contraire en l’invitant à venir, à reprendre une place, sa place, celle que peut-être la tradition lui avait refusée tandis qu’elle s’élaborait comme cette tradition-là (celle qui aura privilégié le modèle phallocentrique, la figure de l’homme, du frère, sans faire cas de la sœur si ce n’est en la réduisant au frère, etc.), il aurait fallu que « le philosophe » - l’homme en un sens représentatif de cette tradition, affilié à elle en même temps qu’il s’en s’écarte - invite la femme à parler elle-même, d’elle-même. C’est ce que Jacques Derrida aura fait avec la déconstruction.
Partant du constat que la tradition s’est en partie construite et bâtie sur une exclusion des femmes et du féminin, et déconstruisant cette histoire, il ouvre un espace propice à la venue de l’autre. En en appelant à la voix de l’autre, il engage ainsi le peut-être d’une réorientation du discours, de l’histoire et de la tradition.
« Une autre voix... Que vienne à cette heure encore une autre voix... un ordre ou une promesse, le désir d’une prière, je ne sais pas... pas encore. » 19
P.P. : Feu ELLE
Son œil fend la Nuit. De haut en bas perce le voile d’Ombre qui la cache et la recouvre la pointe du regard aiguë précise. Le passage est frayé. Elle ira traverser cette fente incisée dans les apparences jusque là-bas de l’autre côté sa Lumière l’attend. - Rien ne pouvait la retenir dans cette aimance.
La chaleur touche sa main dans l’ouverture elle a passé une épaule sur sa nuque glisse la Lumière l’autre épaule est passée, puis son corps entier s’y réchauffe. De l’autre côté de la fente lumineuse elle s’y attise pleine positivité d’être à la ressemblance de son nom. « Elle » sonne et résonne dans le silence. Elle s’y engouffre entièrement elle y plonge elle s’y réfugie. Elle y brûle peut-être mais le Feu dans son esprit ne la détruit pas. Au contraire. Le Feu est elle, ils ne sont qu’une. C’est elle. Ou deux en une.
Est-ce alors par ce Feu que tu as vu ? Comme si tu voulais sortir le monde de toi, le tirer à toi, le réveiller et toi du rêve d’un monde à moitié englouti que tu faisais, depuis si longtemps, trop longtemps ? Car après tout, qu’est ce que « le » monde ? Le tien, « ton » monde ? Et à qui appartenait-il lorsque tu as voulu le leur reprendre ?
Pourtant ce pouvait être un don. Rendre die Welt à elle-même, puis dire en le pensant que rien n’est plus pareil depuis.
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Jacques Derrida, Prégnances, Lavis de Colette Deblé. Peintures, Mont-de-Marsan, L’Atelier des Brisants, 2004, p. 13 ↩
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Conférence prononcée au Colloque International de Phénoménologie de l’Université catholique de Porto Alegre au Brésil, en juin 2006. Une première version est parue à Sens Public en juin 2006, sans le post-pensum. Octobre 2007 pour la présente édition. ↩
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La déconstruction du "phallogocentrisme" du duel au duo... « et plus de deux, toujours plus de deux... ». ↩
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« Entretien avec Jacques Derrida : autrui est secret parce qu’il est autre », in Le Monde de l’éducation, n°284, septembre 2000. ↩
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Derrida (2002), film documentaire réalisé par Kirby Dick et Amy Ziering Kofman, Etats-unis, 2002 (1h24). ↩
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Jacques Derrida, Politiques de l’amitié, Paris, Galilée, 1994. ↩
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Politiques de l’amitié, p. 13 ↩
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Tout comme, dans la langue française, la femme peut apparaître comme une espèce du genre « homme », l’expression « les hommes » semblant assimiler la totalité du genre humain, hommes et/ou femmes. ↩
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De nos jours encore en temps de guerre, constatons que certaines images télévisées autour des protagonistes peuvent donner une impression semblable, aussi variable suivant le contexte et les régions du conflit, peu ou prou... ↩
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Politiques de l’amitié, p. 179 ↩
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Correspondance avec Christie V. McDonald parue dans Diacritics, 12, (2), été 1982, Johns Hopkins University Press. Publiée dans Points de Suspension. Entretiens, Paris, Galilée, 1992. ↩
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Le mot « maverick » (1872) provient du nom d’un rancher américain du Texas, Samuel Maverick, qui accidentellement n’avait pas tâtoué son bétail. Par suite, « maverick » désigne un veau non marqué, égaré. Pris au sens figuré, le mot désigne une personne indépendante, non-conformiste à l’égard d’un groupe ou d’un mouvement social et politique, par exemple. ↩
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Jacques Derrida, Prégnances, p. 8 ↩
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loc. cit. ↩
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op. cit., p. 20 ↩
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op. cit., p. 10 ↩
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loc. cit. ↩
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op. cit., p. 13 ↩
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Jacques Derrida, Feu la Cendre, Paris, éd. Des Femmes, 2001. Un enregistrement sonore du texte lu par Carole Bouquet et par Jacques Derrida est paru pour la première fois en 1987 et fut réédité en 2004 en CD audio (même éditeur). ↩