Lorsqu’on lit les pages les plus élaborées du Visible et l’invisible de Merleau-Ponty consacrées à « l’interrogation philosophique », on est frappé par ce point : si l’on y voit assez clairement ce que la démarche de la nouvelle ontologie projetée ne doit pas être – ni une réflexion au sens cartésien, voire au sens husserlien de la réduction par la voie cartésienne ; ni une dialectique à la manière de L’Être et le Néant du premier Sartre ; ni une méthode intuitive à la manière de Bergson ou de la Wesenschau husserlienne – on voit beaucoup moins clairement ce que, positivement, la démarche de la nouvelle ontologie devrait être. Le problème se pose plus particulièrement pour l’important fragment intitulé : « L’entrelacs, le chiasme » 1 , esquisse d’ontologie de la chair dont la démarche permettant d’établir les différents résultats n’est nullement évidente.
La résolution de cette difficulté se situe probablement en amont du manuscrit et des Notes de travail rédigées entre 1959 et 1961. On peut tenter d’interpréter l’ontologie merleau-pontienne de la chair comme l’ultime tournant d’un chemin de pensée qui n’a cessé, depuis la Structure du comportement, d’ouvrir inlassablement de nouvelles perspectives sur la question du corps. Dans une Note de travail de mai 1959, Merleau-Ponty nous invite à prendre au sérieux ce concept de « perspective » en se donnant pour tâche de « faire de la philosophie une perception et de l’histoire de la philosophie une perception de l’histoire » 2 . En prenant précisément pour fil conducteur la question du corps, et comme jalons La structure du comportement, la Phénoménologie de la perception, Le visible et l’invisible, on peut reconstituer l’évolution chez Merleau-Ponty d’une sorte de vision perspectiviste du corps. Chaque vision a son point de fuite –ce vers quoi l’éclaircissement progresse, mais qui se dérobe, et que seul un changement de point de vue peut révéler. Le changement de position du spectateur introduit un nouveau point de fuite, ce dernier motive un nouveau déplacement, et ainsi de suite indéfiniment. Le penseur quitte le sentier sur lequel il cheminait pour tenter d’apercevoir ce qu’échappait à son regard tout en le sollicitant de manière invisible.
En simplifiant beaucoup l’itinéraire de Merleau-Ponty, on pourrait dire que La structure du comportement pense « l’organisme » comme structure phénoménale. La question « qui ici se structure et ici prend forme ? » constitue le point de fuite de tout le premier dispositif de pensée. Le tournant qu’accomplit la Phénoménologie de la perceptionconsiste pour le penseur à changer de position, de sorte que soit pris en vue le « corps propre » comme ipse, que masquait la position initiale. Mais pointe alors une nouvelle question, que la Phénoménologie de la perception ne peut nullement formuler ni a fortiori résoudre, celle de l’ origine de l’ipséité corporelle. D’où naît le sujet incarné ? Le visible et l’invisible, dans un ultime changement de perspective, pose cette question et, puisque c’est une question de genèse, la démarche de pensée s’impose d’elle-même : c’est par une déconstruction de la forme de l’ipséité corporelle que peut apparaître la « chair » dans son statut énigmatique « d’enroulement » du sensible sur le sentant – réciproquement, d’enroulement du sentant sur le sensible. Dès lors, les trois parties de l’exposé s’imposent d’elles-mêmes :
- 1- « L’organisme » comme structure phénoménale dans La structure du comportement .
- 2- Le « corps propre » comme ipse dans la Phénoménologie de la perception.
- 3- La « chair » comme enroulement du sentant sur le sensible dans Le visible et l’invisible.
« L’organisme » comme structure phénoménale dans La structure du comportement
L’étude du « comportement réflexe », puis des « comportements supérieurs » 3 , permet à Merleau-Ponty de dégager l’idée de « structure du comportement ». L’organisme ne se réduit pas à une mosaïque de réponses déclenchées mécaniquement par des stimuli physiques dispersés. Pour autant, il n’en est pas pour cela conscience de soi – « l’ordre humain » n’est pas tenu comme en suspens dans « l’ordre vital » 4 . Qu’est-il donc ? Essentiellement un type spécifique de phénomènes – on pourrait dire une « région » (Merleau-Ponty emploie une fois ce terme husserlien 5 ) à condition de ne donner à ce concept aucun poids ontologique – à côté des types : chose physique, conscience humaine. L’organisme est moins un genre d’être qu’un type spécifique de structuration phénoménale perceptible en droit sinon en fait. Ce type de structure « prend place », comme le dit Merleau-Ponty 6 , entre les structures de la nature physique et celles du monde humain. « L’ordre physique », « l’ordre vital », « l’ordre humain », ne sont pas simplement superposés comme pourraient l’être trois couches ontologiques, ce sont « trois dialectiques » 7 , chaque structure phénoménale reprenant la structure antérieure en lui conférant une forme plus intégrée. « Matière », « vie », « esprit », s’ordonnent non pas comme trois types d’être mais comme « trois ordres de significations » 8 – c’est-à-dire comme trois structures signifiantes. Sur ce terrain des structures phénoménales, les questions proprement ontologiques (comme par exemple le débat entre matérialisme et vitalisme) sont pour ainsi dire mises hors de jeu 9 . Or en décrivant « l’organisme » comme structuration spécifique, Merleau-Ponty s’approche du concept de corps sujet, sans jamais toutefois pouvoir véritablement prendre ce dernier en vue.
La spécificité de l’organisme, c’est d’être un foyer de comportements qui reprennent un ensemble de stimuli physiques en les intégrant dans une situation signifiante dont les articulations sont constituées par l’action du vivant. C’est donc moins, comme le nous disions, un « genre d’être » qui est ici identifié, qu’une manière typique d’agir en structurant un « milieu de comportement » irréductible à « l’entourage géographique » 10 . Merleau-Ponty écrit :
« Les réactions d’un organisme ne sont pas des édifices de mouvements élémentaires, mais des gestes doués d’une unité intérieure. » 11
Tout appelle ici le concept de corps sujet, et pourtant ce dernier n’apparaît nullement dans le dispositif de pensée. Observons à cet égard comment Merleau-Ponty présente la différence entre l’organisme et la nature simplement matérielle.
La différence passe, explique-t-il, entre des processus de structuration de nature différente. Reprenant l’exemple célèbre de la répartition des charges électriques à la surface d’un conducteur ellipsoïde (Koehler), il souligne que la forme, c’est-à-dire ici la répartition équilibrée des charges partielles tout au long du conducteur (chaque localisation et chaque valeur de charge étant l’effet de la localisation et de la valeur de toutes les autres) 12 , est l’effet de conditions actuelles 13 . Mais la structuration d’un processus organique possède un tout autre sens.
« Nous parlons de structures organiques lorsque l’équilibre est obtenu, non pas à l’égard de conditions présentes et réelles, mais à l’égard de conditions seulement virtuelles, que le système amène lui-même à l’existence, – lorsque la structure, au lieu de procurer, sous la contrainte des forces extérieures, une détente à celles dont elle est traversée, exécute un travail hors de ses propres limites et se constitue un milieu propre. » 14
L’organisme agit en réorganisant les stimuli par rapport à des anticipations qui structurent son milieu de vie – le point de fuite de l’élucidation est ici le concept pensé-impensé de possibilisation et, avec ce dernier, toute la problématique de l’ipse mondanéisant, problématique entraperçue par exemple lorsque Merleau-Ponty définit le comportement comme « manière de traiter le monde » pour l’organisme, « "d’être au monde", ou d’"exister" » 15 . Entraperçue mais nullement mise en pleine lumière : Merleau-Ponty s’arrête aux « rapports dialectiques » de « l’individu organique » avec son « milieu » 16 . L’activité de l’individu est auto normative. Merleau-Ponty écrit :
« Les structures inorganiques se laissent exprimer par une loi, au lieu que les structures organiques ne se comprennent que par une norme, par un certain type d’action transitive qui caractérise l’individu. » 17
C’est pourquoi « l’équilibre vital » 18 est d’une nature essentiellement différente de cet équilibre qui se produit au sein des formes physiques : c’est l’individu agissant qui se fixe son optimum d’activité.
Il appartient à la Phénoménologie de la perception de franchir le pas et de penser, au-delà de l’individualité organique, le paradoxe d’un corps sujet.
Le « corps propre » comme ipse dans la Phénoménologie de la perception
Dans le second grand ouvrage de Merleau-Ponty, le corps propre est nettement déterminé comme sujet (peut-être le terme d’ ipse eût-il été préférable, pour éviter d’utiliser un concept que Merleau-Ponty critique avec force, en particulier en raison de ses liens avec la tradition des philosophies réflexives) tandis qu’inversement le sujet, dans sa forme originelle est dit « incarné ».
La démarche consiste désormais dans une forme de réduction phénoménologique lointainement inspirée de la voie ouverte par Husserl vers la réduction « par la psychologie », que Merleau-Ponty connaissait par Krisis III. Il faut rompre radicalement avec les « préjugés classiques » 19 touchant à l’unité somato-psychique, pour libérer une expérience vive du corps phénoménal déployant son monde phénoménal. Comme c’est bien connu, ces préjugés s’inscrivent dans deux horizons philosophiques distincts (« empirisme » et « intellectualisme »), mais qui se recoupent en un point : l’objectivation de l’unité somato-psychique , soit au regard du pur sujet réfléchissant, soit comme point de passage des séries causales dans l’extériorité d’inertie. C’est en brisant cette objectivation que la phénoménologue libère le corps propre comme ipséité.
Le chapitre de la Phénoménologie de la perception intitulé : « Le corps comme objet et la physiologie mécaniste » est un bon révélateur de cette démarche. Il est précédé d’une « Introduction » dont la fonction essentielle est de fournir une pré-compréhension de l’ipséité corporelle sans laquelle l’entreprise de destruction du corps objet ne pourrait pas même commencer. La perception d’un transcendant sous horizons internes et externes (cf. Expérience et jugement) y est décrite comme vie du sujet incarné. La critique de la « physiologie mécaniste » du système nerveux peut alors commencer, amorcée par les scientifiques eux-mêmes – Merleau-Ponty utilise abondamment les travaux de Stein en psychopathologie 20 . Ces travaux confirment l’intuition de la première grande œuvre, selon laquelle il existe une structure des processus nerveux, c’est-à-dire une distribution dynamique des excitations selon une forme totale, au sein du système cérébro-spinal. Mais par rapport à cette idée de structure, Merleau-Ponty accomplit un pas en avant décisif consistant à libérer pour ainsi dire l’ipséité prise dans cette répartition dynamique des excitations au sein du système. Le corps se structure en tant qu’il va au devant des stimulations pour les intégrer à un projet de sens qui pour ainsi dire – c’est une métaphore hardie que Merleau-Ponty n’hésite pas à employer – « conçoit » à l’avance la « forme d’excitation » 21 .
L’étude serrée de certains types de pathologie de la sensorialité interne – anosognosie (le sujet ne sent plus un membre paralysé), illusion des amputés (le sujet sent encore le membre disparu) – permet à Merleau-Ponty d’étayer son audacieuse hypothèse d’une ipséité corporelle. Pour interpréter ces phénomènes pathologiques, Merleau-Ponty fait appel à un concept entraperçu par certains scientifiques (Lhermitte, Schilder, Menninger-Lerchenthal), celui de « refoulement organique » 22 . Cette interprétation abandonne les explications par les « stimulations intéroceptives » 23 au sein du corps-objet, ainsi que les hypothèses sur les « représentations » 24 de ce corps-objet par un sujet qui oublie ou se souvient. L’illusion des amputés comme l’anosognosie deviennent une manière spécifique pour le corps « d’être-au-monde » qui se résume dans un « refus de la déficience » 25 . La déficience est pour ainsi dire niée sans être pour autant réellement ignorée, ce qui atteste d’une étrange capacité de mauvaise foi proprement corporelle. [ Je sais bien, dit le corps du paralysé ou de l’amputé (que ce membre manque ou ne fonctionne plus)... mais quand même (je ne veux rien savoir de cette disparition ou de cette paralysie) ]. Le « corps actuel » 26 , mutilé et paralysé, continue de faire vivre, sous forme d’habitudes gestuelles, un corps disparu d’avant la mutilation et la paralysie.
À l’évidence une forme de temporalisation spécifique est impliquée dans ce jeu de la perte et du maintien. Pour le corps actuel mutilé et paralysé, le corps intégral et sain n’est pas un passé dépassé, laissé en arrière pour ainsi dire par un présent qui se possibiliserait vers un nouveau futur. À ce passé qui refuse de passer, le corps présent est pour ainsi dire fixé ; mais cette temporalisation spécifique ne semble pas pouvoir reposer sur autre chose que sur une structure d’ipséité – même si ce dernier concept n’apparaît pas explicitement dans le texte de Merleau-Ponty. On ne voit pas en effet comment un manque éprouvé sous la forme d’un refus du manque pourrait s’attester autrement que dans un ipse.
C’est pourquoi Merleau-Ponty éclaire sans cesse le processus de fixation quasi-organique sous-jacent aux phénomènes d’anosognosie ou d’illusion des amputés, par des processus de fixation proprement psychiques à l’œuvre par exemple dans la pathologie amoureuse : il évoque en particulier la situation de celui qui, fixé à un impossible désir d’enfance, ne parvient plus à réaliser dans le présent de relation affective satisfaisante. Le sujet alors ne rouvre plus de nouveaux possibles, il répète ce qui a une fois été, c’est-à-dire le désir impossible et son échec. La temporalisation du sujet psychique est en quelque sorte ressaisie par l’extériorité d’inertie : plus rien de radicalement neuf n’est possibilisé en propre, mais seulement un futur déjà passé, mort et anonyme.
Or ce processus, souligne Merleau-Ponty, existe au sein du corps comme « fixation » purement organique. Le corps connaît lui aussi le refus de la futurisation et la fixation au passé non dépassé. Des concepts que la psychanalyse freudienne réservait à l’appareil psychique –« refoulement », « fixation » – sont donc réinvestis dans le corporel.
L’épineuse question des rapports entre psychique et corporel, que toutes ces analyses impliquent, ne peut être ici traitée. Disons seulement que psychique et corporel ne sont plus désormais que deux aspects d’un seul et unique « mouvement de l’existence » 27 , de cette temporalisation de l’ipse incarné que nous venons d’évoquer à propos de l’anosognosie et de l’illusion des amputés. Cette temporalisation comporte des modalités diverses. L’existant incarné peut se faire être en se projetant en avant de lui-même et en repoussant le passé toujours plus loin en arrière, ou en se laissant à l’inverse ressaisir par ce passé sans jamais parvenir à le dépasser définitivement. Cette temporalisation en ses modes variables porte et soutient non seulement le psychique, mais aussi le corporel. L’illusion des amputés et l’anosognosie, pour être des pathologies touchant au « corporel », n’en sont pas moins inexplicables par le dérèglement des « stimulations intéroceptives » au sein du corps objet : le corps mutilé ou paralysé est un ipse qui se temporalise sur le mode du refus d’abandonner un passé d’intégrité et de santé.
Il resterait à montrer comment l’ipséité corporelle porte une intentionnalité ad extra que Merleau-Ponty appelle « motrice » 28 , et qui désigne une véritable transcendance facticielle : la manière dont l’ipse corporel se rapporte, à travers l’être qu’il a à être et qui est sien, à l’être du transcendant. De nouveau, c’est en brisant l’insertion du corps objet dans l’espace objectif (c’est-à-dire en critiquant la réduction du « schéma corporel » à l’association de sensations localisées) qu’on parvient à libérer, non pas seulement une structure du corps objet (comme le font les théoriciens de la Gestalt), mais un corps sujet structurant (ici : spatialisant), ayant prise sur le monde par toutes ses puissances motrices. Merleau-Ponty écrit :
« Mon corps tout entier n’est pas pour moi un assemblage d’organes juxtaposés dans l’espace. Je le tiens dans une possession indivise et je connais la position de chacun de ses membres par un schéma corporel où ils sont tous enveloppés. » 29
Intégrées dans un « dessein global » 30 , les potentialités motrices du corps sujet déploient l’espace du monde pré-objectif comme articulation mobile des horizons internes et externes.
« Loin que mon corps ne soit pour moi qu’un fragment de l’espace, il n’y aurait pas pour moi d’espace si je n’avais pas de corps. » 31
De même que, tout à l’heure, le corporel se révélait comme circuit de l’ipséité temporalisante, de même maintenant, l’intégration dynamique de toutes les puissances d’action du corps propre se révèle comme transcendance mondanéisante. Et derechef c’est à partir d’une étude précise de travaux de pathologie cérébrale des années vingt – maintenant : l’étude du cas Schneider par Gelb et Goldstein – que Merleau-Ponty avance son interprétation phénoménologique.
Les troubles, chez Schneider, affectent non le corps « en soi », ni le psychisme « pour soi », mais la corporéité propre comme sujet incarné spatialisant. Les multiples et complexes déficiences d’ordre moteur, visuel, intellectuel, attestent une altération de ce qui chez le normal constitue l’essence même de la spatialisation : la projection, sous horizons internes et externes, de possibles. Le sujet malade ne se détermine plus à se mouvoir qu’à partir de la situation actuelle en tant que cette situation appelle d’elle-même certains « mouvements concrets » 32 . Schneider dit à Goldstein : « J’éprouve les mouvements comme un résultat de la situation » 33 . Détachée des exigences d’une tâche appelée par une situation concrète, une consigne ne sera exécutée par le malade qu’avec les pires difficultés. L’origine de la maladie, selon Merleau-Ponty, n’est à rechercher ni dans les lésions cérébrales (affectant le corps « en soi ») ni dans la pure capacité représentative du sujet (c’est-à-dire dans le psychisme « pour soi »), mais bien dans le « corps phénoménal » 34 : est touchée une manière spécifique pour le sujet incarné de déployer l’espace de monde et de s’installer en lui par toutes ses puissances d’action. Cette manière devient pathologique dès lors que le sujet cesse pour ainsi dire de projeter en avant de lui-même l’espace de monde comme espace de possibles et s’emprisonne dans les mouvements limités du corps actuel appelés par telle ou telle situation concrète. Effacement de la possibilisation, ressaisissement par l’extériorité d’inertie, c’étaient déjà des traits de la temporalisation pathologique sous-jacente au « refoulement organique ». Ici Schneider a besoin de mettre en mouvement effectivement son corps actuel, pour identifier un stimulus sur sa peau, ou pour décrire une position ou un mouvement de ses membres 35 . Tout se passe comme si, la « fonction de projection » disparue, le « sujet moteur » 36 s’était enlisé dans les mouvements actuels. À l’inverse le sujet normal ouvre sans cesse, du sein même de ses pouvoirs moteurs, de nouveaux possibles. Ici encore Merleau-Ponty n’a donc arraché la corporéité à l’extériorité d’inertie que pour mieux la redéployer comme ipse mondanéisant.
Cette ipséité est à la racine de ces « mouvements abstraits » 37 , qui sont précisément hors de portée du malade de Gelb et Goldstein, et qui consistent en anticipations d’actions possibles transcendant la situation actuelle. Goldstein a évoqué à ce propos, de manière très juste selon Merleau-Ponty, un « projet moteur (Bewegungsentwurf) », constitutif du corps propre comme ipse, et menacé d’effacement dans la maladie. Ce qui manque à Schneider, écrit Merleau-Ponty :
« Ce n’est ni la motricité ni la pensée, et nous sommes invités à reconnaître, entre le mouvement comme processus en troisième personne et la pensée comme représentation du mouvement, une anticipation ou une saisie du résultat assurée par le corps lui-même comme puissance motrice, comme "projet moteur" (Bewegungsentwurf), une "intentionnalité motrice" sans lesquels la consigne demeure lettre morte. » 38
Contre les orientations expresses de Husserl, il ne faut pas hésiter à doter le corps lui-même d’un « arc intentionnel », selon l’expression empruntée à F. Fischer 39 . « Le corps a son monde », dit Merleau-Ponty fortement en interprétant l’apraxie comme démondanéisation 40 .
« La vision et le mouvement sont des manières spécifiques de nous rapporter à des objets, et si, à travers toutes ces expériences, une fonction unique s’exprime, c’est le mouvement d’existence, qui ne supprime pas la diversité radicale des contenus, parce qu’il les relie non en les plaçant sous la domination d’un " je pense " , mais en les orientant vers l’unité intersensorielle d’un " monde " . » 41
Le pivot de toutes les intentionnalités, qui les unit comme donations d’un même monde, n’est pas l’Ego réfléchissant, mais le corps perceptivo-moteur.
« Le sujet normal a son corps non seulement comme système de positions actuelles, mais encore et par-là même comme système ouvert d’une infinité de positions équivalentes dans d’autres orientations. Ce que nous avons appelé le schéma corporel est justement ce système d’équivalences, cet invariant immédiatement donné par lequel les différentes tâches motrices sont instantanément transposables. » 42
Grünbaum a, selon Merleau-Ponty, remarquablement compris, que :
« la motricité, prise à l’état pur, possède le pouvoir élémentaire de donner un sens ( Sinngebung ). » 43
La « chair » comme enroulement du sentant sur le sensible dans Le visible et l’invisible
Abordons maintenant l’ultime tournant du chemin de pensée de Merleau-Ponty touchant à la question du corps. Il se dessine dans le manuscrit publié par C. Lefort sous le titre : Le visible et l’invisible, accompagné de Notes de travail rédigées entre 1959 et 1961.
L’important fragment du manuscrit intitulé : « L’entrelacs, le chiasme », peut servir de fil conducteur. L’ultime ontologie de la chair se constitue, pourrait-on dire, comme dépassement de la phénoménologie de l’ipséité corporelle de 1945, même si ce mouvement n’est guère perceptible, Merleau-Ponty situant rarement son nouveau projet par rapport à la Phénoménologie de la perception. Une Note de Juillet 1959 affirme toutefois que « les problèmes posés » dans cette dernière œuvre « sont insolubles » parce qu’on y part « de la distinction conscience objet » 44 . Cette autocritique quelque peu inexacte est immédiatement précisée d’une manière plus satisfaisante : c’est la distinction même du « corps objet » et du « corps phénoménal » comme être-au-monde qui désormais fait problème et qu’il faut dépasser. La subjectivité incarnée qui portait toute l’œuvre de 1945 doit être remise en chantier selon une démarche génétique qui défait la forme de l’ipséité pour la reconduire à la chair comme à son origine. Toutefois plusieurs Notes de 1959 montrent que Merleau-Ponty est loin d’avoir définitivement dépassé le concept de « transcendance » 45 . La chair désigne l’effort même, qui s’affirme toujours plus dans les Notes de 1960, pour aller au-delà de la transcendance. Effort qui n’aboutit nullement à la possession, par la pensée, d’une essence transparente. Au début de « L’entrelacs, le chiasme », Merleau-Ponty explique qu’il tente de remonter à « un mystère aussi familier qu’inexpliqué, <à une> lumière qui, éclairant le reste, demeure à son origine dans l’obscurité » 46 . Pour répondre à ce clair-obscur, le penseur utilise plusieurs stratégies.
L’une est la métaphorisation, comme lorsqu’on parle à propos de la chair de « feuillets », de « tourbillons », « d’enroulement », de « miroirs ». Parfois il s’agit de reprendre à la tradition un concept pour en détourner la signification d’origine (transposition de la « Verflechtung » husserlienne dans le concept « d’entrelacs »). Parfois un concept nouveau est frappé, celui de « chiasme » comme recroisement de ma chair sur la chair du monde. Mais la démarche la plus constante dans Le visible et l’invisible consiste à déconstruire la forme même de l’ipséité corporelle telle qu’elle était déployée dans la Phénoménologie de la perception, c’est-à-dire comme temporalisation et déploiement du monde comme articulation mobile des horizons internes et externes. Suivons cette démarche dans son mouvement qui libère la chair du monde et ma propre chair, dans leur nouvelle relation d’empiètement réciproque.
C’est désormais de la chair du monde qu’il faut partir, en inversant complètement le mouvement de pensée qui portait le maître ouvrage de 1945. Dans cette dernière œuvre, le sujet incarné constitue des qualités de choses relativement constantes au sein de champs sensibles stabilisés (par l’auto équilibration du corps propre), puis les choses mêmes comme typiques de qualités (par unification synthétique du corps propre avec lui-même), puis le monde comme typique de toutes les typiques chosiques, qui se profile sans pouvoir jamais être saisie 47 . Dans Le visible et l’invisible, tout s’inverse : la pensée va, non plus, du corps qui se transcende, au monde, mais de la chair du monde à ma propre chair. Dès septembre 1959, Merleau-Ponty écrivait : les conduites humaines sont « un certain prélèvement sur l’Être d’indivision, une certaine manière de moduler le temps et l’espace » 48 . Une Note un peu postérieure de mai 1960 commence par décrire la « chair du monde » comme « ségrégation, dimensionnalité, continuation, latence, empiètement », pour ensuite ajouter « que nous sommes déjà dans l’être ainsi décrit, que nous en sommes, que, entre lui et nous, il y a Einfühlung ». Autrement dit, « mon corps est fait de la même chair que le monde » 49 , et « c’est par la chair du monde qu’on peut en fin de compte comprendre le corps propre » 50 .Le monde rayonne et notre chair n’est que le recueil de ces multiples vibrations 51 . L’étude de la perception de la qualité rouge, qui ouvre « L’entrelacs, le chiasme », est tout entière aimantée par la volonté d’arracher cette qualité à l’emprise de la transcendance facticielle.
Dans la Phénoménologie de la perception, pas de constance des couleurs qui ne soit constance dans un champ, pas de champ où ne se répartisse un certain éclairage, pas d’éclairage qui ne soit visibilité que l’ipse corporel se donne comme norme de constitution du champ. Une quinzaine d’années plus tard, le paysage a totalement changé, Merleau-Ponty définit ainsi la qualité rouge :
« C’est un certain n œ ud dans la trame du simultané et du successif. C’est une concrétion de la visibilité, ce n’est pas un atome. » 52
Le rouge est devenu pour ainsi dire une modulation typique de la visibilité, comme s’il y avait des « tons » dans l’Être 53 . Les modulations typiques du visible – les « ondes de l’Être » 54 , dit Merleau-Ponty – suscitent le percevoir, au lieu que le sujet percevant constitue des choses avec leurs qualités 55 . Le monde n’est plus domaine d’ouverture pour les choses et les qualités, mais bien ce « domaine étrange » 56 où tout est « dimensions, articulation, niveau, charnières, pivots, configuration » 57 .
Par cette vibration intérieure invisible qui creuse son être visible, le monde est chair. Non pas donc simplement typique de choses et qualités vues, touchées, entendues, mais « tissu » invisible qui « double » les choses, « les soutient, les nourrit et qui, lui, n’est pas chose, mais possibilité, latence et chair des choses » 58 . Être éminemment paradoxal, « à deux feuillets », ou plutôt être « de tourbillon », « d’enroulement » 59 du sensible sur le sentant et du sentant sur le sensible. Creusées d’un invisible « noyau d’absence » 60 , les choses visibles pour ainsi dire vivent. En novembre 1960, Merleau-Ponty écrit :
« La pulpe même du sensible son indéfinissable , n’est pas autre chose que l’union en lui du " dedans " et du " dehors " , le contact en épaisseur de soi avec soi – L’absolu du " sensible " , c’est cette explosion stabilisée, i.e. comportant retour. » 61
De cette chair du monde à ma chair, il n’y a aucun rapport de constitution marqué par l’inégalité qui ferait du monde le constitué et de l’ipséité corporelle le constituant ; le concept de transcendance facticielle mondanéisante est bien brisé. Ma chair, tout comme celle du monde, est « tourbillon », « enroulement » du sensible sur le sentant. Dans ce « tout comme » s’efface l’inégalité du constituant et du constitué. Ma chair, elle aussi, dit Merleau-Ponty,
« est un être à deux feuillets, d’un côté chose parmi les choses et par ailleurs celui qui les voit et les touche. » 62
Ma chair elle aussi est « enroulement du visible sur le corps voyant, du tangible sur le corps touchant » 63 . Moi et les choses, faits du même tissu, sommes comme deux « prototypes » d’un seul et même « être charnel » 64 , qui creuse le visible d’invisible, le présent d’une absence, et enroule les premiers sur les seconds. De la fameuse expérience du touchant-touché, avec son ébauche de réversibilité 65 , je dois admettre qu’elle s’effectue au sein des choses mêmes transcendantes et pas dans la seule immanence de la subjectivité incarnée.
Dans la Phénoménologie de la perception, le sentir « en propre » conservait un privilège sur le monde sensible. Avant de reconnaître qu’une facticité « engluait » le sentant dans le sensible 66 , Merleau-Ponty commençait par souligner fortement le mouvement de transcendance qui portait le sentant sous la forme du projet moteur constituant, en réponse aux stimuli, toutes les modulations de la couleur. Il écrivait :
« La couleur avant d’être vue, s’annonce (…) par l’expérience d’une certaine attitude du corps qui ne convient qu’à elle et la détermine avec précision » 67 .
Dans « L’entrelacs, le chiasme », en revanche, l’expérience privilégiée de la palpation des choses atteste d’une immersion totale et sans reste du sentant dans les sensibles.
« Il faut qu’entre l’exploration et ce qu’elle m’enseignera, entre mes mouvements et ce que je touche, existe quelque rapport de principe, quelque parenté, selon laquelle ils ne sont pas seulement, comme les pseudopodes de l’amibe, de vagues et éphémères déformations de l’espace corporel, mais l’initiation et l’ouverture à un monde tactile. Ceci ne peut arriver que si, en même temps que sentie du dedans, ma main est aussi accessible du dehors, tangible elle-même, par exemple, pour mon autre main, si elle prend place parmi les choses qu’elle touche, est en ce sens l’une d’elle, ouvre enfin sur un être tangible dont elle fait aussi partie. Par ce recroisement en elle du touchant et du tangible, ses mouvements propres s’incorporent à l’univers qu’il interrogent, sont reportés sur la même carte que lui ; les deux systèmes s’appliquent l’un sur l’autre comme les deux moitiés d’une orange. » 68
Entre ma chair et la chair du monde, nulle inégalité, mais une sorte de circulation – je pénètre dans la chair du monde qui réciproquement me pénètre et c’est le recroisement l’un sur l’autre de ces deux mouvements inverses qui constitue le « chiasme ». Cette pensée du chiasme culmine dans une métaphore absolument remarquable, celle de deux mouvements circulaires (ou tourbillonnaires). Ma chair et la chair du monde sont comme deux mouvements circulaires de sens inverse – chaque tourbillon enroule le sensible sur le sentir 69 et pénètre dans l’autre tourbillon qui se meut en sens inverse. Ma chair sentante s’extériorise dans le monde sensible, la chair sentante du monde s’extériorise dans mon corps sensible. Chaque chair pénètre dès lors dans l’épaisseur de l’autre, dans une sorte « d’enjambement », « d’empiètement » 70 réciproque, c’est-à-dire parfaitement réversible. Merleau-Ponty écrit en novembre 1960 :
« L’idée du chiasme c’est-à-dire : tout rapport à l’être est simultanément prendre et être pris, la prise est prise, elle est inscrite et inscrite au même être qu’elle prend. » 71
Merleau-Ponty atteint ici ce qu’il cherchait à penser, par déblaiement de ce qui pour ainsi dire obstruait son champ de vision : l’ipséité corporelle. Une superbe métaphore optique résume le point d’arrivée du penseur et l’effacement définitif de la phénoménologie du sujet incarné. Entre ma chair et celle du monde se forme une visibilité
« comme sur deux miroirs l’un devant l’autre naissent deux séries indéfinies d’images emboîtées qui n’appartiennent vraiment à aucune des surfaces, puisque chacune n’est que la réplique de l’autre, qui donc font couple, un couple plus réel que chacune d’elles. De sorte que le voyant étant pris dans cela qu’il voit, c’est encore lui-même qu’il voit : il y a un narcissisme fondamental de toute vision. » 72
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Le visible et l’invisible, texte établi et édité par C. Lefort, Paris, Gallimard, 1964, p. 172-204. (Abréviation : V.I .). ↩
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V.I ., p. 242. ↩
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La Structure du comportement, Paris, P.U.F. 1972, ch. 1 et 2. (Abréviation : S.C .). ↩
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Cf. le titre du ch. 3 de la S.C . : « L’ordre physique, l’ordre vital, l’ordre humain ». ↩
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S.C ., p. 186. ↩
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S.C ., p. 136. ↩
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S.C ., p. 199. ↩
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S.C ., p. 147. ↩
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Cf. S.C ., p. 139 : La spécificité de l’organisme par rapport à la simple nature matérielle est « non pas substantielle mais structurale ». L’ontologie de la vie, à l’époque, semble s’incarner pour Merleau-Ponty dans la voie impraticable du « vitalisme » – il ne semble pas encore avoir lu Driesch, sur le quel il fera un Cours important au Collège de France en 1959-60, mais en revanche il critique volontiers le « vitalisme raffiné » (S.C ., p. 171) de Bergson dans L’évolution créatrice. Symétriquement Merleau-Ponty critique les tendances de Koffka, Koehler, Wertheimer, à donner une interprétation matérialiste des structures vitales (S.C ., pp. 141-147). ↩
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S.C ., p. 139. ↩
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S.C ., p. 140. (Nous soulignons). ↩
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S.C ., p. 148. ↩
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S.C ., p. 157. ↩
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S.C ., p. 157. ↩
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S.C ., p. 136. ↩
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S.C ., p. 161. ↩
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S.C ., p. 161. ↩
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S.C. , p. 160. ↩
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Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945, titre de l’Introduction. (Abréviation : P.P .). ↩
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J. Stein, « Sur les changements des actions des sens (der Sinnesleistungen) et sur la naissance d’illusions perceptives », in Manuel des maladies mentales, t 1, 1928. ↩
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P .P ., p. 89. ↩
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P .P ., p. 92. ↩
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P .P ., p. 95. ↩
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Ibid. ↩
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P .P ., p. 97. ↩
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P.P. , p. 97. ↩
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P .P ., p. 99. Un peu plus loin (p. 104), Merleau-Ponty écrit : « L’homme concrètement pris n’est pas un psychisme joint à un organisme, mais ce va-et-vient de l’existence qui tantôt se laisse être corporelle, et tantôt se porte aux actes personnels. » ↩
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P .P ., p. 128. ↩
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P .P ., p. 114. ↩
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P .P ., p. 115. ↩
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P .P ., p. 119. ↩
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P .P ., p. 121. ↩
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P .P ., p. 122. ↩
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P .P ., p. 123. ↩
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P .P ., p. 124. ↩
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P .P ., pp. 128-129. ↩
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P .P ., p. 127. ↩
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P .P ., p. 128. ↩
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Dans un article de 1930 de la Revue de neurologie générale et de psychiatrie : « Structure de l’espace et du temps et destruction de la pensée dans la schizophrénie », P. p. 158. ↩
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P .P ., p. 162. ↩
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P .P ., p. 160. ↩
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P .P ., p. 165. ↩
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P .P ., p. 166. Grünbaum, « Aphasie et motricité », in Revue de neurologie générale et de psychiatrie, 1930. ↩
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V .I ., p. 253. ↩
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V .I ., p. 239/245. ↩
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V .I ., p. 172. ↩
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P.P., Partie II ch. 3. ↩
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V .I ., p. 262. ↩
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V .I ., p. 302. ↩
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V .I ., p. 304. et p. 247 : « les choses nous ont, (…) ce n’est pas nous qui avons les choses ». ↩
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« Puisque le visible total est toujours derrière, ou après, ou entre les aspects qu’on en voit, il n’y a accès vers lui que par une expérience qui, comme lui, soit toute hors d’elle-même : c’est à ce titre, et non comme porteur d’un sujet connaissant, que notre corps commande pour nous le visible, mais il ne l’explique pas, ne l’éclaire pas, il ne fait que concentrer le mystère de sa visibilité éparse ; et c’est bien d’un paradoxe de l’Être, et non d’un paradoxe de l’homme qu’il s’agit ici. » (V .I ., p. 180). ↩
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V .I ., p. 174. ↩
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V .I ., p. 178. ↩
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V .I ., p. 180. Cf. aussi une Note du 20 Mai 59, qui discute La pensée et le mouvant de Bergson et évoque « l’être comme serpentement », expression commentant cette autre : « modulation de l’être au monde » (V .I ., p. 247). ↩
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« Quel est ce talisman de la couleur, cette vertu singulière du visible qui fait que, tenu à bout de regard, il est pourtant bien plus qu’un corrélatif de ma vision, c’est lui qui me l’impose comme une suite de son existence souveraine ? » (V .I ., p. 173). ↩
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V .I ., p. 185. ↩
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Note de Déc. 1959, V .I ., p. 277. ↩
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V .I ., p. 175. ↩
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V .I ., p. 182/191. ↩
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V .I ., p. 283 (Janvier 1960). ↩
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V .I ., p. 321. ↩
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V .I ., p. 180. ↩
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V .I ., p. 191. ↩
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V .I ., p. 179. Sur l’être charnel et ses paradoxes, l’étude du développement embryonnaire dans lequel « le voyant se prémédite », apporte quelques lumières (V .I ., p. 193 ; et commentaire des travaux de Coghill, Driesch dans les Cours au Collège de France en 1958-59 et 1959-60). ↩
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V .I ., p. 194. ↩
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P .P ., pp. 246-49. (La Table des matières forge p. 529 la formule : « la conscience engluée dans le sensible »). C’est dans ces pages que Merleau-Ponty s’approche des limites de sa phénoménologie du sentir. Le sentir devient « coexistence », « communion » (p. 247), ma sensation « s’accouple » (p. 248) avec la qualité. De sorte que (p. 248) le bleu du ciel « se pense en moi », « je suis le ciel même qui se rassemble, se recueille et se met à exister pour soi, ma conscience est engorgée par ce bleu illimité ». ↩
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P .P ., p. 244. ↩
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V .I ., p. 176. ↩
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V .I ., p. 182. « Le corps senti et le corps sentant sont comme l’envers et l’endroit, ou encore comme deux segments d’un seul parcours circulaire qui, par en haut, va de gauche à droite, et par en bas de droite à gauche mais qui n’est qu’un seul mouvement dans ses deux phases. » ↩
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V .I ., p. 177. ↩
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V .I ., p. 319. ↩
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V .I ., p. 183. ↩