Il y a près de vingt ans, rappelons-nous, Luc Ferry publiait Le nouvel ordre écologique, un livre qui mettait en garde contre un nouveau mouvement, « l’écologie profonde » (deep ecology), qu’il accusait d’être chargée d’une idéologie totalitaire, fondamentaliste, intégriste, mettant en danger la liberté et la démocratie 1 . Selon lui ce mouvement associatif et intellectuel était doté d’une réelle puissance dans les pays anglo-saxons 2 . Il le voyait progresser en France, par le biais d’associations telles que Greenpeace ainsi qu’une bonne partie du mouvement écologiste, des juristes comme Marie-Angèle Hermite 3 et des penseurs comme Michel Serres 4 . A la suite de cette mise en garde c’est toute l’écologie politique qui a été suspectée. Les écologistes se sont défendus, à l’instar d’Alain Lipietz 5 , d’avoir un quelconque rapport avec l’écologie profonde telle qu’il la décrivait. Des philosophes ont montré que l’écologie profonde ne pouvait se comprendre que dans le contexte anglo-saxon, que prise stricto sensu elle était sans enracinement en France 6 . Des politologues ont montré que les associations de protection de la nature venaient plutôt du monde scientifique classique et que les partis écologistes étaient portés par les classes moyennes urbaines et réformistes 7 . Même les actions des plus radicaux sont restées non-violentes, proches de ce qui a pu être récemment décrit comme la pierre angulaire du libéralisme : le droit de résistance à un pouvoir injuste 8 . Mais les accusations ont continué, nombreuses, véhémentes, venant de droite 9 comme de gauche - les accusations contre le courant de la décroissance 10 n’étant que le dernier avatar de cette fronde des « Modernes progressistes » contre des « réactionnaires antihumanistes » qui s’ignoreraient. L’épouvantail de la deep ecology a durablement paralysé le débat sur l’écologie en France. Parler d’écologie, c’était forcément être écologiste, et être écologiste, c’était être contaminé par des peurs irrationnelles ancrées dans un antihumanisme militant.
Faute d’accès aux textes originaux rédigés en anglais, c’est principalement par le livre de Luc Ferry que les idées de la deep ecology ont été connues en France et c’est par rapport à lui que les écologistes ont été sommés de se situer. Il y avait donc une certaine urgence à ce que le lectorat français ait accès aux écrits fondateurs d’Arne Naess, afin de pouvoir juger à la source de ce courant dont personne ne se réclame et que tout le monde dénonce. C’est chose faite : le premier ouvrage en français d’Arne Naess a été récemment publié aux éditions MF. Il est plus que temps de confronter les deux textes et le contexte y est favorable. Les opposants aux écologistes ne peuvent plus nier la réalité de la crise écologique, attestée par de multiples rapports d’experts qu’il est devenu difficile d’invalider en les taxant de militantisme.
L’idée ici est de confronter l’analyse qui fut proposée dans les années 90 par Luc Ferry à celle d’Arne Naess, et de voir ce qu’il en ressort. La deep ecology est-elle aussi totalitaire qu’il le prétendit ? Notons que Ferry et Naess n’ont pas échangé directement. Naess n’a vraisemblablement pas lu Ferry. Cet article entreprend donc en quelque sorte de fournir ce qui aurait pu être une réponse d’Arne Naess à Luc Ferry, et cherche à identifier ce qui était en jeu dans l’attaque de ce dernier.
La deep ecology ou le nouveau totalitarisme
Luc Ferry décrit l’écologie profonde essentiellement comme une tentative visant à réinscrire l’homme dans un ordre cosmologique, hiérarchique : celui de « la nature ». Cette tentative, selon lui, passe d’abord par une dévaluation de l’homme au profit de l’animal, puis une réinscription de l’action humaine dans un cosmos fixe, celui de la « biosphère ». Il pense que la deep ecology pourrait devenir une puissance moralisatrice de première grandeur 11 .
La première partie du livre est ainsi consacrée aux mouvements de défense des droits des animaux. Nous ne nous y référons que dans la mesure où ils font écho à la critique subséquente des travaux d’Arne Naess, qui sont seuls visés dans cet article. Pour Ferry l’attribution de droits, égaux ou pas, aux animaux 12 , conduit à dénier à l’être humain le statut exclusif de « sujet de droit », qui signifie être « capable de loi », « être-pour-la-loi », à la suite de Kant. Vouloir attribuer des droits à des animaux nous renverrait au Moyen-âge et aux curieux « procès d’animaux » que Ferry mentionne en introduction du livre - tel tribunal aura condamné tel ravageur, par exemple les doryphores, pour ses dégâts sur les cultures humaines.
Selon Ferry, s’ils en arrivent à ce résultat intenable et dangereux c’est parce qu’ils commettent une triple erreur. La première est de penser que c’est l’intérêt qui doit fonder le droit, à la suite de Bentham. Or la capacité juridique ne découle ni de l’intérêt, ni de la sensibilité, ni de l’intelligence mais de la liberté entendue comme faculté d’échapper à tous les déterminismes et donc à toutes les « natures » 13 . La seconde est de confondre le fait et la norme : qu’est-ce qui justifie de passer du fait de la souffrance à un « droit » ? La souffrance animale ne permet pas à soi seul de dériver un jugement de droit, une norme, or les théoriciens de la libération animale ne s’en soucient guère 14 . Une telle tentative de fonder la morale dans la nature est caractéristique des pensées fondamentalistes et totalitaires. Affirmer que tous les êtres souffrants sont égaux (« antispécisme ») est la dernière erreur 15 . Comment une telle égalité serait-elle possible ? Les relations ne sont pas réciproques, comme le montre la question du sacrifice : une baleine se sacrifie-t-elle pour l’homme ? Pour Ferry, ceci est incohérent.
La seconde partie est celle qui nous intéresse le plus car elle s’articule autour de la référence aux travaux et aux positions d’Arne Naess. Pour Ferry, « l’écologiste profond » se caractérise par six traits :
- un parti-pris envers la révolution contre la réforme, associé avec un rejet global des Lumières, de l’Occident et de son humanisme 16
- l’idée d’attribuer des droits à la nature, à nouveau, idée qui est fondée dans le concept de « valeur intrinsèque de la nature ». L’idée de droits de la nature réinscrit l’homme dans un ordre naturel, une cosmologie, une priorité de l’intégrité du tout sur l’existence de ses parties, une position « holiste » qui implique que l’on soit prêt à sacrifier l’homme à la nature, ce que Ferry caractérise comme une « préférence pour la nature » 17
- une remise en cause de la technique, de l’artifice au profit des sagesses traditionnelles 18
- un culte de la vie et le recours à un vocabulaire religieux, une idéalisation de la nature prise comme un tout, à la manière des fanatiques religieux 19 - ce qui conduit à un vitalisme, qui peut être néo-conservateur ou gauchiste, selon les cas 20
- la peur comme passion politique 21 (à la suite de l’heuristique de la peur de Hans Jonas)
- - une conception objective de la morale au sens où les sciences de la nature pourraient nous livrer directement des enseignements éthiques ou politiques 22
Ces traits rapprochent la deep ecology du nazisme, de plusieurs manières. Les nazis partageaient cette conception d’une nature « vierge » (wilderness), que l’on ne peut saisir que par le sentiment, à la différence d’une nature saisie par l’intelligence 23 dont découle le jardin à la française. Les lois nazies protégeaient déjà l’animal pour lui-même et non en regard de l’homme. Le nazisme entretenait une haine du libéralisme, il soutenait la thèse d’un âge d’or perdu et a mis en place la protection de zones naturelles, érigées en sujet de droit. Et contrairement à ce que l’on dit le nazisme était hostile envers la technique. Enfin le nazisme peut se combiner avec l’éloge de la différence et un certain tiers-mondisme qui renvoie chacun à une identité figée, fermée, d’où une posture qui combat le « mélange » et le cosmopolitisme - citations d’Antoine Waechter à l’appui.
A ces différentes critiques Ferry ajoute une critique interne. L’écologie profonde est victime d’une « contradiction performative » 24 car, comme le suggère Philip Elder dans la revue « Environmental ethics », l’intérêt d’une vallée, qu’il soit la préservation des arbres ou le développement d’un parc Disney, est toujours déterminé par l’homme : on ne sort donc jamais de l’anthropocentrisme.
Les diverses accusations de fondamentalisme, totalitarisme et intégrisme que Ferry lance contre l’écologie profonde se comprennent mieux si l’on croise son travail sur l’écologie et sa philosophie politique 25 . Pour Ferry la modernité se caractérise par une émancipation des théories du droit naturel caractéristiques du 17e et 18e siècles. Ces théories ancraient le droit dans la nature, dans un ordre social immuable, et non dans le jugement du sujet, d’où un monde figé, hiérarchisé et finalisé 26 . Le droit n’était pas un ensemble de règles de conduite mais une science du partage ou de la répartition 27 . La modernité se caractérise au contraire par l’artifice, notamment le contrat. Les droits de l’Homme sont une essence abstraite, une ressource critique qui prime sur toute appartenance et statut social. De Tocqueville à Dumont la logique de la modernité est l’individualisme 28 , c’est le trait le plus saillant de la modernité 29 ; il permet de penser un individu libre, distinct de toute appartenance. La moralité moderne est définie par trois sortes d’impératifs : l’habileté (raison instrumentale), la prudence et la moralité au sens kantien. En allant du premier au troisième on s’élève vers l’universel 30 et c’est en cherchant l’universel que le sujet manifeste sa capacité proprement humaine. Pour cela il existe deux possibilités, le droit privé (propriété) et le droit public (État) 31 . L’assistance est un devoir moral, pas une obligation juridique 32 . La référence à la vie dans le domaine proprement humain est totalitaire car elle implique une biologisation 33 . La vie politique moderne est fondée sur des droits subjectifs qui peuvent être décrits comme des « droits-participation » 34 - presse libre, opinion, éducation etc., un concept qui se propose de dépasser la dichotomie classique entre droits-créances et droits-libertés.
Pour autant Luc Ferry ne nie pas l’existence d’une dégradation de l’environnement ni l’existence de « dizaines de Tchernobyl qui nous menacent » 35 . Que propose Ferry ? D’instaurer des « devoirs » envers la nature, et non des droits. Il faut contrôler la technique sans mettre en danger la démocratie. Ce n’est pas l’expert qui doit déterminer les valeurs 36 . On peut penser que la technique devrait trouver des solutions aux problèmes actuels 37 et que nous ne devrons pas renoncer pas aux avions, aux voitures ou à la médecine moderne 38 .
« Réconciliée avec l’État, qui lui donne des ministres, avec la démocratie, qui offre la possibilité de changements sans violence, l’écologie s’intègre enfin au marché, qui s’adapte tout naturellement aux nouvelles exigences des consommateurs » 39 .
La deep ecology selon son fondateur
Naess affirme que les attitudes face à la crise écologique peuvent être rangées dans deux catégories. La première cherche à protéger les ressources naturelles, à gérer les risques et à mieux utiliser les ressources ; c’est la « shallow ecology », l’écologie « superficielle », qui s’en remet au marché et la confiance dans l’évolution technique. La seconde attitude, celle de Naess, entend saisir le problème « à la racine », ce qui conduit à reconnaître une « valeur intrinsèque » de la nature. Cette autre voie, Naess la nomme « écologie profonde ». La lecture de Ferry semble être valide.
C’est toutefois aller un peu vite en besogne. D’abord parce qu’on ne trouve pas, chez Naess, d’apologie de la nature vierge - pas plus que chez Aldo Leopold, autre fondateur de la deep ecology, qui était chasseur 40 . Cependant pour Naess l’enjeu premier c’est bien l’ontologie, et non l’éthique 41 . Pourquoi ? Pas parce que l’ontologie ou la science nous donneraient accès à une éthique objective mais parce que nous ne pouvons pas établir de jugements sur la foi d’informations parcellaires. Or la science actuelle ne nous informe pas, elle nous rend aveugles. Nous adoptons des « styles de vie » dont nous croyons qu’ils nous permettent de nous réaliser mais en réalité ils dégradent peu à peu notre qualité de vie. Ainsi dans le domaine de l’énergie : nous croyons avoir besoin de plus d’énergie car nous ne prenons jamais en compte le fait que l’énergie est épuisable, qu’elle produit des déchets qui dégradent les écosystèmes etc. Rien ne permet de lier l’usage de la voiture aux changements climatiques, par exemple. Si le consommateur était informé, il ferait vraisemblablement des choix différents. Naess estime ainsi que « la consommation privée d’énergie pourrait être réduite de 80% en Norvège sans que cela nuise à la satisfaction de nos besoins » 42 .
Pour l’écologiste profond, « les entrepreneurs semblent être victimes d’une sorte d’aveuglement radical » 43 . Ils établissent leurs choix sur la base d’un dossier incomplet. C’est d’abord cela, les « externalités » : un biais cognitif, un vide dans l’enchaînement des causes et des conséquences sur lequel les agents s’appuient pour prendre leurs décisions. Les entrepreneurs se pensent séparés de la nature. Ils pensent de bonne foi qu’une modification locale de la nature ne peut pas avoir de conséquences sur d’autres parties de la nature. Si de telles conséquences se produisent quand même alors ils estiment qu’ils ont affaire à des « effets secondaires » de nature « imprévisible ». Naess affirme au contraire que l’écologie permet adéquatement de comprendre pourquoi ces effets se produisent. Ils sont prévisibles et expliquent pourquoi la victoire que les entrepreneurs pensent avoir remporté sur la nature est en réalité une victoire à la Pyrrhus.
Que peut faire le citoyen face à cette situation ? Apprendre l’écologie ? Suivre ses recommandations ? Non, pour Naess « la science objective ne peut pas fournir de principes d’action » 44 . Suivre ce que dit l’écologie reviendrait à s’en remettre à un petit nombre de spécialistes qui dicterait le comportement de chacun en fonction d’un calcul d’impact des effets agrégés de ces comportements. C’est la voie suivie par l’écologie « superficielle », qui entend procéder de manière technocratique, en évitant le débat sur les valeurs. Pour Naess au contraire la question des valeurs doit être dévoilée comme telle et remise dans les mains du choix individuel.
A cette fin Naess distingue trois niveaux de normes. Au premier niveau, la réflexion individuelle sur les fins ultimes : c’est l’écosophie. Au second, la réflexion sur les normes : c’est l’écophilosophie, qui ne diffère de la philosophie morale classique que par ce que d’autres appelleraient les « bases d’information » permettant d’étayer les faits et donc les relations de cause à conséquence. Le troisième nuveau est l’écopolitique. Pour Naess il n’y a pas et ne peut pas y avoir deux chemins de vie identiques, il ne peut donc y avoir de philosophie morale que sous la forme d’impératifs très généraux. Naess déconnecte avec soin les normes générales voire universelles des systèmes symboliques qui peuvent les exprimer 45 et des chemins de vie particuliers (« écosophies ») qui nous amènent à les rencontrer. Naess est si soucieux d’éviter toute forme « d’expertise morale » dans le domaine des fins ultimes qu’il nomme sa propre écosophie d’un nom propre, « l’écosophie T », « T » pour « Tvergastein », du nom du lieu où Naess possède une hutte, sorte de datcha à l’habitude norvégienne, afin qu’on ne puisse pas la confondre avec une écophilosophie.
L’écosophie a le statut de l’opinion personnelle. Du point de vue écophilosophique, Naess montre que nos vies sont régulées par une recherche de bien-être définie comme « niveau de vie » 46 . Il cherche alors à montrer que le niveau de vie est différent du bien-être, et que ce dernier n’est qu’une norme dérivée d’une norme plus fondamentale : « réalisation de Soi ! ». Le « soi » étroitement personnel ne peut en effet se réaliser qu’à l’intérieur d’un Soi plus large. Puisant son inspiration chez Spinoza, Naess estime que la joie est l’émotion qui se trouve au fondement des buts ultimes de la vie humaine. C’est une conception perfectionniste de l’éthique 47 .
La première urgence sur le chemin de la « réalisation de soi » est de disposer d’une information suffisante et pertinente. Les équilibres de la nature font partie de cette information. La nature est fragile. Cette information est tirée de l’observation. L’écologie des scientifiques doit être complétée par une approche en première personne, qu’il nomme « phénoménologique ». Des zones doivent être réservées à cet effet : ce sont les parcs « naturels » et les zones peu anthropisées. Rejoignant sans le dire la fameuse thèse de Marx selon laquelle la nature est le « corps inorganique de l’homme », Naess estime que l’on ne peut connaître notre lien avec la nature qu’en l’expérimentant avec nos sens. Qui choisirait une voiture sur la base d’une simple description technique ? Nous voulons l’essayer, nous y asseoir etc. De là des émotions à partir desquelles on peut construire une opinion raisonnée. De là aussi une capacité de poser les questions que l’on juge pertinentes aux spécialistes de l’écologie. Cette démarche amène le sujet à compléter sa vision du monde, à accéder à une vision plus large, la plus large possible - une vision « totale ». Ce n’est que sur cette base que le sujet peut définir ses besoins réels et établir ce qui est juste. Le premier souci de Naess est donc de mettre fin à la situation dramatique de l’homo industrialus, qui vit dans l’ignorance de ses effets sur la biosphère, afin de réunir les conditions nécessaires à la formation d’un jugement éclairé.
Ni le sujet ni la nature ne sont réifiés. Les équilibres de la nature sont reconnus, à côté du droit, de la démocratie etc. comme étant importants pour l’humanité de l’homme 48 : ils ont une « valeur intrinsèque ». Ici Naess suggère simplement que la nature ne doit pas être envisagée comme un simple moyen mais aussi comme une fin en soi. L’impératif kantien est « élargi » 49 . Si une telle opération est possible, c’est parce que la nature est une partie de nous. Dire que la nature est aussi une fin en soi, ce n’est pas dire non plus qu’elle a une valeur « absolue ». Si la nature est susceptible de « droits » c’est parce qu’à son sujet les êtres humains devraient faire la preuve d’un « genre de responsabilité pour leur conduite envers les autres » 50 , une certaine retenue dès lors qu’il s’agit de l’instrumentaliser. Michel Villey confirme cet usage du concept de « droit » qui renvoie à l’idée de liberté, de pouvoir et d’immunité 51 plus qu’à la capacité d’être reçu devant un tribunal pour obtenir justice.
Nous sommes loin d’une opposition humanité / nature et de la thèse selon laquelle entre la nature et l’humanité, il faudrait choisir. Cela ne se manifeste que dans des cas extrêmes et hautement hypothétiques, tels que l’exemple souvent repris d’un homme affamé qui n’aurait pour toute pitance que le dernier représentant d’une espèce animale. La dégradation des écosystèmes ne se produit pas ainsi, de manière linéaire. Un représentant unique d’une espèce n’a de toute manière plus d’avenir. En matière d’écologie raisonner par populations est plus pertinent : il existe des seuils en-deçà desquels les populations ou les écosystèmes menacent de s’effondrer brutalement, et cela concerne directement les sociétés humaines comme le suggère Jared Diamond 52 . On ne trouve pas non plus de rejet global de l’Occident chez Naess, ce qui est critiqué, en premier lieu, c’est la raison économique. Le conflit ne se joue pas entre « l’humanité » et « la nature », entre « l’Occident » et « l’Orient » mais sur le plan des valeurs, entre la quête illimitée d’un « niveau de vie » toujours plus élevé et la réalisation de soi. La recherche du quantitatif (le « gros ») excite l’envie, provoque le conflit et la violence, contrairement à la quête du qualitatif (le « grand ») ; la réalisation de Soi au contraire implique une vision large qui cherche à instaurer une certaine harmonie, un équilibre qui apaise et satisfait 53 .
Naess a conscience que l’écosophie ne peut pas directement fonder une politique 54 . De ses contacts avec le mouvement écologiste « profond » il pense qu’une « plate-forme » collective de normes partagées peut toutefois être élaborée, à titre provisoire - sans pour autant conduire à une politique déterminée. A titre personnel Naess se dit réformiste 55 , plus proche de l’anarchisme et de Gandhi que du communisme. Naess ne préjuge pas des conclusions politiques que tireront les citoyens quand ils délibéreront de manière informée et changeront (ou pas) leurs styles de vie. Il laisse ouverte la question des politiques qui seraient à adopter. Il ne fait pas l’apologie de la peur comme passion politique, au contraire il renvoie dos à dos le catastrophisme et l’optimisme béat devant la technologie 56 . Naess se méfie des sentiments en politique et critique la conception « sentimentaliste » de la nature : « nous avons le droit de "louer la nature" au moyen de superlatifs absolus dans nos poèmes ou dans d’autres formes de rhétorique, mais pas dans notre philosophie ou en politique ». Naess récuse « le culte de la vie » car celui-ci a permis de justifier darwinisme social, fascisme et national-socialisme, de glorifier exploitation et compétition acharnée 57 . Naess en sait quelque chose puisqu’il fut résistant.
Pour Naess, cependant, si la voie est celle de la réforme le but est bien « révolutionnaire » 58 . L’enjeu est celui « d’une réorientation substantielle de notre civilisation tout entière » 59 . Est-ce au détriment de la démocratie ? Naess ne remet en cause ni l’individualisme, ni l’état de droit etc., aucun des attributs habituels de la démocratie. Au contraire si Naess mobilise « l’écologie profonde » c’est parce que la voie proposée par « l’écologie superficielle », refusant de mettre le conflit entre écologie et économie sur la place publique, procède de manière technocratique et autoritaire. L’écologie superficielle veut éviter de remettre en cause la rationalité économique et les intérêts qui en dépendent. Dans ce but elle s’appuie sur la science écologique pour amender l’économie à la marge, via des mesures gestionnaires telles que les taxes, permis et réglementations. Ces mesures ont pour but de protéger les valeurs économiques établies, qui sont à la source du problème, elles n’ont donc aucune chance de succès. Les autorités seront amenées à intervenir de plus en plus dans la vie des populations. L’approche de Naess entend précisément éviter cela. En cherchant à restaurer l’agency individuelle, Naess constitue toutefois une menace réelle pour l’éthique économique, car des mouvements de boycott et de « déconsommation » seraient très préjudiciables pour la bonne marche des affaires. 80% de consommation d’énergie en moins, c’est un profond bouleversement des modes de vie.
Pour Naess cet échange gagnant-gagnant est une illusion qui doit être remise en cause comme telle, au niveau de la propriété et du lien social, et non « internalisée » par les autorités via les « instruments économiques » tels que les réglementations, les taxes et les permis. Ces dernières mesures sont non seulement insuffisantes mais dangereuses car elles nous mettent sur la voie d’un autoritarisme « vert ». La seule manière en effet d’obtenir des résultats à la hauteur des enjeux (les « 80% » d’énergie consommée en trop) serait de mettre en place des instruments économiques extrêmement contraignants - l’essence à 3 euros, une « carte carbone » dont le dépassement serait criminalisé etc.
La « clause de Locke » et la question de la modernité
Sur plusieurs points, les propositions de Luc Ferry rejoignent celles de Naess. Si nous avons des devoirs envers la nature, affirme Ferry, c’est parce que l’animal est « dans la nature, le seul être capable d’agir d’après la représentation de fins, donc de façon consciente et intentionnelle » 60 , « c’est bien la nature elle-même qui fait signe vers des idées qui nous sont chères et non pas nous qui les projetons en elle » 61 . L’homme ne « crée » donc pas de valeurs ni ne les « attribue » de manière arbitraire, il le fait en fonction de caractéristiques naturelles, qui guident son jugement. L’animal témoigne de la présence d’un analogon de la liberté dans la nature. D’où la position de Kant dont se réclame Ferry : « [l’homme] peut donc, dans une certaine mesure, disposer des plantes et des animaux - mais point à volonté » 62 . C’est ce que Naess veut dire avec le concept de « valeur intrinsèque » : un droit de disposer, mais pas à volonté. Le droit de disposer se heurte au droit de vivre et de s’épanouir, c’est ce qui le limite. Quant aux écosystèmes, « [ils] sont mieux agencés par eux-mêmes que la plupart des constructions humaines. De sorte que nos interventions s’avèrent le plus souvent si fâcheuses qu’elle requièrent, comme dans l’ordre économique, la plus grande prudence » 63 . L’humanisme « d’antinature » admet donc finalement que la nature génère parfois toute seule une harmonie supérieure à ce que les artifices peuvent produire. Naess ne dit rien d’autre.
L’opposition entre l’extrême violence de l’entreprise de dénonciation (« totalitarisme » etc.) et la convergence de fond que l’on peut finalement observer entre Naess et Ferry, et sur des points que ce dernier critiquait le plus, est troublante. Qu’indique-t-elle, dans le fond ?
Un premier fil conducteur serait l’anarchisme de Naess, l’anarchisme étant, pour Ferry, fondé sur des « présupposés totalitaires » 64 . C’est un peu court : Naess, on l’a vu, se dit réformiste, et ne souscrit pas aux versions les plus extrêmes de l’anarchisme, notamment à la violence, à la différence d’Unabomber, par exemple 65 . Même les groupes les plus radicaux de la deep ecology, tels d’Earth First !, ne s’en sont jamais pris qu’aux machines et aux choses, jamais aux personnes, dans un esprit de « résistance passive » inspiré de Gandhi. Rien n’indique du reste que leurs actions auraient intégralement été soutenues par Naess, s’il en avait eu connaissance. Ce n’est pas une piste convaincante.
Le débat s’éclaircit-il en abordant la question de la propriété ? Naess met en effet en cause la propriété privée au sens moderne du terme, qui confère l’usus et le fructus mais aussi l’abusus 66 . Dire que la nature a une « valeur intrinsèque » c’est réactiver une conception « forte » de la « clause de Locke ». Ce dernier affirmait en effet que la propriété privée dérive du travail, tandis que la terre appartient en commun à tous les hommes :
« la même loi de nature qui nous donne la propriété de cette manière [c’est-à-dire par le travail] lui impose des limites. Dieu a donné toutes choses en abondance. […] Tout ce qu’un homme peut utiliser de manière à en retirer quelque avantage quelconque pour son existence sans gaspiller, voilà ce que son travail peut marquer du sceau de la propriété. Tout ce qui va au-delà excède sa part et appartient à d’autres » 67 .
Et un peu plus loin :
« Nul ne pouvait s’estimer lésé de voir une autre personne boire, même à pleine rasade, s’il lui laissait toute rivière de la même eau pour étancher sa soif. Ce qui vaut pour l’eau vaut identiquement pour la terre, s’il y a suffisamment des deux ».
Pour Locke, mêler son travail à la nature ne permet l’appropriation privée que s’il en reste « autant et d’aussi bonne qualité ». Tout le problème est de savoir ce qu’on entend par là, et qui en fixe les limites. Ni Naess ni Ferry ne l’abordent explicitement mais l’interprétation classique attribue ces limites à deux origines : la religion, qui commande de respecter les créations de Dieu, et la noblesse 68 , pour qui la propriété se confond avec la domination, selon la thèse de Robert Filmer. La bourgeoisie et la science moderne vont lever le « rapport superstitieux » à la nature et établir un rapport « rationnel », « productif », qui repose sur une interprétation « faible » de la clause de Locke, qui se limite à interdire les gaspillages et autoriser la substitution des ressources les unes aux autres au travers de l’échange monétaire, sans se soucier de leur renouvelabilité physique. Telle est la position de Locke lui-même, d’après de Pierre Manent : « la limite qui paraît morale [chez Locke] est en fait une limite physique » 69 , c’est l’impossibilité physique de stocker les ressources, qui vont donc être « gaspillées » au sens où l’appropriation n’aura bénéficié à personne.
« Maintenant, supposons que je trouve un moyen d’éviter ce gaspillage, en convenant avec mes semblables d’un équivalent incorruptible des biens naturels corruptibles, par exemple l’or ou l’argent, alors l’accumulation pourra être sans limites puisqu’elle n’impliquera plus de gaspillage. Partant, en m’appropriant une portion de terre par mon travail, loin d’enlever au bien commun de l’humanité, je lui ajoute : je lui ajoute tous les fruits de la terre qui doivent leur existence à mon travail. […] Et il est [dès lors] évident que personne d’autre n’a de droit sur ces biens qui ne sont pas donnés par la nature mais produits par mon travail ».
Cet angle d’attaque permet de proposer une hypothèse plus convaincante concernant l’origine du scandale. Naess et Ferry divergent d’abord sur ce qui constituerait un « ajout » au bien commun de l’humanité. Pour Naess l’évolution des techniques depuis le 19e siècle a permis d’ajouter chaque jour des ressources à la consommation mais elle a occulté le coût réel de cette opération. De plus les ressources ont été prélevées dans le monde entier, dans un temps très limité (un siècle), mais ont ajouté à la consommation d’une infime minorité de l’humanité seulement, dans le temps et dans l’espace. En droit rien ne prouve que les autres pourraient aussi en bénéficier. L’hydrogène peut-il « remplacer » le pétrole ? Est-il disponible en « même quantité » et « aussi bonne qualité » ? Ce sont là des débats réputés « techniques », qui ne sont pas aisément accessibles aux spécialistes des sciences humaines. Mais de la réponse qui leur est donnée dépend pourtant la validité de l’universalisme moderne. Or depuis que l’hypothèse d’une raréfaction physique du pétrole a été prise au sérieux, les travaux sur le sujet s’accordent pour dire que la réponse n’est pas clairement affirmative, que les énergies renouvelables ne sont pas aussi abondantes ni d’aussi bonne qualité. Que se passera-t-il lorsque ces ressources seront épuisées ? Autrement dit : la modernité sera-t-elle encore possible sans le pétrole ? Que deviendra l’humanisme abstrait dans ces conditions ? L’historien Kenneth Pomeranz 70 ajoute que l’industrialisation n’aurait pas pu avoir lieu sans les colonies, qui ont fourni et fournissent encore des ressources dont la « valeur intrinsèque » est sans commune mesure avec leur valeur d’échange. Dans ces conditions, en quoi la modernité se sera-t-elle différenciée, historiquement, d’un conservatisme, fondé sur la supériorité naturelle des pays « développés » et des « entrepreneurs » ?
La contestation opérée par Naess provoque une série de remises en cause de ce que Ferry définit comme étant « la modernité » et « l’émancipation ». Première remise en cause : les biens produits, loin « d’ajouter » au « bien commun », réduisent notre qualité de vie et justifient le pillage, violent ou non, des pays sous-développés. Naess suit là très exactement le jugement de Gandhi, pour qui modernité et colonialisme allaient de pair 71 . Seconde remise en cause : le travail ne peut pas être la seule justification de l’appropriation. Troisième remise en cause : la technique moderne ne peut pas être un « progrès » dans la mesure où elle ne fait pas réellement l’objet d’une évaluation collective et informée.
Ferry n’a pas sérieusement abordé la question des choix techniques. La compatibilité entre les équilibres de la nature et le niveau de vie croissant lui semble possible. Les remises en cause opérées par Naess renvoient donc, dans son argumentation, soit à des « erreurs » soit à des postures idéologiques : la critique de la colonisation apparente Naess aux tiers-mondistes, qui ont tendance à idéaliser les sociétés prémodernes (les « Indiens d’Amérique » 72 ) ; la « valeur intrinsèque » renvoie à l’autorité des clercs et des seigneurs - et donc à la superstition et à la dépense improductive ; la mise en cause de la technique s’apparente au romantisme et à l’antimodernisme d’un Heidegger. Naess et la deep ecology sont donc suspectés de faire le lit à la fois d’un « retour du religieux » et d’un « retour en arrière », soit au Moyen-âge (les seigneurs) soit à « l’âge de pierre », âge durant lequel, d’après les anthropologues 73 , travailler n’était pas encouragé. Les passions qui ont produit la modernité risquent d’être de nouveau étouffées par « la vertu ». La violence de l’accusation s’explique finalement par le fait que Ferry se situe dans la dichotomie qui oppose les Modernes aux Anciens : si Naess met en cause la liberté des Modernes, c’est qu’il veut rétablir la liberté des Anciens, et donc mettre fin à l’émancipation, à l’universalité.
Les risques pointés par Ferry sont réels, une écologie réactionnaire, qui en appellerait au respect d’un Ordre détenu par quelques experts et ferait l’apologie du passé, de la tradition, est possible. Mais ce n’est le cas ni de Naess ni de l’écologie politique en tant que mouvement constitué. Naess ne propose pas de fonder une nouvelle Église, à la mode New Age. Il préserve l’individualisme, l’état de droit, la propriété privée, quoique limitée, les institutions démocratiques, le droit de résistance, la priorité du juste sur le bien etc. Ce qui est critiqué par Naess est uniquement l’élément « économique » de la liberté, l’idée que la société s’autorégule par la voie de l’échange « gagnant-gagnant », qui est rendu possible par la technique moderne. Si Naess critique ce que Ferry appelle « modernité », en fait, c’est pour son défaut d’universalité.
A l’inverse l’universalité de la modernité chez Ferry est davantage postulée que démontrée. Il n’entre pas dans la question de l’universalisabilité des choix techniques. Il consacre l’essentiel de son livre à analyser la conformité de « l’écologie profonde » avec le cadre conceptuel de la modernité, pour conclure par la négative. Son alternative est l’adaptation « naturelle » des marchés mais il ne précise pas ce qu’il entend par là ni si une telle chose est possible. L’argument de la possible non-substituabilité des ressources est une faille béante qui peut laisser penser que l’universalisme moderne n’est qu’une ressource idéologique au service de la minorité qui en bénéficie et assimile sa propre prospérité à un « progrès de l’humanité ». Or Ferry ne fournit pas de contre-argument. Son humanisme paraît donc « abstrait » au sens marxien du terme.
Si la modernité ne se distingue pas de la domination d’une minorité sur la majorité, la voie universaliste à explorer ne peut être ni celle des Modernes ni celle des Anciens. Naess ouvre donc de nouvelles pistes pour penser la liberté. Sur ce chemin il a tout de même fait plus d’un choix malheureux, en regard du contexte français, ce qui peut expliquer le discrédit durable dont il a été victime. A l’instar de bon nombre de théoriciens de l’écologie, ses connaissances en philosophie morale et politique sont manifestement limitées, d’où une incapacité à s’exprimer dans les catégories mobilisées par un professionnel du domaine tel que Luc Ferry. Naess ne se réfère pas à la « liberté des Modernes » par exemple. Faire de « l’anthropocentrisme » la cible de la critique n’est pas très heureux non plus car ce que Naess critique n’est pas la domination de « l’homme » sur « la nature » mais la domination de l’économisme sur les valeurs humaines - du « gros » sur le « grand ». L’idée d’accorder des « droits » à la nature n’est pas davantage satisfaisante, elle est utile sur le plan intuitif mais n’a guère de sens sur le plan juridique. Enfin inclure la dimension spirituelle dans l’analyse est sans doute habituel en Norvège où il existe une religion d’État mais pas dans un pays tel que la France qui sépare soigneusement les deux.
En conclusion
Trois conclusions peuvent être tirées, qui ont toutes rapport à la question de la responsabilité.
La lecture de Naess conduit tout d’abord à la conclusion que l’Occident porte depuis un bon siècle un universalisme très ambigu, incapable de prouver clairement s’il peut bénéficier à l’humanité entière ou pas. Le mode de vie des pays « développés » est considéré comme le modèle à suivre et dans le monde entier les pays « sous-développés » vivent sous des politiques de « modernisation » dont le but est de « rattraper leur retard ». L’équilibre international lui-même repose sur cette promesse : le « droit au développement » a été reconnu par l’Assemblée Générale des Nations-Unies dans sa résolution 41/128 du 4 décembre 1986. L’écologie révèle que ce dogme repose sur des fondations extrêmement fragiles. La responsabilité engagée par les diplomates et les chefs d’État occidentaux au nom de leur peuples est immense. Qu’en pensent les représentés ? Ont-ils conscience de ces engagements ?
Remarquons ensuite le problème que pose le débat aux sciences établies. L’enjeu de la substituabilité des ressources entre elles est « technique », on y parle d’hydrogène, de pétrole etc. et renvoie donc aux sciences de la nature. Mais d’un autre côté, comme le suggèrent Naess et Ferry, ce qui est en jeu est aussi les concepts de propriété, droits, démocratie etc. Les deux sont inséparables : s’il y a bien des questions de droits etc. il n’en reste pas moins que l’universalité de la modernité dépend réellement, matériellement de la capacité de l’hydrogène et des énergies renouvelables à remplacer les énergies fossiles, en même quantité et en offrant la même qualité. Ce sont là des débats d’ingénieurs qui sont opaques pour les spécialistes de sciences sociales. Le constructivisme en sciences sociales et la séparation des formations (sciences « dures », sciences « molles ») jouent tous deux puissamment contre la compréhension de ces enjeux. Pourtant, à l’issue de la discussion que nous avons menée ici, il s’avère que ces choix qui semblent « techniques » ont en réalité une portée philosophique importante.
Interrogeons-nous enfin sur l’argument qui revient le plus souvent pour clore ce débat : l’espoir, notamment l’espoir de trouver de nouvelles ressources - le mot de Ferry cité plus haut, ce marché « qui s’adapte tout naturellement aux nouvelles exigences des consommateur ». Entretenir de tels espoirs est-il bien responsable ? Ne s’agit-il pas plutôt d’un déni de responsabilité ? Quelle est la portée de ce « tout naturellement », en regard de la thèse de « l’homme d’antinature » ? Y aurait-il quelque part une providence nous évitant de nous demander si nous engendrons le mal ? La responsabilité ne consiste-t-elle pas plutôt à affronter le problème dès à présent, au lieu de le reporter sur l’avenir et les générations à venir ? Ne confond-t-on pas un peu trop souvent science et science-fiction ? Ne cherchons-nous pas à nous bercer de douces illusions ? Quelle est la responsabilité du philosophe, dans ce contexte ? Du citoyen ? De l’homme politique ?
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Ce texte est tiré d’une communication faite lors du congrès Marx international 2006. ↩
-
Luc Ferry, Le nouvel ordre écologique, Paris, Grasset, 1992, p. 110. ↩
-
Marie-Angèle Hermitte (dir.), L’homme, la nature, le droit, Bourgois, 1988. ↩
-
Michel Serres, Le contrat naturel, Flammarion, 1990. ↩
-
Alain Lipietz, Qu’est-ce que l’écologie politique ?, Paris, La Découverte, 2003. ↩
-
Catherine & Raphaël Larrère, Du bon usage de la nature, Paris, Flammarion, 1998. ↩
-
Guillaume Sainteny, L’Introuvable Écologisme français, Paris, PUF, 2000 ; Les Verts, Paris, PUF, coll. Que sais-je ?, 1992. ↩
-
Catherine Audard, Qu’est-ce que le libéralisme ?, Paris, Gallimard, 2009, p. 55 ↩
-
Dominique Bourg, Les Scénarios de l’écologie, Paris, Hachette, 1996) ↩
-
Jean-Marie Harribey, La Décroissance, Encyclopédie Universalis, 2009. ↩
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Luc Ferry, op. cit., p. 113. ↩
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Ferry rassemble en fait plusieurs positions, notamment celle de Tom Regan qui attribue des droits aux animaux, égaux à ceux des humains (Tom Regan, The case for animal rights, University of California Press, 1983), celle de Peter Singer qui se base sur la sensibilité animale et entend maximiser le bien-être de tous les vivants, ce qui ne signifie pas accorder un traitement égal. Peter Singer, La libération animale, Paris, Grasset, 1993. ↩
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Ibid., p. 73, 82 ↩
-
Ibid., p. 83 ↩
-
Ibid., p. 72 ↩
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Ibid., p. 119 ↩
-
Ibid., p. 121 ↩
-
Ibid., p. 129 ↩
-
Ibid., p. 198 ↩
-
Ibid., p. 131 ↩
-
Ibid., p. 136 ↩
-
Ibid., p. 139 ↩
-
Ibid., p. 152 ↩
-
Ibid., p. 196 ↩
-
Alain Renaut et Luc Ferry, Philosophie Politique, Paris, PUF, 2007. ↩
-
Ibid., p. 475-480 ↩
-
Ibid., pp. 467-470 ↩
-
Ibid., p. 493 ↩
-
Ibid., p. 506 ↩
-
Ibid., p. 517 ↩
-
Ibid., p. 518 ↩
-
Ibid., p. 550 ↩
-
Ibid., p. 542 ↩
-
Ibid., p. 584 ↩
-
Luc Ferry, op. cit., p. 191 ↩
-
Ibid., p. 141 ↩
-
Ibid., p. 191 ↩
-
Ibid., p. 33 ↩
-
Ibid., p. 215 ↩
-
Catherine et Raphaël Larrère, op. cit., 1997. ↩
-
Ibid., p. 48 ↩
-
Ibid., p. 149 ↩
-
Ibid., p. 111 ↩
-
Ibid., p. 76 ↩
-
Voir à ce sujet l’explication d’H.-S. Afeissa dans son Introduction in H.-S. Afeissa (dir.), Écosophies, la philosophie à l’épreuve de l’écologie, MF Editions, 2009. ↩
-
Ibid., pp. 184-187 ↩
-
Ibid., p. 136 ↩
-
Ibid., p. 44 ↩
-
Ibid., p. 256 ↩
-
Ibid., p. 250 ↩
-
Michel Villey, Le droit et les droits de l’homme, Paris, PUF, 1983, p. 69 ↩
-
Jared Diamond, Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Paris, Gallimard, 2006. ↩
-
Ibid., p. 46 ; 215 ↩
-
Ibid., p. 201 ↩
-
Ibid., p. 231 ↩
-
Ibid., p. 58 ↩
-
Ibid., p. 31 et 265 ↩
-
Ibid., p. 231 ↩
-
Ibid., p. 74 ↩
-
Ibid., p. 208 ↩
-
Ibid., p. 209 ↩
-
Luc Ferry, op. cit., p. 101 ↩
-
Ibid., p. 211 ↩
-
Alain Renaut et Luc Ferry, op. cit., , 2007, p. 537 ↩
-
Theodore Kaczynski, Le Manifeste de 1971. L’avenir de la société industrielle, Paris, Climats, 2009. ↩
-
Martine Rémond-Gouilloud, Du droit de détruire, Paris, PUF, 1989, p.50. ↩
-
John Locke, Deuxième Traité du Gouvernement Civil, Paris : Vrin, 1985, Ed. orig. 1690, Chapitre V ↩
-
Quentin Skinner, Les fondements de la pensée politique moderne, Paris, Albin Michel, 2001. ↩
-
Pierre Manent, Histoire intellectuelle du libéralisme, Paris, Calmann-Lévy, 1987, pp. 98-99. ↩
-
Kenneth Pomeranz, La force de l’empire. Révolution industrielle et écologie, ou pourquoi l’Angleterre a fait mieux que la Chine, Paris, Ere, coll. Chercheurs d’ère, 2009. ↩
-
Anthony J. Parel, Gandhi : Hind Swaraj and other writings, Cambridge University Press, 1997. ↩
-
Luc Ferry, op. cit., p. 24 ↩
-
Marshall Sahlins, Âge de pierre, âge d’abondance - L’économie des sociétés primitives, Paris, Gallimard, 1976. ↩