Internes ou externes à l’Union Européenne, les frontières et les « marches » existent physiquement comme mentalement : c’est à partir de la dissolution des frontières intérieures et de l’intériorisation des limites nouvelles de l’Europe qu’une nécessaire citoyenneté européenne pourrait s’établir durablement. Cette contribution n’évoque donc pas les réalités territoriales, politiques ou sociales des découpages nationaux mais propose quelques réflexions sur l’installation d’une Europe des citoyens par la transformation des représentations, l’évolution des stéréotypes et, surtout, la construction d’une identité européenne basée sur une démarche non ethnocentrique, de la responsabilité même du corps et des institutions sociales et, notamment, du système éducatif.
L’Europe semble « en panne », en France au moins, une « fracture européenne » (Herbillon, 2005) s’est clairement exprimée mais pour autant s’agit-il du refus d’une citoyenneté européenne, de l’expression d’une crise identitaire nationale ou bien d’un rejet des politiques nationales ? Les pouvoirs publics, institutions et systèmes politiques ont-ils négligé l’information et la formation à l’Europe ? Enfin, quels rôles et quelles responsabilités a le système scolaire en général, et l’enseignement supérieur en particulier dans ce processus de construction européenne, imposée par l’économique et qui semble échapper aux citoyens eux-mêmes ? Cette courte contribution ne prétend pas répondre exhaustivement à ces questions mais surtout apporter quelques éléments de réflexion issus essentiellement d’une expérience hors du territoire national. La France vue de l’étranger reste un pays fascinant, moteur de la construction européenne, à la fois divers et unique, ouvert aux cultures et civilisations mondiales et défenseur hexagonal de ses conceptions, progressiste et conservateur parfois jusqu’à la « ringardise ». Dans beaucoup de pays européens, la France étonne par son système politique et son fonctionnement institutionnel comme par son dynamisme culturel ou son système social. Après l’initiative d’une Europe économique puis politique comme d’un espace unifié européen de l’enseignement et de la recherche, des efforts sont désormais à faire, de l’intérieur, pour que ce projet puisse répondre aux aspirations collectives.
Fracture et implicite
Lors du référendum français du 29 mai 2005 1 , 7 électeurs sur 10 se sont rendus aux urnes et 55% d’entre eux se sont prononcés contre le projet de constitution européenne. Ce vote, un an après le taux d’abstention record de 57,2% aux élections européennes de 2004 2 , a transformé le rapport des français à l’Europe.
En réponse, le lancement en 2005 du plan « D » comme Démocratie, Dialogue et Débat par la commission européenne a pour objectif d’écouter et d’échanger avec les citoyens européens afin de mieux comprendre leurs préoccupations et leurs espoirs mais, surtout, pour trouver de nouvelles idées susceptibles de relancer la construction européenne. Ainsi, une enquête Eurobaromètre a été commanditée par la Direction générale Communication afin d’envisager le « Futur de l’Europe » (Eurobaromètre, 2006). Cette enquête est riche d’enseignements et illustre clairement cette « fracture européenne » ressentie par les Français qui sont 39% à considérer l’Union européenne comme un ensemble d’institutions (20% de plus que la moyenne européenne) et 52% à juger négativement l’élargissement alors que 55% des Européens ont un point de vue positif sur ce sujet 3 . Pourquoi ce jugement négatif ? Pour 72% des Français, l’élargissement augmente les problèmes sur le marché national de l’emploi 4 alors que 21% seulement pensent que les produits sont devenus moins chers. Les considérations économiques écrasent lourdement les attentes qui existent toujours vis-à-vis d’une Europe sociale ou culturelle quand 19% des Français seulement jugent que « les choses vont dans bonne direction » sur le territoire national quand 34% des Européens partagent cet avis 5 . Alors rien d’étonnant à ce que tout n’aille bien au sein de l’Union européenne que pour 29% des Français 6 .
Les débuts de la campagne présidentielle de 2007 semblent soigneusement évacuer cette thématique du rapport des Français à l’Europe peut-être comme s’il s’agissait d’exorciser le problème de l’intériorisation de l’Europe par les Français, ou de s’efforcer de convaincre l’électeur comme l’homme politique de la vanité de cette question : les Français seraient résolument Européens et acteurs primordiaux de la construction européenne, l’Europe a une existence au sein de chaque conscience citoyenne, le vote « non » n’était qu’une sanction bénéfique d’une politique nationale à réformer. Au pire, l’Europe serait désormais une réalité incontournable, économiquement supranationale.
Ainsi cette Europe serait portée par chaque Français sans qu’il soit nécessaire d’expliquer, d’informer ou de convaincre et, surtout, il s’agirait d’une entité définie, définissable, politiquement fondée, historiquement délimitée, socialement cohérente. Alors quand le citoyen découvre cette tour de Babel cimentée par un anglais de circonstance, ces nationalismes identitaires à l’Est, ces transferts économiques accompagnant des restructurations massives, ces disparités sociales, culturelles, ou religieuses, ces attentes et ces craintes, ces faiblesses et ces espoirs, comment peut-il se sentir Européen, si le projet n’a pas été partagé, si l’Europe n’a justement pas été expliquée. Portée par l’économique, la construction européenne a tenté de s’appuyer sur une dimension culturelle et éducative, à défaut de pouvoir d’emblée concéder sur d’autres plans, mais la réalité des mobilités, des échanges, des expériences communautaires ne suffit pas. Deux millions, bientôt trois millions d’étudiants européens bénéficiant d’un semestre Erasmus c’est à la fois beaucoup et trop peu à l’échelle de ces 25 pays.
L’Europe ne se construit pas à partir de l’Europe mais au sein de chaque pays membre. Et cette construction n’est pas une évidence, un implicite, et, surtout, ne peut s’appuyer que sur une citoyenneté acquise, construite, à l’école, au sein des familles et des institutions. L’interrogation sur la citoyenneté française, les programmes scolaires, « civiques » ou « citoyens », les devoirs de chacun n’est bien évidemment pas close mais est riche désormais de plus de deux siècles d’expérience, au sein de cette France « une et indivisible », tandis que la réflexion sur l’Europe reste très récente, et, surtout, déterminée par l’économique et non par le politique, ce qui relativise l’évolution de cette question au sein de la société.
La citoyenneté : concepts et réalités
Après des décennies de quasi-désuétude ou d’utilisation spécialisée, le terme de citoyen est largement utilisé depuis quelques années dans tous les pays démocratiques, sur des registres différents du discours comme des écrits, dépassant ainsi dans son usage son strict contour sémantique. Et c’est peut-être ainsi que les concepts s’étiolent, perdent consistance, deviennent « mous » car généralisés dans un discours vague.
Ce terme a pourtant une signification précise car la citoyenneté procède d’une légitimité politique tout en étant source d’un lien social.
Juridiquement le citoyen n’est pas un individu concret mais un sujet de droit qui dispose de droits civils et politiques, jouit de libertés individuelles : liberté d’expression ou de croyance, liberté de mouvement, liberté de se marier ou de se « PACSER ». Le citoyen a le droit à un traitement égal et équitable, notamment dans le cadre de la défense en justice ou bien vis-à-vis des autorités policières ou administratives. Le citoyen dispose aussi de droits politiques. Il peut participer à la vie politique ou être candidat à toutes les fonctions publiques.
Le citoyen a également des devoirs : de respecter les lois (qu’il n’est donc pas censé ignorer), de contribuer aux charges de la collectivité en fonction de ses ressources et de défendre le corps social dont il fait partie, en cas de menace.
Mais ce citoyen abstrait et théorique, sujet de droit, est aussi fondateur, par principe, de la légitimité politique en même temps qu’il détient une partie de la souveraineté politique. Cela justifie parfaitement le processus électif du choix des gouvernants par l’ensemble des citoyens qui acceptent l’obéissance aux ordres parce qu’ils savent qu’ils sont bien les maîtres du choix collectif.
Cette citoyenneté semble naturelle, synonyme de démocratie, intériorisée, même si, à l’échelle de l’histoire des sociétés, la mise en application pratique de ces idées anciennes reste relativement récente 7 . Pour autant, cette citoyenneté n’est pas naturellement acquise (Schnapper, 1994) car il s’agit d’une construction historique, issue de deux histoires presque parallèles : le citoyen libéral de la tradition anglaise, qui revendique les libertés fondamentales de penser, s’exprimer et d’agir et le démocrate de la tradition française, pour qui la souveraineté collective fonde la liberté politique.
Ainsi il existe évidemment plusieurs définitions de la citoyenneté, déterminées culturellement, socialement et selon des rapports de forces politiques ou économiques. Des mêmes termes peuvent recouvrer des réalités différentes, des principes différents et aboutir à l’organisation d’institutions différentes. Il suffit de vivre quelques temps dans un pays étranger d’une autre culture, qu’elle soit slave ex-socialiste ou anglo-saxonne pour s’en convaincre : la citoyenneté est un concept pluriel. Ainsi, les systèmes politiques sont variés, tout comme les modes de scrutin, les constitutions qui déterminent le partage des pouvoirs, les organismes qui règlementent la vie sociale ou culturelle, ou encore la délimitation et le rôle assigné aux partis politiques par les électeurs 8 . Même s’il est rassurant de considérer la citoyenneté actuelle (les citoyennetés) comme universelle, tout individu physique pouvant revendiquer un statut de citoyen, l’universalité n’est pas de règle au niveau des structures et des quotidiens qui fondent les expressions même de la citoyenneté et, in fine, sa définition.
Quelle citoyenneté européenne ?
C’est dans ce cadre pluriel qu’il convient de participer à la construction d’une citoyenneté européenne. Si l’Europe existe, le citoyen européen n’est ni un citoyen français changeant d’échelle, ni un citoyen anglais quittant momentanément son île. Aucune solution n’est absolue, aucune construction définitive et chaque démocratie reste particulière. A ce titre, une expérience d’expatriation au sein d’un des pays ayant transformé son régime politique, comme la Russie, ou modifié ses frontières, comme la Tchéquie, ou encore, comme dans le cas de la Slovaquie, ayant découvert une identité, est plus instructive que la lecture de dizaines d’ouvrages savants. La citoyenneté européenne, si elle existe, se nourrira des échanges et de la mobilité, cela ne fait aucun doute, mais sur quelles bases, à partir de quels contenus, de quels éléments conceptuels ?
Peut-être que c’est justement au niveau du lien social que la citoyenneté européenne est à chercher, en attendant, en parallèle, une convergence relative de certaines institutions. C’est un peu comme dans le cas du processus de Bologne : il n’est plus question depuis quelques années d’uniformiser les structures d’enseignement mais de les rendre compatibles. La compatibilité, par les acteurs eux-mêmes, fera ensuite, peut-être, évoluer les structures et les institutions.
L’Europe est un lien entre des peuples, des nations, des citoyens. Et ce lien, pour être légitime, doit être politique et non seulement économique et c’est bien à partir d’une organisation politique unique, intégrant les particularités des états membres, qu’un lien social politique peut devenir légitime. C’était bien le projet de ce traité pour une constitution européenne, refusé par les Français, mis en cause depuis par d’autres citoyens d’États membres.
Les habitants de cette Union européenne, « patchwork » de citoyennetés juxtaposées, ont besoin à l’évidence d’une délimitation sociale et culturelle, intégrant diversité, complémentarité et cohérence, ce qui reste difficile à établir en partant de ces entrées. Il est peut-être plus facile de construire une citoyenneté européenne qui ne soit pas supposée exister à partir d’un élargissement national des citoyennetés installées depuis plus ou moins longtemps dans des contextes différents, en suivant, notamment, Jürgen Habermas qui prône une citoyenneté européenne particulière, construite à partir d’une Europe acceptée comme État de droit et non par rapport à des spécificités nationales culturelles ou historiques (Habermas, 1990).
Mais justement, une des difficultés du projet reste la délimitation d’une Europe qui ne peut pas rester un État de droit abstrait et qui exprime de plus en plus des revendications culturelles diverses. La Slovaquie, une des plus petits États membres, avec ses 8 religions « reconnues » et ses 12 minorités installées doit-elle véritablement attendre l’installation durable d’une identité collective nouvelle pour construire une citoyenneté européenne nécessaire ? Ces minorités, dont certaines ne représentent que quelques dizaines de milliers d’individus, possèdent depuis des générations des identités culturelles bien identifiées, et pas seulement par la langue mais aussi par le folklore, les traditions et usages, y compris familiaux. Faut-il s’appuyer sur ces identités minoritaires pour construire une citoyenneté slovaque qui serviront ensuite de base à une citoyenneté européenne ?
Même si elle reste difficile à imaginer en perspective, l’hypothèse d’une citoyenneté s’installant à partir d’une identité culturelle collective aboutit à une démarche convergente avec l’option de Jürgen Habermas, qui repose sur l’adhésion des individus à un système supranational : l’Europe se construit alors politiquement et non pas économiquement, comme il apparaît aujourd’hui, non seulement à partir des traités existants mais aussi de nombreuses revendications collectives liées à l’emploi, les retraites ou encore le financement du système de retraite ou d’enseignement.
L’opposition de l’économique et du politique est évidemment ridicule : le problème est bien de poser des bases politiques, une légitimité politique à un fonctionnement économique, malgré la mondialisation des capitaux ou des échanges. Et c’est peut-être justement ce projet d’Europe politique partagée qui est en déficit, comme l’indiquent clairement les votes des citoyens français, pour autant qu’on accepte l’idée d’un vote négatif motivé non par un rejet de l’Europe, mais par un besoin d’adhésion à un projet.
L’approche juridique est bien évidemment indispensable et elle permet une mise en perspective de l’histoire même de la construction européenne. Reprenons brièvement l’histoire de la mise en place des droits et devoirs des citoyens européens.
C’est bien avec le traité de Rome de 1957, qui institue la Communauté Économique Européenne que le droit des personnes à circuler librement sur un territoire défini est installé, même s’il ne s’agit alors que de lier une activité économique, le travail, salarié, indépendant, ou une prestation de services à l’appartenance communautaire.
L’Acte unique européen de 1986 réalise presque trente ans plus tard un espace sans frontière, qui ne sera pourtant effectif qu’en 1993. Durant ces trente années, l’économique « tire » ou justifie la construction européenne, même si cela apparaît de plus en plus insuffisant. Ainsi, l’espace européen ne peut plus construire une citoyenneté uniquement basée sur des rapports économiques et, en 1990, le droit de séjour est étendu aux personnes n’exerçant pas d’activité économique, à la condition cependant qu’elles disposent de ressources suffisantes et d’une couverture sociale. Il s’agit bien d’un droit de circulation et de séjour repris en 1992 dans le traité sur l’Union européenne. En effet, si cette question des « droits spéciaux » conférés aux ressortissants de la Communauté économique avait été évoquée dès 1974, lors du Sommet de Paris, ce n’est qu’à partir de ce traité de Maastricht de 1992 qu’une citoyenneté de l’Union européenne est créée : la Déclaration du Conseil européen de Birmingham précise en octobre 1992 que « la citoyenneté de l’Union confère à nos citoyens davantage de droits et de protection, sans se substituer en aucune manière à leur citoyenneté nationale » 9 , ainsi une citoyenneté particulière est enfin définie, conférant à tout citoyen de l’Union un droit fondamental et personnel de circuler et de séjourner sans référence à une activité économique. En corollaire sont prévus le droit de vote et d’éligibilité aux élections du Parlement européen et aux élections municipales dans l’État de résidence et même le droit à la protection diplomatique et consulaire au sein des pays tiers en l’absence de représentation nationale.
Depuis 1997, la citoyenneté de l’Union, acquise de droit aux nationaux d’un État membre, permet de disposer de droits supplémentaires et complémentaires à la citoyenneté nationale. De plus, tout citoyen d’un état membre a désormais le droit de saisir le Parlement européen, le Conseil, la Commission, la Cour de justice, la Cour des comptes, le Comité économique et social ou encore le Comité des régions ou même le Médiateur européen, et ce dans une des vingt langues des traités.
Enfin, dernière étape concernant ces droits, même si la compétence officielle de l’Union ne concerne pas la politique éducative des États membres, un alinéa a été inséré dans le préambule du traité : chaque État membre s’engage à fournir « le niveau de connaissance le plus élevé possible ... par un large accès à l’éducation et par la mise à jour permanente des connaissances ». La construction de cette Europe de la connaissance induit donc une intégration au sein des droits des citoyens de l’Union du droit à la connaissance (Zorghibe, 2005).
Cette approche juridique et institutionnelle permet de mieux comprendre la mise en place d’une citoyenneté de l’Union européenne, qui n’est cependant pas une citoyenneté européenne. La citoyenneté de l’Union est par essence institutionnelle tandis qu’une conscience citoyenne européenne devrait être culturelle. De plus, la question des devoirs citoyens reste en suspens puisque n’ont été définis que des droits : la citoyenneté de l’Union n’accorde que des droits supplémentaires à la citoyenneté nationale. Mais encore faut-il que ces droits soient effectifs, concrétisés. C’est bien dans ce sens qu’à Nice, en 2000, le Conseil a insisté sur des mesures destinées à accroître et démocratiser la mobilité en Europe. Lever les obstacles ne suffit évidemment pas et cet « espace européen de la connaissance » ne peut qu’être porté par les échanges. L’économique apparaît depuis évidemment porté par le culturel : la mobilité des citoyens nationaux, rendue possible par l’intensification de la formation en langues et la capacité à travailler et évoluer dans un environnement plurilingue, est devenue un facteur jugé déterminant de la compétitivité de l’économie européenne.
L’approche culturelle et sociale s’impose donc à la fois par elle-même et par référence à l’économique, ce qui est assez nouveau en définitive. L’identité, l’appartenance à une communauté, la conscience d’une délimitation géographique et d’une organisation sociale et politique, autant d’éléments constitutifs d’une citoyenneté s’appuyant sur un territoire et sur un groupe. La citoyenneté européenne, de ce point de vue culturelle, ne s’imbrique pas forcément avec la citoyenneté locale car il s’agit bien plus d’une conscience, d’une reconnaissance de niveaux d’appartenance : d’une région à l’Europe elle-même, certains individus appartenant à des minorités d’Europe de l’Est peuvent construire simultanément une citoyenneté locale et européenne, sans pour autant se reconnaître dans un État.
Le découpage national après la chute du Mur de Berlin, en Europe de l’Est, n’a pas tenu compte des identités culturelles ou traditionnelles qui s’expriment désormais au sein d’États membres, ce qui entraîne des tensions et des incompréhensions évidentes, par exemple entre Hongrois (ou plutôt Magyars) et Slovaques de Slovaquie. Le passeport peut-être slovaque mais le sentiment d’appartenance et, en définitive, la conscience des droits et des devoirs citoyens est liée à la communauté culturelle. La place de la société civile est fondamentale dans la construction de ces citoyennetés, autant au niveau de l’éducation familiale et communautaire qu’au niveau du système éducatif.
Cette problématique est cruciale, et sous des formes différentes, à l’est comme à l’ouest de l’Union européenne, car, comme l’a déclaré en juin 1999 Ion Caramitru, Ministre de la culture de Roumanie 10 , « les enjeux sont communs : construire un nouveau contrat social, véritable alliance entre l’État et la société civile qui puisse mobiliser l’ensemble de nos sociétés ».
Éducation et citoyenneté
La construction d’une citoyenneté européenne doit donc s’appuyer en grande partie sur le système éducatif lui-même car la citoyenneté est bien plus une attitude et un comportement qu’un présupposé juridique et institutionnel. De plus, cette démarche est globale et constante : il n’y a pas un temps pour enseigner l’Europe, comme il n’y a pas un temps pour enseigner la tolérance. La dimension européenne doit être intégrée à tous les niveaux de l’enseignement, en mathématiques comme en sport, en statistiques comme en sciences de la nature.
Dans sa résolution du 24 mai 1988, le Conseil de l’Europe a recommandé aux pays membres d’inclure la dimension européenne dans les programmes scolaires, avec l’objectif de « renforcer chez les jeunes le sens de l’identité européenne... (les) préparer... à participer au développement économique et social de la communauté... (à) prendre conscience des avantages que la Communauté présente mais aussi les défis qu’elle génère en ouvrant l’espace économique et social... (et) à améliorer leur connaissance des aspects historiques, culturels, économiques et sociaux de la Communauté et des États membres... » 11 .
Depuis la loi d’orientation de 1989, sous de multiples approches, l’Europe est devenue bien présente dans les programmes scolaires mais cela n’est, en fait, pas nouveau car l’enseignement de l’Europe n’est certainement pas une innovation récente. En fait, c’est la mise en perspective avec le projet européen qui est relativement nouveau et qui n’est toujours pas abouti.
Ainsi, s’il s’agit bien, dans les programmes de 2002 de l’école primaire, de « favoriser, par la comparaison avec des sociétés différentes dans le temps et dans l’espace, la construction chez les élèves d’une identité forte, à la fois sûre d’elle-même et ouverte, fondée sur la conscience de s’inscrire dans un héritage et de participer à l’aventure d’un espace commun à tous les hommes » 12 on peut se demander de quel espace s’agit-il, et dans quel temps ?
Car c’est bien au moment même où la construction européenne doit s’appuyer sur l’école que celle-ci se voit renforcer son rôle de ciment national en installant les enseignements d’histoire, de géographie, d’éducation civique au service de la citoyenneté nationale, d’une intégration, d’une réponse adaptée à des revendications légitimes. Une école en France qui doit reconstruire son propre rôle d’institution citoyenne peut-elle concrètement intégrer une fonction d’apprentissage de la citoyenneté européenne ?
Dans les programmes, si la dimension européenne et mondiale est définie, les contenus laissent une place prépondérante à l’histoire de France et à l’étude du territoire français. Il s’agit ainsi, surtout, d’un programme historique organisé autour de points forts qui vont aider les enfants et les adolescents à comprendre comment se construit la France, dans un contexte européen et mondial (Audigier, 2005). La compréhension et la découverte de cette Europe part donc du national.
Ainsi, au collège comme au lycée, l’Europe n’est pas un thème à part en français ou dans les disciplines artistiques et, surtout, le choix a été fait de définir des approches transversales, à travers les disciplines existantes car il n’existe pas de discipline scolaire particulière.
Dans le détail, en classe de quatrième des collèges, le programme d’histoire prévoit 21 à 25 heures d’enseignement lié à l’Europe : présentation de l’Europe moderne, des transformations de l’Europe durant la période révolutionnaire et de l’expansion européenne au 19e siècle. En géographie, 16 à 19 heures sont consacrées à la diversité de l’Europe et à l’étude de trois états (dont la Russie). En enseignement civique, juridique et social, 10 à 14 heures doivent être consacrées à la citoyenneté européenne, aux identités nationales, aux valeurs communes et aux droits de l’homme. Cette logique se retrouve, à partir des instructions de 1998 puis de 2002, dans tous les autres niveaux du secondaire : une vingtaine d’heures globalement en troisième, 18 à 33 en classe de première, de 20 à 30 heures en classe de terminale, au travers des enseignements d’histoire et de géographie. L’enseignement des langues prend une place de plus en plus importante ce qui complète ce dispositif réglementaire.
Ainsi l’Europe semble bien présente, thématiquement, dans les différents programmes de l’enseignement secondaire et il est vrai qu’à partir de 1995, une véritable rupture avec la tradition scolaire française a été effectuée, au niveau des programmes d’histoire et géographie. Ces deux disciplines sont devenues des points d’appui de l’ouverture internationale de l’enseignement, ouverture laissée auparavant et depuis le début du 20e siècle aux enseignements de langues vivantes qui intègrent des enseignements de civilisation et de culture.
Mais ces réformes sont largement insuffisantes et, surtout, rien ne prouve que le traitement des « crises » d’identité nationale soit incompatible avec un enseignement de la citoyenneté européenne ou bien qu’il ne soit pas possible de systématiser cette dimension européenne dans le cadre d’une discipline pluridisciplinaire pouvant être investie par des enseignants de formations diverses.
En effet, le choix d’une intégration des thématiques européennes dans les disciplines existantes révèle évidemment la difficulté existante à faire évoluer les contours des disciplines. Le cas très particulier de la géographie en France, par exemple, illustre bien ce phénomène qui, au niveau de l’enseignement supérieur, devient exacerbé quand il s’agit d’établir des échanges entre étudiants européens, entre les facultés des lettres françaises et les facultés des sciences des autres pays européens.
Ainsi, la dimension européenne est souvent absente des autres disciplines qu’histoire, géographie ou ECJS et l’enseignement des civilisations ou des cultures étrangères a tendance à devenir une peau de chagrin en langues étrangères et notamment en anglais où l’utilitarisme de l’apprentissage de la langue devient primordial. L’approche interdisciplinaire et parfois interculturel peut compenser cette difficulté, mais en fonction des initiatives des enseignants et des projets des établissements, heureusement soutenus par les académies et les programmes européens.
Mais au-delà de la stricte définition des programmes au niveau national (ou local), la concrétisation de cette « dimension européenne » de l’enseignement ne peut s’appuyer que sur les compétences des enseignants eux-mêmes qui sont, hélas, très peu formés aux questions européennes.
Même si les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres, établissements en charge en France de la formation des professeurs des écoles, collèges et lycées, doivent, depuis 2002, organiser une ouverture à l’international dans le cadre de leurs enseignements, les modules de formation relatifs à l’Europe se limitent très généralement à une présentation succincte des différents systèmes d’enseignement en Europe ou bien à des stages courts, quelquefois plus touristiques que formateurs, à l’étranger.
Pourtant le problème est plus complexe qu’il y paraît : les professeurs stagiaires sont déjà des fonctionnaires en poste dans des établissements et, à ce titre, l’organisation de leur formation est rythmée par les contingences administratives de leur fonction. L’organisation d’une formation plus « européanisée », dans le cadre de système éducatif n’ayant ni le même calendrier, ni les mêmes contraintes, se heurte souvent à des difficultés matérielles, inhérentes aux particularités françaises du système éducatif. Une européanisation de la formation des professeurs ne paraît donc envisageable qu’en amont, au niveau des universités, ou bien à partir d’accords-cadres particuliers, entre ministères de l’éducation européens. De plus, le nombre de formateurs en IUFM déjà eux-mêmes susceptibles d’enseigner cette « dimension européenne » est très réduit, ce qui reporte le problème au niveau supérieur. Seul point d’ouverture possible : l’intégration au niveau du concours de recrutement des professeurs des écoles d’une langue vivante à partir de la session 2006.
La loi d’orientation sur l’école du 23 avril 2005, dans son article 9, stipule que « La scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun constitué d’un ensemble de connaissances et de compétences qu’il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir sa vie en société. Ce socle comprend :
- la maîtrise de la langue française ;
- la maîtrise des principaux éléments de mathématiques ;
- une culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyenneté ;
- la pratique d’au moins une langue vivante étrangère ;
- la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication »
La mise en application est progressive. Par exemple, depuis la rentrée 2005, l’enseignement de l’hymne national français à l’école primaire.
Pourtant, ce texte peut constituer une chance pour le projet européen. Puisqu’il s’agit de permettre le libre exercice de la citoyenneté, une intégration des notions de bases, des connaissances fondamentales concernant l’Europe dans le « socle commun des connaissances », devraient contribuer à la formation des citoyens européens et inciter les pédagogues et garants des programmes à réfléchir à la fois sur les contours des disciplines et leurs contenus.
L’Europe à l’Université
L’enseignement primaire et secondaire tente donc d’intégrer une dimension européenne au niveau des programmes et parfois des activités, en dépit de manque de formation des enseignants. Mais qu’en est-il au niveau des universités qui, globalement, forment avant l’IUFM la très grande majorité de ces enseignants ?
Globalement, la dimension européenne est insuffisamment développée au sein de l’enseignement supérieur français : il suffit d’examiner les offres de formation d’une université pour se convaincre du faible nombre de modules d’enseignement identifiés comme « européens ». Au niveau des formations scientifiques et techniques ces modules sont même très souvent inexistants. Bien évidemment ces constatations n’induisent pas une absence d’Europe à l’Université et il est évident qu’au moins en Sciences humaines et sociales, en Droit et Science politique, en Sciences économiques et de gestion l’Europe est bien présente au sein des enseignements. Mais il s’agit d’une implication des universitaires eux-mêmes, liés à leur propre conception de leur champ disciplinaire.
La véritable question est de savoir comment, puisqu’il existe un déficit de connaissance en matière européenne chez les citoyens français, inciter les universités à développer au sein de leur offre de formation des enseignements européens ?
Une des premières incitations reste l’Europe elle-même et les programmes communautaires qui permettent une organisation de la mobilité étudiante et enseignante. Dans le premier cas, pour l’année 2004-2005, parmi les 144 037 étudiants bénéficiaires, 21 561 étaient français, et un tiers de ces derniers profitaient de cette mobilité dans le cadre d’études en sciences de gestion. Dans le même temps, 2093 enseignants du supérieur français ont réalisé un séjour d’enseignement, d’une semaine en moyenne, ces derniers, en proportion, profitant moins du système Erasmus que les étudiants (15% des étudiants en mobilité sont français et 10% des enseignants) 13 . L’harmonisation européenne des cursus favorise évidemment ces mobilités qu’il faudrait désormais étendre à toutes les filières et surtout valoriser au sein des universités elles-mêmes. En ce qui concerne les enseignants, la prise en compte des heures effectuées à l’étranger n’est généralement possible qu’à la condition d’un réel échange d’heures d’enseignement entre deux collègues de nationalité différente. De plus, les activités internationales sont encore peu valorisées au niveau des carrières universitaires, même si la prise en compte prioritaire des activités de recherche doit nécessairement s’accompagner d’implications internationales 14 . Les motivations des universitaires doivent souvent être trouvées ailleurs : c’est principalement la volonté de répondre à sa curiosité de chercheur ou d’enseignant qui incite les universitaires français à réaliser une expérience d’enseignement européenne.
L’expérience de l’utilisation de l’Action Jean Monnet en France est riche d’enseignement. Ce dispositif communautaire a débuté en 1990 et a permis le développement de nombreux enseignements européens au sein des universités de l’Union puis du Monde entier, par le biais de subventions de démarrage. Cette action est résolument orientée vers le citoyen européen. Car son objectif spécifique est de valoriser la connaissance sur les questions européennes, au travers de l’enseignement mais aussi d’échanges et d’autres activités de rayonnement réalisés par les Pôles européens et les professeurs « Jean Monnet ». Les disciplines concernées sont le droit, avec le droit communautaire, les sciences économiques, avec l’économie européenne, la science politique, les sciences sociales et l’histoire avec l’intégration politique européenne et l’histoire de la construction européenne.
Jusqu’en 2004, 1700 projets académiques ont été mis en place, soit 97 Pôles européens, dont 12 en France, 629 Chaires Jean Monnet, dont 74 françaises et 935 cours permanents et modules européens. Globalement, plus de 250 000 étudiants par an sont concernés par ces cours européens dispensés par plus de 1 600 professeurs dans près de 700 universités.
Pourtant, en France, le recours à ce programme communautaire n’est pas aussi intense que pour les universités britanniques, par exemple. En particulier, sur les 74 chaires françaises, 42 sont en droit communautaire dans 34 universités, 20 en économie européenne dans 20 universités, 9 en histoire de l’intégration européenne et seulement 4 en science politique européenne alors que plus du tiers des chaires Jean Monnet relèvent de ces deux derniers champs 15 . En Droit communautaire, la proportion de chaires Jean Monnet est largement supérieure à la moyenne générale tandis qu’en économie européenne elle est presque identique.
Ce différentiel de répartition entre champs disciplinaires ajouté à un effectif global proportionnellement insuffisant montre bien le déficit de proposition en science politique et histoire européenne. Cette constatation ne tient pas uniquement au dispositif Jean Monnet mais concerne bien l’ensemble de l’enseignement supérieur en France. La Science politique a des effectifs universitaires très réduits : moins de 350 maîtres de conférences et professeurs des universités et même si des universitaires relevant d’autres sections scientifiques comme histoire contemporaine, sciences de l’information et de la communication ou encore droit public, proposent des enseignements concernant l’Europe et l’intégration européenne, le potentiel n’est évidemment pas à la hauteur des besoins.
Une université « européanisée » à court terme
Ainsi, aux difficultés inhérentes à la structure même des universités, à leur mode de gouvernance qui laisse peu de place aux étudiants pour la détermination des orientations d’enseignement ou encore aux modalités de montage des offres de formation s’ajoute un manque de flexibilité en matière de recrutement des universitaires eux-mêmes et un manque de valorisation des activités d’ingénierie pédagogique, au niveau international comme au niveau interne.
Pourtant, d’un point de vue réglementaire et législatif, tout semble au point pour inciter les universités à développer des offres de formation intégrant une dimension européenne : le système des crédits est en place et les parcours de formation peuvent être flexibles, le service public d’enseignement supérieur a été modernisé et les notions juridiques de grade, titre et diplôme national sont désormais bien établies, les « cursus intégrés » permettant à des étudiants de poursuivre leurs études dans 2 ou 3 établissements de pays partenaires sont possibles (avec diplômes conjoints ou co-diplômes), les co-tutelles internationales de thèse sont encouragées depuis l’arrêté du 6 janvier 2005, permettant notamment aux écoles doctorales de valoriser une dimension internationale, enfin, des certifications en langues ont été créées pour favoriser l’ouverture de l’enseignement supérieur français à l’Europe comme au monde entier.
La responsabilité de l’évolution du système pourrait sembler reposer entièrement sur les établissements eux-mêmes, dans le cadre de leurs propres projets d’établissements, les contrats quadriennaux d’objectifs et de moyens. Mais cela ne fait que déplacer le problème : qui peut inciter les universités à proposer plus d’Europe au sein de leurs cursus ? Les étudiants eux-mêmes, les professeurs, les financeurs, l’opinion publique, le marché du travail ? Et, surtout, une réforme statutaire et organisationnelle, laissant une marge d’autonomie à la fois plus grande et mieux encadrée, autorisant une flexibilité interne susceptible d’apporter des réponses à des évolutions rapides, suffira-t-elle à inscrire enfin les formations universitaires au sein d’une Europe des citoyens ?
Même si cette question de l’apprentissage à la citoyenneté européenne renvoie directement à celle même de la finalité de l’Université et de la construction d’une Europe de la connaissance, même si les acteurs universitaires sont les premiers promoteurs et notamment les étudiants, dans le cadre d’une nouvelle gouvernance des universités, la demande peut être assez explicite pour inciter à court terme les universités à modifier leurs cursus. Si le tiers des étudiants Erasmus français suivent des études de gestion des entreprises, c’est bien parce que les emplois visés s’inscrivent dans une dimension européenne ou internationale, que les langues étrangères sont valorisées en entreprise, tout comme les expériences à l’étranger.
Une des clés de ce problème est fourni par Ralph Dassa, Directeur général de l’Institut de la gestion publique et du développement économique, dans son rapport de mars 2006 : « La formation aux enjeux européens des fonctionnaires et agents publics ». Ce rapport commandé par Michel Herbillon établit un état des lieux sur les formations continues et initiales des trois fonctions publiques ainsi que sur les modalités des différents concours de recrutement.
D’après Ralph Dassa, la situation est grave. La France est en retard en ce qui concerne la formation aux questions européennes pour les fonctionnaires alors que les frontières intracommunautaires ont disparues en 1993 ou encore que les compétences européennes ont été étendues notamment à la sécurité ou à la justice. Ainsi les affaires européennes auraient donné lieu à des spécialisations professionnelles pendant qu’elles échappaient de la formation générale des fonctionnaires d’État comme des autres fonctions publiques. Même si les besoins en formation à l’Europe sont divers et spécifiques pour les enseignants, les personnels hospitaliers ou encore les agents des douanes, le développement de coopérations décentralisées ou transfrontalières, l’évolution des programmes communautaires, la confrontation à un marché européen de l’emploi sont autant d’éléments qui justifieraient pleinement une formation européenne.
A l’évidence, au moment du recrutement par concours, c’est sur la base des savoirs acquis au sein des universités que la sélection s’effectue. Mais, comme on l’a vu précédemment, l’enseignement des questions européennes reste encore trop peu développé. Deux solutions sont possibles : organiser une formation continue des fonctionnaires, ce qui est incontournable actuellement pour certaines fonctions, ou bien modifier les programmes des concours de recrutement des fonctionnaires. A commencer par ceux des enseignants : seuls, parmi ces 980 000 fonctionnaires, les professeurs d’histoire-géographie ont désormais une formation initiale sur les questions européennes.
Il s’agit bien d’un problème fondamental : d’après Ralph Dassa, en dehors des concours du Ministère des affaires étrangères « seuls l’École Nationale de l’Administration, l’Institut national des études territoriales (du moins pour le concours interne de la filière administrative) et l’École nationale des douanes reconnaissent aux questions européennes une réelle priorité » (page 28). L’Europe est donc très globalement absente des concours de recrutement de la fonction publique et des examens professionnels 16 .
L’État pourrait donc assez facilement inciter les établissements d’enseignement supérieur à accélérer l’intégration de modules européens dans les offres de formation supérieure en réformant les programmes des épreuves des concours des fonctions publiques. En deux ou trois années, le nombre d’étudiants choisissant des modules consacrés aux questions européennes augmenterait considérablement ce qui inciterait des jeunes universitaires à investir ces questions. La valorisation des langues étrangères au sein de ces concours renforcera également l’intérêt des étudiants pour des parcours européens de formation.
L’Université française, dans ses structures actuelles, ne pourra pas proposer par elle-même un renouvellement des contenus de ses formations si la demande ne s’exprime pas avec force. L’intérêt pour l’Europe sera peut-être plus important pour la génération qui va vivre les nouveaux programmes de 2002 au collège ou au lycée, mais, en attendant 2010 et les objectifs communautaires, le retard doit être comblé et les solutions existent.
HABERMAS, Jürgen, 1990, Écrits politiques, Paris, Cerf
SCHNAPPER, Dominique, 1994, La Communauté des citoyens. Sur l’idée moderne de nation, N.R.F.-Essais, Paris, Gallimard
HERBILLON, Michel, 2005, Député du Val-de-Marne, Rapport au Premier Ministre « La Fracture européenne. Après le référendum du 29 mai : 40 propositions concrètes pour mieux informer les Français sur l’Europe », Rapport de la Mission parlementaire auprès du Ministre des Affaires étrangères et de la Ministre déléguée aux Affaires européennes
AUDIGIER François, 2005, « La dimension européenne dans les enseignements d’histoire, de géographie et de citoyenneté », in Europe et mémoire : une liaison dangereuse, Institut Européen de l’Université de Genève, Euryopa
ZORGHIBE Charles, 2005, Histoire de l’Union européenne, Fondation Robert Schuman, Paris : Albin Michel
Eurobaromètre, 2006, Le Futur de l’Europe, Terrain : février - mars 2006, Publication mai 2006
DASSA Ralph, 2006, « La formation aux enjeux européens des fonctionnaires et agents publics »
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54,67% des votants ont manifesté leur refus du projet de traité établissant une constitution européenne, mais avec un taux de participation assez fort (30,63% d’abstention). ↩
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Le taux d’abstention dans les 25 pays de l’UE atteint également un record avec 54,3%, le taux global au sein de l’UE ayant toujours été inférieur de 2 à 10% du taux français. Si l’abstention aux élections européennes est un phénomène européen, sa signification, en France, reste particulière. Néanmoins, seul le seul taux d’abstention supérieur relevé en France était celui du référendum de septembre 2000, concernant le quinquennat présidentiel (69,8%). ↩
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69% des citoyens des nouveaux états membres et 53% des citoyens de l’ancienne Europe des 15. ↩
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Moyennes européennes respectives : 63% et 34%, ↩
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Les Irlandais étant les plus positifs (65%), les Français sont les plus négatifs, suivis de près par les Italiens (21 %) ou les Hongrois (23%) et les Slovaques (24%). ↩
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Les Autrichiens ne sont satisfaits sur ce point qu’à 24%, les Italiens à 33%. Cependant, les Slovaques mécontents de leur situation intérieure sont satisfaits à 42% du fonctionnement de l’Union européenne qui globalement satisfait 39% des Européens. ↩
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A partir des révolutions politiques en Angleterre, aux États-Unis et en France, aux 17e et 18e siècles. ↩
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Le traitement par certains quotidiens français des résultats des élections parlementaires slovaques de juin 2006 témoigne parfaitement d’une méconnaissance de ces aspects de la diversité européenne : par exemple, l’analyse des votes des citoyens slovaques pour les partis nationalistes est effectuée en référence avec les critères politiques français. ↩
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Le Traité d’Amsterdam de 1997 modifie les articles instituant la citoyenneté européenne : « la citoyenneté de l’Union complète la citoyenneté nationale et ne la remplace pas ». ↩
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Conférences parlementaires, ONG, Strasbourg, juin 1999. ↩
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In Résolution sur la dimension européenne de l’éducation adoptée par le Conseil et les Ministres de l’Éducation en 1988. ↩
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Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale n° 65, Hors série n° 1, 14 février 2002. ↩
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La France avec ses 61,7 millions d’habitants représente 13,5% des 455,4 millions de citoyens de l’Union. Les étudiants français profitent donc un peu plus de la mobilité européenne que les autres européens tandis que leurs enseignants sont nettement moins nombreux à se déplacer, en proportion. ↩
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Encore qu’à ce niveau, il conviendrait par une étude rigoureuse de pouvoir faire la part des choses entre la rumeur persistante et la réalité des critères d’évaluation du Conseil National des Universités, instance élu qui autorise après évaluation la présentation des candidats aux concours de maîtres de conférences et de professeurs (procédure dite de « qualification ») et décide de la carrière des universitaires (passage de classes). De plus, les pratiques semblent bien différentes d’une section CNU à une autre, certaines sections désormais valorisant les activités internationales, administratives ou de vulgarisation scientifique. ↩
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En 1999 il n’y avait qu’une seule chaire Jean Monnet française en science politique, 13 en Allemagne, 9 au Danemark, 9 en Espagne, 9 en Irlande, 7 en Italie et... 42 au Royaume-Uni ! ↩
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M. Dassa a analysé 51 concours. Les questions européennes ne sont obligatoirement au programme que pour les concours de l’ENA ou des IRA. Dans une dizaine de concours analysés, une épreuve de droit public ou communautaire intègre une dimension européenne. Dans cinq autres, les candidats peuvent choisir une matière relevant des questions européennes. Pour tous les autres, aucune question européenne ne figure formellement au programme du concours. ↩