Introduction : Quand l’enfant déborde le temps
Les enseignants s’en plaignent de plus en plus, parfois les parents aussi, il y a de plus en plus d’enfants en primaire et au collège qui manquent d’attention. Pour les enseignants, il s’agit de développer des trésors d’ingéniosité pour débuter le cours avec tous les élèves. Certains élèves n’arrivent pas à fixer leur attention sur ce qu’on leur propose. Ils s’agitent, mettent un temps important à s’installer, peuvent faire preuve de maladresse faisant tomber stylo, gomme et parfois eux-mêmes ! Pour certains, il y aura pendant la durée du cours quelques « morceaux d’attention » c’est-à-dire des moments où l’enfant arrive à suivre ce qu’on lui propose. Certains arriveront à se mettre au travail pendant un certain temps, avec une attention correcte puis à nouveau décrocheront en fin de cours. Pour d’autres après un début correct, il y a un décrochage rapide. Ils ne peuvent alors suivre le cours. Ils s’intéressent, à leur camarade, à ce qui se passe par la fenêtre ; ils s’intéressent donc à tout sauf à la matière enseignée. Une agitation motrice est en général associée à cette attitude mentale, plus rarement mais moins fréquent, le corollaire : un endormissement...
Ces enfants bougent. Ils sont rarement présents à ce qu’ils font ce qui provoque des conflits avec l’entourage. Du manque d’écoute aux fameuses erreurs d’inattention, des maladresses jusqu’à l’instabilité, les spécialistes catégorisent les troubles. Chacun des syndromes où des difficultés à ses particularités, néanmoins il semble que l’on retrouve chaque fois un décalage temporel. Décalage entre ce qui est demandé et ce qu’ils peuvent faire, décalage entre ce qu’il pense et ce qu’ils font sur le plan moteur. La plupart du temps s’ils manquent de maîtrise, ils ne manquent pas de « vie ». Xavier Bichat défini la vie comme « l’ensemble des phénomènes qui résistent à la mort ». Pour certains psychanalystes, ces enfants, que l’on dit « qu’ils débordent dans le temps et dans l’espace » ont une problématique liée à la mort (Bergès, 2005).
Nous allons aborder la vie et le temps en suivant l’enfant à partir du corps et de la sensation.
Développement précoce du nouveau-né
On ne peut pas étudier l’enfant sans connaître les différents stades de développement décrit par différents auteurs en fonction de leur point de vue : affectif pour Freud, cognitif pour Piaget, psychomoteur pour Wallon... Mais même si ces échelles sont nécessaires on découvre que chaque enfant se développe selon son propre calendrier de maturation, son environnement... On écarte de plus en plus ces anciennes échelles (Piaget, Ajuriaguerra...) à faveur d’une vision plus fluide et dynamique. On découvre également la précocité de l’enfant. Les organes sensoriels sont tous fonctionnels pendant le dernier trimestre de la grossesse (Balleygyuier, 1996). C’est donc les systèmes de la prise d’information qui sont déjà opérationnels très tôt même si les autres fonctions ne le sont pas encore (voir les stades d’intelligence, les niveaux de conscience...). C’est d’ailleurs ces derniers niveaux qui ont pu nous faire penser qu’un enfant n’était pas apte à telle ou telle chose. Or lorsque l’adulte aide un bébé à réaliser un action qu’il ne pourrait pas seul on se rend compte que le bébé y arrive. Par exemple, un enfant à qui on empêche le corps de bouger -par exemple en maintenant sa nuque et sa colonne vertébrale- peut réaliser des choses qu’il ne pourrait pas faire seul. La maîtrise du corps est un facteur d’apprentissage, le rôle de l’éducation est important.
L’interaction entre l’organisme et son milieu (les fonctionnements) alimente d’une part l’activité cognitive et d’autre part fournit, par la boucle archaïque, des signaux utiles au réglage tonique. C’est l’équilibre sensori-tonique qui, s’il est adéquat, est le garant des interactions optimales d’un individu avec son environnement.
Les flux
Bullinger (2004) distingue plusieurs flux : graviter, olfactif, tactile, auditif, visuel. Cet auteur dans son approche développementale de l’enfant précise toute l’importance de ces flux sensoriels qu’il définit ainsi : « un flux est une stimulation continue, orientée, qui crée un gradient (…) Un flux sensoriel se caractérise par le fait que la stimulation qui arrive sur la surface sensible (le capteur) est produite par un apport continu et orienté des agents propres à cette modalité sensorielle ». Cette stimulation crée une sensation stable susceptible d’habituation. A la naissance, le retentissement de ces flux sur l’organisme se manifeste par des réactions dites émotionnelles.
Globalement, l’effet des flux sensoriels sur l’organisme se décrit comme une modulation de l’état tonique. Cet effet se décompose en différentes fonctions :
- la fonction d’alerte se manifestant par un recrutement tonique global,
- la fonction d’orientation qui est une mise en forme du corps orientée vers la source de stimulation supposant des possibilités de redressement et de rotation du buste,
- le traitement de la distance suppose que des mouvements actifs relient les différentes postures, permettant la constitution d’un espace unifié où les objets peuvent être situés relativement au corps,
- les conduites de consommation où les fonctions instrumentales d’exploration et de manipulation jouent un rôle prépondérant, les flux sensoriels participant cependant à l’équilibre tonique nécessaire à la réalisation des gestes (Bullinger, sous presse).
Les systèmes sensori-moteurs se caractérisent par deux propriétés : une capacité de traitement des flux sensoriels et une capacité de traitement des propriétés spatiales des stimulations rencontrées.
La non maîtrise des flux se caractérise par une très grande difficulté à traiter les régularités produites par les mouvements. Cette difficulté détermine une première famille de troubles, généralement sévères, qui se caractérisent par une fragilité de l’image corporelle, une instabilité et une grande irritabilité émotionnelle. Il est indispensable de se situer dans le flux, qu’il soit visuel, auditif, tactile ou olfactif, pour pouvoir avoir une action spatialement orientée. C’est une condition préalable à toute utilisation d’un segment corporel comme moyen d’action (Bullinger, 2004).
Le non-accès à un flux caractérise les déficits sensoriels. Parce qu’il manque une des sources de covariation, l’absence d’une entrée sensorielle rend plus difficile la construction des représentations relatives à l’image corporelle ou à la localisation d’événements dans l’espace proche (Bullinger, 2004).
Le système tactile est le premier système qui, dans le développement fœtal est mature. La zone orale, très largement dotée, est déjà bien instrumentée à la naissance.
Les flux olfactifs sont perçus par au moins deux systèmes. Un système archaïque est sensible aux aspects irritatifs : odeurs de menthe, de camphre, d’ammoniac... L’autre est le système olfactif principal dont les neuro-récepteurs sont regroupés en plages épithéliales situées au sommet de la cavité nasale. Le flux olfactif est perçu dès la vie utérine et donne lieu à des habituations et des discriminations qui sont observées dès la naissance. Les odeurs ont valeur de contenant. Chez le bébé, une odeur connue, si elle est présente lors de soins intrusifs, permet le retour à un état stable plus rapidement. Ce rôle de contenant des odeurs familières (corporelles ou autres) est bien mis en évidence en cas de trouble olfactifs (Bullinger, 2004).
Les flux sonores de notre milieu sont perçus principalement par le système auditif. Les aspects vibratoires, dans des fréquences basses, mobilisent également le système tactile. Le système auditif est exemplaire quant à la chaîne de réponses que suscite une variation brusque d’un flux perçu par un individu. La réaction d’alerte entraîne une mobilisation tonique qui peut figer la personne si la réponse tonique est trop élevée. La réponse d’orientation, s’appuyant sur le recrutement tonique, mobilise les ressources posturales et permet une orientation de l’organisme relativement à la source de stimulation (orientation vers ou détournement). L’évaluation de la distance suppose un traitement des variations sonores produites par les mouvements de sa tête. Sa calibration est très précoce. A 5 mois, le bébé dans l’obscurité discrimine si un bruit est produit dans ou hors de son espace de préhension. Cette capacité de localisation d’une source sonore est essentielle. Elle permet une organisation des conduites et une stabilité de l’attention.
La dernière étape est celle du traitement instrumental. Il sollicite les moyens instrumentaux les plus tardivement élaborés. Pour l’audition, il s’agit des capacités de communications (Bullinger, 2004).
Les flux visuels sont constitués par le glissement d’un spectacle sur les rétines. C’est essentiellement la périphérie des rétines qui est sollicité. Gibson (1979) a montré l’importance de cette composante primitive du système visuel.
Les points d’appui
Il est important de souligner la précocité de ce que l’on appelle les « points d’appui ». Un des prérequis indispensables à la réalisation de cette conduite est la constitution d’un axe corporel comme point d’appui à la fois physique et représentatif de l’action finalisée (André-Thomas et Ajuiriaguerra, 1948). Généralement, cet appui est vu comme une donnée stable et l’on considère que le processus d’instrumentation ne concerne que les segments directement mobilisés dans la tâche. La constitution d’un axe corporel, est une coordination activement gérée par l’enfant. Si l’on considère les postures déterminées par les structures réflexes chez le nouveaux né et le prématuré, celles-ci constituent un répertoire de mises en formes du corps réalisées par des programmes précâblés.
L’évolution du tonus depuis le bébé où nous insisterons sur les « points d’appuis » que constituent l’élaboration de l’axe corporel et les informations sensorielles (Bullinger, 1990), nous permettra d’appréhender le rôle des traitements sensori-moteur et cognitif (Paillard, 1990).
Chez le nouveau-né et le prématuré, l’orientation vers une source de stimulation polysensorielle s’effectue selon ce mode et la capture d’un objet s’appuie toujours sur ces positions asymétriques. Le nourrisson à cet âge a une difficulté importante, en dehors de ces postures, à mobiliser son axe corporel. Pour réaliser une transformation active, il est nécessaire d’offrir un ensemble de points d’appui bien spécifiques notamment au niveau des hanches et de la nuque (Amiel-Tison et Grenier, 1980) pour que ces conduites s’actualisent. « La maîtrise naturelle de cette conduite est achevée entre 60 et 80 jours et correspond à un contrôle dynamique du passage d’une posture gauche à une posture droite et vice-versa. L’orientation de la tête et la position relative des bras sont strictement déterminées par la localisation spatiale du mobile » (Bullinger, 1977). Le système archaïque est disponible bien avant la naissance, alors que le second système se met en place de manière synchrone avec les progrès de l’image corporelle et des moyens instrumentaux. La maîtrise de ce second système suppose que le bébé soit actif face aux stimulations qui l’atteignent et qu’il puisse extraire des invariants des actions produites. Cette gestion nouvelle supplante la structure archaïque qui reste toujours présente et qui oriente les acquisitions nouvelles (Bullinger, 2004).
Précocité des notions de temps et d’espace
« L’espace et le temps semblent être des « connaissances » primitives sans doute, mais présentes très précocement, et grâce auxquelles les expériences que va vivre l’enfant vont avoir un sens. L’être humain va se mettre à parler à un moment donné. Entre 18 mois et 2 ans, il va commencer à utiliser le langage de son environnement, et cela ne va pas manquer d’avoir une influence sur son développement. Il existe des conceptions ou des options au sujet des rapports entre le langage et l’espace-temps qui peuvent avoir une influence pratique sur la façon de concevoir l’enseignement »(Alegria, 1983). On aurait pu penser que le langage jouerait un rôle essentiel dans le développement des notions d’espace et de temps. Or « ces notions ont un caractère primitif dans ce sens qu’elles n’ont pas encore été dotées de labels verbaux. Mais elles existent, elles sont présentes avant le langage. Il y a une compétence à l’origine et c’est grâce à cette compétence que l’enfant va réussir à décoder, dans la langue qu’il entend chez les adultes qui l’entourent. Les termes dans, sur, à côté, derrière...qui sont des termes typiquement spatiaux, vont pouvoir être décodés grâce au fait que l’enfant a des connaissances concernant l’espace. Et ces connaissances-là rendent cohérente et compréhensible la parole de l’adulte » (Alegria, 1983).
Peu à peu la constitution de ces fondamentaux va servir dans le langage. « C’est grâce aux connaissances implicites que l’enfant a du temps qu’il va réussir à comprendre toutes les complexités du langage, par exemple, de la grammaire française pour exprimer le temps, pour définir le passé, le futur, le conditionnel, pour exprimer l’idée d’un événement possible, probable, et ainsi de suite. Le problème du décodage de la parole de l’adulte par l’enfant est un problème cognitif, c’est-à-dire un problème de connaissances, que l’enfant va résoudre grâce à un savoir préalable et non pas le contraire » (Alegria, 1983).
Conscience corporelle chez l’enfant de 3 à 7 ans
Au cours d’une étude chez l’enfant de 3 à 7 ans dans le cadre d’activités motrices, nous avons recherché à connaître si la conscience corporelle était « éveillée » : à savoir si les activités motrices allaient dans le sens de l’élaboration du corps propre (Pes, 2007). Selon la formule de Zazzo (1981), « l’expérience du corps propre, c’est la conscience avant la conscience... ». Tout d’abord elle est reconnue par les éducateurs comme essentielle dans cette tranche d’âge. Ils confirment là les connaissances qu’ils ont pu avoir lors de leur formation sur le développement de l’enfant. Nous pouvons dire que « le savoir est acquis ». De plus, bien souvent, leur expérience personnelle d’anciens sportifs a été confirmée par ces connaissances théoriques. En étudiant les textes officiels, on trouve tous les éléments pour l’application de ces idées. Il n’y a donc pas de limitation à insister sur le travail de conscience corporelle. Nous avons également un accord entre la volonté des éducateurs et les textes officiels, il est de suivre le rythme de l’enfant.
Or on constate que les éducateurs appliquent des programmes préétablis à l’avance. On peut se poser la question du comment peut-on suivre le rythme de l’enfant et suivre ces programmes ?
Il semblerait donc qu’il n’y ait pas de travail dans l’élaboration du corps propre, que les sensations ne soient pas privilégiées. Il paraît difficile d’observer que lors de la pratique motrice la conscience corporelle soit développée.
L’attachement
On ne peut séparer la conscience de soi et la relation intersubjective. Elles se conditionnent mutuellement : on se connaît par rapport aux autres et on connaît les autres par rapport à soi. La conscience de soi n’est pas première. En premier il y a la relation interpersonnelle. L’enfant connaît d’abord les personnes qui l’entourent et spécialement sa mère. Les études sur l’attachement analysent ces premiers liens entre le bébé et sa mère comme des temps privilégiés pour l’équilibre affectif de l’enfant puis de l’adulte. (Zazzo, 1979)
Le besoin d’attachement serait inné, mais non l’attachement lui-même. L’attachement lui est « appris ». La construction des premiers liens entre l’enfant et la mère, ou celle qui en tient lieu, répond à un besoin biologique fondamental ; il s’agit d’un besoin primaire, c’est-à-dire qui n’est dérivé d’aucun autre.
Si la théorie de l’attachement est exacte, on peut dire aussi que le besoin et la recherche d’autrui ne sont pas le résultat d’un apprentissage. Ils sont inscrits dès la naissance dans l’économie de l’individu. L’enfant est un être social dans son économie biologique et cette sociabilité s’exprimerait donc dès les premières réactions. On a découvert que l’apparition du sourire était beaucoup plus précoce qu’on ne le pensait et que, dès l’âge de trois-quatre semaines, le sourire établissait déjà une communion, une communication, entre l’enfant et sa mère. Pour l’enfant qui ne peut pas se déplacer, le sourire constitue un contact à distance, un appel. L’attachement c’est à la fois un processus d’auto-conservation et d’intégration dans l’espèce avec ses deux aspects de socialité et de sexualité. Il n’y a donc pas un seul objet d’attachement ; cet objet n’est pas nécessairement la mère ; ce peut être une personne qui ne s’occupe pas continuellement de l’enfant. Il faudra de longues semaines, de longs mois pour construire cet objet d’attachement dans une sorte de lente imprégnation.
Dans ces conditions là on peut se demander si on ne revient pas à une théorie de l’étayage, qui consisterait à dire que le besoin d’autrui est appris par l’intermédiaire du maternage, d’une nourriture. Mais il s’agirait ici d’une nourriture particulière : la nourriture sensorielle. On pourrait donc conclure que dans les deux premiers mois de la vie ce n’est pas la présence d’autrui qui est importante mais cette nourriture sensorielle ; l’enfant réagissant négativement à la monotonie, il faut rompre cette monotonie, et d’ailleurs les mères, sans avoir fait d’études en psychologie, savent très bien comment calmer un enfant en produisant à côté de lui des stimulations de tous ordres. Il y a un besoin de stimulations sensorielles, besoin qui apparaît comme dominant.
La tendance vers autrui serait innée, et d’apparition très précoce. C’est une tendance d’ordre biologique de sorte que, dès le début, les processus d’auto-conservation et les processus d’attachement au congénère sont confondus ou solidaires (Zazzo, 1979).
On pourrait dire qu’il existe deux types variables primaires, les variables primaires du point de vue temporel et les variables primaires en importance. Les variables mère-enfant sont primaires dans le temps. Il existerait d’autres variables qui sont primaires en importance, importance en termes de développement socio-sexuel ultérieur (Harlow, 1979).
Conscience corporelle chez l’enfant de 7 à 10 ans
Dans le cadre d’activités motrices chez l’enfant de 7 à 10 ans, nous avons cherché à découvrir si un travail sur la conscience corporelle à partir des sensations pouvait améliorer l’attention. Les premiers résultats semblent aller dans le sens d’une amélioration de l’attention des groupes ayant travaillés sur le ressenti corporel. La sensation est à considérer dans la continuité du développement précoce que nous avons brièvement décrit. Il paraît également que la verbalisation des sensations soit un élément important de ce type de travail. Développer le ressenti corporel et verbaliser devraient constituer les deux faces d’une même pièce. « L’esprit ou le cerveau réagit différemment aux phénomènes réellement perçus par rapport à ceux qui ne sont que décrits, même de manière très vivante, mais ne peuvent pas êtres confirmés par la perception. Celle-ci, la source originelle d’information, conduit automatiquement à des représentations stables, tandis que la description verbale de phénomènes qui n’ont pas de confirmation perceptive donne des représentations instables. Et ces dernières sont perpétuellement en quête de confirmation » (Premack D. & A., 2003).
On peut faire l’hypothèse qu’ainsi une éducation du corps propre peut être envisagé comme une éducation plus générale dans différents secteurs pouvant être également considérer sous l’angle de l’éducation à la santé (Pes, 2007). « L’apprentissage du contrôle de son corps peut instiller chez l’enfant un sens bourgeonnant de contrôle de soi qui croîtra avec le temps pour imprégner tous ses actes » (Premack D. & A., 2003).
Conclusion
Dans les activités motrices, débuter par le mouvement senti, c’est-à-dire s’intéresser au comment on le réalise à partir des informations sensorielles permet de développer la conscience corporelle. Cette conscience corporelle est une actualisation du corps dans un temps présent. Ce corps connu devient un corps maîtrisé. Cette maîtrise signifie un corps où le un temps est vécu et non un temps subi.
Le temps vécu au présent dans l’espace du corps peut-il être à l’origine d’une vision différente de la vie ? Le plaisir naissant de l’ouverture du corps à la vie, permet-il une meilleure stabilité émotionnelle ? Peut-on voir dans l’orientation éducative vers cette conscience l’élaboration de prérequis nécessaires à la coopération sociale, au faire ensemble, à la découverte de l’autre et soi, à la compréhension de l’autre et de soi ?
Si nous nous permettons une analogie avec la théorie einsteinienne de la relativité où nous avons non seulement une modification de l’espace par le temps mais aussi du temps par l’espace ; prenons pour ce qui nous concerne dans cet exposé l’espace qui est représenté par l’espace du corps. Il est classique de dire que le temps « fait son œuvre » et qu’il a une action sur le corps. Mais on peut dire aussi que par l’intermédiaire de la sensation, centré sur son corps, le sujet modifie aussi le temps.
Il n’y a pas si longtemps, l’almanach accompagnait la vie des paysans. Les jours viennent et les mois en suivant la course des étoiles et le temps des semences et des récoltes. Ce n’est pas rien d’expliquer la relation entre les étoiles et l’oiseau qui fait son nid ; mais encore faut-il commencer par la remarquer et même l’admirer. Pour Alain (1932/1986) qui rêvait d’un nouvel almanach où l’année tournerait sur des gonds c’est-à-dire qu’on ouvrirait de grandes portes sur l’avenir en élargissant l’avenir. Alors pour finir, je reprendrais Michel Ange « Dieu a donné une sœur au souvenir, il l’a appelé espérance ».
ALAIN, Propos sur l’éducation, Paris, PUF, 1986.
ALEGRIA, J., Le développement de la notion d’espace et de temps, in Alegria, J., Barreau, H., et al., interrogés par Emile Noël, L’espace et le temps aujourd’hui, Paris, Seuil, 1983, pp. 165-178.
AMIEL-TISON, C. et GRENIER, A., Evaluation neurologique du nouveau-né et du nourrisson, Paris, Masson, 1980.
AJURIAGUERRA, J., L’axe corporel, musculature et innervation, Paris, Masson, 1949.
BALLEYGYUIER, G., Le développement émotionnel et social du jeune enfant, Paris, PUF, 1996.
BERGES, J., Le corps dans la neurologie et dans la psychanalyse, Ramonville Saint-Agne, Erès, 2005.
BULLINGER, A., « Orientation de la tête du nouveau-né en présence d’un stimulus visuel ». L’année psychologique, n° 2, 1977, pp. 357-364.
BULLINGER, A., « Space, the organism and objects, their cognitive elaboration in the infant ». in Hein, A. et Jeannerod, M. (eds), Spatially oriented behaviour, New York, Springer Verlag, 1983, pp. 215-222.
BULLINGER, A., Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses avatars, Ramonville Sain-Agne, Erès, 2004.
GIBSON, J.-J., The ecological approach to visual perception, Boston, Houghton Mifflin, 1979.
HARLOW, H.F., « Les affectivités », in Zazzo, R., L’attachement, Paris, Delachaux et Niestlé, 1979, pp. 58-72.
PAILLARD, J., « Dialogues sensori-moteurs et représentation mentale : un problème d’interface », in Seron, X., Psychologie et cerveau, Paris, PUF, 1990, pp. 19-51.
PES, J.-P., Développer la conscience corporelle chez l’enfant de 3 à 7 ans pour une éducation à la santé, Marseille, Solal, 2007.
PREMACK, D. & Premack, A, Le bébé, le singe et l’homme, Paris, O. Jacob, 2003.
ZAZZO, R., L’attachement, Paris, Delachaux et Niestlé, 1979.
ZAZZO, R. « Miroirs, images, espaces », in Mounoud, P. & Vinter, A. La reconnaissance de son image chez l’enfant et l’animal, Paris, Delachaux et Niestlé,, 1981, pp. 77- 110.