Évolution du concept de citoyenneté
La notion de citoyenneté était dans le monde classique étroitement associée à celle d’appartenance et de privilège. Pour les athéniens du 5e siècle devenir citoyen de la polis signifiait acquérir des droits inaliénables de supériorité absolue. Être reconnus par une certaine communauté, partager les mêmes droits et les mêmes privilèges touchait à l’essence de la citoyenneté, mais ces droits et ces privilèges étaient interdits à une partie consistante de citoyens bien qu’ils fussent actifs et sujets au paiement des impôts. Les métèques ne pouvaient pas obtenir le statut de citoyens qui était réservé seulement aux grecs de souche. Après la disparition des frontières politiques de la polis grecque, Alexandre le Grand est le premier à concevoir un empire universel et par conséquent la fusion des cultures pour tous les sujets. L’histoire romaine confirme cette conception de l’élargissement du droit de citoyenneté aux sujets de l’empire, conformément au projet de réaliser l’oikouméne. Rome, tout en respectant les diversités linguistiques, culturelles et religieuses des peuples assujettis, pour ce qui concerne les rapports politiques avec l’état impose la langue romaine, en confirmant que le droit de citoyenneté reste patrimoine et octroi des latins.
Bien que des siècles se soient écoulés depuis l’époque classique, c’est pendant la deuxième partie du 20e siècle que le concept de citoyenneté a le plus remarquablement évolué et particulièrement après la deuxième guerre mondiale et le processus de décolonisation qui s’ensuivit. Aujourd’hui la constitution de la Communauté Européenne, toute jeune par rapport à la longue durée du temps historique, pose une série de questions concernant les nombreux points de contact mais aussi les nombreuses divergences qui existent parmi les peuples européens. D’après une récente recherche d’Eurydice, Citizenship Education at Schools in Europe, on peut remarquer que même la traduction du terme ‘citoyenneté’ ne produit pas toujours des équivalents sémantiques et que dans certaines langues le mot peut évoquer tout simplement les relations juridiques entre le citoyen et l’État. Il nous semble alors plus cohérent et plus actuel de s’orienter vers le concept de ‘citoyenneté responsable’ qui, sous plusieurs formes et dans plusieurs contextes, occupe une position de relief dans toutes les Constitutions et les documents politiques officiels des pays européens. En effet, la notion de citoyenneté responsable est associée par tous les pays d’Europe aux valeurs inaliénables de l’être humain : de la liberté à la tolérance, du respect de l’autre et de la res publica à la solidarité, de la participation civique à la justice sociale.
Éduquer à la citoyenneté européenne
Après le congrès de Sofia en Bulgarie en septembre 2004, le Conseil d’Europe décide de promouvoir en 2005 « l’Année européenne de la citoyenneté par l’éducation », pour une introduction concrète du sujet dans tous les systèmes éducatifs d’Europe. Ce projet a été interprété en Italie comme un renouvèlement des parcours éducatifs disciplinaires visant à développer des thèmes fondamentaux, comme les droits de l’enfant, les droits humains et les concepts d’identité nationale, internationale et interculturelle et, à partir de l’année 2004/2005, on a introduit l’éducation à la vie civile dans les nouveaux programmes pour l’école primaire et secondaire. Mais l’application pratique des projets proposés par le Ministère de l’Éducation Nationale et la nature même des thèmes abordés a tout de suite révélé l’importance de développer chez les enseignants les compétences pédagogiques et interculturelles nécessaires à la besogne. Aborder en classe des thèmes fondamentaux de la démocratie, fréquemment en contraste avec la réalité du quotidien et l’horreur de l’histoire, peut entraîner une suite imprévisible et quelquefois déconcertante de questions de la part des élèves, questions qui peuvent ouvrir des horizons insolites ou inattendus. Plus souvent qu’on ne le croit l’enseignant partage l’étonnement et l’inquiétude de ses élèves, et bien que son rôle soit traditionnellement lié au concept de self control, il lui arrive quelquefois d’être écrasé par l’évidence d’une réalité décevante dans laquelle les valeurs humaines sont réduites en miettes. Or il est souhaitable que les parcours didactiques soient conçus de façon certes ouverte, mais qu’ils soient aussi orientés vers des conclusions positives, afin que les élèves et les étudiants puissent développer leur sens critique sans être déçus ou découragés par leurs découvertes.
Le message publicitaire pour le progrès : techniques et mécanismes de la communication
Les études didactiques appliquées à la publicité, objet privilégié de la linguistique et de la sémiotique à partir des années 60 et 70, ont déjà une tradition attitrée en raison de la richesse du langage publicitaire et de ses relations profondes avec la société, la culture et l’anthropologie. Le but de cette étude n’est donc pas de donner un nouvel exemple d’approche didactique du message publicitaire, mais premièrement d’indiquer un parcours éducatif possible à travers la proposition et l’analyse en classe d’un certain type de pub qui, tout en étant conçue pour l’éducation du citoyen, risque de passer inaperçue auprès des jeunes ; deuxièmement, on espère sensibiliser les Ministères de l’Éducation des États membres de l’UE pour concevoir des campagnes publicitaires en faveur de l’éducation à la citoyenneté européenne, adressées aux nouvelles générations et soutenues avec la force des idées qu’elles encouragent.
On le sait, le message publicitaire naît d’un procédé technique complexe et raisonné dans le but d’exercer une influence sur le destinataire-consommateur ; il est conçu selon une démarche éminemment pragmatique et, en suivant des critères précis, il peut agir sur la création, l’affermissement ou bien le changement d’une opinion ou d’une attitude. Comme le message conçu pour faire de la réclame, le message de la PP 1 relève d’une double nature, conative et rhétorique bien sûr, mais aussi socioculturelle et émotionnelle. Le canal sensoriel, normalement utilisé pour séduire le consommateur et faire naître en lui le besoin du produit conseillé, devient ici un accès émotionnel au message de la structure profonde, à travers un processus de lecture assimilable à celui de la lecture poétique. En effet on a plusieurs fois comparé le langage publicitaire au langage poétique, pour le recours à la métaphore et plus en général aux procédés de la rhétorique, tout en soulignant les différences entre les deux spécificités scripturaires :
« Au niveau de l’expression, l’écriture publicitaire comme l’écriture poétique sont souvent définies comme un écart par rapport à la norme langagière. […] Pour la poésie l’écart porte fondamentalement sur la connotation et la figurativité, c’est-à-dire sur l’expression et la finalité de l’énoncé ; pour la publicité il peut être aussi bien syntaxique que morphologique.[…] La poésie peut être dramatique ou tragique, mais la publicité est toujours positive et euphorique. L’une peut douter, l’autre assène dogmes et vérités […] L’idéologie utilitariste qui sous-tend le discours publicitaire s’oppose à la pratique artistique et désintéressée du langage poétique. Le message de l’un est tourné vers l’action, celui de l’autre vers la méditation. » (Guidère, 2000)
On ne saurait le nier, la finalité de l’énoncé publicitaire proprement dit est celle de proposer au destinataire des objets positifs, insérés dans une aire thématique spécifique et aussi positive, dont la virtuelle appropriation apporte un bien-être. Les messages de la PP, tout en exploitant les moyens de la publicité traditionnelle qui touchent la sphère émotionnelle, visent à éveiller l’attention du destinataire aux problèmes concernés, qui ont souvent des proportions vastes et graves. Le désir d’appropriation, passant à travers le traditionnel processus d’identification avec quelques variantes, est substitué par la focalisation sur un problème social. Par conséquent, la première sensation provoquée par ce genre de pub est celle de malaise, et l’équation traditionnelle consommation = bonheur bascule en problème social = malheur. En outre, le processus d’identification avec la classe sociale ou le rôle représenté présente des variantes et n’est pas univoque : le destinataire peut s’identifier soit avec le citoyen responsable (but de la pub : raffermir son idée et confirmer sa ligne de conduite), soit avec le citoyen irresponsable (changer son opinion et sa conduite), soit encore avec le citoyen indifférent jusqu’ici au problème concerné (poser le problème, en prendre conscience).
On précise ici que les textes que nous avons envisagés sont des spots publicitaires destinés au petit écran, bien que la projection dans les salles cinématographiques ne soit pas rare. Donc, puisqu’il s’agit de court-métrages réalisés par des spécialistes du genre et, plus souvent qu’on ne le croit, par des réalisateurs célèbres, la qualité technique du produit final est généralement hors de cause et l’efficacité communicationnelle est garantie. Il est évident que le formateur ou l’enseignant doit sélectionner le texte ou le corpus selon la pertinence avec le thème choisi, l’âge et le niveau culturel du public, en tenant compte de critères de base de l’iconographie commerciale qui s’articulent autour de trois éléments invariables : le produit, le(s) personnage(s) et le cadre (cf. Guidère, 2000). Dans notre cas le produit s’identifie avec le concept à transmettre et donc l’abstraction a besoin de s’appuyer sur une mise en contexte logique, raisonnée et vraisemblable pour garantir l’efficacité du message.
La difficulté communicative de ce genre de message tient évidemment au fait que, pour sa nature narratologique, la séquence de la PP doit être perçue en entier, tandis que le message publicitaire traditionnel est conçu pour une compréhension-réception même partielle, puisqu’il peut accrocher le destinataire à l’aide des éléments sonores (jingle, bruitage etc.) dans le cas où le canal visuel n’est pas actif. Donc il est fondamental que les premiers instants de la PP aient une bonne accroche, utile pour faire les premiers pas du parcours de lecture.
Une autre différence remarquable est qu’il n’y a pas seulement des personnages in presentia, c’est-à-dire les acteurs ou les protagonistes de la pub, mais aussi in absentia, voir l’organisation à laquelle la pub fait référence et dont l’existence et l’opérativité sont confirmées par l’indication de données précises (numéro de téléphone, compte courant, site web, siège social). Ces éléments occupent, avec la phrase ou l’image d’accroche, le logo, le slogan et la phrase ou l’image d’assise, un espace remarquable à l’intérieur de la PP : ils prouvent l’existence d’une communauté bien organisée qui travaille dur pour résoudre le problème posé, mais qui, pourtant, a besoin de l’aide de chacun pour réussir. L’idée de donner en même temps un caractère de pluralité et d’unicité au sujet destinataire du message nous semble être fondamentale pour la réception de la notion de citoyenneté.
Quels sont les besoins naturels de l’homme ?
Il n’est guère douteux que l’image filmique possède une force narrative qui, éventuellement associée au mot, fonctionne comme catalyseur des idées : la musique, le bruitage, la voix off, les voix des acteurs, l’ambiance, la photographie sont autant de moyens narratifs dans la mosaïque de la communication. Or, bien que la structure d’un spot PP suive les lignes de toute séquence cinématographique, le message proposé présente des caractéristiques propres au ‘genre’ du spot : la brièveté, la densité et un parcours de lecture orienté. Ce genre de message, conçu comme texte total, avec ses composantes iconiques, graphiques et langagières, est pour ainsi dire réversible, parce qu’il est tourné soit vers la méditation soit vers l’action ; il utilise un langage qu’on a défini plus haut comme ‘écart par rapport à la norme langagière’, mais où la connotation et la figurativité sont finalisées à la réflexion. Enfin, il exprime une dimension fictionnelle tragique ou bien positive, tout en se rattachant à une situation réelle d’actualité attestée par de données évidentes. On peut donc affirmer que la nature fictionnelle du message de la PP peut s’harmoniser de manière positive avec les techniques de la communication médiatique pour atteindre des objectifs d’information-éducation sociale. Bien sûr, tout message publicitaire, en tant que porteur d’une idéologie de ‘genre’ répond à la règle du ‘faire-faire’ : en passant par l’information et la manipulation convaincante le consommateur est conduit ‘naturellement’ vers l’action, voire vers l’achat, parce que la consommation, liée à l’idée hédoniste du bien-être soutenue par les multinationales, est perçue comme un besoin ‘naturel’ de l’homme. Mais si l’on regarde le mécanisme d’un autre point de vue on pourrait se demander s’il n’y a pas de ‘besoins’ autant naturels que les besoins premiers de l’homme qui sont liés à la nature sociale de l’être humain. N’est-ce pas un besoin naturel que celui de communiquer avec les autres, d’écouter les autres pour échanger ou partager une opinion, s’il est vrai que communiquer signifie mettre en commun ? N’est-ce pas un besoin naturel, ou si l’on veut un instinct, que de protéger les enfants, les faibles, les personnes âgées ? N’est-ce pas un besoin naturel que de vivre l’espace urbain comme lieu familier et ludique où on rencontre les autres et fait des expériences ? Si la société actuelle a perdu ces besoins naturels qui se rattachent à l’esprit humain, on peut récupérer le temps perdu et le faire même à travers les moyens de communication de masse. Le mécanisme du double message et le pouvoir évocatoire de la publicité peuvent introduire les grands thèmes oniriques de l’humanité, opérant ainsi cette grande libération des images (ou par les images) qui définit la poésie même (Barthes, 1985). Le recours aux ressources de l’imaginaire peut être positivement utilisé pour éveiller à nouveau l’exigence ancienne de constituer une société vivable pour tous. En effet à l’instar du team homogène créateur de la pub traditionnelle, l’émetteur de la PP est un team hétérogène, qui travaille en équipe et qui est généralement composé par des spécialistes de la communication médiatique, des représentants des associations non-profit, des représentants du Ministère de l’Éducation Nationale ou bien du Ministère de référence. Les compétences spécifiques de secteur s’orientent vers la constitution d’un message multimédia influant sur les rapports entre émetteur et récepteur, qui est aussi destiné à prolonger ses effets dans le temps et à créer des suggestions et inviter le destinataire à la réflexion.
Les thèmes et les exemples pratiques
Dans les dernières vingt années, la production de publicité pour le progrès est devenue de plus en plus considérable, bien que la diffusion et les thèmes suivent des critères différents selon les pays. Pour donner une vue d’ensemble, bien que forcément limitée et en guise de support didactique de référence, on a sélectionné quelques publicités abordant différents thèmes construites selon différents critères et proposant des messages en différentes langues. Bien que la production des spots ne soit pas toujours européenne, les publicités sélectionnées ont été diffusées en Europe et on peut facilement y avoir accès sur Internet.
Publicité n° 1. Mange ta banane (thème : le commerce équitable)
La pub est divisée en séquences narratives tirées du quotidien et dans une atmosphère diégétique positive ; les personnages-modèles (enfants et mère d’une des enfants) représentent à la fois les prescripteurs et les destinataires du message, en assurant le processus de transfert. Le concept du commerce équitable est inséré dans un contexte bien défini, tant du point de vue géographique que du point de vue culturel. Le personnage in absentia, le petit enfant de la République Dominicaine, est ancré dans une réalité culturelle précisée à travers l’énumération de certains objets (les bananes, l’école, les chaussures, le vaccin, le matelas), mais il est aussi métaphorisé grâce à la construction d’un univers imaginaire positif et à une sorte de communication onirique avec la fillette. Les dialogues ont une empreinte langagière vivante, tandis que le ton des conversations, les postures, les gestes et les jeux de physionomie des personnages qui accompagnent la parole sont très soignés, afin de donner une valeur iconique ajoutée au texte verbal et de favoriser le processus d’identification. Enfin, le dialogue initial entre mère et enfant (qui se veut conative mais suit un déroulement affectif et imaginaire) est modifié par la fillette qui va le répéter à ses copains : cette réécriture synthétique remplit la double fonction de souligner le concept thématique et de donner au récepteur l’impression qu’il a été bien compris par les enfants, donc qu’il s’agit d’un message simple et concret. La relation qui s’ensuit entre le concept et l’action, le faire-faire final, enfin le but de la pub, est mise en relief par une série de plans rapprochés sur tous les personnages qui prononcent leurs noms à tour de rôle, en donnant le caractère d’unicité et de pluralité du sujet dont on a parlé plus haut.
Publicité n° 2. Children see. Children do (thème : l’éducation des enfants)
La pub se présente comme un texte narratif à séquences multiples. La force sémantique du message est totalement confiée aux images et le projet communicatif de l’émetteur se réalise à travers des techniques cinématographiques complexes, telles que la distribution des points de vue, l’alternance des plans, la corrélation et/ou la disjonction des champs. La dimension anthropologique donnée se joue autour de l’espace urbain où les actants adultes, imprégnés d’un malaise subtil mais évident, se conduisent en citoyens irresponsables, indifférents aux règles sociales les plus élémentaires, agressifs, intolérants, dans un crescendo qui conduit jusqu’à la violence contre les objets, les animaux et les personnes. L’idée originale de la pub est tout entière dans la présence-absence des enfants, qui marchent sur les pas des adultes en répétant leurs gestes avec un écart temporel de quelques instants, dans une sorte de repetitio variata de grande efficacité. Particulièrement intéressant est le langage verbal, réduit à un monologue plus ou moins violent qui ne laisse aucun espace à l’interlocuteur réel ou elliptique. Les adultes de la pub s’identifient avec autant de pères et de mères possibles mais aussi avec la solitude par antonomase. Ils agissent en solitude, suivis par les petits enfants en fantômes invisibles mais pourtant actants et imitant, et ils semblent les témoins d’un état de malheur qui provient de leur isolement social. L’image finale où l’on montre un geste naturel de politesse peut être en réalité interprétée comme la reconstitution du noyau familial de base, où l’action-communication devient modèle de comportement et de civilisation. L’insistance sur la valeur de l’action nous semble ici très importante, dans une société qui désabuse du langage et où le geste peut vraiment devenir le signe interculturel par excellence.
Publicité n° 3. Chi ascolta cresce (thème : l’éducation à l’écoute)
Encore une fois la pub suit un schéma narratif où des séquences différentes ont été montées avec l’emploi de la repetitio variata. La pub, si l’on veut, renverse le modèle précédent en montrant des adultes qui se conduisent comme des enfants. Il faut dire que dès son passage à la télé en Italie la pub avait suscité beaucoup d’attention, puisqu’elle montrait une gamme de situations où le manque d’écoute était la motivation de base de l’écroulement des rapports sociaux et politiques. L’éducation à l’écoute a toujours occupé une place importante dans les programmes du Ministère de l’Éducation italien, et l’expérience sur le terrain démontre qu’on ne doit tenir pour acquis qu’on soit vraiment disponibles à écouter les autres. Le paradoxe du monde de la communication technologique est probablement dans un manque de communication, là où communiquer signifie surtout échange et enrichissement culturel. S’il est vrai qu’il existe une lecture de premier et de deuxième degré il est aussi vrai qu’on peut appliquer la théorie de Genette à l’écoute ; la différence réside dans l’impossibilité de relire la parole prononcée, qui peut être bien sûr répétée, mais qui ne sera jamais la même. L’éducation à l’écoute se traduit donc dans une éducation à l’écoute profonde qui dépend de la disponibilité à la communication des sujets concernés. Il nous semble que cette pub, tout en diagnostiquant la mort de la communication, se pose de façon positive face au problème en favorisant toujours le processus d’identification du sujet à tous les niveaux.
Publicité n° 4. SIDA. M.s.f. (thème : la prévention du SIDA)
Les deux publicités qui suivent abordent le problème du SIDA respectivement du point de vue sanitaire et social, bien qu’elles soient construites selon des techniques totalement différentes. La pub numéro 4, diffusée en Europe par Médecins Sans Frontières, grâce à la technique du dessin-animé, crée un effet d’éloignement et, par conséquent, le destinataire prend conscience du problème avec une certaine lucidité. Mais, par contre, d’un point de vue narratologique on remarque une diégèse fortement dénotée, où l’emphase est posée sur l’action initiale, immédiatement métaphorisée, qui entraîne une série de réactions en chaîne ; la première action est le vrai sujet de la narration : elle envahit sans contrôle l’espace intérieur et extérieur, en bouleversant la notion de temps et, à travers l’image déshumanisante et déshumanisée de la boule roulante elle véhicule, encore une fois, le concept de responsabilité et de respect de l’autre. Le fil affectif est représenté par la berceuse qui constitue le fond sonore de la pub et qui laisse sa place au silence de la mort et à la phrase-slogan qui suit.
Publicité n° 5. AIDS. Prejudice test (thème : le préjugé)
La technique utilisée dans la pub est celle de la candid camera ; on remarque aussi la présence d’un indice extra-diégétique, représenté par l’écriteau collé sur le dossier d’une chaise à l’arrêt du métro qui fait fonction de paratexte et qui, en dépit de sa position apparemment marginale dans la narration, est à la base de tous les comportements qui vont suivre. En réalité le texte n. 5 entretient avec le n. 4 une relation métatextuelle, parce qu’il évoque la dimension sanitaire du SIDA sans la citer directement. Les deux pubs peuvent donc être abordées en parallèle ou transversalement avec d’autres textes homogènes et/ou hétérogènes sur le thème du SIDA ou bien du préjugé social. Cette pub se pose donc comme expérience scientifique de psychologie sociale et, à travers le message initial donné par la voix off en langue originale et par le sous-titre en anglais, l’émetteur invite le destinataire à se poser du côté de l’observateur en créant un effet de complicité. Le spectateur est obligé de focaliser son attention sur l’objet signalé, qui devient une sorte de représentation symbolique in absentia du personnage fantôme, tandis que les images focalisent sur l’alternance des acteurs inconscients à l’arrêt. L’enquête par échantillon se joue sur une dizaine de citoyens qui renoncent à s’asseoir sur la chaise signalée, même s’il n’y a plus d’autres places libres ou s’ils doivent se séparer de leur copain ou de leur ami. Le message est centré sur le pouvoir anonyme et incontrôlé du préjugé, fondé sur un manque d’information et pourtant censé être détenteur d’une vérité. Cette opinion préconçue peut conditionner si fortement les consciences à tel point de créer un philtre voire même une barrière entre l’information correcte et le destinataire. La puissance des images est à cet égard inégale et acquiert la même valeur d’une expérience de laboratoire.
Conclusion
Les indications sur les objectifs spécifiques d’apprentissage pour l’éducation à la vie sociale données par le Ministère de l’Éducation nationale font référence à certains ‘savoir faire’ comme :
- Comparare l’efficacia comunicativa attraverso la grafica dei siti e gli altri strumenti di comunicazione utilizzati dalle istituzioni.
- Analizzare il linguaggio delle diverse istituzioni per valutarne l’efficacia ai fini di una comunicazione adeguata ai destinatari.
Comparer et analyser : voilà les coordonnées pour développer chez les jeunes les habiletés de lecture et d’interprétation des médias par le biais de l’intertextualité et de l’interculturalité.
Les PP données ici en exemple présentent toutes les caractéristiques de textes narratifs complets, émouvants et joués sur l’importance de faire un choix simple, possible et alternatif qui peut conjuguer l’identité avec l’altérité. Tout texte peut être utilement abordé en classe, opportunément didactisé ; il faut s’assurer qu’il ait les particularités susmentionnées et qu’il puisse devenir le point de départ de la connaissance et de l’accueil de l’autre. L’arène publicitaire peut être utilement transformée en laboratoire multiculturel où la série de micro-thèmes corrélés à proposer devient presque infinie. En outre, avec cette démarche l’importance de la langue se relativise, puisqu’elle devient seulement un des moyens de communication et sa valeur est augmentée par la présence d’autres éléments extralinguistiques. Cette appréciable relativité culturelle peut vraiment éduquer à la citoyenneté responsable, parce il s’agit de la connaissance de l’homme, une anthropologie à la Lévi-Strauss, « qui nous révélera un jour les secrets ressorts qui meuvent cet hôte, présent sans avoir été convié à nos débats : l’esprit humain. » (Lévi-Strauss, 1958)
LEVI-STRAUSS, Claude. 1958. Anthropologie structurale, Paris, Plon, 452 p., ISBN 2-259-00212-9
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CASETTI, Francesco, DI CHIO, Federico. 1992. Analisi del film, Milano, Bompiani, 289 p., ISBN 88-452-1546-6
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Note
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On trouvera dorénavant le sigle PP désignant la publicité pour le progrès ou d'intérêt public. ↩