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Iran, des élections démocratiques ?

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Texte

Les élections Présidentielles du 12 juin dernier en Iran pourraient être le début d’une insurrection, d’une révolte, d’un refus national. Pour aller vite, rappelons que 475 personnes avaient déposé leurs candidatures auprès du Conseil des Gardiens de la constitution. A chaque élection nationale en effet, ce Conseil examine le dossier des candidats potentiels, manière de vérifier que la personne entre bien dans le cadre défini, qu’elle est bien fidèle aux principes de la Constitution, qu’elle accepte un pouvoir absolu nommé le « Chef Suprême », représenté par Ali Khamanei, puis c’est son passé, ses engagements et ses prises de positions qui décident et font décider pour sa candidature. Ainsi, seulement quatre personnes ont eu l’aval du Conseil des Gardiens de constitution pour devenir candidats de la 10e élection présidentielle en Iran. Nous constatons, une fois de plus, l’absence des candidates aux élections présidentielles. Les autorités iraniennes ont déjà déclaré qu’une femme pourrait occuper ce poste, mais à chaque élection présidentielle toutes les candidates potentielles sont écartées. Et il en est de même pour les candidats qui n’appartiennent pas au corps du régime en place.

Ce n’est donc pas un hasard si les quatre candidats étaient tous des acteurs importants du régime : Mahmoud Ahmadinejad, le Président actuel, Mir Hossein Moussavi, ancien Premier ministre, Mehdi Karoubi, ancien Président de l’Assemblée Consultative Islamique et Mohsen Rezaï, Commandant en chef du Pasdarans (Gardiens de la Révolution islamique) pendant 16 ans et actuel Secrétaire du « Conseil de discernement de l’intérêt supérieur » du régime. On voit bien que la bataille présidentielle réunit les acteurs majeurs de la République islamique qui, par le passé, ont fait preuve d’une fidélité sans faille. Aucun parti, aucune opposition. Le peuple iranien est donc invité à se prononcer sur l’un des candidats du parti unique qui n’est que la République islamique d’Iran.

Au début de la campagne, Mohammad Khatami, l’ancien Président de la République, a fait son retour sur la scène politique, mais finalement il s’est retiré au profit de Moussavi, un « conservateur modéré », terme qui a été modifié peu à peu, pour devenir « réformiste » en fin de compte. Pourtant, le bilan de Moussavi qui fut le Premier ministre pendant la guerre entre l’Iran et l’Irak est loin d’être "modéré", et encore moins "réformiste". En effet, le voile obligatoire pour les femmes iraniennes, la Révolution culturelle suivie de la fermeture des universités et le départ en masse des universitaires à l’étranger, l’exécution sommaire de plus de 30.000 prisonniers politiques en été 1988, entachent le passé de ce candidat réformiste qui était le Premier ministre durant toutes ces années, tous ces événements. Avec le soutien de Khatami, la bataille électorale se jouait donc essentiellement entre le Président sortant, Mahmoud Ahmadinejad et l’ancien Premier ministre, Mir Hossein Moussavi.

Se voulant « réformiste », adoptant la couleur verte (un clin d’œil de plus à « Seyed », à « Imam », en somme, à l’Islam), bénéficiant du soutien d’un réformiste de renom, l’ancien Président réformiste, a gagné la confiance de la jeunesse iranienne. Une volonté de changement, mais qui est restée assez floue dans le programme proposé par Moussavi. Il faut rappeler les huit années de la présidence de Khatami, la censure de la Presse, l’assassinant des intellectuels et l’emprisonnement des journalistes qui a bien montré la limite des réformes et aussi l’impuissance de celui qui a été aimé, applaudi et apprécié dans le monde entier pour son « dialogue des civilisations », alors qu’en même temps son Ministère de Renseignements organisait l’enlèvement et l’assassinat des écrivains, des traducteurs, des politiques indépendants...

Parlant des réformes, il faudrait parler aussi de La Constitution iranienne. Elle stipule clairement que toute révision de la Constitution (c’est-à-dire tout changement sensible) doit être approuvé par le Chef Suprême :

Cent soixante-dix-septième Principe de la Constitution

En cas de nécessité, la révision de la Constitution de la République Islamique d’Iran est effectuée de la manière suivante :

Après consultation du Conseil de discernement de l’Intérêt du Régime, le Guide soumet, sous la forme d’une ordonnance adressée au Président de la République, toute proposition d’amendements à la Constitution, au Conseil de Révision de la Constitution, composé comme suit :

les membres du Conseil des Gardiens

les chefs des trois pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire)

les membres permanents du Conseil de discernement de l’Intérêt du Régime

cinq personnes membres de l’Assemblée des Experts du Guide

dix personnes désignées par le Guide

trois personnes du Conseil des ministres

trois personnes du pouvoir judiciaire

dix personnes parmi les représentants de l’Assemblée Consultative Islamique

trois universitaires

Son mode de fonctionnement et ses modalités d’élection sont déterminés par la loi.

Les mesures adoptées par le Conseil, après approbation et signature du Guide, doivent être adoptées par voie de recours au suffrage universel par la majorité absolue des participants au référendum.

Un changement, un (faux) espoir : on ne voit pas comment un changement consistant peut intervenir, puisque le « Guide » ne va jamais mettre en danger sa propre situation.

Pourtant le peuple iranien voulait y croire. Déjà quatre années de Présidence d’Ahmadinejad, la situation économique, la politique étrangère plus que discutable, l’isolement du pays, le programme nucléaire, les provocations du Président, la menace croissante d’une guerre avec la présence américaine en Afghanistan et en Irak, l’hypothèse d’une attaque « préventive » israélienne, la censure, l’absence de toute liberté d’expression, le filtrage des sites Internet, l’emprisonnement des activistes des droit de l’homme, les exécutions, les scènes de fouettage sur la voie publique... étaient de bonnes raisons pour passer à autre chose, et comme on peut le dire dans un système totalitaire, choisir "le moins pire", espérer une évolution, une ouverture vers les États-Unis et une relance économique, et pourquoi pas, un peu de liberté individuelle et sociale. C’était donc l’ère Ahmadinejad, devenue plus qu’insupportable, qui poussait les électeurs à croire en Moussavi. Une vague verte, voire une révolution verte était donc attendue. Résultat : contre toute attente, Ahmadinejad a été réélu ! On parle de fraude, d’un scénario préparé par le Guide suprême, ou encore d’un coup d’état en velours, pour qu’Ahmadinejad, proche du Guide et apprécié par ce dernier, reste au pouvoir exécutif. Du coup, Moussavi demande l’annulation du scrutin, parle d’un coup monté, ne reconnaît pas les résultats. Ses sympathisants protestent. On veut « récupérer son vote », on demande « mais où est passé mon vote ? ». Il est intéressant de voir que, juste avant les élections, les mêmes sympathisants demandaient à Moussavi de récupérer le drapeau iranien, sali par Ahmadinejad. Une demande formulée pour un « il », une troisième personne, un sauveur, et qui sera toujours impuissant, absent, empêché.

Les élections se sont déroulées comme prévu : plus de 80% des votants se sont exprimés, croyant ainsi empêcher le pire, prendre leur destin en main. Or, le régime avait tout préparé. L’échec d’Ahmadineajd dans l’élection était comme une remise en question du Guide suprême. Ainsi, Moussavi a été « censuré », et il fut remplacé par Ahmadinejad. Le peuple iranien croyait que, dans une théocratie totalitaire, il est possible de faire un choix démocratique, mais dès le départ, tous les candidats suspects avaient été écartés, et même, parmi les quatre fidèles, qui représentaient quatre courants de la République islamique, c’est le plus "fidèle" qui fut sélectionné.

Cette situation est en effet une chance unique pour qu’un soulèvement populaire ait lieu. Depuis l’annonce des résultats, les sympathisants de Moussavi sont étonnés, choqués, tristes, bref, désemparés. Leur victoire a été volée, leurs espoirs se sont effondrés, le changement annoncé est anéanti, et pire encore : Ahmadinejad est de retour. Depuis samedi 13 juin, les gens sont dans la rue pour protester contre cette injustice faite à leur candidat. Il faut dire que, la non-élection de Moussavi est le début de quelque chose, le commencement d’un mouvement, et peut-être, le début de la fin. Un changement donc, mais bizarrement, ce n’est pas son arrivée au pouvoir qui est à l’origine d’un bouleversement dans l’espace public et politique, mais justement le fait qu’il soit écarté, chassé, expulsé. Maintenant, Moussavi n’a plus d’importance. Il faut oublier Moussavi, mais avant cela, instrumentaliser Moussavi, l’injustice électorale et étatique, pour contester l’État, pour combatte le régime. Combatte le régime, non pour installer Moussavi, mais pour démanteler le Guide suprême, pour affaiblir l’ordre établi, pour propager le désordre.

Avec la censure de Moussavi, l’Iran frôle la rupture. Contrairement à ce que déclare Moussavi, il ne faut pas « se retenir », non, c’est le moment de se faire entendre, et mieux, c’est le temps des blessures, c’est maintenant qu’il faut chercher l’accrochage, c’est le moment voulu, pour heurter, pour être heurté, c’est le temps du refus, le grand refus. C’est aussi, surtout, le temps des souvenirs, le moment de retenir, c’est maintenant qu’il faut se souvenir de toutes les paroles tuées, c’est maintenant qu’il faut hurler le silence, oui, c’est maintenant le temps des blessures ouvertes, c’est notre temps à nous les supprimés, nous les rejetés, nous les exclus, c’est le temps des interdits, c’est le temps de transgresser, voici maintenant le temps de briser, de tout briser.

C’est la chance ultime pour que la colère devienne la rue, c’est le temps de devenir dans la rue. C’est le temps de devenir la rue.

Mais qui soutient la rue ? Qui inspire qui remplit la rue ? Qui guérit ta blessure ?

Et que cela dure. Et que cela s’aggrave. Et que la violence règne. Et que le peuple se déchaîne. Et que le rideau tombe.

L’Iran. C’est maintenant ou jamais.

Shahrjerdi Parham
Shahrjerdi Parham masculin
Wormser Gérard masculin
Iran, des élections démocratiques ?
Shahrjerdi Parham
Département des littératures de langue française
2104-3272
Sens public 2009-06-29
Chroniques iraniennes

Quatre années de Présidence d’Ahmadinejad, la situation économique, la politique étrangère plus que discutable, l’isolement du pays, le programme nucléaire, les provocations du Président, la menace croissante d’une guerre avec la présence américaine en Afghanistan et en Irak, l’hypothèse d’une attaque « préventive » israélienne, la censure, l’absence de toute liberté d’expression, le filtrage des sites Internet, l’emprisonnement des activistes des droit de l’homme, les exécutions, les scènes de fouettage sur la voie publique… autant de bonnes raisons pour passer à autre chose, et comme on peut le dire dans un système totalitaire, choisir "le moins pire", espérer une évolution, une ouverture vers les États-Unis et une relance économique, et pourquoi pas, un peu de liberté individuelle et sociale. C’était donc l’ère Ahmadinejad, devenue plus qu’insupportable, qui poussait les électeurs à croire en Moussavi. Une vague verte, voire une révolution verte était donc attendue. Résultat : contre toute attente, le 12 juin dernier Ahmadinejad a été réélu ! On parle de fraude, d’un scénario préparé par le Guide suprême, ou encore d’un coup d’état en velours, pour qu’Ahmadinejad, proche du Guide et apprécié par ce dernier, reste au pouvoir exécutif.

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