×

Ce site est un chantier à ciel ouvert habité par les éditeurs, lecteurs, auteurs, techniciens, designers de Sens public. Il s'agence et s'aménage au fil de l'eau. Explorez et prenez vos marques (mode d'emploi ici) !

La tradition entre fidélité et trahison

Informations
  • Résumé
  • Mots-clés (13)
      • Mot-clésFR Auteur 1 article
        1 article
        Mot-clésFR Auteur 1 article
        1 article
        Mot-clésFR Éditeur 9 articles
        9 articles
        Mot-clésFR Auteur 3 articles
        3 articles
        Mot-clésFR Auteur 1 article
        1 article
        Mot-clésFR Éditeur 106 articles 6 dossiers,  
        106 articles 6 dossiers,  
        Mot-clésFR Auteur 1 article
        1 article
        Mot-clésFR Éditeur 9 articles
        9 articles
        Mot-clésFR Auteur 7 articles 1 dossier,  
        7 articles 1 dossier,  
        Mot-clésFR Auteur 1 article
        1 article
        Mot-clésFR Éditeur 29 articles
        29 articles
        Mot-clésFR Auteur 1 article
        1 article
        Mot-clésFR Auteur 2 articles
        2 articles
      Texte

      L’étymologie latine du mot « tradition » exprime l’idée d’une transmission. Traditio signifie « acte de transmettre », le nom commun français met davantage l’accent sur le contenu de ce qui est transmis. La tradition transmet quelque chose du passé au présent, elle s’inscrit dans une temporalité, un devenir. Celui d’une communauté considérée d’un point de vue culturel, social, religieux, moral, etc., qui continue au présent de son existence de la faire perdurer, par-delà la finitude humaine. Il y a tradition, transmission, parce que l’humain est mortel. D’où que la tradition est indissociable de la notion d’héritage. Héritée du passé, une tradition consolide le lien communautaire et/ou l’identité d’un groupe d’individus dans le temps. Il y a ce double mouvement de transmission : la tradition forme la communauté des individus qui en héritent, et cette communauté héritière garantit la continuité de la tradition.

      La tradition est transmise et reçue, transmise pour être reçue, et c’est parce qu’elle est reçue comme héritage qu’elle apparaît comme tradition. Si en effet la tradition n’était pas reconnue comme telle par ceux qui la reçoivent, fût-ce pour la rejeter, elle ne serait pas « tradition ». Ceux qui la reçoivent en décident finalement : héritée du passé, la tradition se vit et existe au présent, le présent la réactive comme tradition, sans quoi elle ne serait rien.

      Mais que veut dire hériter d’une tradition ? Est-ce que cela signifie préserver le passé sans rien en changer, et en ayant peut-être la responsabilité de ne rien en changer ? Faut-il respecter et sauvegarder la tradition comme telle, justement parce qu’elle est « la tradition » ? La difficulté est là, dans le côtoiement avec la notion d’autorité que toute tradition tend à représenter. En appelant au respect du passé, la tradition exige d’être conservée et respectée comme telle ; mais si elle a comme finalité d’assurer le devenir communautaire d’un groupe, ne risque-t-elle pas de contrarier le devenir de son évolution, qu’elle est pourtant censée sauvegarder, si elle retient voire aliène la communauté dans le passé ? Tout se passe comme s’il y avait appel à une responsabilité impossible. Comment recevoir et perpétuer la tradition comme telle, sans la trahir, si elle engage ceux qui en héritent à perpétuer un passé dont peut-être le présent ne veut plus, et parfois non sans raison ?

      Le procès de Galilée de 1633, suite à la publication du Dialogue sur les deux grands systèmes du monde (1632), présente une situation exemplaire de l’intolérance que peut montrer la tradition face à la nouveauté et l’invention. Alors que l’autorité de l’Église imposait une vision du monde géocentrique appuyée par les doctrines de Ptolémée et d’Aristote, Galilée s’était vu soumis à la censure dès 1616 pour avoir défendu le système héliocentrique de Copernic. Désobéissant à l’ordre de censure, il fut accusé d’hérésie et contraint d’abjurer à Rome le 22 juin 1633. Voici un extrait de son discours d’abjuration :

      « Moi, Galilée (…), en mon âge de soixante-dix ans, cité personnellement en jugement et agenouillé devant vous, très Éminents et très Révérends Cardinaux, dans toute la République chrétienne contre la dépravation hérétique, Inquisiteurs généraux, ayant sous les yeux les très Saintes Évangiles, que je touche de mes propres mains, je jure que j’ai toujours cru, que je crois à présent et qu’avec l’aide de Dieu je croirai pour l’avenir tout ce que tient, prêche et enseigne la très Sainte Église Catholique et Apostolique. (…) Par ce Saint Office j’ai été jugé véhémentement suspect d’hérésie, c’est-à-dire d’avoir tenu et cru que le soleil serait le centre du monde et immobile, et que la terre n’en serait pas le centre et serait mobile. »

      Je m’appuierai sur l’article « Tolérance » de L’Encyclopédie des Lumières pour porter un éclairage sur ce procès. A y regarder simplement, le Saint Office de Rome se montre intolérant pour le motif que donne l’auteur de L’Encyclopédie, M. Romilly le fils (porte-parole de ce qui est alors appelé « le parti des encyclopédistes ») : l’intolérance de l’Église va de pair avec son infaillibilité proclamée. Romilly écrit que la nécessité de la tolérance vient de la variété de nos opinions et du fait que nous sommes sujets à l’erreur. Il faut le reconnaître pour soi et pour autrui. Nous ne pouvons être unanimes et nous ne sommes pas dotés d’une capacité parfaite de jugement. Les mêmes défauts qui nous partagent et justifient la nécessité de la tolérance, sont à la source de l’intolérance :

      « Qui peut donc voir, sans douleur et sans indignation, que la raison même qui devrait nous porter à l’indulgence et à l’humanité - l’insuffisance de nos lumières et la diversité de nos opinions - soit précisément celle qui nous divise avec le plus de fureur ? Nous devenons les juges et les accusateurs de nos semblables (…) ; et comme si nous étions infaillibles, l’erreur ne peut trouver grâce à nos yeux. »

      Dans le procès, l’Église détient de droit un jugement infaillible. Or c’est précisément la tradition chrétienne qui justifie cette infaillibilité. Dans la doctrine catholique, « la Tradition » englobe l’ensemble des enseignements, des dogmes et des pratiques cultuelles que l’Église adopte au cours de son histoire, ce qui se confond avec la vérité de « la Révélation ». Et ceci est déjà un point de doctrine : « l’Esprit Saint » a parlé au travers des apôtres puis de tous les représentants de l’Église, de génération en génération. Cet enseignement, qui fait partie de la tradition chrétienne, rend légitime et fonde en même temps de l’intérieur l’autorité de cette tradition. C’est d’ailleurs une particularité de l’Église d’avoir élevé la tradition au rang d’un critère de vérité doctrinale. Et elle est seule une institution qui se soit proclamée fondée et tenante d’une tradition. A la différence de Galilée, l’autorité du Saint-Office ne s’appuie pas sur la raison et l’argumentation critique, mais essentiellement sur les textes sacrés et sur l’interprétation qu’elle en donne, toujours au nom de la tradition. Il est écrit dans la Bible que Josué arrêta le soleil, ce qui fonde la vérité du système géocentrique : si le soleil a été arrêté, c’est qu’il est en mouvement. En 1616, un avis consultatif avait été rédigé par le Saint-Office contre Galilée en forme d’avertissement. Il donnait l’ordre de travailler « avec des hypothèses de travail (…) sans porter préjudice à la vérité catholique ». La théorie héliocentrique y est désignée comme « stupide et absurde, et fausse en philosophie, et formellement hérétique, car elle contredit explicitement, et en de nombreux paragraphes, les sentences de l’Écriture Sainte, lue selon le sens propre des mots et de l’interprétation des saints Pères et des théologiens ». En 1617, le système de Copernic fut déclaré « comme entièrement opposé à l’Écriture Sainte ». En 1633, en raison de la parution du Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, l’avis consultatif contre Galilée fut proclamé publiquement : Galilée ne présentait pas son travail comme une hypothèse - et un des personnages qui défend le système de Ptolémée dans le dialogue, Simplicio, tournait la Curie papale en ridicule. S’en suivi l’accusation d’hérésie, alors même que des savants éclairés dans l’Église approuvaient les découvertes galiléennes. Le procès, religieux, s’en tint uniquement au respect du dogme.

      Où est le choquant dans ce procès ? On peut le voir de deux manières, de deux points de vue. Je me reporterai de nouveau à l’article de L’Encyclopédie en les distinguant. Pour l’Église, ce qui est choquant est la remise en cause de la Tradition, puisque dans son principe elle n’a pas à être remise en question ; pour une certaine tradition des Lumières, ce qui choque est l’intolérance de l’Église face aux démonstrations scientifiques, ainsi que le moyen de persuasion employé, la menace de torture. Romilly, penseur chrétien, décrit et dénonce dans son article ce qu’il nomme « le système des intolérants » : la certitude d’avoir raison et de détenir la vérité conduit les intolérants à vouloir imposer leurs idées et transformer les esprits, au moyen de la violence si nécessaire. Sur l’illégitimité de fait de la torture, c’est-à-dire le fait qu’elle n’atteigne pas son but, Romilly recourt à un argument sur l’adéquation entre cause et effet, moyen et fin. Pour agir sur des corps, les mouvoir, il faut employer le moyen de la force physique ; pour agir sur des esprits, changer des idées, il faut des raisonnements, des preuves :

      «  Mais quel rapport y a-t-il entre des tortures et des opinions ? Ce qui me paraît clair, évident, me paraîtra-t-il faux dans les souffrances ? Une proposition que je vois comme absurde et contradictoire sera-t-elle claire pour moi sur un échafaud ? (…) Des preuves, des raisonnements peuvent me convaincre et me persuader ; montrez-moi donc ainsi le faux de mes opinions, et j’y renoncerai naturellement et sans efforts ; mais vos tourments ne feront jamais ce que vos raisons n’ont pu faire. »

      La douleur physique ou la peur ne sont pas des moyens qui aident à mieux raisonner, plutôt au contraire, raison sans doute pour laquelle on les emploie. Pour persuader quelqu’un de son erreur, ou comme on dit le « faire changer d’avis », il faut convaincre par preuve et argument. Dans un esprit scientifique, c’est ce que souhaitait faire Galilée à l’égard des doctrines d’Aristote et de Ptolémée. La publication de son travail visait à démontrer leurs erreurs en cosmologie, et par-là à supplanter leur autorité en la matière. Puisque l’Église refusait par et dans son principe - du fait de la tradition transmise et à transmettre - un dialogue basé sur le raisonnement scientifique, et toute remise en cause du dogme par la raison, il ne restait logiquement qu’une alternative : soit Galilée se rangeait du côté des théologiens et affirmait la vérité de la doctrine ; soit il refusait, et se montrait alors non pas tant dans l’erreur que coupable d’hérésie.

      L’exemple du procès de Galilée au 17e siècle met bien en évidence le système d’intolérance qui guette la tradition lorsqu’elle est fortement ancrée dans une posture d’autorité, voire d’auto-autorité (si elle se fonde elle-même comme autorité unique - sans autre forme de procès, comme on dit). Car si rien ne peut venir contredire la tradition, sinon elle-même et ses principes, il n’y a pas de dialogue possible avec l’autre. Il n’y a même pas de dialogue acceptable. L’autorité doit rester incontestée. Et alors, si la doctrine seule ne suffit pas à transformer les idées et les sentiments, il reste le moyen de l’intimidation, tel le recours au châtiment exemplaire pour dissuader de toute transgression. Galilée savait que Giordano Bruno avait été brûlé vif sous l’ordre de l’Inquisition, l’intolérance atteignant un point ultime : quand on ne peut supprimer des idées chez une personne, une solution radicale est de supprimer la personne qui porte ces idées. Menacé de torture, le vieil homme Galilée finit donc par abjurer.

      Dans les faits contemporains, le procès de Galilée n’a pas été "rejugé" par l’Église, qui semble montrer des réticences. En 1822, le Vatican a levé les interdits sur les œuvres de Galilée et Copernic, mais en considérant qu’elle n’avait pas à revenir sur la condamnation. En 1992, sans lever clairement la sentence, il fut toutefois question de « réhabilitation » dans la presse, Jean-Paul II a réaffirmé la grandeur scientifique de Galilée comme il l’avait fait en 1979. Il déplora le conflit avec l’Église dont Galilée eût à souffrir, reconnut les erreurs commises tout en les excusant plus ou moins dans leur contexte historique, en avançant plutôt l’idée d’une incompréhension mutuelle et des torts partagés. Et il maintint ferme pour l’avenir la mission universelle de l’Église, son devoir d’intervention moral en particulier à l’égard des sciences, le cas Galilée étant ici riche d’enseignement.

      Il est clair pour tous que la terre tourne autour du soleil. Comme on dit, la question n’est pas là, ou plus là. Mettant de côté les devoirs de guide universel de l’Église pour l’humanité (« katholou » en grec signifie universel), on peut comprendre que le Vatican puisse se sentir mal à l’aise avec cet épisode de son histoire, voire doublement mal à l’aise. D’une part, l’Église ne peut prétendre aujourd’hui que la justesse des châtiments excessifs infligés pendant l’Inquisition ait été une manifestation de la justice divine. Les représentants actuels de l’Église catholique peuvent difficilement assumer ou défendre les choix et les actes de leurs prédécesseurs pris comme tels. Or, d’autre part, « la Tradition », c’est-à-dire la Révélation chrétienne identifiée à l’histoire de l’Église dans son ensemble, en tant qu’elle recouvre une continuité linéaire de génération en génération, tend à interdire toute rupture morale ou idéologique avec l’histoire antérieure. En conséquence, les représentants actuels de l’Église peuvent difficilement remettre le passé de l’institution en cause, c’est-à-dire leur passé, puisque selon la Tradition, passé et présent ne font qu’un dans l’intemporalité de la Révélation chrétienne. Revenir sur la condamnation de Galilée conduirait l’institution catholique à se condamner elle-même à la place, en remettant en question le bien-fondé de son autorité, dans une certaine mesure. Et remettre en question l’autorité infaillible de l’Église, si l’on pense qu’Église et vérité chrétienne ne font qu’un, c’est dans une certaine mesure risquer de mettre en doute l’histoire chrétienne - que soutient et qui soutient la Tradition 1 ... En un sens, pour le dire sans malice et pour conclure ce point, tout se passe comme si l’Église ne pouvait elle-même se soustraire à cette parole des Évangiles : « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés ».

      Quelles que soient les contradictions en lesquelles l’Église peut se trouver prise aujourd’hui, je ne cherche pas ici à faire son procès, mais à comprendre à partir de cet exemple ce qui se passe ou peut se nouer dans le lien entre autorité et tradition. Faisant le choix d’une réflexion de tradition philosophique plutôt que théologique, je voudrais m’arrêter un instant sur la notion d’ « argument d’autorité ».

      Un argument d’autorité est un argument dont la véracité est légitimée par sa source : le système géocentrique est vrai parce que l’Église l’a dit, rigoureusement parlant. Le lien entre autorité et vérité demeure extérieur à la personne qui croit ou qui pense. La vérité est imposée, elle n’est pas comprise. En un certain sens donc, la particularité de l’argument d’autorité est qu’il n’est pas un argument. Dans les Règles pour la direction de l’esprit, Descartes appelle ce genre de connaissances - qu’il ne considère pas comme de véritables connaissances - « des connaissances par ouï-dire ». On sait que Descartes est le philosophe du bon sens, de la vérité comme évidence. Connaître signifie pour lui avoir la connaissance claire et distincte d’un objet dans un acte de jugement. L’entendement humain a la faculté d’apercevoir la vérité dans une certaine lumière naturelle. Il faut penser et concevoir la vérité pour soi-même dans un assentiment intérieur de l’esprit. La lecture des Anciens, si elle en reste à un travail de mémoire, se confond avec un travail d’historien qui exclut la compréhension. Descartes remarque dans la Règle III que quiconque connaîtrait « tous les arguments de Platon et d’Aristote, sans pourtant pouvoir porter un jugement ferme sur les choses qui sont proposées » ne pourrait se dire philosophe ; de même que ne pourrait se dire mathématicien quiconque connaîtrait « de mémoire toutes les démonstrations de quelques autres, si [son] esprit n’est pas propre à résoudre tous les problèmes qui se peuvent trouver ». Descartes rejette l’argument d’autorité pour y substituer l’autorité de la raison. Par-là même, parce qu’elle ne repose pas sur un jugement de raison, concernant le domaine des sciences démonstratives il relègue la tradition dans la catégorie des « préjugés » (dans la Règle XII, il précise que les vérités révélées ne sont pas du ressort de la science - sagesse - humaine, raison pour laquelle il ne s’en occupe pas).

      Il y eut chez Descartes un rejet radical de la tradition, révolutionnaire. Le rejet est philosophique aussi dans le contexte : dans les Règles pour la direction de l’esprit, tandis qu’il prépare le terrain de la nouvelle science, Descartes entreprend comme Galilée de rompre avec les principes de la philosophie d’Aristote. Ici encore, il s’agit d’un livre écrit contre la tradition doctrinale afin de s’en affranchir et d’y substituer un nouveau savoir , de valider une autre forme de connaissance scientifique. Faire « table rase » du passé est d’ailleurs une attitude que l’on retrouve traditionnellement chez les philosophes : le philosophe cherche la vérité dans un commencement absolu en rupture avec ce qui le précède. Le théologien, à l’inverse, cherche la vérité dans une origine oubliée. Ce fut par exemple l’attitude de Luther lors de la Réforme, le protestantisme dénonçant une dénaturation du message originaire des Évangiles dans le catholicisme au 16e siècle.

      Au 17e siècle, avec l’apparition de la science moderne, le lien étroit entre autorité et tradition tend progressivement à se défaire. Le jugement individuel devient un critère de connaissance qui n’est en droit limité par rien, sinon ses propres limites. A force de preuves, en particulier celles de Newton, l’idée que le savoir scientifique dépendait de calculs appuyés sur des expériences et des observations finit par être acceptée. Descartes écrivait dans la Règle V des Regulae que seules l’observation et la connaissance des lois de la nature permettaient d’établir les mouvements célestes et que supplanter le travail démonstratif par l’autorité de la tradition ne pouvait mener qu’à l’erreur. Aussi, à une époque contemporaine du procès de Galilée, Descartes avait choisi de ne pas publier un Traité du monde qui défendait le système héliocentrique de Copernic. Aujourd’hui, près de quatre siècles plus tard, l’Église reconnaît et affirme l’autonomie de la science à l’égard de la théologie. En ce sens, après la période dite de révolution scientifique, la tradition théologique de l’Église, sans disparaître comme tradition, a dû s’assouplir pour laisser place à une autre tradition rationaliste avec laquelle elle devait maintenant coexister. Descartes, Galilée et L’Encyclopédie des sciences et des techniques de Diderot et d’Alembert font aujourd’hui partie de la tradition intellectuelle européenne. De plus, la notion d’État laïc dans certains pays a achevé de rompre le lien ancien qui existait entre religion et société. D’où cette question au sujet de la Constitution de l’Europe, de savoir s’il faut ou non considérer le christianisme comme un héritage constitutif de l’identité européenne, on pourrait dire comme faisant partie de sa tradition.

      Maintenant (à ce point de raisonnement et à notre époque), dans le procès de Galilée et dans d’autres accusations d’hérésie, on peut dire que l’erreur imputable à l’Église dans son jugement aura été d’imposer son autorité dans des matières où elle n’en a pas l’unique privilège. L’Église n’a pas à établir d’autorité dans la connaissance des phénomènes physiques, cela revient aux sciences démonstratives. En me référant à la Préface au traité du vide de Pascal, je voudrais maintenant m’attacher à cette distinction d’un certain ordre des matières.

      Certains domaines de connaissances sont affaire de mémoire et d’érudition, d’autres de raisonnement et de démonstration. En histoire, en géographie, en jurisprudence et surtout dans la théologie, écrit Pascal, seuls les livres peuvent faire autorité. Il s’agit seulement de savoir ce que les auteurs ont écrit. Pour apprendre une langue, pour savoir qui fut premier roi de France, il n’y a rien à rechercher de plus que ce que les livres enseignent. Il n’en va pas de même dans les domaines de raisonnement, où il s’agit de « chercher et découvrir des vérités cachées 2  ». Ainsi de la géométrie, de l’arithmétique, de la musique, de la physique, de la médecine, de l’architecture, autrement dit des sciences mathématiques. Le progrès dépend ici du raisonnement et des expériences. Une alternative binaire - accepter ou rejeter la tradition ; accepter ou rejeter l’invention - peut ainsi provenir d’un manque de discernement au départ dans l’ordre des matières, entre l’autorité et le raisonnement. Dans les faits, Pascal écrit constater que les hommes confondent communément ces deux ordres, ce qui peut engendrer deux vices opposés : ou bien ils rejettent entièrement le raisonnement pour ne garder que l’autorité ; ou bien ils rejettent l’autorité au seul profit du raisonnement. Pascal tempère ces deux excès par un jugement juste en discernant mieux les matières : il faut respecter l’autorité, mais seulement là où il y a lieu de la respecter, de même pour le raisonnement.

      « L’éclaircissement de cette différence doit nous faire plaindre l’aveuglement de ceux qui apportent la seule autorité pour preuve dans les matières physiques, au lieu du raisonnement et des expériences, et nous donner de l’horreur pour la malice des autres, qui emploient le raisonnement seul dans la théologie au lieu de l’autorité de l’Écriture et des Pères. 3  »

      Une ironie pour Pascal est que les hommes semblent respecter le mieux le raisonnement surtout là où il ne devrait pas l’être, par exemple en théologie, tandis qu’ils le désapprouvent là où il devrait être privilégié, dans les découvertes scientifiques qui « semblent devoir être convaincues de fausseté dès qu’elles choquent tant soit peu les opinions reçues » 4 . Par exemple la théorie selon laquelle il y a du vide dans la nature. Et de plus, autre ironie paradoxale, l’on veut empêcher les savants actuels de faire ce que les Anciens se sont permis vis-à-vis de leurs prédécesseurs pour augmenter leur savoir : s’appuyer sur les connaissances passées pour en inventer de nouvelles. Pascal oppose classiquement la raison qui est le propre de l’homme à l’instinct borné des animaux. Ils ne connaissent ni progrès ni invention : « (…) les ruches des abeilles étaient aussi bien mesurées il y a mille ans qu’aujourd’hui, et chacune d’elles forme cet hexagone aussi exactement la première fois que la dernière 5  ». L’instinct des animaux les pousse toujours également à faire ce qu’ils font, il n’y a pas en eux de perfectibilité. Refuser le progrès dans les sciences revient à traiter indignement la raison humaine, à la considérer au niveau de l’instinct animal.

      Suivant la pensée d’un progrès continu d’une génération à l’autre, « comme un même homme qui subsiste toujours et qui apprend continuellement » 6 , Pascal souligne que le progrès des sciences « dépend du temps et de la peine ». En ce sens, la vérité n’est pas à rechercher dans les temps les plus reculés de l’histoire, comme c’est le cas en théologie, mais dans les plus avancés. Les vrais Anciens sont les savants du temps présent, ils sont plus âgés chronologiquement. Il est injuste de respecter l’autorité chez ceux qui en étaient seulement au temps de la naissance. Par exemple, les savants de l’antiquité n’avaient pas les moyens de penser qu’il y avait du vide dans la nature, car « leurs expériences leur avaient toujours fait remarquer qu’elle l’abhorrait et ne le pouvait souffrir 7  ». Il y a en ce sens une juste reconnaissance à avoir pour la tradition comprise comme héritage. La tradition, entendons ici l’ensemble du savoir scientifique et intellectuel hérité du passé, mérite un respect « sans mépris et sans ingratitude » écrit Pascal. L’erreur ou l’injustice est de lui accorder plus de respect qu’elle n’en mérite, surtout « dans les matières où il doit avoir le moins de force ».

      On respectera convenablement la tradition passée si l’on respecte convenablement l’ordre des matières : l’autorité des Anciens est forte en théologie, concernant la foi, là où il n’y a rien à rechercher de plus que la lecture des Écrits sacrés (l’Église aujourd’hui se prononce sur des questions morales à l’égard des sciences et des techniques, elle conserve une autorité au sein de la communauté chrétienne concernant la foi et les valeurs). Dans les sciences en revanche, elle est nulle. Le progrès dépend des dernières découvertes faites dans l’histoire, aussi n’y a-t-il pas d’irrespect à contredire les Anciens dans les matières qui regardent le raisonnement, au contraire. La tradition passée peut alors être reçue et reconnue, assumée pleinement comme héritage, de façon positive. Elle n’entrave pas le devenir des individus, car au contraire elle les nourrit et pousse en avant.

      Ceci conduit à mieux distinguer entre ceux qui transmettent la tradition et ceux à qui elle est transmise. Si le respect de Pascal paraît juste vis-à-vis de la tradition théologique, y compris le jugement qu’il fait sur l’attitude que celle-ci doit adopter à l’égard de la nouveauté dans les sciences, ce n’est pas nécessairement celle-là qu’auront le plus souvent adoptée ses représentants. Sans doute la découverte et la nouveauté font peur, elles dérangent les idées admises, traditionnelles. Et il est difficile de se défaire de préjugés. Cela ne peut se faire qu’individuellement. De même sans doute qu’hériter d’une tradition, s’il s’agit d’un acte véritablement assumé. J’en viens à mon dernier point.

      En tant qu’elle représente une autorité, la tradition tend naturellement à instaurer une dépendance d’esprit à l’égard de ceux qui se trouvent soumis à elle. Par ailleurs, se conformer à une tradition admise, se soumettre à l’autorité d’un tiers, peut s’avérer plus facile que penser par soi-même. Kant, dans Qu’est-ce que les Lumières ? , écrit que se maintenir volontairement sous la dépendance d’un tuteur, « dans un état de minorité », est une faute morale. Car l’état de servilité n’est pas naturel à l’humanité, mais il peut s’installer chez les individus perversement à force d’être entretenu. C’est proprement un vice, un manque de responsabilité, de courage et une forme de paresse. Kant écrit :

      « Si j’ai un livre qui me tient lieu d’entendement, un directeur qui me tient lieu de conscience, un médecin qui juge de mon régime à ma place, etc., je n’ai pas besoin de me fatiguer moi-même. Je ne suis pas obligé de penser (…), d’autres se chargeront pour moi de cette besogne fastidieuse. »

      Or c’est bien ce rôle de « tuteur » que joue la tradition lorsqu’elle fait valoir son auto-autorité de manière indiscutée et indiscutable en matière de pensée et de réflexion. Et elle peut inculquer des préjugés de façon irréfléchie. Il y a une force des préjugés dans la tradition, et Kant souligne l’attachement que les hommes peuvent avoir pour les préjugés - de sorte que si un tuteur voulait tout d’un coup défaire ses sujets de préjugés après les leur avoir inculqués, au nom même de ces préjugés ceux-ci pourraient vouloir l’en empêcher avec violence : « (…) il est dommageable d’inculquer des préjugés, puisqu’ils finissent par se retourner contre ceux qui, en personne ou dans les personnes de leurs devanciers, en furent les auteurs ».

      Mais il n’est pas constitutif de la tradition qu’elle soit suivie aveuglément. C’est plutôt la manière de la transmettre qui peut engendrer cet aveuglement, aussi la manière de la recevoir. Les représentants de la tradition peuvent souhaiter une soumission servile, ceux qui sont soumis à la tradition peuvent également souhaiter leur soumission servile. Il y a écart de part et d’autre. A partir du texte de Kant, on peut dire que ceux qui transmettent ainsi et ceux qui reçoivent ainsi l’héritage pervertissent pareillement sa noblesse. Un respect servile n’est pas un grand respect. Une communauté unie sur la base de préjugés ne peut l’être sans une bonne part d’hypocrisie. Ce n’est que librement que l’on peut recevoir et assumer pleinement un héritage. Autrement dit, il faut le faire en tant qu’« individu ». Un individu pris au sein d’une communauté, peut-être, mais en tous cas un individu avec sa liberté. Sans un investissement individuel et profond, le culte de la tradition peut n’être qu’un conformisme, en lequel les pensées communes et le fait de penser comme les autres deviennent l’unique critère de vérité et de justice.

      Une forme d’individualisme est parfois jugée mauvaise en ce qu’elle présente un risque pour la cohésion sociale. Mais ce peut être encore un préjugé. Dans son livre Propos sur les pouvoirs 8 , Alain écrit sur une pensée communément partagée suivant laquelle les vertus civilisées proviennent de la société, quand l’animalité ignore les lois et les mœurs. Mais en fait, dit-il, cette société civilisée ne fait que reproduire celle des animaux. Comme on parle de société des fourmis ou des abeilles. Il n’y a pas réellement de progrès, de justice ou de charité, les pensées sont simplement rigoureusement communes. Il n’y a qu’un consensus irréfléchi commandé par l’autorité du groupe social : « l’individu ne se pense pas lui-même ; il ne se sépare nullement, ni en pensée, ni en action, du groupe social auquel il est lié comme mon bras est lié à mon corps ». L’individu est conforme aux autres, conformiste. Autant dire qu’il n’est pas - libre.

      Les instincts de la vie en société rejettent la nouveauté parce qu’elle représente une menace pour la cohésion du groupe. Bergson a développé une pareille pensée dans Les deux sources de la morale et de la religion , la société agit naturellement contre le progrès. C’est toujours par le fait d’initiatives individuelles se dressant contre la société traditionnelle que surviennent le progrès et l’invention. Alain, qui a connu de près les atrocités de la guerre de 14-18, oppose résolument l’individu et la société : « Et c’est toujours dans l’individu que l’Humanité se retrouve, toujours dans la société que la barbarie se retrouve ». Ce n’est qu’individuellement que l’on peut réellement et positivement commémorer l’héritage du passé, ce qu’Alain appelle les Humanités, l’héritage légué par tous les grands esprits qui se sont trouvés à la source du progrès humain dans l’histoire. Nous vivons et pensons au sein de cette tradition-là, et cette communauté est plus étendue et plus réelle dans l’espace et dans le temps  que la société ou la patrie :

      « Entendez bien. Notre pensée n’est qu’une continuelle commémoration. Esope, Socrate, Jésus, sont dans toutes nos pensées ; d’autres montent peu à peu dans le ciel des hommes (…). Il n’y a point de pensée nationale ; nous pensons en plus grande compagnie. Cette société n’est point à faire ; elle se fait ; elle accroît le trésor de sagesse. 9  »

      Cet héritage universel est celui de chacun(e). C’est de cela qu’il faut répondre, ce qui implique liberté et responsabilité. Cette tradition - peut-on dire la tradition humaine dans son ensemble ? 10 - n’apparaît pas sous la figure d’une autorité aliénante. En un sens, elle lègue tout et ne lègue rien. C’est à chacun(e) de choisir ce qu’elle ou il fera ou ne fera pas de ce qui est légué par l’histoire, d’en sélectionner telle ou telle partie, pour la cultiver encore. Je reprendrai ces mots de Jacques Derrida extraits d’un entretien avec Bernard Stiegler publié dans Échographies :

      « Que nous soyons héritiers de part en part ne signifie pas que le passé nous dicte quoique ce soit. Il y a certes une injonction qui vient du passé. Il n’y a pas d’injonction qui ne vienne d’un certain passé comme à venir. Mais cette injonction passée nous met en demeure de répondre maintenant, de choisir, de sélectionner, de critiquer. 11  »

      Il n’y a pas d’héritage plus respectable que celui qui est librement légué aux générations suivantes. Et il n’y a pas de meilleurs héritiers que ceux qui choisissent librement de cultiver ce que le passé leur a transmis, confié, pour inventer encore. « Et les empires passent », écrit Alain. Mais je conclurai avec une phrase d’un autre continent, entendue lors d’un colloque sur Maurice Blanchot dans la bouche d’un chercheur d’Afrique noire, à un moment de pause, lui était à Cerisy pour un autre colloque au sujet du surnaturel. Le proverbe ou la maxime qu’il rapportait de son pays était : « Quand tu hérites, ajoute une pierre à l’édifice. »


      1.  Sans pouvoir exposer en détail le contexte historique de la doctrine de l’infaillibilité pontificale, rappelons qu’elle fut établie dans la constitution apostolique Pastor aeternus adoptée en 1870, lors du concile Vatican I : « Nous enseignons et proclamons comme un dogme révélé de Dieu : Le pontife romain, lorsqu’il parle ex cathedra, c’est à dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu’une doctrine, en matière de foi ou de morale, doit être admise par toute l’Église, jouit par l’assistance divine à lui promise en la personne de saint Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que fût pourvue l’Église, lorsqu’elle définit la doctrine sur la foi ou la morale. Par conséquent, ces définitions du Pontife romain sont irréformables de par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l’Église. » La doctrine fut redéfinie lors du concile Vatican II, elle figure au § 25 de la Constitution dogmatique sur l’Église Lumen gentium : « Cette infaillibilité, le Pontife romain, Chef du collège des évêques, la possède en vertu de son office lorsque, en sa qualité de pasteur et de docteur suprême de tous les fidèles qui confirme dans la foi ses frères (cf. Lc 22, 32), il proclame, en la définissant, une doctrine de foi ou de morale. Voilà pourquoi ses définitions sont dites à juste titre irréformables par elles-mêmes et non par suite du consentement de l’Église ; elles sont en effet prononcées avec l’assistance du Saint-Esprit, qui lui fut promise en la personne du bienheureux Pierre, elles n’ont besoin d’aucune autre approbation et ne tolèrent aucun appel à une autre instance. C’est que le Pontife romain se prononce alors non pas à titre privé, mais expose ou défend la foi catholique comme docteur suprême de l’Église universelle, en qui réside d’une façon particulière le charisme de l’infaillibilité de l’Église elle-même. » Cette doctrine est un point d’achoppement majeur dans le dialogue oecuménique en particulier avec les Églises protestante et anglicane. Pour les protestants, il n’y a que Dieu qui puisse être sacré, divin et absolu (« Soli Deo Gloria », à Dieu seul la gloire). Par ailleurs, dans le monde d’aujourd’hui beaucoup d’intellectuels, athées ou croyants, considéreront l’infaillibilité du pape comme un sommet de l’argument d’autorité, ce qui paradoxalement ne va sans doute pas sans enlever à l’Église catholique une part de crédibilité (au sens étymologique : credere, croire) dans les esprits, voire de crédulité à son égard.

      2.  Pascal, « Préface au Traité du vide » in De l’esprit géométrique et autres textes, Paris, GF, 1985, p. 57.

      3.  Ibid. p. 59.

      4.  Ibid.

      5.  Ibid. p. 61.

      6.  Ibid. p. 62.

      7.  Ibid. p. 63.

      8.  Alain, Propos sur les pouvoirs, Paris, Gallimard, coll. Folio, 1985, pp. 329-330.

      9.  Alain, Propos sur l’éducation, ’Propos LXX’, Paris, Puf, Quadrige, 1995, p. 177.

      10.  A cette question laissée posée, dans un échange après-coup, Jean-Luc Nancy me répond que non. On ne peut parler de « la tradition humaine », justement pas, car tradition implique différences et partage de ces différences, comme pour les langues. Il est vrai. Aussi ne peut-il y avoir que des traditions humaines au pluriel, soit les traditions dans leur ensemble, si l’on cherchait à globaliser un tout... Mais pourquoi chercher à le faire, après-coup ? Cette question - pour ne pas dire cette volonté de synthèse, et d’ailleurs peut-être traditionnelle chez certain(e)s occidentaux - a-t-elle du sens ? Comment pouvoir/vouloir subsumer sous une tradition humaine toutes les traditions transmises par le passé, chacune singulière, de par le monde ? Tradition implique dans les faits différenciation, sans la possibilité d’un dénominateur commun unique (cf. Wladimir Jankélévitch : « La manie du commun dénominateur... subsume tous les individus sous le même genre »). Pour aller plus loin, il resterait ici à repenser les pensées de l’universel, de l’humanité, de l’humanisme de Montaigne à Sartre et Heidegger, des droits de l’homme, aussi des droits de la femme de Mary Wollstonecraft développées dans un livre en 1792, de Levi-Strauss, etc. Voici, dans cette note rajoutée après-coup, le genre de questions que je laisserai maintenant en suspens.

      11.  Derrida Jacques, « Des héritages - et du rythme » in Échographies, Paris, Galilée, 1996, p. 80.

      Dely Carole
      masculin
      Wormser Gérard masculin
      La tradition entre fidélité et trahison
      Dely Carole
      Département des littératures de langue française
      2104-3272
      Sens public 2007-10-27
      Tolérance et Différence

      Si la tradition impose des idées et des valeurs au nom d’une autorité que l’on ne doit pas discuter par principe, il pourra sembler légitime de la remettre en question, voire de la rejeter. Mais en tant que la tradition est mémoire vivante du passé pour ceux qui la reçoivent, n’est-elle pas la condition de tout progrès, et digne de respect en ce sens ? Si la tradition est reçue, si elle est un héritage transmis, ce n’est qu’individuellement que l’on peut véritablement répondre d’un héritage. {Répondre de}, c’est répondre librement, en son nom et pour soi-même. A cette condition logée dans le cœur de l’individu, la tradition pourrait apparaître sous une figure autre que l’autorité pure et simple. Ceci mènerait à reconnaître que toute tradition dépend d’abord de l’écoute de ceux à qui elle est transmise.

      Histoire
      Descartes, René (1596-1650)
      Kant, Immanuel (1724-1804)
      Religions
      Tradition, Héritage, Descartes, Kant, Pascal, Alain, Lumières, Tolérance, Encyclopédie