Il est de notoriété publique que l’essentiel des informations « confidentielles » peut être trouvé, avec un peu de méthode et de baraka, en parcourant des sources « ouvertes ». Le livre de Ziyad Clot entre dans cette catégorie précieuse des chroniques qui, en raison même de leur focalisation sur quelques faits précis – en l’occurrence sur les conditions pratiques de mise en œuvre de la négociation entre Palestiniens et Israéliens sous le contrôle des Américains – livre de première main des traits caractéristiques du cadre mental de cette partie diplomatique. Personnage stendhalien, enquêteur journaliste mêlé à une histoire si symbolique des compromis issus des conditions de la création d’Israël et de la Guerre des Six-Jours, Ziyad Clot a appris l’arabe en même temps qu’il est devenu avocat. Ce jeune français met sa compétence engagée au service d’une possible paix, ce qui lui vaut d’être deux ans durant aux premières loges, témoin des rivalités internes entre Palestiniens, de la froide et cynique approche « à la Clausewitz » des Israéliens. Si « la guerre est la continuation d’une politique par d’autres moyens », parions qu’elle se produira par accès aussi souvent que le plus fort voudra forcer son adversaires à prendre des décisions auxquelles il se soustrait. Cela vaut de l’envahissement de Gaza au début de 2009 comme des passes d’armes précédentes.
Le plus étonnant, c’est peut-être la mise en abyme de cette négociation que nous présente Il n’y aura pas d’État palestinien. Les apparitions de Bernard-Henri Lévy et Bernard Kouchner dans le casting semblent relever de la parodie, celui-ci est écrit au plus près de l’administration de George Bush, et c’est dans un article bien renseigné de Vanity Fair que l’auteur perçoit le dessous des affaires qui se traitent au plus haut niveau. Depuis ce mois d’avril 2008, Ziyad Clot n’a plus d’illusions et peut songer à témoigner de l’impasse de l’actuelle stratégie de négociation. Loyal, il poursuit cependant sa mission durant encore plusieurs mois : rédigeant des notes, discutant avec ses homologues israéliens, fréquentant les Palestiniens des territoires ou d’Israël. Même des gestes symboliques sont impossibles à accomplir et son projet de faire publier dans la presse européenne une déclaration de Mahmoud Abbas concernant les réfugiés soixante ans après leur expulsion est barrée de l’intérieur des cercles palestiniens. Et quand l’avocat se prépare à exposer que si les Israéliens veulent mentionner dans un document l’expulsion des Juifs séfarades de leur pays d’origine après 1948, cela les engage aussi à intégrer la question des réfugiés palestiniens aux discussions, il se fait rembarrer : les points litigieux sont laissés aux responsables de premier plan, les délégations ne peuvent que mentionner les points d’accord et faire la liste des sujets en suspens.
En fin de compte, la disproportion est telle entre le cadre de négociation international et les problèmes quotidiens des populations, et celles-ci sont tellement intriquées dans leur mode de vie et leur proximité historique de fait, que l’auteur expose un point de vue fortement charpenté : l’avenir est à une fusion entre Palestine et Israël, seul moyen sans doute d’échapper à une radicalisation des deux cotés dont la raison d’être finirait par devenir simplement la volonté de ne pas achever des négociations. Comme si, au point où en sont les choses, la liberté de circulation pouvait progressivement créer une dynamique commune entre des populations qui se connaissent bien et qui pourraient œuvrer en commun à réussir le dépassement de leur opposition historique. Les négociations « directes » qui reprennent aujourd’hui ne permettent guère d’envisager que ce soit l’option choisie en 2011. Mais lors d’un second mandat d’Obama ? Encore faudrait-il que des ballons d’essai en ce sens puissent passer dans la presse américaine. Nous aimerions d’ici là avoir le sentiment des diplomates français.